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4,21

sur 1314 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quatre mois sans critique Babelio publiée, quatre mois sans quasiment passer sur le site. La dernière critique donne en elle-même une explication de cette traversée de désert littéraire. Étant arrivé à l'oasis, je vous fais donc un point d'étape… qui j'espère sera un nouveau départ.

Je vais arrêter de dire que je rechigne à parler de ma vie personnelle, puisque je vais encore un peu m'égarer, mais toujours parce que le contexte de lecture a ici aussi toute son importance. Ce livre de Victor Hugo est le dernier livre que j'ai offert à ma mère et qu'elle n'aura que si peu commencé (à en croire le marque-page), sa maladie étant celle qui est le frein le plus important pour la lecture. Il était malgré tout longtemps resté sur sa table de chevet, preuve que l'envie ne manquait pas. C'est aussi (logiquement ?) le livre que j'ai choisi de lui lire dans ses derniers instants, lien tout particulier qui m'a (nous a ?) permis de traverser ces moments, bien balloté comme l'ourque du début du roman, mais, tout comme l'équipage, ensemble. Je me devais bien évidemment de finir cette lecture pour continuer ce lien, physiquement rompu, mais, la littérature ayant ce pouvoir magique, malgré tout maintenu, quelles que soient nos croyances. Me voilà donc ici pour vous en parler, après un voyage de plus de 700 pages.

Le contexte de lecture a une importance, mais pour ce livre le contexte d'écriture en a tout autant sinon plus. Vécu comme le premier tome d'une trilogie qui n'aura jamais de tome deux…. mais bien un tome trois (Quatre-vingt treize), ce roman est celui où Hugo se propose d'étudier la Seigneurie, en s'intéressant à celle des Anglais. Pensez-vous que le fait qu'il vive en exil depuis le coup d'état de 1851 de Napoléon III, que ce soit les îles anglo-normandes qui lui aient offert un refuge si proche et si lointain de sa terre française ait eu un effet sur la rédaction de cet Homme qui rit (jaune…), commencée en 1866 ? La réponse est évidemment dans la question. Après l'achèvement du projet des Misérables (déjà en ébauche depuis 1845), en 1861, après un roman nourri de sa situation d'ilien (Les Travailleurs de la Mer), Hugo se lance dans un projet qu'il veut au départ historique.

Le projet deviendra ensuite polymorphe, philosophico-dramatico-lyrico-onirico… (ajoutez tous les mots en -co qui vous passent par la tête), bref un objet littéraire assez fou, très hugolien car éminemment poétique et politique. A la lecture, je me suis parfois dit qu'Hugo avait voulu aller plus loin dans l'horreur que dans les Misérables, poussant le curseur plus loin, de façon plus désabusée, la vieillesse et la sagesse étant venues contrebalancer les idéaux de la jeunesse. Certaines scènes sont vraiment éprouvantes, on souffre avec les protagonistes. Un vrai monument littéraire en tout cas, dont l'abord plus compliqué a sans doute nui à la notoriété.

Ou alors, est-ce un autre contexte, celui de sortie du livre qui a joué ici un rôle déterminant. Hugo est loin de France, son éditeur profite de cet éloignement pour échafauder des combines de vente afin de profiter au mieux de la notoriété de l'exilé pour faire du profit. Les critiques pleuvent après des fuites de premières pages avant même la publication, Hugo semble pour certains un homme à abattre. Malgré toutes ces difficultés, l'oeuvre connait une postérité impressionnante…. Notamment quand on sait que le fameux Joker, ennemi de Batman, trouve sa source dans l'adaptation cinématographique de l'oeuvre en 1928.

Je terminerais avec une évocation de la fin du roman, sans volonté de divulgachage. le regard porté sur la mort y est très particulier, rempli de spiritualité.Quand on sait qu'Hugo a hésité longtemps entre plusieurs fins possibles, qu'il a connu une succession de deuils familiaux dans ces années d'écriture (son petit-fils en avril 1869, son épouse en août 1868), je ne peux que voir dans cette fin une réflexion sur la deuil et sur la façon dont nous transigeons sans cesse avec la mort des nôtres.
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L'homme qui rit fait partie des livres que je suis sûre de ne jamais oublier. Un grand Hugo mais c'est un pléonasme, non ? Respect Victor !
L'histoire tient du génie et Victor HUGO est un virtuose.

