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Joëlle Dublanchet (Traducteur)
EAN : 9782742752461
130 pages
Actes Sud (01/10/2004)
3.82/5   164 notes
Résumé :
Constantin, dit Kostia, un jeune bidasse russe est revenu de son service militaire en Tchétchénie le visage monstrueusement brûlé après l'attaque de son tank par les boeiviki.
Pour oublier, Kostia, dont le visage terrorise les enfants, va se mettre à boire comme seuls les Russes savent le faire... à mort. Suivant ainsi l'enseignement d'un peintre raté, qui lui apprit deux choses : boire de la vodka sans simagrées (lui-même souffre d'une Soif inextinguible) et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Un petit livre pour une soif immense et un feu inextinguible…

Kostia boit, c'est peu de le dire…Il bois à la Boris Vian, pour oublier ses emmerdements, dès qu'il a des loisirs, pour être soul, pour ne plus voir sa gueule, sans y prendre plaisir, surtout pour pas se dire qu'il faudrait en finir.

Kostia boit, pour oublier les horreurs de son service militaire en Tchétchénie dont il est revenu le visage monstrueusement brûlé, il boit pour ne plus voir l'attaque de son tank à la grenade par les boeiviki, attaque après laquelle on l'a considéré comme mort d'où l'importance de la brulure, il boit pour oublier les yeux en soucoupes volantes des enfants désormais horrifiés par sa trogne.

« J'ouvre la bouche. Sur le visage de Pacha une expression d'horreur. Il éteint le feu sur moi à mains nues. Je veux fermer les yeux, mais je n'ai plus de paupières. Elles ont brûlé ».

Kostia boit pour oublier son père qui l'a laissé pour une autre femme, plus jeune et plus belle que sa mère, il boit pour oublier le nouveau compagnon de sa mère, Edouard Mikhaïlovitch, qui le dénigre, il boit pour oublier ce peintre raté Alexandre Stépanovitch, directeur d'un établissement scolaire, qui l'avait pris sous son aile, impressionné par ses talents de dessinateur, père de substitution qui lui avait enseigné deux choses : boire de la vodka sans simagrées et ouvrir ses yeux au monde pour mieux le peindre. Même lui va le laisser.

« Ce qui me plaisait chez lui, c'est qu'il ne buvait pas sa vodka comme les autres. Mon père restait toujours un long moment debout, son verre de vodka dans une main, un verre d'eau dans l'autre. Il se préparait, se mettait en condition. Puis il avançait ses lèvres en cul-de-poule, fermait les yeux à demi, et l'ingurgitait lentement. Edouard Mikhaïlovitch, lui, avait toujours des sortes de spasmes, comme si on lui avait mis une grenouille dans le cou. le directeur lui ne buvait jamais sa vodka dans les petits verres habituels. Il se la versait dans un bon gros verre et l'avalait comme si c'était effectivement de l'eau. Comme s'il avait soif, tout simplement. En homme qui a la gorge sèche ».

Mais le bidasse, sorti d'un coma éthylique par deux de ses camarades, camarades présents avec lui ce jour-là dans le tank, va se mettre avec eux à la recherche du quatrième rescapé de l'équipe qui semble avoir disparu…périple à travers la campagne russe et les villes russes, auprès de personnes multiples et variées que Kostia va inlassablement dessiner. Il ne cesse de dessiner, donc de voir, de comprendre, et remet de la vie là où il n'y en plus, là où il y en a guère…dessiner un bras pour remplacer celui qu'un miliaire a perdu, dessiner un homme mort au combat à un âge plus avancé avec des enfants imaginaires…dessiner pour redonner du sens à sa vie. le dessin comme rédemption pour retrouver la soif de vivre.

« A l'un je dessinais une jambe, à un autre une femme. A un troisième ses amis qui avaient été tués. A un quatrième, je faisais un enfant en bonne santé. A tous ces hommes je donnais de la vigueur, à leurs femmes de la beauté, à leurs enfants de la drôlerie ? Je dessinais ce qu'ils n'avaient pas ».

