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4,03

sur 6275 notes
Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, je me suis enfin attaquée à ce monument littéraire ! J'avais juste de très vagues souvenirs du film qui, à la lecture, m'ont fait soupçonner d'avoir pioncé la moitié du visionnage, tant rien ne m'était familier… D'autant mieux, ça m'a évité l'auto-spoil !

La rencontre avec le personnage principal est percutante : Pierre Niémans n'est ni gentil ni sympathique. Il a tout de la porte de prison, qu'on referme avec fracas sur la tronche d'un prisonnier, qui plus est. Mais s'il faut lui reconnaître une chose, c'est qu'il est plutôt doué pour son job : enquêter. Et c'est ce talent, autant que le besoin de sa hiérarchie de le mettre au vert quelque temps suite à son dernier dérapage, qui envoie notre enquêteur parisien en villégiature à Guernon, petit bled paumé en montagne. Guernon est, certes, isolé, mais plutôt bien servi quand même, puisqu'y trône une prestigieuse université. C'est justement son bibliothécaire qu'on a retrouvé mort au beau milieu de la montagne, passablement mutilé de surcroît. Pierre Niémans est sans conteste un atout indéniable pour expliquer ce crime, car la police locale est relativement peu habituée à de telles atrocités. Niémans va devoir gratter le vernis qui protège ce bon vieux village universitaire s'il veut venir à bout de l'énigme, d'autant que le meurtrier semble vouloir adresser un message (et accessoirement, d'autres cadavres…)

Et pendant que Niémans est aux prises avec un tordu sanguinaire, Karim Abdouf, flic de campagne, se voit attribuer une banale histoire de profanation de tombes ainsi que le cambriolage de l'école du village. Bien qu'insignifiants, il semble à Karim que les deux événements puissent être liés. En mal d'aventures, on ignore si le rapprochement établi par le flic est réel, mais force est de constater que certaines coïncidences sont un peu trop grosses pour n'être que le fruit du hasard.

Ces deux enquêtes se déroulent en parallèle. J'avoue avoir nettement préféré les passages qui touchaient à l'enquête de Karim qui m'est apparu beaucoup plus attachant que le glacial Niémans. Je n'ai éprouvé aucune empathie pour ce monstre sacré de la police, même lorsqu'il s'est retrouvé en mauvaise posture. Cependant, son enquête était intrigante… Il faut avouer que c'est le très gros point fort de ce livre : les enquêtes sont complexes et addictives, les rebondissements gardent le lecteur en haleine et, ce qui ne gâche rien, l'écriture est rythmée et agréable. Les décors nous emmènent en voyage, même si celui-ci est flippant et malsain. J'y étais, avec les enquêteurs !

En définitive, hormis le personnage antipathique de Niémans, tout m'a plu dans ce livre ! Je me suis même mise en tête de prolonger le plaisir de lecture en m'octroyant une seconde session de visionnage de l'adaptation cinématographique. Bon, comme toujours, le film ne tient pas la comparaison par rapport au livre (surtout que Karim l'Arabe à dreadlocks s'est transformé en Max le breton… mais soit…) mais j'ai quand même passé un bon moment ! Et juré, cette fois, je n'ai pas dormi…
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Une écriture incisive et sombre, un scénario enchevêtré, du sanglant, de la consternation, des ''eurk'', de l'effroyable, de l'angoisse...
Forcément, je ne pouvais qu'affectionner et avoir un coup de coeur pour ce célèbre roman.
Jean-Christophe Grangé a une écriture très directe et noirâtre, et ce roman ne fait absolument pas exception à la réputation de l'auteur. Il ne ménage ni son effet, ni ces personnages.
Ces personnages sont d'ailleurs, pour la plupart, très ténébreux. Pierre Niémans en devient sympathique. On sent les démons qui traversent ce flic. Et Karim Abdouf, issu de la délinquance, et qui est pourtant le flic qui court aujourd'hui après un fantôme sans visage.
Nous sommes traversés par une palette d'émotions durant cette lecture. Ce thriller m'aura autant angoissé que tenue en haleine. Nous passons du doute à la fausse route. de la peur à la tristesse. de l'effroyable à la stupéfaction finale.
Cette fin est, probablement, celle qui m'a le plus de consternée et laissée pantoise. Je n'ai rien vu venir et en même temps, la logique se tisse et ce révèle implaccablement cauchemardesque.
Probablement le roman le plus palpitant et addictif que j'ai pû lire jusqu'à présent !
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Un bijou du thriller "à la française": peu de personnes sont passées à côté, mais sait-on jamais! Si vous êtes l'heureux élu qui ne l'a pas lu, quelle chance vous avez de plonger dans cette histoire terrifiante, aux personnages à la fois solides et un peu cassés, aux scènes horrifiques dont vous garderez un souvenir profond.
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Roman récupéré cette année lors d'un vide-maison. Au moment où je décide de lire à nouveau cet auteur, on me pioche le second roman récupéré pour Octobre. du coup, j'ai changé mes prévisions de lecture. Je remercie Laehb pour ce choix, j'espère passer une meilleure lecture qu'avec mon précédent essai de cet auteur, le passager abandonné au bout de 40p.