Pour la forme, on y retrouve l'écriture foisonnante, passionnée, grandiloquente, lyrique de l'auteur. Pour le fond, c'est un pamphlet violent dénonçant l'injustice.

En quelques mots : Un enfant est abandonné sur une plage anglaise. Il s'appelle Gwynplaine et recueille un bébé qui gisait auprès de sa mère morte de froid. L'errance les mènera jusqu'à un bateleur qui comprend que Gwynplaine a été mutilé, atrocement défiguré. Pour les faire vivre, l'homme montera un spectacle mettant en scène l'orphelin. Gwynplaine sera alors connu jusqu'à Londres sous le nom de L'Homme qui Rit.... le mythe du monstre avec un coeur pur, comme dans Notre Dame.

C'est un récit à couper le souffle avec des descriptions formidables d'une nature déchaînée. Comme j'ai pu le lire dans plusieurs critiques, c'est vrai, le trait est un peu appuyé. On y trouve de nombreuses variations sur le même thème et une vision un peu manichéenne de l'âme humaine, noirceur ou pureté sans nuance selon les personnages.

Le compte détaillé par le menu du cérémonial des Pairs d'Angleterre est pour le moins lassant, mais cet aparté n'enlève rien à la force du roman.

La Scène de l'enfant au pied du gibet où tournoie un pendu secoué par la tempête et disputé par les corbeaux venus piller la dépouille, avec les bruits lugubres de la chaîne du supplicié, du vent déchaîné et des oiseaux fossoyeurs, est, je pense, l'une des plus fortes de la littérature. du moins, pour ce que j'en connais…c'est-à-dire, pas grand-chose, comme dirait Nastasia !
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Lire du Victor Hugo, c'est comme s'attaquer au Mont Blanc que dis-je à l'Everest. J'ai eu l'occasion étant ado de lire du même auteur le dernier jour d'un condamné et QuatreVingt-Treize et lorsque mes amis Babelionautes m'ont proposé l'homme qui rit en lecture commune, j'ai tout de suite sauté sur l'occasion et j'ai bien fait.

Le livre de notre ami Victor Hugo est un mixte entre le roman Sans famille d'Hector Malot écrit en 1878 et le conte la Belle et la Bête de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve paru en 1740. On fait vite le parallèle entre le jeune Rémi d'Hector Malot et le Gwynplaine enfant d'Hugo. le musicien ambulant Vitalis du Sans famille n'a rien à envier à l'humanité du colporteur ventriloque Ursus de l'homme qui rit. Les animaux aussi ne sont pas non plus oubliés. Au singe Joli-Coeur de Malot, on retrouve son pendant avec Homo, le chien-loup d'Hugo. Je ne vous parlerai pas des deux prétendantes, Lise et Dea, la première étant muette et la deuxième aveugle… Si les deux romans retracent les péripéties d'un enfant volé (Malot) et abandonné (Hugo) adoptés par deux saltimbanques, la force de l'oeuvre de Victor Hugo réside dans la puissance et le romantisme de son écriture.

Dans l'homme qui rit, tout est démesuré voire disproportionné. de l'horrible cicatrice de Gwynplaine voulue par ses kidnappeurs qui lui donne en permanence un rire disgracieux en passant par les horribles châtiments subis par les condamnés à mort ; des récits terribles sur la misère sociale de l'Angleterre au XVIII siècle face à l'énumération sans fin des richesses de la noblesse anglaise ; des innombrables décors du Londres de cette époque aux interminables descriptions des navires et autres bâtiments navals ; du trop grand nombre de personnages à l'exagération des sentiments humains…Tout est excessif, extrême, exorbitant mais que c'est beau et bien écrit, de la tempête dans la Manche au naufrage, de la représentation de la pièce de théâtre d'Ursus aux débats houleux de la chambre des Lords…

La prose de Victor Hugo est avant tout magnifique et éblouissante. Les mots sont forts et percutants. Ils viennent apporter à l'aventure une force et une vraisemblance qui pousse à l'admiration. L'épopée hugolienne est romantique avec un grand A. La lutte entre le Bien et le Mal se retrouvent à chaque page. le chaos se heurte à l'harmonie. L'ombre se mêle à la lumière pour fusionner et nous donner un clair-obscur qui nous suivra tout au long de l'oeuvre. Avec l'amour et la haine, la mort et la vie, le rire et les larmes, le roman fait le plein de sentiments. L'homme qui rit sait nous raconter avec panache et en quelques pages (838) l'histoire d'un petit garçon qui connaîtra un destin exceptionnel mais dramatique.

