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sur 674 notes

J'ai trouvé ce livre excellent, très bien documenté sur le plan de la grande Histoire. Fabrice Humbert a effectué un travail de recherche assez précis, fouillé, faut-il y voir une part d'autobiographie ? Je ne sais pas, mais sa quête autour de la violence n'est pas anodine.
Il balaie énormément de thématiques et foisonne de pistes de réflexion : ce qui m'a valu quelques difficultés à canaliser ma pensée et j'espère que mon commentaire ne vous paraîtra pas trop embrouillé.

Cet ouvrage entre en résonnance avec une de mes dernières lectures, celle du livre de Géraldine Schwartz « Les amnésiques», non moins excellent, qui soulève aussi la problématique du transgénérationnel que ce soit chez les descendants de victimes du nazisme comme chez les descendants des tortionnaires. Rien n'est anodin, ce n'est pas pour rien que nous sommes nombreux et nombreuses à nous intéresser à cette période de l'Histoire car c'est de notre humanité dont il est question, c'est le miroir qui nous est proposé.


Fabrice Humbert nous convie à une réflexion sur le transgénérationnel, les secrets de famille, les mensonges, l'importance des racines, en mettant en scène un jeune professeur de français dans un lycée franco-allemand qui au cours d'un voyage de fin d'année scolaire, à Buchenwald, va découvrir une photographie exposée d'un déporté ressemblant trait pour trait à son propre père. A partir de cet instant, le narrateur ne laisse aucun répit à l'Histoire, à son histoire familiale et aux secrets de famille. Cette enquête l'amènera à tenter de mieux cerner l'origine de sa propre violence intérieure, ses terreurs nocturnes, lui qui est d'un naturel très doux. Pourquoi sa mémoire ne retient-elle que la violence et l'angoisse ?

Ce roman se décompose en deux parties. J'ai trouvé la seconde partie bien qu'intéressante, parfois un peu longue. Mais elle était nécessaire pour étayer le propos.

Dans cette fiction, j'y ai retrouvé les mêmes questionnements et les mêmes conséquences sur l'inconscient familial des ascendants. Cette fameuse éducation silencieuse qui s'est transmise aux enfants nés après le retour des camps, la deuxième génération, et à qui personne n'a soufflé mot, il fallait oublier et vivre. Ensuite est arrivée la troisième génération, celle qui a fait appel à la psychothérapie afin de tenter de comprendre comment cette éducation silencieuse s'était subrepticement infiltrée dans son inconscient, altérant ainsi la perception du monde, et empêchant cette génération de redevenir « un Homme debout ». Toute persécution, tout traumatisme, doit être élucidé afin de pouvoir tenter de reprendre sa vie en mains. Cette quête vers l'authenticité est salutaire à celui qui veut se comprendre même si c'est un long chemin. Comme me disait une amie « ce n'est pas le chemin qui est difficile mais c'est le difficile qui est sur le chemin ».

Le narrateur évoque Dante, dans quel cercle de l'enfer sommes-nous ? Ou le Jugement dernier de Jérôme BOSCH. le Mal pourquoi de Mal. Il associe l'enfer moyenâgeux aux camps de concentration :

« Les camps de concentration sont l'enfer réalisé parce que le terrible mélange d'un ordre de fer et des plus affreuses pulsions humaines a fait surgir sur la terre tout ce que des représentations séculaires avaient imaginé. Les camps sont l'Homme. Entrer dans un camp c'est pénétrer dans un délire glacé dénué de toute autre signification que la destruction, la souffrance et la mort. » (page 89)

C'est exactement ce que j'ai ressenti à la lecture de la première partie. Je voyais la porte de l'enfer du baptistère de Florence, la porte de l'Enfer de Rodin. le Mal traverse les siècles sans jamais s'alléger. Fabrice Humbert regarde le mal absolu droit dans les yeux et son écho à travers les générations, il met en scène le traumatisme de ce jeune professeur et je l'ai suivi même si par moment, devant autant de violence, je me suis retrouvée en apnée un peu comme dans Transit d'Anna Seghers : où est la sortie ?

