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Éric Boury (Traducteur)
EAN : 9782847201307
248 pages
Gaïa (07/11/2008)
3.2/5   33 notes
Résumé :
Dans la banlieue de Reykjavik, un sellier bourru réunit en son atelier des pêcheurs, compagnons de boisson, et prend place dans son fauteuil aux bras sculptés. Un pasteur prête une oreille distraite à sa femme qui raconte son rêve. Le dernier fermier de la ville et son chien noir attendent ...

Le gardien du jardin des plantes, lui, sait que c'est là, juste après le carré des simples, que la part d'ombre du quartier s'avance ...

Soudain ... >Voir plus
Que lire après Le testament des gouttes de pluieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Une fois n'est pas coutume, je vais te dire pourquoi j'ai choisi ce livre. Un nom, tout d'abord, Einar Mar Gudmundsson, et son premier roman, « Les Anges de l'Univers », qui m'avait déjà à l'époque profondément ému, troublé, perturbé. J'avais ressenti tant de poésie dans la plume de cet auteur, malgré l'étrangeté du sujet. Puis, ce livre réédité en ce début d'année, maintenant, « le Testament des Gouttes de Pluie », rien que le titre me met déjà en transe. Poésie du titre et funeste rêverie, je ne pouvais que y accéder. Belle couverture, ensuite, qui me fait encore plus rêvasser d'une aventure dans les landes islandaises. Je retourne la couverture et je lis que c'est un roman pour ceux qui aiment le silence, ceux qui aiment lire le silence, ceux qui savent apprécier le silence, le comprennent, le vivent. Et la pluie, aussi. le silence, ça me connait, c'est toute ma vie, je devrais dire, des silences pas forcément compris, mais ainsi va la vie, ainsi va les émotions qui submergent et je sens dès la première page que je vais être englouti par ces silences et cette tempête qui s'annonce par la noirceur de la pluie et des nuages qui masque jusqu'à la lueur d'une lune bleue.

Je n'ai même pas envie de te raconter l'histoire, car il n'y a pas d'histoire – et je ne suis pas doué pour conter les histoires. Il n'y a qu'un silence qui s'embarque entre les lignes et sur les rives de Reykjavik. Il n'y a pas d'hommes non plus, ni de femmes, juste des âmes qui errent dans ces lieux qui s'assombrissent d'heure en heure. Tu t'engouffres alors dans un pub où, assis sur une selle, le conteur conte des contes d'un autre temps. le temps a disparu lorsque tu t'adosses au mur, un verre de bière à la main, un chien noir couché et puant le chien mouillé, la bière chante son refrain d'appel comme ces sirènes au loin qui t'entraînent au-delà du ressac. Tu fermes même les yeux, bercé par la voix du conteur et la voie de la bière où ton esprit divague et s'enfuit dans les vagues. Un bateau à la dérive, et des fantômes s'élèvent des cabines, les pêcheurs morts sont de sortie ce soir on dirait, et tu écoutes leur silence, dans cette intense pénombre d'une nuit qui ne finit pas. le vent. Il souffle, te frappe le visage, comme la claque de ta femme qui te voit rentrer chaque soir saoul, la tête remplie d'étoiles et des beaux rêves de ce conteur intarissable ou de ces sirènes à la poitrine généreuse mais inaccessible. L'obscurité.

Je n'ai pas non plus envie de te prendre la main pour t'emmener dans cette obscurité, si sombre, si noire qu'elle me donne envie d'y rester, de prolonger mon séjour, quitte à me retrouver dans l'hôpital psychiatrique qui rode dans les ruelles abandonnées de cette ville. Non, il faut y aller par toi-même, c'est l'exigence d'un tel texte, la sensibilité de chacun à parcourir ce monde de silence où les hommes ne disent rien, mais ressentent intérieurement, la peur, la tristesse, l'amour. Oui, j'ai envie d'y retourner, la magie de cette nuit, le tonnerre qui gronde, et les gouttes de pluie qui se déversent sur mon visage, le regard porté sur ce rivage, le vent qui s'engouffre sous le bas de la porte du bar et souffle sur la mousse de ma Skøll ice-berry. Oui, j'ai envie d'y rester, dans les profondeurs de ces ténèbres, la cloche de l'église sonne la nuit glacée, mon glas car un tel voyage est la fin d'une vie.

