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sur 726 notes
Le cimetière de Prague n'a pas vraiment une thématique très grand public, et j'imagine que bon nombre de lecteurs se lasseront rapidement du roman.

Heureusement pour moi, je me suis toujours délecté, avec un sentiment de supériorité un peu vain, des récits, vidéos et blogs racontant comment les juifs détiennent le monde de la presse et de la finance, que Sarkozy est une créature des franc-maçons déterminé à imposer un gouvernement mondial, et qu'Obama est en réalité une créature extraterrestre reptilienne qui a sournoisement pris le contrôle du monde. Outre la créativité et l'imagination débordante qu'on ne peut qu'applaudir, il me semble essentiel de comprendre comment l'esprit humain peut absorber aussi aisément de telles âneries. J'ai eu également une courte période ésotérique à la fin de l'adolescence (sur l'interprétation des rêves) qui s'est rapidement terminée, mais je suis toujours ébahi de voir des adultes à la tête apparemment solidement installée sur les épaules à adhérer à ces thèses. J'ai perdu d'innombrables heures à lire des histoires de ce type, et je n'en étais pas très fier ; aussi, savoir que quelqu'un comme Umberto Eco l'a visiblement fait aussi me met un peu de baume au coeur.

L'écrivain met un scène un homme, Simonini, faussaire de génie et nourri aux thèses antisémites par son grand-père, qui va forger à lui tout seul une bonne partie de la littérature complotiste qui a fleuri au XIXe siècle : protocoles des sages de Sion, complots jésuites, dénonciations d'adorateurs du diable, rituels de la franc-maçonnerie, … La littérature a été particulièrement abondante sur le sujet.

À la manière d'un Forest Gump des siècles passés, Simonini va toujours se retrouver au bon (ou mauvais?) endroit au bon moment, et sera chargé de réaliser quelques textes inspirés pour les services secrets de divers pays. Il croisera de nombreux personnages qui ont croisé l'histoire du siècle : Garibaldi, les participants de la Commune de Paris, l'affaire Dreyfus, Drumont, … et d'autres faussaires qui ont à leur époque défrayés la chronique : Léo Taxil, l'abbé Boullan, …

Si on a déjà goûté à cette curieuse littérature, on appréciera certainement de voir tous ces noms connus inspiré par une seule et même personne, d'autant que Simonini est assez pittoresque et attire facilement la sympathie. Dans le cas contraire, j'imagine que l'accumulation de ces complots sans queue ni tête irritera bien vite le lecteur, et même l'écriture d'Eco ne suffira pas à les retenir longtemps dans ces pages.
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Je vois la note moyenne de cet ouvrage et me dis : "Ah bon ?". Je suis souvent à contre-courant il semblerait...

Quel plaisir de lire un Umberto Eco avec les ficelles qu'on a aimé dans "Le nom de la Rose", avec ces complots à l'échelle mondiale, dans les rues de Paris ou Turin où il nous décrit si bien les décors qu'on pourrait sentir la puanteur des lieux. Où on mangerait les mêmes mets aux mêmes tables, en s'enivrant du même vin.