Et pour La belle et la Bête me direz- vous … J'y viens mes amis…ce concept du beau et du laid est récurrent chez Victor Hugo. On peut même parler de la beauté des laids avec son Quasimodo, sonneur de Notre-Dame comme son Gwynplaine du roman. Il n'hésite pas à opposer la laideur à la beauté, allant même jusqu'à les comparer voire les confondre. le laid c'est le beau. La beauté d'Esméralda ou celle de Déa ne se révèle que par la laideur de leurs « amoureux »respectifs. L'auteur du poème « J'aime l'araignée et j'aime l'ortie » sait sublimer la laideur comme le grand romantique qu'il est. Dans le conte précité, la Bête restera un monstre sauf à rencontrer une femme susceptible de tomber amoureuse de sa beauté intérieure en faisant fi de son aspect physique. Et cette personne sera la Belle.

Si l'histoire d'Hector Malot ou de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve finissent bien pour Rémi qui découvre être l'héritier d'une grande fortune tout en épousant Lise ou pour la Bête en épousant sa belle, ce sera bien différent pour notre Gwynplaine mais pour le découvrir, il vous faudra lire le roman de notre ami Victor Hugo. Faites comme moi mes amis et passez un bon moment avec l'un des maîtres du romantisme français.

« le beau n'a qu'un type ; le laid en a mille ». Victor Hugo, extrait de sa préface sur Cromwell (1827)
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L'homme qui rit, c'est une déchirure sur le visage d'un enfant qui en restera marqué à vie. C'est la déchirure indélébile qui crée la monstruosité sur le visage de cet enfant et n'enlève en rien son humanité. Bien au contraire...
J'aime beaucoup l'oeuvre de Victor Hugo, ses romans, sa poésie, ses pièces de théâtre. Mais par-dessus-tout, un récit se dégage dans cet amour, celui-ci, L'homme qui rit, je ne sais pas encore pourquoi. Victor Hugo est un auteur immense, généreux, humaniste, empli de contradictions, entier.
C'est un roman noir très noir, mais pas forcément au sens où on l'entend aujourd'hui. Il y a aussi dans ces pages sombres beaucoup de lumière.
C'est l'histoire d'un enfant, Gwynplaine, marqué à jamais par une cicatrice que des brigands lui ont infligé en lui déchirant son visage de part en part et qui lui donne en permanence une étrange façon de sourire, un sourire figé dans une grimace. C'est cette grimace qui porte le roman et en fait une des oeuvres les plus belles et les plus émouvantes de Victor Hugo.
Gwynplaine est un enfant mutilé, destiné à devenir par cette cicatrice l'homme qui rit, à être sans cesse comique au dehors et tragique au-dedans. Il est hideux jusqu'à la fin de son existence, mais sa laideur cache une beauté intérieure sublime.
J'ai aimé cette prose magnifique qui concilie la blancheur de l'innocence au côté sombre de la monstruosité. Je sais bien que ce côté binaire peut paraître simpliste, mais sous la plume de Victor Hugo, cela en fait un chef d'oeuvre. C'est pour moi un roman énorme dans tous les sens du terme.
Victor Hugo fait entrer dans ce livre la pureté et l'innommable. C'est là tout l'art de cet écrivain, que celles et ceux qui l'admirent comme moi sauront reconnaître. En écrivant cette chronique, je me demande même si notre monde a changé depuis l'époque où Victor Hugo a situé son récit. L'humanité est-elle si différente trois siècles plus tard ?
Tout commence par l'abandon d'un enfant de dix ans par des brigands sur une côte anglaise en janvier 1690.
Au départ, Gwynplaine est abandonné sur le rivage par les Comprachicos, ceux qui achètent des enfants pour les défigurer et puis les revendre. L'enfant marche péniblement dans la neige avec une obstination admirable. C'est l'hiver, une saison qui indigne Victor Hugo par-dessus tout, parce qu'elle fait souffrir les pauvres gens, et ça Victor Hugo ne le supporte pas.