Un roman lunaire.
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« Gouttes de pluie
Coulent derrière la vitrine de mon enfance
Ruissellent sur le bitume de mes souvenirs ».

Ce poème d' Alain Bonati colle à merveille à ce testament islandais.
Le réalisme magique dans toute sa splendeur.

Ce p'tit bouquin, c'est une succession infinie de rêves éveillés, c'est une émanation continue d'hallucinations en tous genres.

Cet écrivain, c'est un esprit déjanté, loufoque, maboul, frapadingue.

Deux mots, qui fracassent comme le tonnerre. Suivis de phrases interminables, qui déboulent comme une avalanche.
Il rit des intempéries et les transforme en feu d'artifices qui nous réjouissent.


« Qui sait…

Mais c'est le soir et la tempête qui se déchaîne dans les rues porte avec elle une question qui n'obtiendra sa réponse qu'en regardant l'océan, la mer cruelle et hérissée qui, avec sa crinière écumante composée de monstres marins sauvages se rue sur les rochers où les mouettes effrayées perdent la raison alors que les vagues inondent la grève, mouillant instantanément le sable qui, l'espace d'un instant, luit alors qu'elles se retirent ».

« Et soudain.
A travers la voûte du ciel toute drapée de noir jaillissent des éclairs aussi gros qu'une planète. Il fusent à une telle vitesse qu'en un instant, on dirait que tous les corps célestes explosent haut dans le ciel. Alors la terre s'illumine d'une lueur bleutée, fulgurante, et une clarté fugace vient frapper maisons en pierre et immeubles ».

Le calme après la tempête, et toujours la permanence dans l'insolence, des envolées qui nous emportent dans son délire inassouvi.

« Le silence.
Il est suspendu aux perles de lumière scintillante, aux appliques murales à côté de la table, aux ampoules Osram blanches comme la neige, aux abat-jour blanc crème.
Le silence.
Il joue à l'harmonium, virevolte au-dessus du petit autel de la salle à manger et dialogue avec les rideaux tout en aspirant les images pieuses à l'intérieur de leur cadre.
Le silence.
C'est un aveugle avec sa canne. Il entame un solo de batterie dans l'évier de la cuisine, tire la chasse d'eau et transforme les gouttes de pluie qui cinglent les vitres en orateurs qui, juchés dans leurs chaires comme des bosses sur un dos haussent de plus en plus la voix.
Ils haussent le ton, encore et encore jusqu'à former un choeur d'hommes à plusieurs voix tellement écrasant que même les serpillières se bouchent les oreilles.
Oui, le silence.
C'est un rêve qui renaît suspendu en l'air ».

Tout bruit qui résonne se transforme en mutisme omnipotent.

« Il pousse un cri de douleur, un aïe silencieux »

Un oxymore dans le décor, un silence assourdissant.

Gouttes de pluies !
Opium de rêves dorés de souvenirs en filigranes.
Tout baigne dans un univers subtilement érotique et sensuel, où phonétiquement les objets deviennent les zobs-jets, un univers dans lequel la vie rêve d'un merveilleux bonheur temporel !
Les phrases coulent langoureusement comme un fleuve inondant le coeur de bonheur !


« L'espace d'un instant, on dirait que l'obscurité éblouie de bleu s'irise de lumière jaune et ils voient clairement la voûte céleste traversée par un chariot de feu bourré à craquer de sirènes aux poitrines généreuses, aux cheveux dont les boucles sont autant de rayons de soleil et aux lèvres si désirables, si tentantes, que même les chastes pêcheurs bandent ».