C'est un livre brillant aussi philosophiquement. C'est un parcours personnel qui cherche à exorciser le mal et la violence, à trouver les réponses sur l'origine de sa propre violence mais malheureusement, le mal absolu fait partie intégrante de l'être humain, c'est juste une question de contexte, de choix conscient aussi, c'est évident que je me préfère du côté des Justes que du côté des collabos.

Note personnelle : La psychogénéalogie m'a beaucoup interpellée, je me suis passionnée pour la généalogie et j'ai fait des découvertes qui m'ont incitée à approfondir cette loyauté invisible qui nous pousse à répéter des évènements douloureux comme certaines pathologies qui finissent par être expliquées grâce à la généalogie ou bien des dates récurrentes sur plusieurs générations : ce que le professeur Anne Ancelin Schutzenberger appelle les syndromes d'anniversaire.

Si vous êtes intéressée par le transgénérationnel, je vous renvoie à l'étude particulièrement passionnante du professeur Anne Ancelin Schutzenberger dans « Aïe mes aïeux » qui se lit très facilement et n'ai pas réservé à un public averti.
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Un jour, un jeune professeur découvre lors d'un voyage en Allemagne avec une de ces classes, la photo d'un homme qui ressemble étrangement à son père, nous sommes à Buchelwald. le jeune prof dès lors, va tenter de découvrir l'histoire de cette photo. Qui est cet homme ?, la recherche jusqu'à l'obsession du narrateur va bouleverser ces certitudes. Quand le drame se cache sous les sourires de composition. Remarquablement documenté, le roman brille par son intelligence, par sa force narrative, par ces questions sur le mal qui aura traversé ce vingtième siècle avec une telle barbarie. Fabrice Humbert nous rappelle de ne jamais taire l'innommable pour nos générations futures. Un très grand roman.
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En lisant voici deux semaines de la poussière et du vent de Cathy Borie, je me suis puissamment rappelé L'origine de la violence, de Fabrice Humbert, qui est également centré sur un représentant de la troisième génération après les camps. Je l'ai évoqué dans la chronique que j'ai écrite pour Babelio (https://www.babelio.com/livres/Borie-De-la-poussiere-et-du-vent/1008736/critiques/1485641), et je me suis demandé pourquoi je n'avais rien écrit sur L'origine de la violence. C'est un livre que j'ai tout autant aimé que celui de Cathy Borie, très brillant, avec une construction par paliers successifs qui ne lâche jamais son sujet avant de l'avoir exploré en profondeur. Il est écrit à la première personne, mais on n'a pas de raisons de penser qu'il s'agit d'une véritable autobiographie ; toutefois, c'est ce que l'auteur suggère dans Eden Utopie, un autre roman où il raconte l'histoire de sa famille maternelle (en son nom propre, cette fois). Disons donc que ce livre, comme celui de Cathy Borie, a été écrit "d'après une histoire vraie", la part d'autobiographie restant le secret de l'auteur.

Cela fait 72 ans que l'Allemagne nazie a capitulé et que les survivants des camps ont été libérés. 72 ans : le temps pour deux nouvelles générations après celle des survivants de devenir adultes. La troisième génération n'a pas été élevée directement par celle qui a vécu l'expérience des camps : elle pourrait donc voir le cauchemar s'éloigner, elle pourrait être libérée du poids qui pesait encore sur la deuxième génération, qui a grandi directement au contact de parents traumatisés. Pourtant, Fabrice Humbert, à l'instar de sa génération, éprouve le besoin de raconter la vie de son ancêtre dans un camp d'une manière réaliste. Il est encore plus frappant que cela sonne juste : pour une part parce que cela s'appuie sur de véritables témoignages, certes. Mais pour une autre part, n'est-ce pas parce que les émotions qui sont convoquées ne sont pas uniquement celles que les auteurs de cette génération ressentent indirectement, en tant que dépositaires d'une histoire dont nous sommes tous les héritiers, mais ce sont les leurs ? Celles qu'ils ressentent en écrivant, nourries de celles qu'ils portent depuis leur naissance, même sans savoir que c'était de "ça" qu'elles venaient ?