Loin d'être un éloge à l'alcool et à l'alcoolisation tout azimut comme le laisse penser les premières pages, ce petit livre dense est d'une belle humanité. Un roman initiatique qui réussit le tour de force de nous faire sourire avec émotion à la toute fin. Servies par une plume nerveuse, percutante, qui sait entremêler les souvenirs et le moment présent, ces 120 pages nous plongent dans une eau qui a la couleur, l'odeur et le gout de la vodka mais qui se révèle être une eau salvatrice à la fontaine de l'amitié et de l'art, à savoir le dessin tout en jeu d'ombres et de lumières. Un tour de force qui me donne l'envie de découvrir d'autres livres d'Andréï Guelassimov.

« Es-ce que tu as déjà vu comment tombe un rai de lumière dans une pièce sombre, par une porte entrouverte ? Au départ, il est tout étroit, et puis il s'élargit. C'est exactement la même chose pour l'être humain. D'abord il est seul, puis il se retrouve avec deux enfants, et ensuite avec quatre petits-enfants. Tu comprends ? L'homme s'élargit, comme un rayon de lumière. A l'infini. Tu as compris ? ».

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Comment parler de ce roman ? C'est un OVNI que j'ai lu sans m'arrêter une seconde, tellement j'étais assoiffée… comme sous perfusion de vodka ou d'autre chose…

Constantin, alias Kostia, est un rescapé. Il a été laissé pour mort lors de l'accident où le tank dans lequel il se trouvait a été attaqué en Tchétchénie. Donc, c'est lui qui a été sorti en dernier, quand on s'est aperçu qu'il vivait encore. Il a été gravement brûlé, son visage est déformé et on s'en sert pour faire peur aux enfants !

Il survit grâce à la vodka, et surtout grâce à Alexandre Stépanovitch, un professeur qui a été impressionné par ses dessins, et l'encourage à persévérer. le professeur boit comme un trou, il boit sa vodka dans des grands verres qu'il vide cul sec. Mais il transmet des conseils à Kostia, comment voir le monde, notamment. Il ne le ménage pas:

» Constantin? C'est un très beau nom. Tu dois être quelqu'un de persévérant.C'est bien. Tu es persévérant Constantin? Ou bien tu n'as de persévérant que le nom? »

C'est un peu un père de substitution, un mentor. Tellement peu d'hommes ont pu lui servir de modèle : son père est parti, il a refait sa vie ; le nouveau compagnon de sa mère le dénigre…

Il a gardé des liens avec ses camarades militaires et lorsque l'un d'eux, Serioja, disparaît, les trois autres vont se lancer dans un périple à travers les villes russes alentour. Kostia boit, roule en voiture avec eux mais dessine : un bras pour remplacer celui qu'un militaire a perdu, une famille imaginaire pour un qui est mort au combat. Il va peu à peu trouver un sens à sa vie.

L'accident en Tchétchénie aurait pu le détruire, l'anéantir, mais il a su conserver une amitié forte avec ses copains, transcender la souffrance physique et morale, dans cette Russie où la vie n'est pas simple, l'exprimer dans ses dessins, toujours en noir et blanc.

Je redoutais cette lecture, car j'avais peur de voir des hommes consommer de la vodka au litre, comme seuls les Russes savent le faire, un éloge de l'alcool. Ce livre a donc pris la poussière quelques temps avant que je ne l'ouvre car les histoires d'alcoolisme, d'alcoolisation me rebutent en général. Ce petit roman, 129 pages à peine, est d'une telle densité qu'il est un uppercut pour le lecteur, un voyage initiatique, une leçon de vie, très loin des « feel-good » à la mode aujourd'hui.

L'écriture est incisive, les phrases sont parfois lapidaires, et le style d'Andreï Guelassimov tellement percutant que j'ai envie de continuer à découvrir son oeuvre. J'ai un autre de ses romans, récupéré dans une corbeille, sorte de livre voyageur, en attente lui-aussi : « Fox Mulder a une tête de cochon », recueil de nouvelles. « L'année du mensonge » devrait être bien aussi…