Et ces mots qui reviennent inlassablement tout au long du texte.
Vareuses, doudounes à capuche, bière, placard à balais.
On se croirait envoûté par la sorcière du conte de Gripari. Et pourtant, on n'est pas rue Broca, mais à proximité d'un hôpital psychiatrique. HP, comme Haute Potentialité, les sons et les images sont exacerbés, l'âme du bison se profile, ça plane à cinq mille, envie de rester en apesanteur.

« Les gouttes de pluie transparentes tombent sur leurs vareuses vertes et déchirées, caressent leurs paupières telles des larmes de tristesse et, quelque part, bien loin au creux de l'obscurité, on dirait que le vent tend son bras vers une flûte traversière rutilante.
Il la porte d'abord aux lèvres détrempées de l'univers, s'emplit les poumons d'air et se livre à quelques exercices respiratoires à peines audibles ».

Rêver, ça part dans tous les sens, les cinq en alerte.
Rêver, ça se lit dans les deux sens, tout dépend de l'endroit où l'on place le sire qu'on flexe, vous savez, celui qu'a l'accent. Un palindrome imaginaire bien que réel.

« Quelqu'un s'étonnera-t-il qu'à posteriori, on ait l'impression que tout cela n'était rien qu'esbroufe, mensonges, hallucinations et poudre aux yeux, comme si la réalité se réduisait à une illusion qui s'allume par intermittence dans le regard des gens ou bien à des balivernes colportées par des langues mouchetées de pluie : des balivernes où même l'imaginaire devient réel alors que le visible s'évapore ».

Mais y a quand même bien une histoire, non ?
Pas une, plusieurs, infinies, des histoires dérisoires, des personnages sans âge, des lieux merveilleux, des émotions sans dévotion.
Ce bouquin ne se raconte pas, il se vit.
Démo ? Non, des mots. Délire de lire. Et la douleur ? Elle se meurt.

« Rappelle-toi cependant que les rêves sont toujours bénéfiques, oui, même lorsqu'ils sont mauvais, ils sont quand même bons car ils purifient l'âme, un peu comme une course de natation. Je crois même avoir lu quelque part qu'on peut les considérer comme les peignes fins avec lesquels on attrape les poux de l'esprit ».

Il faut croire en ses rêves.