Il va rencontrer une petite fille dans la neige, qui s'appelle Dea, elle a un an et est aveugle. Sa mère est morte à cause du froid. Gwynplaine la recueille.
Comme elle est aveugle, Dea ne voit pas le visage de Gwynplaine, le visage d'un monstre qu'elle va aimer parce qu'elle ne le voit pas et qu'il a une âme sublime.
Dea est une étoile tombée du ciel. Elle est une étoile dans le ciel de Gwynplaine.
Oui je sais, présenté comme cela, la situation paraît un peu fleur bleue. Mais c'est sans compter sur le souffle lyrique et politique de Victor Hugo, indigné par la misère, l'inégalité sociale.
Et c'est cela qui va conduire Gwynplaine à se saisir d'un destin fabuleux, de devoir franchir les méandres d'une intrigue vertigineuse, pour notre plus grand plaisir.
Les enfants sont recueillis par Ursus le saltimbanque, philosophe de surcroît, généreux, qui sillonne les routes d'Angleterre avec sa vieille guimbarde et son compagnon de loup, Homo. Il décide de recueillir ces deux enfants perdus, abandonnés, malgré le peu qu'il a à partager.
Ce n'est pas un hasard si l'une des premières scènes du livre est celle d'un gibet, dans une description horrible. Sous l'effet du vent le gibet s'agite, les corbeaux s'acharnent pour dévorer les quelques morceaux de chairs qui battent dans le vent. Victor Hugo s'élève contre la peine de mort depuis longtemps. C'est sa manière ici de poursuivre son combat humaniste.
C'est un roman sur la monstruosité humaine. Mais les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Alors que la laideur de Quasimodo était un hasard de la nature, la disgrâce de Gwynplaine est un forfait de l'homme et par ordre du roi, à cause d'une filiation gênante. C'est bien ainsi que Victor Hugo pose l'objet de ce livre. La cicatrice de Gwynplaine est le fait des hommes et du pouvoir.
C'est la symbolique du peuple transformé en monstre par les puissants, par la monarchie. On pourrait presque transposer cela, ici et maintenant.
C'est un livre qui questionne l'humanité, ce qu'elle est, là où elle se trouve parmi la monstruosité de nos vies. On dirait presque que ce roman n'a pas pris une ride deux siècles plus tard, qu'il est incroyablement actuel.
Il me semble important de lire et relire cette oeuvre lucide. Victor Hugo parle de notre présent à quelques distances de nous. J'ai l'impression que ce roman continue de questionner ce que nous sommes.
Qu'en pensez-vous ?
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J'ai découvert L'Homme qui rit (1869) dans l'intégrale numérique de Victor Hugo aux éditions Arvensa. Sur ses 13 romans, c'est le seul dont je n'avais jamais entendu parler. Victor Hugo est pour moi une (belle) découverte. Avant de lire (très récemment) le dernier jour d'un condamné, je n'avais rien lu de lui.

Ce livre est magistral et bouleversant.

Pour commencer, il y a Ursus le philosophe et son loup Homo. Puis arrive cette nuit du 29 janvier 1690 : un enfant de 10 ans est abandonné par des comprarchicos (vendeurs d'enfants) sur la côte. Cet enfant c'est Gwynplaine et il a été abominablement mutilé au visage. Il va être recueilli par Ursus après avoir trouvé un bébé, une petite fille. Une petite famille recomposée voit le jour... et vit (probablement) une vie tranquille pendant 15 ans.

Ensuite l'auteur nous présente tour à tour les autres personnages qui vont sceller leur destin comme Barkhilphedro le “déboucheur de bouteilles de mer”. C'est une véritable fresque qui se dessine mot à mot et c'est vraiment un plaisir de lecture. J'ai trouvé la narration un peu particulière car on se retrouve souvent embarqué dans de longues descriptions (expl. structure et hiérarchie de l'aristocratie). Cela peut sembler rébarbatif mais c'est indispensable pour prendre toute la mesure du drame qui se joue.