Cette génération fait donc entendre une voix singulière, qui témoigne d'une expérience spécifique, organisée autour d'une constante : une souffrance d'une nature particulière, qui a du mal à dire son nom, et qui a besoin de faire ce détour par les ancêtres pour s'exprimer.

Pourtant – et je vais me répéter partiellement, des psychologues ont analysé la transmission intergénérationnelle des traumatismes, ce qui permet de comprendre que l'injustice du sort qui a frappé les ancêtres ne s'éteint pas avec eux, mais se trouve transmise à leurs descendants. Les mécanismes de cette transmission n'ont rien de magique : quand on est élevé par des parents traumatisés, qui ne peuvent rien dire de leur traumatisme, on grandit dans des non-dits inquiétants ; puis quand ces enfants deviennent parents à leur tour, ils font grandir leurs propres enfants de nouveau dans des non-dits, mais qui sont cette fois sans forme précise, sans contenu, ou avec un contenu vague et cauchemardesque. Cette troisième génération part alors en quête de son identité avec cette idée particulière en tête : il y a quelque chose que je ne sais pas, que peut-être personne ne sait plus, mais qui pèse sur moi.

Ensuite, le parcours de chaque famille s'en mêle et chaque histoire est différente. le personnage principal de L'origine de la violence a ceci de particulier qu'il connaît son identité, depuis l'enfance. Elle n'est pas mystérieuse, il est le descendant d'une famille cohérente et unie, qui a eu son lot de souffrances, mais les a surmontées. Il connaît son identité, il connaît son histoire. Par contre, il ne se connaît pas, lui... Il constate en lui des accès de violence qu'il ne comprend pas, il vit des expériences dans des milieux violents où il ne sait pas prévoir ses propres réactions. Et finalement, ainsi qu'on le sait dès la quatrième de couverture, s'il ne se connaît pas, c'est parce qu'en fait, il ne connaissait pas sa véritable histoire non plus. Quand il part en quête de celle-ci, il doit se remettre en question, remettre en question les figures tutélaires de son enfance, et c'est à ce prix qu'il va pouvoir enfin connaître son identité.

On ne sait pas si cette quête a, aura des conséquences sur cette violence en lui, qui est finalement peu abordée dans le livre ; mais on sait, on éprouve avec le narrateur le fait que quête des origines et quête de soi sont une seule et même chose. Cette génération raconte les camps, mais malgré les apparences, son discours n'est pas un discours sur les camps, mais un discours sur l'effet que les camps font encore aujourd'hui. Il est important de l'entendre et de le lire, pour comprendre nos contemporains, mais aussi pour prendre conscience du fait que le mal que nous faisons ou tolérons aujourd'hui aura des répercussions bien longtemps après que nous aurons disparu...
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A partir d'une photo du camp de concentration de Buchenwald, un jeune professeur découvre l'identité de son grand-père juif et et déporté, et déroule l'histoire de sa famille : quête d'identité, solitude et dualité de l'homme, le Mal qui l'habite, Fabrice Humbert développe ces thèmes en découvrant les destins croisés de deux familles pendant la 2nde guerre mondiale et par la même, le secret de sa famille.
Sans verser dans la littérature de la Shoah (il rend hommage à Primo Lévi et Jorge Semprun), Fabrice Humbert s'interroge sur le pourquoi de la barbarie et revient sur années monstrueuses du nazisme afin d'essayer de trouver une réponse aux questions qui le taraudent.
A la fois enquête policière et réflexion philosophique, un beau roman sur les questions que se pose la troisième génération post barbarie nazie.
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Deux parties composent ce roman autofictionnel.
Un professeur et ses élèves d'un lycée renommé franco-allemand partent en voyage culturel à Weimar sur les pas de Goethe. Ils visitent aussi, à proximité de la ville, le tristement célèbre camp de Buchenwald. Dans le musée, une photographie d'un détenu captive son regard : la ressemblance avec son propre père, le sidère mais ce ne peut être lui.
De retour en France, le souvenir de ce cliché en noir et blanc le taraude. Son père, qui de toute évidence détient tout ou partie de la vérité, reste délibérément muet. Il décide, alors d'entreprendre des recherches. Il découvre que cet inconnu photographié aux côtés du Sturmbannführer Erich Wagner, le médecin tortionnaire du camp, est son grand-père biologique, un juif déporté, David Wagner, nom de famille courant en Allemagne. Mais son père Adrien, comme son aïeul paternel Marcel tout comme lui portent le patronyme de Fabre. Cette enquête va dévoiler un secret de famille bouleversant, qui devait rester hermétiquement scellé, mais va aussi permettre au narrateur de comprendre la source d'un traumatisme indélébile greffé dans ses gènes, de trouver, enfin, une explication plausible à son comportement, ce passé douloureux qu'a connu son grand-père, amant de sa grand-mère Virginie, est, de toute évidence, à l'origine de sa propre violence qui, quelque fois, reflue et le submerge . « Depuis toujours, la peur et la violence m'ont hanté. J'ai vécu dans ces ténèbres… La violence a répondu à la peur…. La peur m'avait saisi pour toujours, pour toujours j'allais me défendre »
Dans la seconde partie, le narrateur, au cours d'un autre voyage scolaire rencontre Sophie , petite fille d'un dignitaire nazi, le landrat Friedrich Lachmann « un nazi sans nazisme » qui accompagna Himmler lors de sa visite au camp de Buchenwald. Il s'éprend de la jeune-fille. Pour vivre à ses côtés , mais aussi pour continuer à mener son enquête afin d'écrire sur David Wagner, il quitte son emploi et vient s'installer à Berlin comme attaché culturel à l'ambassade de France…
Dans les dernières pages, sera dévoilée le nom de la personne à l'origine de la déportation de David.
Difficile de démêler la part du vrai, du vécu, de l'intime et celle de la fiction, de l'imagination romancée dans ce récit attachant, qui rappelle beaucoup de remugles, de faits tristement célèbres, qui évoque, met en scène des personnages qui sont, hélas, passés à la postérité par leurs crimes, d'autres, ont, été « réinventés », ont changé d'identité…