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Une petite ville islandaise frappée par un orage un peu surnaturel. C'est alors que naissent les peurs ancestrales, telle celle de l'homme en vert à la moustache éternellement couverte de glaçons et les rêves extraordinaires parfois inquiétants.
Dans son atelier, le sellier raconte des légendes aux quatorze petits pêcheurs et au fermier Gunnar, toujours accompagné de son chien noir. La femme du pasteur s'est endormie, son aiguille à broder entre les doigts. Des phénomènes étranges se passent à l'école, où le directeur pérore pendant des heures, dans le salon de coiffure, à l'église. Rythmés par le bruit des gouttes de pluie, songes et récits s'enchevêtrent. L'eau monte. Est-ce le déluge ? La fin du monde ?
J'aime beaucoup la littérature nordique et tout spécialement islandaise. Ce livre, dont le titre me paraît joli, je le repère dans la liste proposée lors d'une opération Masse critique de Babelio.
Je ne connais pas du tout l'auteur. En dépit de quelques recherches, je n'en apprendrai pas beaucoup plus sur lui que ce qui figure en quatrième de couverture. Il a récolté de nombreux prix prestigieux. « Le testament des gouttes de pluie » est paru en Islande en 1986.
A la première page figure la mention « roman ». Pourtant, d'entrée de jeu, je suis désarçonnée. A mon avis, on peut le classer dans bien des genres, mais pas celui-là ! En effet, ce mot fait présager une histoire avec début, milieu et fin, des personnages auxquels l'auteur invente une vie et ce n'est pas du tout le cas ici.
Le lecteur pénètre dans un étrange pays, dont il peut penser que c'est l'Islande, vu le nom de l'auteur, mais rien ne le caractérise précisément. C'est vrai, quelques personnages portent des noms islandais : Gunnar ou Sigridur, mais les autres se nomment Anton, Herbert, Daniel.
L'endroit décrit, est-ce une ville ? un village ? A certains moments, on parle de hauts bâtiments, mais le plus souvent, on se sent emporté dans des temps anciens, ou dans un monde imaginaire, magique. Voici la « petite maison peinte en blanc à laquelle mène une allée couverte de dalles » où vivent le pasteur et sa femme. Là, une église, une école, un salon de coiffure et même un asile psychiatrique ou un jardin des plantes. On entre dans l'étrange atelier au plafond duquel « est accroché le squelette poli d'une baleine (…) et le long des murs, des têtes de renards empaillés. » S'y entassent aussi, comme dans l'antre d'un sorcier nordique, « des peaux de bêtes venues de pays étrangers (…) celles de trois ours polaires (…) des boucliers, des poignées d'épées décorées, des selles et des rênes... » C'est la demeure du sellier, qui trône sur un imposant siège, peut-être venu du monde des dieux et des mythes, du haut duquel il raconte des histoires à l'auditoire tout en serrant sur son ventre un baril de bière.