Mais peut-être faut-il déjà aimer Umberto Eco depuis longtemps pour cela... ou peut-être, ai-je perdu en objectivité... peut-être... après tout, un de mes chiens s'appelle Eco et ce n'est pas pour rien...
Mais le fait que j'ai moins apprécié par la suite Numéro Zéro me fait penser que j'ai simplement aimé ce livre pour l'oeuvre qu'il est.
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Trente ans après le Nom de la rose, voici le dernier roman d'Umberto Eco. Enorme succès en Italie, et il y a de quoi !
Comme tous ses autres romans, il comporte une intrigue à rebondissements qui tient en haleine. Egalement comme dans tous les autres, l'époque du cadre détermine, outre la trame, le style ainsi que le climat intellectuel, par un système complexe de renvois littéraires et par leur imitation, citation et pastiche. Comme dans certains autres, nous sommes en présence d'une structure double entre intrigue (alias : story, ou fabula) et histoire (alias : plot, ou sjuzet - diraient les formalistes russes). Comme dans L'Ile du jour d'avant, le héros est lui-même dédoublé en deux alter-ego (ici un pseudo-abbé et un pseudo-notaire). Comme dans le Nom de la rose, la description initiale dans les toutes premières pages est simplement merveilleuse. Comme dans le Pendule de Foucault, il est amplement question de falsification, de calomnie, d'hermétisme, d'occultisme, de franc-maçonnerie... Comme dans Baudolino, le héros est un falsificateur, un menteur, un fraudeur, en beaucoup plus crapuleux cette fois-ci. Fin des analogies. Fin des remarques de forme-structure.
Le cadre donc, c'est le XIXe siècle (avec ses feuilletons et ses Dumas et Eugène Sue) entre Turin, Palerme et surtout Paris, et les chapitres d'Histoire directement convoqués : le Risorgimento (mouvement pour l'unification du Royaume d'Italie) et la Commune de Paris (1870). S'il faut caractériser en un seul mot le contexte intellectuel, il s'agit de la résurgence massive de l'antisémitisme en Europe, avec la diffusion de la phobie du "complot judaïco-maçonnique mondial", créée ou alimentée par deux célèbres faux historiques : le Protocole des Sages de Sion et, comme épilogue, le bordereau Dreyfus. Entre parenthèses, une lecture psychanalytique à plusieurs niveaux du protagoniste, de son dédoublement et aussi de son antisémitisme, est possible, grâce à un savoureux clin d'oeil au Juif autrichien ("ou allemand, c'est pareil" !) le docteur Froïde, consommateur de cocaïne...
Le (double) anti-héros représente donc un salaud d'espion envoyé infiltrer les garibaldiens, puis créer de toutes pièces les fameux faux, ainsi qu'orchestrer des campagnes de désinformation tantôt anti-jésuites, tantôt anti-maçonniques, tantôt anti-satanistes, tantôt - pour son plus grand bonheur ! - antisémites.
L'auteur précise qu'à part ce personnage, tous les autres parmi ses complices et ses victimes ont réellement existé et commis les actes leur étant inscrits ; et quant au protagoniste, "il fait des choses qui ont été réellement faites, sauf qu'il en fait beaucoup, qui ont donc probablement eu des auteurs différents. Mais, sait-on jamais, lorsqu'on évolue entre services secrets, agents doubles, officiers félons, ecclésiastiques pécheurs, tout peut advenir. Même que l'unique personnage inventé de cette histoire soit le plus vrai de tous, et qu'il ressemble énormément à d'autres qui sont encore parmi nous."...
Cette dernière considération sonnait comme une promesse aux Italiens, observateurs toujours avides de la chose politique... Pour ma part, cet engagement (on parle d'intellectuel "engagé", n'est-ce pas) n'a pas été véritablement tenu, car les similitudes attendues sont insuffisantes, surtout sur le plan... luxurieux. le débat italien trouve cependant un autre aliment nourrissant lié à son air du temps : tout ce qui gravite autour des commémorations du 150ème anniversaire de l'Unité nationale.
Mais même en-dehors de ces questions très péninsulaires, et je dirais également au-delà des lecteurs français qui sont privilégiés pour d'autres aspects, tout un chacun y peut trouver son compte, son plaisir et, naturellement, une très grande actualité - désinformation, falsification, complots... etc. -.

[critique datée 15/01/2011]
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Faussaire, réactionnaire, antilibéral, antisémite, anticlérical, détestant aussi bien les francs-maçons, que les jésuites et les femmes, le portrait du protagoniste est haut en couleurs. A cette longue liste, encore faut-il rajouter amnésique à la suite d'un probable traumatisme. Voilà pourquoi Umberto Eco nous propose de plonger dans les écrits de Simon Simonini... et ceux d'un comparse pour le moins mystérieux : l'abbé Dalla Piccola.

Il s'agit ici d'un véritable roman historique qui s'enrichit constamment au fil du texte. S'il est d'abord question de l'Unité italienne et de la Commune, le récit développe ensuite des références à l'occultisme (Léo Taxil) et à l'affaire Dreyfus. Pour donner une petite comparaison nous nous situons ici entre le nom de la rose et le pendule de Foucault. Les personnages historiques (Freud, Garibaldi, Dumas, Daudet, Taxil...) croisent des inventions de l'auteur. La galerie est impressionnante.

