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Danièle Valin (Traducteur)
EAN : 9782232122088
126 pages
Editions Seghers (11/03/2002)
3.96/5   14 notes
Résumé :

Erri De Luca est né à Naples en 1950. Il s’est établi depuis une dizaine d’années dans la campagne romaine. Un lieu spartiate, une ancienne étable qu’il a aménagée. C’est là qu’il a écrit la dizaine de livres – traduits en français – qui l’ont rendu célèbre. Son parcours mérite qu’on y prête attention. En 1968, Erri De Luca a dix-huit ans. Il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Les eaux d' Erri de Luca viennent de loin: des écrits bibliques, patiemment traduits et interrogés dans Noyau d'olive, mais elles dérivent, cascadent, divergent, affluent et refluent au gré de sa mémoire à lui, de sa sensibilité d'homme d'aujourd'hui.

Elles éclaboussent quelques rives en guerre, déposent comme des alluvions le limon de la peine, ravinent le sol sec de nos oublis. Elles déferlent sous le vent de l'exode, déposent des corps sans vie et sans nom sur nos rivages touristiques, des Jésus nés sur la vague et rendus à l'écume, avec des Marie en pleurs qui ont des noms difficiles à prononcer..

Les eaux baignent de leurs larmes la terre des hommes, mais sans l'attendrir: parfois une catastrophe au Japon ou ailleurs secoue quelques gouttelettes sur nos mémoires.

Mais l'eau ruisselle, royale, impérieuse, indifférente, vers d'autres gouffres "interdits à nos sondes"...

Le montagnard qu'est De Luca la préfère en cristaux de neige, éblouissante sur les sommets qu'il escalade, même si ses tempêtes se nomment avalanches et ses noyades crevasses..

de Ponge à Rimbaud, de Bachelard à Saint John Perse, sur un thème qui n'a cessé de titiller poètes et philosophes, Erri de Luca, à son tour, décline des variations lyriques, presque trop courtes - bien que j'aie tenté d'en suspendre un peu le cours par les multiples barrages de mes pauses-citations... Il faut puiser dans ces minuscules retenues, s'y désaltérer- si grande est la soif, si rares les points d'eau. Un vin de vigueur, une source d'émerveillement...
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«  Les eaux ont des visages », Erri de Luca nous parle ces eaux qui opèrent toute cette oeuvre. Eaux de colère, de mémoire, de peine, d'espoir. Eaux qui voudraient délivrer au ciel une parole. «  Et le deuxième jour les eaux se rompirent pour faire place au ciel » Eaux de musique qui rappellent les mots premiers, ceux d'avant l'écrit. Eaux humbles et généreuses qui laissent croire aux hommes qu'ils sont devenus les maîtres. « Les eaux s'amassèrent dans les enclos, s'offrit à la vue le sec et il fut appelé terre ». Eaux prophétiques, eaux bibliques, eaux entourant de leurs forces les piliers de nos temples. Eaux, miroirs de la nuit, « aquarium d'étoiles » , témoins de larmes. « Ils creusent la mer de leur rame ». Eaux nourricières, qui appellent les hommes et qui les retiennent parfois au fond de leur tombeau. Eau, air- matières des comète, matières de l'Être. L'eau surgit, l'eau passe, transporte, mène, chemine, sculpte, transforme, modèle, transmet. L'eau a opéré sur les mots du grand poète : Erri de Luca.
«  La peine de l'eau est infinie » écrivait Bachelard dans "l'Eau et les Rêves", cette peine, ce travail ,cette oeuvre nous construisent.

Edition bilingue : italien/français. Traduit de l'italien par Danièle Valin.

Astrid Shriqui Garain
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« Oeuvre sur l'eau » Erri de Luca (Poésie Seghers 120p)
24 poèmes en édition bilingue, traduits par Danièle Valin et publiés en 2002. Il suffit d'entrer dans le prologue rédigé par l'auteur :
« C'est qu'à cinquante ans un homme se sent obligé de se détacher de sa terre ferme pour s'en aller au large. Pour celui qui écrit des histoires au sec de la prose, l'aventure des vers est une pleine mer. Je ne suis pas arrivé jusqu'aux vers. Ici, ce sont des phrases qui vont trop souvent à la ligne. »
Et voilà, on est déjà dans l'écriture exceptionnelle de Erri de Luca, sa poésie totale, même quand elle s'écrit le plus souvent « au sec de la prose. »
Ses sources d'inspiration, les chemins qu'il nous invite à suivre, sont ceux qu'il emprunte d'habitude, et ne surprendront pas ses lecteurs. L'ancien et le nouveau testament (qui ne sont pas mes références préférées, mais comme tout est question de musique et de sensibilité, est-il besoin de croire en Dieu pour être bouleversé ici tout comme par le Stabat Mater de Pergolèse ?) Puis les échos de la guerre des Balkans, la terrible noyade d'un bébé dans les cales d'un navire de migrants (« Il naitra dans une soute au milieu de voyageurs clandestins (…) Nous pouvons seulement lui donner les mois des entrailles, disent les mères)
la nature (« J'attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles »)
l'amour, (« Je veux avoir sommeil près de ma fiancée / Quand elle aura les cheveux blancs »)
la révolte : (« C'était dangereux / de lui laisser les mains libres »)
la montagne (« Les prismes de quartzite dans la pierre dolomie / Piquent des aiguilles de lumière aubépine dans mes yeux ») …
La vie, quoi. Avec la plus profonde des solidarités avec les plus humbles. Tout l'univers de De Luca est là. Il faut y plonger sans réserve.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
VENT DE
 