Ces « objets décoratifs qui mélangent les époques et font de l'atelier un monde tellement à part que tout y semble animé d'une vie autre que celle des bâtiments alentour et de l'asile près de la mer » me font croire (mais ai-je vraiment tout compris?) qu'il ne faut pas chercher une quelconque logique. Au contraire. Il faut se laisser porter par le récit, tantôt fantasmagorique, tantôt onirique, tantôt merveilleux, tantôt terrifiant, comme dans le conte que narre le sellier aux pêcheurs et au fermier. Toute sorte d'histoires s'entremêlent, rythmées par le bruit de la pluie qui finit par s'immiscer partout, comme le déluge. Les gouttes transparentes deviennent rouge sang. Une aiguille menaçante offre une présence récurrente. Elle pique le doigt de la brodeuse comme la quenouille qui enverra la Belle dans un sommeil de cent ans. Sigridur sombre, peu à peu, dans des songes tourmentés, laisse tomber le canevas avec le visage tutélaire de Jésus, glisse dans d'affreux cauchemars, s'éveille en sursaut, se rendort.
Le style, très étrange, est en accord avec cet univers flottant. Ne s'agit-il pas d'une unique phrase qui, soudain, s'interrompt quand on ne s'y attendait pas, par un point déstabilisant : « Chacun, sauf, peut-être, le chien. », pour se poursuivre ensuite, comme si de rien n'était, parfois même d'un chapitre à l'autre.
Il me semble déceler des similitudes entre ce texte et celui d'autres auteurs islandais. Comme chez Jon Kalman Stefansson, le ton est incantatoire. Des marins voguent sur des océans gelés, le décor disparaît sous la neige. Chez Einar Mar Gudmundsson, c'est la pluie qui noie tout. J'y vois le symbole de la lutte entre paysages et coutumes anciens, qui font le charme de l'Islande et la modernité, qui envahit le pays, le change, le métamorphose dès la création de la route circulaire, ainsi qu'on le voit chez Kristin Marja Baldursdottir, qui évoque, dans son magnifique roman « Karitas », des femmes dont les mains sont crevassées par le sel avec lequel elles conservent les poissons. Ce livre évoque, lui aussi, cette pratique. Comme chez Arnaldur Indridason, un homme se perd à jamais dans les montagnes. Et, bien sûr, j'ai souvent pensé aux récits biscornus de Jorn Riel (qui est danois, lui). Ainsi apparaissent des personnages tirés de contes et légendes ou de rêves et cauchemars. Tantôt, on croit poser le pied sur un tapis moelleux, mais c'est l'eau glacée qui envahit la maison, quand ce n'est pas une aiguille acérée qui vous transperce le talon.
Certains êtres sont hors du temps. Ils sont âgés de trois ou quatre cents ans. L'alcool ruisselle à flots : « la boisson proposée est loin d'être de la pisse d'âne : on trinque et elle coule en douceur avec la nourriture, le poisson séché, le mouton fumé, les "flatkökur", et toutes les douceurs qu'on conserve dans la saumure.
C'est pourquoi j'ai laissé mon esprit flotter au gré des courants, tantôt paisibles, tantôt menaçants et tempétueux, se perdre dans cet écheveau de contes, légendes, rêves, et cela ne m'a pas déplu.
Je ne conseillerais pas cette histoire à ceux qui cherchent de l'action, du rationalisme, de la rigueur. Que ceux qui veulent pousser les portes d'une autre dimension s'y aventurent.
Pour moi, je remercie l'opération Masse critique et les éditions Gaïa de m'y avoir emmenée.
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Einar Már Guðmundsson a écrit quelques romans, mais il est aussi poète. C'est particulièrement sensible dans ce livre, qui ne suit pas d'intrigue, de progression romanesque. Il s'agit de pages qui évoquent des personnages, certains récurrents, d'autres plus épisodiques, quelque part à Reykjavik, surtout une nuit d'orage. La réalité se mêle à l'imaginaire, nous suivons un pasteur et sa femme, ainsi que d'autres habitants du quartier, mais aussi des apparitions, des cauchemars, des prémonitions.