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Quinze ans de ma vie à traquer tout écrit sur le sujet, à arpenter les plaines de Pologne, à ployer à Yad Vashem sous le tumulte de six millions de voix murmurantes, et je n'avais jamais croisé ce livre...
C'est la lecture, il y a quelques mois du conte "La plus précieuse des marchandises" qui a orienté mon choix et m'a fait ratisser les librairies d'occasions pour accumuler le maximum de livres de Fabrice Humbert.

Si L'origine de la violence n'est pas chronologiquement la première oeuvre de l'auteur, elle me semble être incontestablement son oeuvre fondatrice. le personnage central est un double incarné de l'auteur.
Il y a tant de critiques pour ce livre que je ne m'attarderai pas sur l'intrigue. Une photo croisée au camps de concentration de Buchenwald est le point de départ d'une longue et épuisante quête des origines.

Deux thèmes se juxtaposent dans le récit. L'un est le poids des secrets dans les aventures familiales, l'autre, plus central, dessine une longue ronde autour du Nazisme, première chute du continent européen selon l'auteur, la seconde étant le communisme.
On écrit "nazisme", et l'on s'imagine avoir tout dit. Témoignages, essais philosophiques, recherches historiques ont expurgé le sujet de tout mystère, semble t'il.
Et pourtant...
L'angle d'approche de l'auteur n'est pas tant d'appréhender l'aveugle adhésion d'une population aux thèses délirantes d'un gnome médiocre et grotesque, que de débusquer ce qu'il nomme avec une majuscule agressive le Mal absolu.
"Le Mal absolu n'était pas une idée mais un tourment ; on ressentait le Mal à l'intérieur de soi ". "Les camps sont l'homme".
Le titre de l'ouvrage n'est pas sans en appeler un autre: Les origines du totalitarisme d'Hannah Arendt. Dans mon esprit, les deux oeuvres se superposent et se complètent. Si les écrits de la philosophe ont tenté de circonscrire le nazisme dans ses dimensions sociétales et politiques, Fabrice Humbert traque les forces psychanalytiques, quasiment oecuméniques de ce Mal aux dimensions universelles. Il observe comment, débarrassés des normes et règles encadrant la société, adoubés par les discours d'un système pervers, les forces les plus obscures, sanguinaires et sadiques se sont libérées chez tant d'êtres humains. Cette consanguinité de l'homme et du Mal, il la dissèque, cherche à la neutraliser, tout en avouant que cette violence est tapie dans un "Ça " consubstantiel à l'humanité.