Le style de l'auteur est très visuel, j'avais vraiment l'impression de voir Jean Reno dans le rôle du personnage principal. Pourtant, je n'ai jamais vu ce film. Par contre, je trouve certaines scènes très violentes, voire beaucoup trop. le personnage principal, pourtant un commissaire, est très violent aussi bien en paroles que dans ses gestes. Je le trouve également très macho avec les femmes. Mis à part ça, j'avais un peu de mal à avancer dans l'histoire malgré un début intrigant. du coup, quand apparaît le second narrateur, je ne trouvais quasiment plus d'attrait à l'histoire. J'ai malgré tout essayé d'avancer dans cette partie, même en diagonale, mais je n'ai pas aimé ce second narrateur imbu de lui-même et de ses performances de malfrat. Je me doute bien que ça doit se passer comme ça dans certaines cités. Mais quand je lis un roman policier, je m'attends à de l'action et à une enquête mais pas à 40p de blablas pour nous donner le CV d'un second narrateur aussi violent et intelligent que le premier. Je crois que le style de cet auteur n'est pas fait pour moi, je n'accrochais ni à l'histoire ni à la violence des personnages. le résumé paraissait intrigant mais il ne fait pas tout. J'essaierai malgré tout le film pour avoir le fin mot de cette enquête mais je préfère abandonner ce roman au bout de 70 longues pages de descriptions et peu d'éléments d'enquête. Pour un livre de 400p, ça m'a paru bien long et peu intrigant.

Comme vous l'aurez compris, ce roman a été une déception, moi qui pensais renouer avec cet auteur, c'est loupé ! Je tenterai malgré tout le dernier en ma possession, le vol des cigognes, mais si c'est une 3ème déception, je n'en lirai plus d'autres de cet auteur. En tout cas, ça me fait un livre de plus à échanger en boite à livres. Je vous conseille néanmoins de lire ce roman pour vous en faire votre propre avis, il a de nombreux avis positifs sur Babelio.

Sur ce, bonnes lectures à vous :-)
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Non loin de Grenoble, le corps atrocement mutilé du bibliothécaire d'une prestigieuse université est retrouvé mis en scène en position foetale, dans une anfractuosité du massif alpin. À quelques centaines de kilomètres, la tombe d'un enfant a été profanée et les informations le concernant soigneusement dissimulées.
Lorsque Pierre Niémans et Karim Abdouf, les deux policiers chargés de ces enquêtes respectives, s'aperçoivent qu'elles sont liées, ils unissent leur force pour révéler le complot des rivières pourpres.

J'ai découvert l'oeuvre de Jean-Christophe Grangé récemment, avec le jour des cendres. Mauvaise idée que de remonter ainsi dans sa production : Les rivières pourpres relate une histoire très similaire, mais dans un style bien moins abouti. En outre, les deux romans tombent dans le même défaut : l'identité du coupable se révèle trop vite à mon goût.
L'adaptation cinématographique des Rivières pourpres, vu il y a un moment déjà, ne m'avait pas laissé un grand souvenir ; le livre originel, qui reste agréable à lire, ne m'en donnera pas un meilleur.
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L'intrigue, ou plutôt devrais-je dire les intrigues font l'originalité de ce polar très bien écrit. Il s'accompagne en fond d'un commentaire social en pointant certains préjugés.
On sent le journaliste sous la plume de l'auteur ce qui apporte une sensation de réalité assez glaçante.
Je recommande ce roman que j'ai lu d'une traite.
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Cette critique contient des spoilers. C'est une critique double, à la fois du Vol des Cigognes, et des Rivières Pourpres, du même auteur. Une comparaison, une évolution.