En faisant quelques recherches j'ai vu qu'il y avait eu plusieurs adaptations cinématographiques. La plus récente a été réalisée par Jean-Pierre Améris (2012) – je n'en n'avais jamais entendu parler non plus – et la plus ancienne est de Paul Leni (1928). J'ai regardé la bande-annonce du film de 2012 mais cela ne m'a pas donné envie de le voir. J'y ai entrevu des modifications disons mélo-dramatiques et je préfère rester dans l'ambiance de l'original.

Pour la petite histoire... J'ai lu sur le net que le personnage de Gwynplaine (et surtout l'acteur Conrad Veidt – le Gwynplaine de 1928) avait inspiré celui du Joker!!

Bref, c'est un livre que je vais relire mais dans sa version papier : les pavés sur liseuse c'est vraiment fatiguant!

Challenge multi-défis 2017 (24)
Challenge pavés 2016-2017



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Éblouie, émerveillée mais aussi touchée car ayant lu quelques biographies j'y ai vu plus qu'un roman.
Le 31 août 1881, Victor Hugo rédigea d'une main ferme un testament :
Dieu. L'âme. La responsabilité. Cette triple notion suffit à l'homme. Elle m'a suffi. C'est la religion vraie. J'ai vécu en elle. Je meurs en elle. Vérité, lumière, justice, conscience, c'est Dieu. Deus, dies.
Olympio ou La vie de Victor Hugo André Maurois
J'ai lu ce roman et du début à la fin, j'ai vu l'accord entre l'homme et l'écrivain. Sa vie, ses pensées, ses idéaux politiques mais aussi sa dualité, les deuils ainsi qu'un formidable témoignage.
Tout commence avec l'incroyable histoire des comprachicos, de la tempête et de cet enfant de dix ans Gwynplaine abandonné, perdu dans la neige en pleine nuit et je n'ai pu m'empêcher de penser à Cosette apeurée allant chercher l'eau du puits.
C'est une oeuvre de maturité où nous découvrons les aristocrates, le parlement, les lois, le peuple anglais, la misère, l'injustice juste un aperçu sans commentaire sans jugement.
« Accuser est inutile. Constater suffit. »
C'est aussi la vie d'Ursus et d'Homo (clin d'oeil de l'auteur) qui se sont exilés de Londres et de la folie des hommes. Ursus serait un Gwynplaine âgé, désillusionné, sage et pourtant il commettra une erreur fatale.
Gwynplaine parce qu'il n'avait rien à perdre a sauvé un bébé Déa dont la mère est morte dans la tempête. Pureté des sentiments, innocence, Déa, aveugle, ne sent que l'âme des autres. Tous deux s'aiment tendrement.
«Ils se suffisaient, ils n'imaginaient rien au-delà d'eux-mêmes ; se parler était un délice, s'approcher était une béatitude ; à force d'intuition réciproque, ils en étaient venus à l'unité de rêverie ; ils pensaient à deux la même pensée. »
De très beaux passages n'est pas Victor Hugo qui veut. L'auteur c'est énormément documenté.
Gwynplaine connaîtra la richesse, le pouvoir mais sa seule ambition sera d'aider les plus faibles, il y voit sa destinée.
« Je suis prédestiné ! J'ai une mission. Je serai le lord des pauvres. Je parlerai pour tous les taciturnes désespérés. Je traduirai les bégaiements. Je traduirai les grondements, les hurlements, les murmures, la rumeur des foules, les plaintes mal prononcées, les voix inintelligibles, et tous ces cris de bêtes qu'à force d'ignorance et de souffrance on fait pousser aux hommes. le bruit des hommes est inarticulé comme le bruit du vent ; ils crient. Mais on ne les comprend pas, crier ainsi équivaut à se taire est leur désarmement. Désarmement forcé qui réclame le secours. Moi, je serai le Verbe du Peuple. Grâce à moi, on comprendra. Je serai la bouche sanglante dont le bâillon est arraché. Je dirai tout. Ce sera grand. »
De très beaux passages n'est pas Victor Hugo qui veut. L'auteur c'est énormément documenté.
La fin de ce livre m'a laissé sans voix, sans mots, tant ce livre est mêlé à sa vie. Je percevais Victor Hugo et sa vie, son oeuvre derrière chaque mot. J'y ai vu ses doutes quant à son engagement politique qui lui a couté l'exil et une vie familiale perturbée. Et par-dessus tout j'y ai vu cet hommage à Léopoldine, son ange, et à son gendre partis trop tôt.
Une excellente Lecture Commune initiée par HundredDreams que je remercie et qui n'a laissé aucun des lecteurs et des lectrices indifférents.
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Roman allégorique, érudit et étourdissant, « L'homme qui rit » a pour cadre une Angleterre féodale dans laquelle les riches, tout puissants et corrompus, oeuvrent à maintenir dans la misère un peuple asservi et dépourvu du moindre droit.