Un auteur à découvrir absolument.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Comment font ces russes pour rester lucides après des litres de vodka ? Comment font ces russes pour rester amis après une trahison ? Comment font ces russes pour ne pas sombrer dans la folie civile au sortir de celle de la guerre ?
La réponse à la troisième question est dans l'amitié et la vodka, au moins dans ce court roman, absolument formidable, et tant pis si les non-russes ne peuvent pas tout comprendre. Outre la construction complexe où les histoires s'entremêlent et finissent par s'éclairer mutuellement, j'ai aimé ces morceaux d'enfance recréés, cette possible rédemption par l'amour de l'enfance et le dessin, malgré les trahisons et les mesquineries.
Tous les destins ne sont pas tragiques dans ce récit, certains sont seulement désespérants, et banals comme les douleurs de la vie ordinaire. Mais le narrateur Kostia (Constantin), blessé irrécupérable de la vie et de la guerre, m'a donné une sacrée leçon d'espoir. Il finit par comprendre la leçon reçue dans son enfance : oui il sait voir le monde, ses dessins le prouvent. Et pareillement Andreï Guelassimov nous donne sur le papier une vision du monde, complexe, perturbante, mais prenante et utile.
J'admire le geste de la collection Babel, offrant ce petit livre jaune pour deux autres volumes achetés, quelle belle idée pour faire connaître Guelassimov, qui se rend indispensable en 120 pages. Merci.
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La Soif, ce pourrait n'être que la soif de vodka pour noyer dans l'alcool les souvenirs de son service militaire en Tchétchénie qui empoisonne Constantin, Kostia, mais c'est aussi la lente, douloureuse mais belle remontée vers la vie, la soif de vivre qui va lui être progressivement redonnée grâce à son envie de dessiner. 

Ce goût du dessin qui vient de l'enfance, développé à l'école, grâce au directeur qui s'est rendu compte de son don et le favorise, va renaître au contact des enfants de son père qu'ils retrouvent à Moscou lorsqu'il se lance avec ses amis Pacha et Guena à la recherche de Sérioja celui qui les a tirés de leur blindé en flammes. 