Les eaux dormaient sous l’infini immobile.
L’hébreu ancien écrit ce premier vent
avec un verbe d’ailes : « merakhefet »,
traîne d’Élohim sur les eaux.
Il excitait les visages : remous, lames, embruns
et après son passage revenait la plaine,
la nuit goudronnée.
Harpe, clavecin, fifre : à quel instrument de pêche
au corail sonore ressemble le « merakhefet » ?
Un sirocco brûlant qui suce des gouttes de sueur sur le dos,
une faux qui abat les tiges,
un peigne sur une tresse, un caillou lancé par une fronde,
un suçotement de nourrisson, la claque de l’air
entre l’explosion et l’arrivée
d’un obus dans une cour ?
Sourde est l’écriture, c’est au musicien,
à l’enclume en argent de son oreille,
d’avoir la vision.
Sans une luciole de syllabe, il voit de la musique dans la nuit.
Qu’il vienne et frappe les deux silex ensemble,
qu’il donne l’étincelle au diapason,
qu’il déchaîne la version sonore du vent d’Élohim
qui se frotte sur les océans noirs.
 
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PRIÈRE LAÏQUE

Notre mer qui n’es pas aux cieux
et qui de ton sel embrasses
les limites de ton île et du monde,
que ton sel soit béni
que ton fond soit béni
accueille les embarcations bondées
sans route sur tes vagues,
les pêcheurs sortis de la nuit,
et leurs filets parmi les créatures,
qui retournent au matin avec leur pêche
de naufragés sauvés.

Notre mer qui n’es pas aux cieux,
à l’aube tu es couleur de blé
au crépuscule du raisin des vendanges
nous t’avons semée de noyés plus que
n’importe quel âge des tempêtes.

Notre mer qui n’es pas aux cieux,
tu es plus juste que la terre ferme
même à soulever des murs de vagues
que tu abats en tapis.
Garde les vies, les visites tombées
comme des feuilles sur une allée,
sois leur un automne,
une caresse, des bras, un baiser sur le front,
de père et mère avant de partir.

Preghiera laica
Mare nostro che non sei nei cieli,
e abbracci i confini dell’isola e del mondo
sia benedetto il tuo sale,
sia benedetto il tuo fondale,
accogli le gremite imbarcazioni
senza una strada sopra le tue onde,
i pescatori usciti nella notte,
le loro reti tra le tue creature,
che tornano al mattino con la pesca
dei naufraghi salvati.

Mare nostro che non sei nei cieli,
all’alba sei colore del frumento
al tramonto dell’uva di vendemmia.
ti abbiamo seminato di annegati più di
qualunque età delle tempeste.

Mare Nostro che non sei nei cieli,
tu sei più giusto della terra ferma
pure quando sollevi onde a muraglia
poi le abbassi a tappeto.
Custodisci le vite, le visite cadute
come foglie sul viale,
fai da autunno per loro,
da carezza, da abbraccio, bacio in fronte,
di madre e padre prima di partire.
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Valeur
Deluca

J’attache de la valeur à toute forme de vie,
à la neige, la fraise, la mouche.
J’attache de la valeur au règne animal
et à la république des étoiles.
J’attache de la valeur au vin tant que dure le repas,
au sourire involontaire, à la fatigue
de celui qui ne s’est pas épargné,
à deux vieux qui s’aiment.
J’attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien
et à ce qui aujourd’hui vaut encore peu de chose.
J’attache de la valeur à toutes les blessures (…)
J’attache de la valeur au voyage du vagabond,
à la clôture de la moniale,
à la patience du condamné quelle que soit sa faute.
J’attache de la valeur à l’usage du verbe aimer
et à l’hypothèse qu’il existe un créateur.
Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.

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Crachats.
le crachat que Job
n'arrive pas à avaler
je ne l'ai pas connu,
le crachat contre le vent: bien des fois,
en solo, sans amour,
le crachat est la colle
de tous mes écrits.
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J'ATTACHE DE LA VALEUR


« J’attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.
J’attache de la valeur au règne minéral et à la république des étoiles.
J’attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui ne s’est pas épargné, à deux vieux qui s’aiment.
J’attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd’hui vaut encore peu de chose.
J’attache de la valeur à toutes les blessures.
[…]
J’attache de la valeur à l’usage du verbe aimer et à l’hypothèse qu’il existe un créateur.
Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues. »
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Videos de Erri De Luca (86) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Erri De Luca
Rencontre animée par Olivia Gesbert
De la bibliothèque paternelle à l'ombre de laquelle il a grandi jusqu'aux chantiers où il a été ouvrier, Erri de Luca a noué avec la lecture, puis avec l'écriture un rapport particulier pour bâtir une oeuvre double, celle d'une fiction romanesque aux forts accents autobiographiques et celle d'une réflexion sur l'Écriture. Depuis trente ans, c'est une oeuvre foisonnante et protéiforme qu'il bâtit, caractérisée par un style limpide, poétique, épuré. Ponctués de pensées, de métaphores, d'aphorismes, ses récits endossent souvent la forme d'une fable, d'une parabole empreinte d'une touche de merveilleux, dans une langue unique. Pour cette édition Quarto, ont été retenus une dizaine de textes publiés auxquels s'adjoignent cinq textes inédits, qui portent en eux la puissance de l'écriture d'Erri de Luca dans des genres littéraires variés, sa réflexion sur l'appartenance et l'identité, le poids du passé et l'importance de l'histoire, sur la fragilité et l'importance des relations humaines.
« Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie. » Trois chevaux, Erri de Luca
À lire – Erri de Luca, Itinéraires, Gallimard, coll. « Quarto », 2023.
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