J'ai déniché, sur la dernière étagère d'une armoire cassée, les vieilles collections de polars accumulées par ma famille – j'ai remarqué que la plupart des gens, au cours de leur vie, sont enclins à traverser un bref épisode de fascination pour ces histoires mystérieuses, glauques et plus ou moins violentes, peut-être parce qu'ils nourrissent l'espoir de se viriliser au contact d'enquêteurs aux conquêtes torrides et au flair infaillible, ou bien parce que le spectacle des corps démembrés et des vengeances exacerbées leur donne l'impression de vivre dangereusement et de frissonner avec délectation, rehaussant ainsi leur quotidien monotone. Comme je ne connaissais aucun des auteurs, je me fiai aux commentaires de ma mère qui m'observait d'un oeil critique alors que je détaillais les tranches des livres – « Ah, je me souviens de celui-ci, une véritable horreur ! Et celui-là, absolument sordide ! » – et mon choix se porta sur un coffret noir maculé de rouge, contenant deux romans de Jean-Christophe Grangé, qu'elle qualifia de « particulièrement sanglants ». « le vol des cigognes », comme c'est indiqué en dessous du résumé, est le premier roman de l'auteur, apparemment réédité à l'occasion du succès de son best-seller « Les Rivières pourpres », ce dernier ayant été adapté au cinéma – les deux acteurs principaux figurent d'ailleurs sur sa couverture, leurs visages flottant dans une sorte d'averse de sang. Un lecteur naïf s'attendrait logiquement à ce que le second livre de Grangé soit plus affirmé, plus mûr et abouti qu'un premier essai dont la présentation dans un même coffret n'est en fait qu'un prétexte de vente – une aubaine publicitaire –, mais cette critique a justement pour objectif de démontrer le contraire, et c'est pourquoi j'ai jugé intéressant d'associer ici ces deux ouvrages, les ayant parcourus d'une traite, l'un après l'autre.

J'assure avoir d'abord entamé « le vol des cigognes » sans aprioris positifs – car j'avais, pour être plus exacte, la vague suspicion d'y trouver l'écriture maladroite d'une première tentative, peut-être une construction sans audace, ni d'une ambition trop marquée, d'un jeune écrivain qui effectuait ses premiers pas hésitants dans un milieu dont il ne maîtrisait pas encore complètement les codes. Il était possible, aussi, que Grangé ait souhaité s'arranger une entrée fracassante parmi les grands auteurs de polars et que cette première intrigue, à la complexité démentielle, ait dépassé son créateur et accouché d'une oeuvre éblouissante – trop éblouissante, trop farfelue pour gagner durablement un large lectorat. Je fus néanmoins favorablement impressionnée par « le vol des cigognes » et, ravie d'avoir été agréablement détrompée de mes quelques craintes, j'attaquai aussitôt « Les Rivières pourpres » en pensant m'être réservée pour la fin un morceau encore plus savoureux. Hélas, ce best-seller, incarné au cinéma par les acteurs Jean Reno et Vincent Cassel, se révéla étonnamment décevant, ce qui me conduit maintenant à m'intéresser aux caractéristiques d'un « bon » et d'un « mauvais » polars.

Le roman policier prend son point de départ sur un crime – souvent un meurtre, car la victime alors ne pourra pas nous renseigner sur l'identité du tueur, ce qui permettra à l'auteur d'entretenir suspense et soupçon – et se poursuit par une enquête aux multiples rebondissements, mettant parfois en danger la vie de ses protagonistes, lorsque ceux-ci s'approchent trop près de la vérité – il est courant, en effet, qu'un policier soit victime d'une tentative de meurtre juste avant le dénouement. L'écrivain doit pourvoir à trois grandes lignes de l'histoire, qui seront la signature singulière de son oeuvre parmi les contraintes imposées par le genre : D'abord, le mobile du crime – machinations imbriquées, complot de grande ampleur, délire psychiatrique –, les personnages impliqués – profils psychologiques, nombre, nature et origine des enquêteurs – et l'agencement et l'incorporation des indices, de façon à dévoiler progressivement les véritables enjeux du livre. Dans « le vol des cigognes », on observe en outre une volonté supplémentaire de percer au milieu de la masse des étals encombrés des librairies, par un détail original qui cherche à creuser une différence et à se démarquer des autres publications du même acabit – il s'agit du lieu de découverte du cadavre, un nid d'oiseaux. Grangé, jeune auteur jusque-là inconnu qui bâtit pour la première fois une oeuvre en son nom et désire évidemment obtenir une place de choix dans le classement des ventes, opte pour cette accroche frappante, impulsion qui alimentera probablement par la suite l'endurance de son écriture – rien n'est plus motivant, pour un jeune écrivain, que de penser travailler sur une idée « de génie » ! J'imagine aisément – mais je me trompe peut-être ! – cette fièvre pleine d'ardeur qui s'empara de lui quand l'histoire de trafics ailés et de coeurs arrachés commença à prendre forme dans son esprit : quel vertige dut le saisir devant l'ampleur de la tâche qui l'attendait, mais quelle enivrante expectative, aussi ! Je crois qu'en cela, le polar est le genre le plus gratifiant, car le plan préalable à sa rédaction nécessite un investissement et une préparation tout à fait colossales, et rien ne doit être plus réjouissant – et plus épuisant – que de superviser son accomplissement final.