Enfant, Gwinplaine est abandonné à son sort après avoir été défiguré. On lui a taillé au couteau un sourire monstrueux. Après avoir sauvé Déa, bébé aveugle ensevelie sous le cadavre de sa mère morte de froid, il est recueilli par Ursus, un vieux saltimbanque philosophe accompagné d'un loup. Tous quatre connaîtront la paix pendant une quinzaine d'année, présentant de foire en foire un spectacle dont Gwinplaine, appelé « L'homme qui rit », est le clou... Jusqu'à ce qu'il soit confronté à ses origines, à sa différence, et à une aristocratie arrogante pratiquant une politique pervertie.

Dans ce roman foisonnant et documenté, on retrouve les chevaux de bataille chers à Victor Hugo, en particulier : les inégalités sociales et la corruption des classes dirigeantes. Ce qui est nouveau ici, c'est la démesure dont il fait preuve pour clamer son indignation. Il plonge le lecteur dans un véritable cyclone où le romantisme est combiné à une critique sociale acerbe. Il use de sarcasme. Il présente des descriptions hallucinantes. Son écriture, toujours riche et précise, est exaltée.

J'ai adoré lire ce roman. J'ai adoré son style (du Hugo pur jus), son atmosphère passionnée, ses thèmes généreux, et son histoire sans concession.
L'homme qui rit possède une âme lumineuse et porte sur son visage l'infamie des hommes qui oppressent.
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Janvier 1690, sur une côte du sud de l'Angleterre, par une soirée glaciale, des individus embarquent sur un bateau dans la plus grande discrétion. le navire quitte précipitamment le rivage laissant à terre un enfant. Ce garçon âgé de dix ans se retrouve seul sur cette crique isolée battue par les vents et la neige. L'obscurité masque son visage gravement mutilé. Gwynplaine, c'est son nom, ne le sait pas mais il vient de mettre pied dans un destin hors du commun orchestré par un "Grand architecte" nommé Hugo.

Victor Hugo fait ce demi-aveu dans le roman : "le spectateur n'aime point la fatigue de l'approfondissement". Eh bien, le lecteur va être servi puisque l'auteur bâtit son récit sur de longues monographies. Tout, tout, tout vous saurez tout sur les comprachicos, l'ourque biscayenne ou la pairie d'Angleterre. Des passages érudits, minutieux, utiles et - avouons-le - parfois difficiles à digérer.

Ces lourdeurs sont vite chassées par les chapitres suivants dans lesquels le lecteur s'extasie sur la présentation des personnages, les envolées poétiques pour décrire un paysage ou un intérieur, la justesse dans l'analyse des rapports humains, l'ironie mordante qui sert à dépeindre la cour et les considérations morales ou philosophiques. L'oeuvre est impressionnante dans ses détails comme dans son ensemble, du paragraphe admirablement écrit à sa construction élaborée.

Le roman a une portée politique. Hugo livre une critique percutante contre la monarchie et l'aristocratie anglaises. Son "Homme qui rit", incarnation d'un peuple miséreux soumis aux caprices d'un pouvoir arbitraire, va être propulsé dans une classe pétrie de richesses et de privilèges écoeurants. Une entrée fracassante et riche de sens qui présage la fièvre révolutionnaire de "Quatre-vingt-treize".