Par étape, après s'être amusé avec ses demi-frère et soeurs, émerveillés qu'ils donnent naissance sur le papier à tous leurs désirs, il va continuer à extraire de lui-même et faire surgir sur le papier les souvenirs obsédants et cauchemardesques de Tchétchénie. le Directeur de l'école, lui avait d'ailleurs fait don d'un livre « les Caprichos de Goya » composé de gravures satiriques sur la société espagnole et aussi de gravures fantastiques où s'agitent des êtres étranges. Les visages, les corps y apparaissent déformés. Dans « La Soif » il y a aussi la vision du visage de la Russie actuelle mais tout est de l'ordre du constat, Kostia ne prononce aucun réquisitoire, ne se plaint pas, il montre, raconte par bribes, se souvient et le lecteur le suit sans l'interrompre car ce livre on le lit d'une traite et la fin soulage et redonne espoir.
Le récit de Kostia débutait sur l'appel au secours de sa voisine Olga lui demandant de venir faire peur à son petit garçon Nikita : « Excuse-moi de toujours t'embêter, me dit-elle alors. C'est que… il n'a peur que de toi… Moi, il ne m'obéit plus du tout. » et il se termine par le retour vers ce même petit garçon qui lui dit malicieusement après qu'il l'ait mis au lit :
— Moi je sais.
— Qu'est-ce que tu sais ?
— Je sais bien.
— Mais qu'est-ce que tu sais ?
— Que tu n'es pas méchant. C'est juste ta figure qui est comme ça.
Kostia, grâce à ces enfants placés sur sa route rejoint sa propre enfance et va retrouver son visage en retrouvant la capacité de le dessiner après que Nikita se soit endormi.
un livre parfois éprouvant mais au final émouvant et beau
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Un court roman comme je les aime !
Les blessures physiques, morales et esthétiques de la guerre, la guerre elle-même, l'amitié forte qui réunit ces rescapés, la vodka bien entendu qui étanche difficilement la soif - il en faut des quantités et enfin le salut par le dessin.
Le protagoniste principal est attachant, fortement défiguré par une grenade lors de la guerre de Tchétchénie, il permet à sa voisine de l'utiliser pour se faire obéir de son enfant. Son don du dessin a été découvert par son directeur d'école qui lui apprendra à "voir" ce qui l'entoure
C'est le dessin qui lui donnera un but alors que tout aurait pu être ravagé par son handicap.
C'est le dessin qui lui permettra de vivre.
J'ai beaucoup aimé !
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
"Quand je suis arrivé à peu près à mes fins, on a sonné à la porte. Je n’ai pas voulu ouvrir tout de suite parce qu’il était tard, et puis j’ai ouvert quand même. Ca ne pouvait être qu’Olga. Même ma mère, ça faisait six mois qu’elle n’avait pas mis les pieds chez moi. On ne communiquait que par téléphone.
- Excuse-moi, qu’elle a fait, de te déranger à nouveau. J’ai mon Nikita qui fait encore des siennes. Viens me donner un coup de main. Je n’en viendrai pas à bout toute seule.
- Pas de problèmes ! ai-je répondu
J’ai jeté ma veste sur les épaules et je l’ai suivie. J’ai laissé ma porte ouverte.
- Alors comme ça, il y a quelqu’un qui ne veut pas dormir ici ?
Le gamin a sursauté et m’a fixé comme si j’étais un spectre. Ses cubes lui en sont tombés des mains.
- Qui est-ce qui n’écoute pas sa maman ?
Il me regarde sans broncher. Les yeux comme des soucoupes.
- Allez, prépare tes affaires. Puisque tu ne veux pas obéir à ta maman, tu vas venir habiter chez moi. Tu ne peux prendre qu’un seul jouet.
Il reste silencieux, la bouche grande ouverte.
- Lequel on va prendre avec nous ? La petite voiture, ou bien ce bonhomme ? C’est qui, celui-là ? Superman ? Allez, vas-y, prends Superman.
Son regard se reporte sur Olga et il murmure :
- Je vais dormir. Je vais aller au lit tout seul, maman.
- C’est parfait. Tu as vite compris. Si tu recommences encore une fois, je reviens et je te prends avec moi pour de bon.
Arrivé à la porte, Olga m’a retenu :
- Tu veux du thé ? Allons à la cuisine – je viens d’en faire.
- Ma porte est restée ouverte. On ne sait jamais ce qui peut arriver…
- Excuse-moi de toujours t’embêter, me dit-elle alors. C’est que… il n’a peur que de toi… Moi, il ne m’obéit plus du tout.
Je me suis mis à rire. "
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La jalousie – un sale truc qu’on n’arrive pas à vaincre. Jamais. Et quels que soient les efforts qu’on fait. Il y a des gens solides qui peuvent surmonter tout ce que vous voulez : ennemis, amis, solitude. Mais la jalousie c’est une autre histoire. A moins de tout simplement s’arracher le cœur de la poitrine. Parce que c’est là qu’elle vit. Sinon, chacun de vos mouvements s’exercera contre vous-même. C’est comme si on se noyait dans un marais. Plus on cherche à se dégager et plus vite on s’enfonce dans le bourbier. Bientôt il n’y a plus que les yeux qui restent à la surface. Ils vous brûlent. Toutes sortes de pourritures se sont déjà engouffrées dans vos narines. Vous pouvez inspirer si vous voulez. De toute façon, il ne vous reste pas plus d’une minute à vivre. Adieu, lumière du jour. Tout était si beau.
Avant que n’arrive cette créature.
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Je n'avais pas réussi à caser toute la vodka dans le frigo. J'avais d'abord essayé de poser les bouteilles debout, puis je les avais couchées les unes sur les autres. Elles ressemblaient comme ça à des poissons transparents. Tapis et silencieux. Mais je n'avais plus de place pour les dix dernières.
(incipit)
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- C’est à cause de toi qu’il ne veut pas partir. Il n’a jamais eu d’élèves comme toi.
Le lendemain, Alexandre Stépanovitch me demanda tout de suite le dessin. Je lui dis que je l’avais perdu, mais il s’est mis à crier qu’il allait me renvoyer à l’école. Alors, je le lui ai montré, et il est resté un long moment sans faire le moindre geste. Il a poussé un soupir et a dit :
- Boria ne m’avait pas raconté d’histoires. Je pensais qu’il disait ça pour me faire plaisir.
Puis il a levé les yeux :
- Donc, en fin de compte, tu sais voir. Tu faisais juste semblant de faire l’andouille.
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Je me souvenais comment nous allions l'été au soleil, papa, elle et moi ; il avait toujours des shorts blancs qui faisaient ressortir son beau bronzage-il bronzait facilement, uniformément. Il portait une casquette très chic et des lunettes à reflets changeants. Il n'était jamais avec nous sur la couverture. Il allait et venait, restait debout un peu plus loin, jouait au volley. Riait avec des filles bronzées. Tandis que, maman et moi, nous nous tenions à l'abri du soleil sous un parasol.
Elle me disait :"Kostia, tu as la même peau que moi. Avec une peau pareille, on ne peut pas bronzer. On n'a que des taches de rousseur. viens que je te mette de la crème. Sinon tu vas prendre un coup de soleil sur le visage."
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