Il faudra donc avoir une certaine sensibilité historienne pour apprécier cette lecture. le style est ici asse neutre, puisque les narrations évoquent des pensées qui pourraient aujourd'hui être condamnés. Malgré de nombreuses illustrations et un style d'écriture absolument onctueux, le livre reste volumineux : il s'agit d'un Pavé !

L'auteur se démène pour accrocher l'intérêt du lecteur : triple niveau de narration, références à la cuisine et scénario bien ficelé, avec des nombreux bons mots ou traits d'esprits réussis. Si une révélation est prévisible, la plupart des retournements de situations sont plutôt bien amenés.

Fort heureusement il se passe toujours quelque chose. S'il est question de rédaction de document sur lesquels se sont appuyés antisémites et anti francs-maçons, l'auteur nous livre également un roman d'espionnage et d'aventure. de quoi nous empêcher de laisser tomber cette lecture.

Bien qu'évoquant des thèmes centraux particuliers qui mettront du temps à émerger (dommage que la quatrième de couverture soit aussi bavarde), voici un roman qui devrait plaire aux adeptes d'occultisme et de XIXème siècle. Un grand roman, une histoire intéressante mais qui risque de froisser certaines susceptibilités (notamment de par les attaques misogynes et antisémites). L'ironie doit ici être savourée à sa juste saveur.
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Voyage initiatique dans les bas-fonds du dix-neuvième siècle, épopée faussaire et schizophrène, ce roman dont presque tous les personnages ont vraiment existé, trouble le lecteur. Qui nous raconte tout cela? le personnage de Simonini, louche gastronome, espion raté, inventeur de réalités de substitution, est-il aussi l'abbé Dalla Picolla? L'a-t-il tué? Qui dit vrai? Qui ment? Tout semble perdre pied. Simonini invente des documents pour prouver le complot juif, il crée les Protocoles des Sages de Sion et le bordereau de l'affaire Dreyfus, il s'entoure de poseurs de bombes, de Francs-Maçons et de femmes hystériques, participe à l'indépendance de l'Italie et à des messes noires. Croit-il en ce qu'il fait et en ce qu'il voit? Il sait qu'il invente tout mais il y croit quand même. Il crée de toutes pièces les preuves de son antisémitisme et il pense ainsi rendre service à l'humanité. Ce qui trouble vraiment dans ce roman, c'est que, contrairement à ses personnages, l'auteur n'invente presque rien, que ce monde haineux, pouilleux, dégueulasse semble avoir réellement existé et avoir été la fange dans laquelle a pu poussé cette solution finale que le livre ne fait qu'évoquer mais qui n'est autre que le fruit pourri d'une gigantesque supercherie. La suite du Cimetière de Prague est trop connue pour que ce roman ne donne pas froid dans le dos.
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Du grand Umberto Eco !

L'histoire du 19eme siècle racontée de manière très érudite à travers les yeux de Simonini, un pseudo-espion schizophrène haïssant son prochain, surtout s'il est juif ou maçon, mais pas seulement. Une particularité cruciale: à l'exception de ce triste personnage, tout les autres personnages et les faits rapportés sont historiques !

C'est ainsi que l'on assiste à la naissance de l'antisémitisme moderne avec la genèse du Protocole des Sages de Sion, suit l'affaire Dreyfus et plonge dans les méandres d'une société européenne malade avec force sociétés secrètes en tout genres et des espions et conspirateurs à la solde du plus gros portefeuille.

Le style et la structure du roman est à l'image de ce siècle, confus et peut rebuter (visiblement plus d'un). N'étant pas un historien avide de détails, j'ai fait le choix de ne pas m'arrêter là dessus et de me laisser porter par les grandes lignes de l'intrigue, pour laquelle la synthèse chronologique fournie à la fin du livre est fort utile, sans m'inquiéter de ne pas saisir toutes les subtilités des changements de perspective narrative et de police censés nous aider à cela.

Outre l'intérêt historique, et à condition d'arriver à passer outre la complexité de la structure et du style, on se laissera happer par un roman à suspense mené d'une main de maître.