Un auteur de roman policier doit avoir l'intuition du détail opportun avant de commencer à décrire le déroulé des lieux et des scènes, mais il doit aussi éviter que celles-ci rendent l'impression d'une accumulation invraisemblable de découvertes inattendues, comme si l'intrigue n'était au fond qu'un prétexte à « caser » des informations. C'est le cas, par exemple, des « Rivières pourpres », où chaque investigation se conclut inévitablement par un constat incongru – souvent, étrangement fort à propos, c'est à dire à intervalles très réguliers, comme si l'auteur veillait à maintenir l'intérêt de son lecteur, et au prix d'un suspense assez lamentable, au terme duquel l'enquêteur, alors qu'il s'apprêtait à partir, tombe soudainement sur un nouvel indice qui relance toute l'affaire – et où des appels inopinés – mais, à force de répétition, assez prévisibles – apportent de façon quasi automatique des pistes inédites. C'est tout comme si Grangé avait établi une liste d'indices qu'il aurait fait en sorte d'extraire à partir d'un crime originel, puis qu'il avait tracé une ligne graduée sur une feuille blanche et placé sur cette frise les différentes révélations, afin que la chronologie des événements renseigne le lecteur par bribes classées et égrainées en fonction de l'objectif final. Je suppose que tout auteur de polar doit travailler ainsi, mais c'est cette graduation qui, à mon sens, est méprisante vis-à-vis du lecteur : à chaque inspection, interrogatoire ou scène d'action, est alloué un nombre de pages à peu près invariable, qui pourraient pratiquement avoir été rédigées dans le désordre et indépendamment les unes des autres – on constate d'ailleurs l'analogie avec un tournage cinématographique –, et lorsqu'une investigation ne permet pas d'orienter l'enquêteur vers une nouvelle démarche, un appel téléphonique providentiel vient apporter l'élément qui précisément était susceptible d'impulser le prochain mouvement. Il manque l'art de la narration fluide, voilà, dont les couches successives sont si bien travaillées, peaufinées, incrustées les unes aux autres, que la structure préalable à leur réalisation n'est plus du tout visible – c'est à peine si on y discerne encore les joints et autres systèmes de fixation, tant la surface a été polie avec soin. C'est toute la différence entre une oeuvre littéraire et un vulgaire exercice de compte rendu, quoiqu'un peu arrangé pour avoir à peu près l'air, au premier coup d'oeil, d'un véritable roman.