Livre d'une puissance inouïe, écrit d'une plume sans fioritures mais nourrie des plus belles pages de la littérature, L'origine de la violence est devenue pour moi une oeuvre centrale. le seul hic est qu'elle m'invite à relire l'immense cohorte de pages déjà lues afin de réorganiser ma pensée, et, sans doute ma propre narration.
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Ca commence comme un bon thriller historique, dans lequel le narrateur part à la recherche de ses origines, cachées derrière un secret de famille qui a débuté à l'époque de la deuxième guerre mondiale et des camps nazis, puis ça continue comme un essai sur les origines de la violence que ressent toujours ce même narrateur, au plus profond de lui-même...

Qu'est-ce que la filiation? Jusqu'à quelles extrêmités peut conduire la jalousie? A-t-on le droit de faire justice soi-même quand un assassin est passé au-travers des mailles de la justice officielle?
Voici quelques questions soulevées, et longuement développées, dans ce roman à l'écriture captivante. L'utilisation du "je" rend le texte envoûtant: je me suis surprise à vérifier sur la couverture qu'il s'agissait bien d'un "roman"...

Malgré des exposés assez longs sur le thème de la violence, qui va de celle des camps nazis à celle des lycées de banlieue (!), je ne me suis pas ennuyée tout au long de ce livre dont j'ai particulièrement apprécié l'écriture, qui lui donne son rythme, plus ou moins rapide selon les moments...
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« L'origine de la violence », récit haletant, personnel et universel à la fois, mêle habilement la grande à la petite histoire et rend hommage à la mémoire des disparus à travers la figure d'un seul.

Tout commence par un voyage scolaire à Weimar durant lequel un jeune professeur de Lettres d'un lycée franco-allemand fait une découverte des plus troublantes. Alors que les élèves et leurs enseignants visitent l'ancien camp de concentration de Buchenwald, le professeur – qui est le narrateur – observe les nombreuses photographies affichées au musée du camp. Là, derrière une vitrine, une photographie attire son attention. Aux côtés d'un médecin nazi du camp se trouve un homme en arrière-plan, un prisonnier sans aucun doute. Cet homme ressemble à s'y méprendre au père du narrateur, Adrien Fabre. Passée la surprise, le doute n'est ensuite plus possible. le narrateur, obsédé par cette photographie, se met alors en quête d'identifier cet inconnu. Après des mois de recherche, il découvre que ce déporté est David Wagner, son véritable grand-père. Cette découverte est pour le jeune professeur le début d'une longue quête historique, familiale et personnelle. En remontant aux sources du Mal, il va revenir sur une des périodes les plus sombres du XXe siècle, découvrir l'existence d'une autre famille et poser un nouveau regard sur ceux qu'il croyait connaître.

Abordant à la fois l'histoire de la Shoah et sondant les secrets de famille qui se cachent sous des apparences convenables et des fondations solides, Fabrice Humbert déploie avec brio son art de la narration. Une narration au style direct et clair qui évite tout voyeurisme et pathos dans un sujet qui pourtant vous prend aux tripes. Comme le narrateur, nous gardons un oeil d'observateur sur cette famille Fabre qui a tout fait pour cacher un pan de son histoire. Comme le jeune professeur également, nous cherchons plus à démêler les fils de l'histoire de David Wagner qu'à nous épancher sur son destin tragique. Car celui-ci rejoint celui de millions d'autres… La question primordiale qui se pose, et qui est d'ailleurs annoncée en titre du livre, c'est l'origine de violence. Celle du narrateur, qui semble trouver sa source dans les racines troubles de sa famille, et celle de l'Histoire. En effet, plutôt que de s'attarder sur le cas de son grand-père dans le camp, il s'interroge sur les personnages d'Erich Wagner, d'Ilse Koch et plus encore de Martin Sommer, le bourreau du bunker de Buchenwald. Car à côté de cette extermination organisée et planifiée que fut la Shoah, des hommes et des femmes tuaient juste pour un plaisir sadique et pervers. Pourquoi ? A chacun de trouver – ou pas - une réponse dans ce livre.