J'ai constaté avec surprise la critique formulée par certains selon laquelle cette oeuvre pourrait être vue comme faisant l'apologie nomment de l'antisémitisme. Cela n'a aucun fondement à mon sens et ne m'a jamais traversé l'esprit, tellement le talent d'Umberto Eco amène naturellement le lecteur à se moquer des non-sens enfilés par le héros, le genre de héros que l'on adore haïr tellement sa bêtise et son opportunisme sautent aux yeux.
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Un roman particulier, qu'il faut prendre au 3ème degré, même si on parle là quand même de la mise en place de l'antisémitisme généralisé, mais qui est tragiquement à friser le ridicule tant les situations sont parfois grotesques ou pathétiques. Ce personnage, apparemment le seul fictif de la bande, est si ridicule qu'on se demande bien comment il a fait pour avoir autant d'influence sur L Histoire mais c'est un fait aujourd'hui, les Protocoles sont malgré leur invention une référence dans les milieux racistes et antisémites...
Au-delà du personnage détestable de Simonini, Umberto Eco nous fait traverser ce XIXème siècle chaotique et versatile et on navigue donc parmi les guerres Garibaldiennes, celles de Napoléon Bonaparte (3ème du nom), la Commune et l'Affaire Dreyfus, pic de la mouvance antisémite de l'époque, aujourd'hui encore véritable plaie de l'Histoire Française...
Notre "héros" joue le rôle de trublion dans les affaires d'État et religieuses, en trimballant sa haine des Juifs et en favorisant les fameuses fake news dont on se gave aujourd'hui.
Bref, du Cimetière de Prague il n'est question qu'un temps pour cette réunion de méchants pourfendeurs du Monde que sont les Juifs mais un roman assurément fort de son érudition, mais de la part de Umberto Eco, est-ce si étonnant?
Pour qui veut lire, avec recul évidemment, une histoire énorme, et c'est là toute la force de la littérature, voire le danger parfois, ce roman est pour vous!
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Une fois commencé, je n'ai pu lâcher ce roman (comme beaucoup de livres d'Umberto Eco).
On y retrouve les thèmes chers à l'auteur déjà développés notamment dans le Pendule de Foucault (théorie du complot, paranoïa, mensonge généralisé, fabrication de faux, franc-maçonnerie...) abordés ici de manière plus accessible qu'à l'accoutumée. le plaisir purement romanesque est au centre de l'oeuvre et l'érudition de l'auteur sert parfaitement le propos sans tomber dans la surenchère ou la lourdeur "encyclopédique".
Tout y est : le fond (l'intrigue, le cadre historique, l'incroyable galerie de personnages, la tension constante...) et, surtout, la forme (un vrai labyrinthe où plusieurs voix se mêlent, se démêlent, s'emmêlent, pour finalement former un ensemble solide, cohérent).
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Trente ans après le nom de la rose, Umberto Eco renoue avec le roman historique mais cette fois le roman nous plonge tout entier dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Avec ce roman, Umberto Eco lève le voile sur ce monde peu connu de l'espionnage. Il nous présente une Europe quadrillée par un réseau d'espionnage et contre espionnage complexe, de toutes nationalités qui influence toute la politique européenne de l'époque, des campagnes garibaldiennes, à la Commune de Paris en passant par l'affaire Dreyfus. Mais c'est surtout autour de la propagande antisémite et antimaçonnique que se cristallise le thème du roman. Umberto Eco nous offre un roman historique passionnant très proche des faits réels puisque seul le personnage principal et les personnages mineurs n'ont jamais existé. On est entièrement projeté dans un Paris lugubre ou règne la conspiration et les complots. le seul petit reproche que je pourrais faire à ce très bon roman, c'est la longueur qu'il ma fallu pour être entièrement plongé dans l'intrigue. J'ai eu l'impression que l'épisode garibaldien n'était pas vraiment indispensable à l'intrigue. Mais une fois cette partie terminé, j'ai été complètement absorbé par l'intrigue. le Cimetière de Prague est donc, à n'en pas douté un excellent roman même si d'un point de vue personnel, je préfère le nom de la rose que je considère comme un chef d'oeuvre du genre.