« le vol des cigognes » répond beaucoup mieux aux critères d'une entreprise littéraire menée avec minutie et au souci de conter une histoire remarquable : il n'est pas question ici d'injecter grossièrement les composants d'une intrigue basique qui se contente de pourvoir à sa fonction vétuste de « distributeur d'indices », la narration n'y est pas superfétatoire et constitue en elle-même une grande partie de l'intérêt du livre, forme et idée, contrairement à son bestseller dont l'originalité ne repose que sur une invention exagérément délirante, en aucun cas sublimée par le travail de l'écriture – j'imagine que le cadavre mutilé et suspendu dans les rochers fut alors ce que l'auteur crut être une idée « de génie » suffisante au succès de son livre, et il s'avère qu'il avait raison ! Il semblerait que Grangé ait épuisé dans son premier roman toutes les qualités artistiques dont il était capable – paysages mouvants, atmosphères exotiques et mystérieuses, descriptions aux nuances subtiles et singulières – et qu'il ait, sans doute mis au goût de ce qui plaît aux lecteurs d'aujourd'hui, finalement jugé ces efforts peu rentables et décidé d'adopter une autre recette, plus lucrative et décidément moins exigeante – celle du rythme effréné et des cliffhangers à la fin de chaque chapitre. J'ignore s'il est possible de le vérifier, mais j'augure que « le vol des cigognes » a dû coûter à l'auteur bien plus de temps et d'énergie que l'élaboration de son bestseller, et pas seulement parce qu'il était à l'époque moins expérimenté. On observe dans le premier un style travaillé, appuyé sur une documentation détaillée, comme si Grangé avait lui-même voyagé dans chacun des pays évoqués – Bulgarie, Israël et Centrafrique – et qu'il avait mené une étude approfondie des moeurs et des enjeux politiques locaux, si bien que la narration est un périple à visée quasi documentaire, à la fois dépaysant et édifiant, romancé et véridique. Les couleurs y sont variées, traces vivaces d'une époque, marques profondes des ethnies, cultures minoritaires et ignorées à qui Grangé rend un somptueux hommage, portant avec chaleur la voix fière des Tsiganes, capturant, l'instant d'une étreinte fougueuse, le labeur incertain des colons Israéliens, saluant d'un regard l'Intifada désespérée des enfants palestiniens aux terres volées, puis partant à l'assaut de la jungle avec les peuples pygmées, marchant en compagnon des races méprisées.

Là où l'écriture du « vol des cigognes », sans être excessivement raffinée, tranche nettement dans l'âme des peuples et rend compte avec finesse des fragments exposés, « Les Rivières pourpres » ne sont qu'opportunité : « Un corps dévêtu suspendu à une falaise, un autre incrusté au fond d'une crevasse glacière ? eh bien, situons cela dans l'Isère, et ne nous embarrassons pas de nous imprégner de son climat ou de détails esthétiques, le lecteur n'est intéressé que par la chair morbide et les projets immondes des esprits dérangés, on le sait bien ! Multiplions les salles obscures, les avertissements glauques de sang séché qui se dévoilent d'un coup lorsqu'on arrache les papiers peints, ajoutons de-ci, de-là, des bouts d'os, des membres broyés, et puis dévissons quelques orbites pour faire bonne mesure – ah, vous m'accusez donc de verser dans le dégueulasse flagorneur ? croyez-vous qu'un seul de ces éléments ne soit pas motivé par une raison précise ? Je vous assure, pourtant, que j'ai réfléchi exactement comme l'assassin l'aurait fait, et que toute cette glauque mise en scène était absolument indispensable et rigoureusement justifiable, vous dis-je ! Tenez, ce premier corps mutilé, encastré dans le roc, eh bien je l'ai placé là-haut parce qu'il était logique que le meurtrier agisse ainsi, et nullement à cause de la vision théâtrale qui en résulterait ! Pourquoi donc tenez-vous tant à me prêter de basses intentions, moi qui n'ai le souci que de vous servir la plus vraisemblable des enquêtes policières ? » Quelle piteuse défense, vraiment ! Quelle mascarade suintante d'effets pitoyables, qui ne sont utiles qu'à appâter la pauvre masse de la plèbe contemporaine, avide de sensations fortes, même si celles-ci ne sont à peu près fondées sur rien ! Si vous me trouvez injustement sévère, sachez que le policier Niémans et son acolyte Abdouf plient l'affaire des Rivières pourpres en moins de trois jours – j'ignore si beaucoup de flics peuvent se targuer d'une telle efficience – durant lesquels le premier a tout loisir de baiser une de ses témoins, de s'initier à l'alpinisme et de se remettre d'un accident quasi mortel où sa voiture finit fracassée sous un pont, tandis que le second consacre la majeure partie de son emploi du temps à menacer de son arme des suspects bigrement agressifs – de quoi agrémenter facilement des scènes d'action dignes d'un feuilleton à budget réduit.