"L'homme qui rit" est un roman génial et exigeant mais il est vrai que qui veut découvrir un monument ne doit pas être avare d'efforts.
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Pour ma 1000 ème critique sur Babelio, il me fallait un livre d'exception.
Je ne me suis pas trompée en choisissant un roman de Victor Hugo que je n'avais pas encore lu : L'homme qui rit.
Quelle oeuvre surprenante !
A laquelle j'hésite encore à mettre les cinq étoiles ...
Et pourtant, j'ai adoré le lyrisme de Victor Hugo, les envolées ô combien philosophiques d'Ursus, les véhémentes diatribes de Gwynplaine, les mots doux de Déa !
Cette histoire mêlant mélodrame et récit historique m'a bien emportée jusqu'aux toutes dernières pages. Tragiques et éblouissantes.

Alors, pourquoi hésiter à octroyer à ce roman ces cinq étoiles bien méritées ? Tout simplement, parce que cette lecture fut un véritable parcours du combattant. Qu'est-ce qui a bien pu pousser cet auteur sublime à tartiner des pages et des pages de descriptions et explications indigestes ?!
Je ne suis pas la seule à le dire. A sa publication, Barbey d'Aurevilly écrit dans le nain jaune : " Hugo coupe le fil à son récit et à ses personnages avec des dissertations abominables [...]" et c'est vraiment le cas.
Toutes ces pages concernant la noblesse anglaise sont d'une lourdeur et d'une répétition qui ont bien failli me gâcher tout le plaisir que j'avais à lire d'autres pages magnifiques.
Sauter des pages aurait pu être salutaire mais ce n'est pas si facile sur liseuse.

Toujours est il qu'il me restera de ce roman incroyable le souvenir de personnages hors du commun n'ayant rien à envier à Jean Valjean ou à Quasimodo ! Il y a même dans ce roman baroque l'ombre de Shakespeare qui plane. Tempête, gibet, théâtre, amour pur, destinée ou libre arbitre, femme fatale donnent au roman son côté shakespearien.
Mais, c'est surtout la générosité et l'esprit républicain qu'on retrouve dans cet avant dernier roman. Victor Hugo,par le biais de Gwynplaine, s'y insurge contre les grands de ce monde et particulièrement ici contre l'aristocratie anglaise.

Ce qu'on retiendra également de ce roman, ce sont les oppositions récurrentes : la mer et la terre, le jour et la nuit, l'homme et l'animal desquels on ne sait pas bien qui agit comme un homme ou qui agit comme un animal, la vie à la campagne paisible et la ville d'où surgit tous les malheurs, la laideur et la beauté de l'âme opposée à la beauté resplendissante couplée de la noirceur de l'âme...

Malgré ces lourdeurs et cette sensation de démesure, L'Homme qui rit mérite tout de même bien le détour !
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Gwynplaine, abandonné à l'âge de dix ans, la nuit du 29 janvier 1690, par les comprachicos, au bord de la mer à Portland. Bravant tous les dangers de la tempête, du froid, de la solitude, de la faim. Trouvant sur son chemin un petit être encore plus en danger que lui.
Recueilli par Ursus ; saltimbanque philosophe accompagné de son loup Homo. Il sera connu sous le nom de « L'homme qui rit », allusion à son visage défiguré.
Il est heureux dans cette roulotte du bonheur, avec Dea :

« C'était la pénétration de deux détresses dans l'idéal, celle-ci absorbant celle-là. Deux exclusions s'admettaient. Deux lacunes se combinaient pour se compléter. »
« Telle était cette idylle éclose dans une tragédie. »

Gwynplaine ressemble à Gilliat dans « les travailleurs de la mer ». Il est un héro face au chaos. Il est l'image du peuple opprimé.

C'est un roman intense en émotions. Les descriptions sont grandioses. On y parle de tempête et de naufrage ; de tempête dans les âmes, de tempête dans les coeurs.

On y décrit la société du XVIIè siècle. L'écrasement du petit peuple par l'aristocratie. Justice implacable, tortures dans les prisons, pauvreté, oppression, ignorance des plus pauvres voulue pour les maintenir sous le joug des puissants. On ressent l'aveuglement de ces aristocrates désoeuvrés, frivoles, stupides, égoïstes, si puissants qu'ils se prennent pour des Dieux et si misérables qu'ils ne voient pas que ceux qu'ils piétinent sont leurs semblables. Ils ne doivent leurs privilèges qu'à leur naissance et non à leur intelligence.

On y parle de destin, de providence, d'amour, de haine, de philosophie, d'histoire.

C'est un roman sublime.

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