C'est un livre assez désarçonnant, un peu décousu. Certaines pages sont très séduisantes, grâce à une belle langue, une écriture évocatrice. Mais à force de passer d'un personnage à un autre, d'une scène à une autre, j'avoue m'être un peu perdue, et avoir décroché par moments. Il m'a manqué d'un fil conducteur, une architecture d'ensemble, qui m'aurait donné la sensation que l'auteur savait réellement où il souhaitait aller. Là cela ressemble vraiment trop à des errements quelques peu désordonnés. Et ce manque de trame fait que j'ai ressenti les personnages comme trop désincarnés, évanescents, pour pouvoir m'y intéresser vraiment. En même temps, l'aspect fantastique, fantasmagorique, n'est pas assez développé au final pour donner une sorte de compensation.

J'ai été plus séduite par d'autres livres de l'auteur, celui-ci m'a un peu laissée sur le bord du chemin.
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Abandon. Parce que ce n'et pas mon truc lorsqu'on y parle de spectres, trolls, elfes, abysses, sirènes, Jésus-Christ, anges. Des métaphores bizarres. En un quart d'heure de lecture, suis déjà larguée.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Comme des draps qu'on enlèverait d'un lit, un décor peint qui n'aurait plus de raison d'être ou des voiles qu'on arracherait du visage d'une fausse voyante : ainsi s'en vont les nuages et les enfants se disent que, peut-être, le ciel a maintenant l'intention d'ouvrir d'innombrables portes bleutées, qu'éventuellement l'optimisme des prévisions météo va se vérifier et que, bientôt, vont apparaître sous leurs yeux ces boniments ensoleillés, voguant sur un plat argenté.
Débordants de joie, le cœur empli d'espoir, ils entendent bien assister au moment où tels des champions de natation, les rayons du soleil si longuement attendus vont plonger sur les immeubles et les maisons, ils entendent bien les regarder se refléter, tels des volcans en éruption, sur les vitres des fenêtres des salles à manger et se disent que, maintenant, ils ne devraient plus tarder, puisque les nuages s'en sont allés et que là-bas, il y a du bleu.
Mais c'est alors que...
Plus noires que les plus noires des ténèbres, des cohortes de nuages s'amoncellent par-dessus la ville.
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La nuit est traversée d'oies bernaches et à l'extérieur, pendant qu'un chien noir aboie, que ce soit les yeux ouverts ou bien au creux du rêve d'un homme qui sommeille assis sur son siège, dehors l'obscurité tournoie, les bras chargés de gouttes de pluie transparentes.
Elle plane, toute en particule noir de jais qui volent haut dans le ciel, par dessus les toits, les lampadaires et les arbres, par-dessus les jardins, les rues et les champs ; elle tournoie parce que le jour a disparu du ciel afin que la soir puisse venir et, dans son voyage, envelopper la nuit.
Envelopper la mort, les gouttes de pluie et la nuit.
Sur les chevets dans les maisons, les réveils égrènent les minutes et, à côté d'eux, les visages reposent dans des positions si diverses aux têtes des lits qu'il doit évidemment vous sembler tout à fait étrange de voir tous ces gens endormis, à vous qui, vêtus de vos vareuses, passez ici et traversez cette nuit.
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Le silence.
Il est suspendu aux perles de lumière scintillante, aux appliques murales à côté de la table, aux ampoules Osram blanches comme la neige, aux abat-jour blanc crème.
Le silence.
Il joue à l'harmonium, virevolte au-dessus du petit autel de la salle à manger et dialogue avec les rideaux tout en aspirant les images pieuses à l’intérieur de leur cadre.
Le silence.
C'est un aveugle avec sa canne. Il entame un solo de batterie dans l'évier de la cuisine, tire la chasse d'eau et transforme les gouttes de pluie qui cinglent les vitres en orateurs qui, juchés dans leurs chaires comme des bosses sur un dos haussent de plus en plus la voix.
Ils haussent le ton, encore et encore jusqu'à former un chœur d'hommes à plusieurs voix tellement écrasant que même les serpillières se bouchent les oreilles.
Oui, le silence.
C'est un rêve qui renaît suspendu en l'air.
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Et la nuit.
La nuit qui franchit la porte de la maison avec le gardien du jardin des plantes.
Elle ne repose pas seulement sur ce jardin, sur les maisons et sur les immeubles du quartier.
Non, elle doit régner de toutes parts.
Également sur les pentes inaccessibles des montagnes, dans les tempêtes de neige, dans les minces filets d'eau des ruisseaux qu'on ne trouve nulle part et dans les sources qui, en fin de compte, se révèlent n'être que des mirages.
La nuit.
Elle est aujourd'hui au même endroit qu'hier.
Sur les dunes du désert où l'infini sans routes règne en maître et où la solitude s'étend nue dans toutes les directions.
Parfois, il fait aussi noir en plein jour et bien des gens luttent contre la nuit qui habite leur esprit.
Elle s'infiltre, noire comme du charbon à l'intérieur de l'atelier, parfois blanchie par le blizzard ou avec les yeux pleins de neige balayée par le vent, elle demeure cependant le plus souvent noire dans l'histoire de ces gens perdus dans la montagne et racontée par le sellier.
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Les gouttes de pluie transparentes tombent sur leurs vareuses vertes et déchirées, caressent leurs paupières telles des larmes de tristesse et, quelque part, bien loin au creux de l’obscurité, on dirait que le vent tend son bras vers une flûte traversière rutilante.
Il la porte d’abord aux lèvres détrempées de l’univers, s’emplit les poumons d’air et se livre à quelques exercices respiratoires à peines audibles.
En tout cas, les deux cloches de l’église demeurent parfaitement immobiles, comme figées, et les cordes de chanvre que les enfants du quartier viennent parfois tirer à la dérobée oscillent de manière presque imperceptible à l’œil nu.
Et, fermée à double tour, l’église flotte, plongée dans d’inquiétantes ténèbres qui ne renvoient rien d’autre en écho que les gouttes de pluie, ces gouttes qui tombent sur le toit en carton enduit de goudron et sur les fenêtres, sur la croix éclairée de bleu qui, désemparée et solitaire, fixe l’obscurité, la croix qui fixe la nuit, les gouttes de pluie et l’obscurité.
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