« le vol des cigognes » est un récit où l'enquête et le voyage se complètent fort agréablement, le premier instillant au second un enjeu supplémentaire, vif sentiment d'urgence et de péril qui pimente avantageusement l'exploration de contrées méconnues. L'enquêteur n'est pas un policier de métier, mais Louis Antioche, un jeune homme d'une trentaine d'années en mal d'aventures, qui n'a connu jusqu'à présent que l'espace cloitré de son appartement de Paris et les piles de livres poussiéreux, mornes compagnons d'un long et éreintant doctorat d'Histoire. Antioche ne connaît rien des techniques policières et ne possède au début ni arme, ni matériel professionnel : il s'improvise détective et s'initie à la dangereuse tâche de la traque des meurtriers, en quelque sorte secondé par le lecteur qui le devance parfois dans l'analyse des indices, devine avant lui de quoi il retourne et le suit ou le précède dans chacun de ses pas. Les éléments sont introduits dans l'histoire de façon à favoriser une lecture active, qui tire par elle-même ses propres conclusions et peut comprendre – sans difficultés excessives ou retournements alambiqués – la signification de tel ou tel signe. On assiste peu, au fil des pages, à ce que j'appelle des « révélations choc », c'est à dire des pans de vérité soudainement balancés au lecteur avec toute l'emphase de celui qui s'apprête à larguer une bombe atomique : dans « le vol des cigognes », le lecteur, souvent, a déjà auguré la réponse de l'énigme, et il constate simplement sa confirmation, voire son approfondissement, car l'auteur garde toujours en réserve un petit détail astucieux pour l'étonner. « Les Rivières pourpres » n'a pas tant d'égards pour l'intelligence du lecteur, et Grangé s'arroge le droit, à chaque fin de chapitre, de résoudre des mystères qu'il n'a même pas pris la peine d'annoncer : ainsi, une jumelle naît tout d'un coup de nulle part, sans qu'il ait du tout exploité le caractère bivalent du personnage en question, en lequel deux personnes partageaient la même identité, et un mort ressuscite, rebondissement classique maquillé en apothéose de coup de théâtre, avec tous les bruitages les plus ridicules – oh ! c'est incroyable ! oh ! ah !

Il est assez comique, quand on y pense, que deux flics capables de boucler une affaire de meurtres multiples en trois jours se trouvent être les acteurs de scènes d'action aussi minables – à savoir, une course poursuite d'une dizaines de mètres interrompue par la bête neutralisation d'un de ses protagonistes, une voiture jetée en bas d'un pont à la suite d'une collision meurtrière, traitée, j'ai compté, en à peine une page et demi, et une scène finale dans laquelle trois personnages cruciaux disparaissent « commodément », éludant ainsi les explications. Il est pourtant question d'un policier chevronné, à la carrière blindée de prouesses plus « musclées » les unes que les autres, qui l'ont fait connaître comme une pointure dans le milieu, et d'une jeune recrue des banlieues, virtuose dans sa promotion et ancien délinquant rompu à la violence du terrain – mais c'est que j'ai oublié que ces deux-là ne servaient qu'à la figuration, car il faut bien qu'il y ait une âme et une silhouette à allure humaine pour fouiller des caves et entrouvrir des portes, même si l'auteur, s'il avait poussé plus loin l'économie de ses efforts, aurait pu tout aussi bien se passer d'eux ! Il est curieux, d'ailleurs, que l'éditeur ait choisi de mettre leurs visages à l'honneur sur la première page de couverture, imprimant dans le rouge le regard torturé de Jean Reno et la face – mystérieusement songeuse ? – de Vincent Cassel : il est tout à fait trompeur de chercher à les présenter comme des hommes forts, virils, au caractère « bien trempé », enquêteurs mémorables et savoureusement atypiques qui élucident à force d'intuitions brillantes une bien sombre affaire, là où tous les autres auraient échoué. le double point de vue, aussi, est un choix narratif coupable quand il est associé, comme c'est le cas dans « Les Rivières Pourpres », à des cliffhangers exaspérants qui contraignent le lecteur à un rythme infernal, les péripéties secondaires du jeune flic Abdouf s'immisçant à chaque fois entre un point d'interrogation obsessionnel et sa résolution au chapitre suivant.