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Umberto Eco est né en 1932, médiéviste, sémioticien, philosophe, critique littéraire et romancier il a connu un succès mondial avec son roman le nom de la Rose en 1980.
Un nouveau roman de Umberto Eco c'est toujours la promesse gourmande de longs moments de lecture érudite avec ce je ne sais quoi qui nous replonge dans la littérature du XIXe siècle, le cimetière de Prague en est la preuve évidente.
Le romancier qui ne s'en cache pas et d'ailleurs les cite, nous entraîne dans une folle aventure digne des meilleurs Dumas ou Eugène Sue, ces spécialistes des gros pavés truffés d'histoires à rebondissements et de complots machiavéliques. le roman se déroule entre 1830 et 1890 à travers l'Europe, où le « héros » Simon Simonini faussaire de talent et espion à la solde de tous, croisera dans le désordre, Napoléon III, Garibaldi, le roi Victor-Emmanuel, les Carbonari, les Francs-maçons, les Jésuites, des spirites, j'en passe et des meilleurs, la liste des personnages serait trop longue à énumérer. Il y a foison de complots, des cadavres planqués dans les égouts, des messes noires, un double de Simonini en l'abbé Dalla Piccola, soyons franc, on a parfois un peu de mal à suivre tout ce beau monde dans leurs activités méprisables.
Car c'est là, le parti pris d'Umberto Eco, avoir choisi comme personnage principal de son roman ce Simonini qui s'avère être un ignoble individu, sans aucune qualité, sans morale et surtout animé d'un antisémitisme total qui motive toutes ses actions et toute sa vie. Tous les complots dans lesquels il va tremper n'ont qu'un but, discréditer les Juifs. Cador dans son métier de faussaire, il est bien vite connu sur la place et de toute l'Europe, de tous bords, les mouches attirées par ce miel utiliseront ses services pour créer de faux documents afin de faire accuser tel ou tel, et il finira par devenir le créateur du tristement célèbre Protocole des Sages de Sion, cet évangile antisémite. L'espionite atteint de tels niveaux de complexité que parfois c'en devient ridicule et comique dans les situations, Umberto Eco n'étant pas non plus avare de réflexions pleines d'humour.
Le livre aurait fait polémique en Italie – j'écris « aurait » car Eco dément et peut-être n'est-ce qu'un coup du marketing – accusant l'écrivain d'antisémitisme. Pour ma part, je dois reconnaître que ce livre me met mal à l'aise. Umberto Eco n'est pas antisémite, j'en suis certain, mais son roman trop intelligent, trop second degré (voire plus) pourrait être mal lu ou mal interprété.
Le point faible de ce roman, à mon avis, c'est qu'il est trop bien écrit ! Tous les personnages et les faits cités sont réels (sauf Simonini). Eco décrit la manière de mettre en branle le soit disant complot universel fomenté par les Juifs pour conquérir le monde, afin de mieux le dénoncer – et je maintiens que c'est son but – mais il le fait d'une telle façon, qu'à la lecture de son roman on ne s'indigne pas réellement de ce Simonini, qu'à suivre ces aventures rocambolesques on se prête au jeu du feuilleton. A compiler tout ce que la littérature antisémite à déjà semé dans l'esprit des gens, qui plus est sous cette forme romanesque admirablement écrite, il concourt à répandre ce qu'il dénonce, « les gens oublient facilement ce qu'ils ont appris et, quand on leur fait prendre pour argent comptant ce qu'ils on lu dans un roman, ils ne s'avisent que vaguement qu'ils en avaient déjà entendu parler, et ils ont confirmation de leurs croyances ». Vertigineuse mise en abîme qui d'un point vue strictement intellectuel est remarquable, mais n'est-ce pas aussi renforcer insidieusement le sentiment anti-juif de quelques esprits faibles. Si Umberto Eco voulait soulever une polémique, il y a là matière à discuter.
Pour conclure, un gros livre qui se lit comme du Dumas pour l'ampleur des aventures et des personnages et si parfois on perd un peu pied ce n'en est que plus grisant. On retrouve aussi toute l'érudition d'Eco à travers les faits historiques et les quelques mots rares (mais pas trop, ici) dont il a l'habitude de parsemer ses ouvrages et qui font mon régal. Umberto Eco fait confiance à notre intelligence pour le lire comme il convient, ne le décevons pas.
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