Oserais-je comparer ce culte grossier de personnalités vacantes – où la peur et l'aplomb, l'attendrissement et la brutalité crue, se rencontrent alternativement au sein d'une même personne, dans le mythe ressassé du « coeur fragile » emprisonné dans son armure rigide – à la quête éprouvante d'un Louis Antioche, tout de déductions, d'audace et de passion ? Dans « le vol des cigognes », la violence s'invite inopinément, sur le quai d'une gare : c'est parce qu'elle surprend au hasard et brise tout d'un coup l'illusion de tranquille sécurité, qu'elle choque le plus par son éclat indécent – bouillie d'innocents sur les rails, traque de tueurs méthodiques et armés de lasers, combat au corps à corps et ses giclures de sang. Un goût de la mise en scène inoubliable, d'une lutte mortelle imprégnée d'une atmosphère étrangère, déroutante – à la fois suavement exotique, aux actions nettes, sans fioritures sentimentalistes ni gestes inconsidérés, mélange de volonté rationnelle et de bestialité – qui se vérifiera tout au long du roman en coups de feu qui ne pardonnent pas, en froids acharnements sur les victimes et en blessures réelles, dans le vif – contrairement au vieux flic Niémans, d'une endurance franchement miraculeuse, qui court encore la gonzesse après s'être salement ouvert le crâne. A mesure qu'il doit s'adapter à un monde devenu hostile, dangereux, le jeune doctorant Louis Antioche gagne en habilité et en dureté : il apprend à manier le Glock et se heurte de front à ses ennemis qu'il contraint au rôle de proie, ne trouvant un répit relatif qu'auprès des belles autochtones qui partagent sa couche. Contrairement à son bestseller dans lequel Grangé se mont
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En refermant Les rivières pourpres, m'est revenu en mémoire ce légendaire dialogue entre un Prix Nobel et une starlette :
« - Imaginez Docteur que nous ayons un bébé, il aurait votre intelligence et ma beauté
- Ma chère, il serait à craindre qu'il ait votre intelligence et ma beauté »

La génétique est une science complexe et les apprentis sorciers qui cherchent à la corrompre en voulant créer une race « supérieure » sont la cause finale de bien des crimes, comme le montre Jean-Christophe Grangé.

Mais la « carte scolaire » et les fermetures des petites écoles de campagne peuvent aussi être la cause matérielle de crimes abominables.

Ce thriller torrentueux qui mêne le lecteur des sommets alpestres au bas fonds des universités est incontournable et aborde des sujets essentiels en compagnie de deux flics aussi efficaces que borderline.
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Le corps d'un bibliothécaire retrouvé mutilé dans une falaise, la tombe d'un enfant profanée. Deux enquêtes concomitantes qui se rejoignent dans un thriller tendu et soutenu qui mêle course contre la montre, génétique et vengeance. Plus de 20 ans après le film de Mathieu Kassovitz, un roman qui n'a pris que peu de rides.
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J'avais à de nombreuses reprises entendu parler de Jean-Christophe Grangé avec souvent de très bons avis sans jamais avoir l'occasion de le découvrir, c'est maintenant chose faite lors d'une lecture commune.

Dès le début, on oscille entre deux enquêtes, l'une menée par le commissaire principal Pierre Niémans, l'autre par l'inspecteur Karim Abdouf, deux flics bien loin de l'image à laquelle on pourrait s'attendre. D'ailleurs dès le premier chapitre, le ton est donné sur l'un d'eux.
J'ai malgré tout trouvé quelques longueurs avant que l'histoire se mette en place.

Si j'ai tout de suite accroché avec le personnage de Karim que j'ai trouvé touchant à bien des égards, celui de Niémans m'a laissé sceptique. Je l'ai trouvé un peu trop cassant avec un air de « Mr je sais tout » envers certains de ses collègues. Malgré tout qu'on les aime ou pas chaque personnage est très bien travaillé.

On les suit donc l'un et l'autre dans leurs enquêtes (l'une sur des meurtres ayant des mises en scène assez exceptionnelles, l'autre sur des vols et une profanation de tombe) qui a première vue, non rien en commun. Si on se doute très vite que les deux affaires sont liées, je n'ai pas deviné vers où l'auteur nous emmené. J'ai par contre étais parfois perdu dans les lieux, je ne savais plus dire où étaient les personnages, je n'arrivais pas non plus à imaginer leur environnement.

J'avais hâte d'assister à la rencontre des deux enquêteurs et de découvrir quelle était le point commun qui les ferait se réunir. J'ai trouvé les enquêtes aussi intéressantes l'une que l'autre.
Le dénouement m'a surpris sur plusieurs points.

En résumé, c'est une belle découverte, je pense que je découvrirais d'autres romans de l'auteur, tant j'ai apprécié la plume et l'intrigue.

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