Il reste que dans cette enquête où apparaissent des personnages relativement froids et distants (Marcel Fabre, Adrien Fabre ou le narrateur lui-même) il demeure des figures attachantes dont le destin a été scellé par les circonstances de l'époque. Ces jeunes gens qui s'aimaient, se jalousaient, s'enviaient et se détestaient ressemblaient à tout le monde. le fait qu'ils se tiennent dans une époque trouble et que l'un d'eux était Juif a décidé de leur avenir. « J'avais fait le tour de ma double famille. J'avais fait le tour des Fabre-Wagner et des Wagner-Fabre. Des hommes et des femmes à prénom et sans prénom, à histoire et sans histoire, des bons et des mauvais, des ni mauvais ni bons, des beaux et des laids, des lucides et des fous. Ils s'appelaient David, Adrien, Marcel, Virginie, Charles, Clémentine, Ulrich, Natacha, Sophie. Comme nous tous, ils n'ont aucune importance particulière et chacun d'eux, pourtant, est l'âme du monde, de sorte que la mort de David est dépourvue de la moindre conséquence tout en étant le plus grand drame de l'Histoire ». L'Histoire, en effet, n'est faite que d'histoires particulières. C'est pour cela qu'elle est universelle et touche chacun de nous. Fabrice Humbert, avec cette histoire très personnelle, l'a parfaitement compris et mis sur papier.

Quête personnelle, enquête historique, réflexion philosophique sur le Bien et le Mal, « L'origine de la violence » est tout cela à la fois. Un très beau roman.
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Le narrateur, un jeune professeur d'histoire, va visiter le camp de concentration de Buchenwald et voit la photo d'un prisonnier qui ressemble étonnament à son père. de retour à Paris, il fait des recherches sur cette photo et sur le nom des personnages, découvre que cet homme s'appelle David Wagner et qu'en effet il fait partie de sa famille. On comprend assez vite avec le narrateur que cet homme est son grand-père, son père étant le fruit des amours de sa mère avec cet homme.

Mais le roman ne s'arrête pas là, il va chercher à comprendre à quoi correspond cette photo, ce qui s'est passé avant et après, comment son grand-père est mort, fouillant inlassablement dans l'histoire de la Shoah... Cette enquête a de nombreuses conséquences dans sa vie personnelle, il quitte son travail d'enseignant pour continuer ses recherches, rencontre une jeune allemande dont le grand-père était SS, noue des liens avec son grand-père "officiel"...


Voilà un livre magnifique, d'une extrême richesse documentaire et d'une grande sensibilité. le thème de la Shoah, que j'ai trouvé artificiel dans d'autres romans, est ici traité avec beaucoup de sobriété. Et ce thème, même s'il est central, est enrichi par tout ce qu'il y a autour : les questionnements du narrateur sur lui-même, sur ses rapports avec son père et son grand-père, sur l'écriture, sur l'amour, sur sa recherche historique...Ou comment l'histoire familiale rencontre magnifiquement L Histoire. Un très gros coup de coeur pour moi.

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Lors d'un voyage scolaire, un professeur dans un lycée franco-allemand visite le camp de concentration de Buchenwald. Il tombe sur une photo où figure un prisonnier ressemblant étrangement à son propre père.
Cette ressemblance le trouble tant qu'il commence une enquête pour identifier cet homme.
Sa patience est récompensée, il découvre que le détenu sur le cliché est un jeune juif : David Wagner, rencontre un membre subsistant de sa famille qui lui apprend que cet homme n'est autre que son grand-père ....De quoi chambouler l'arbre généalogique.
Fabrice Humbert nous livre un beau roman, une partie historique très bien documentée sur la vie au camp de Buchenwald. Mais aussi, une partie romancée qui dévoile les secrets de cette famille bourgeoise dont est issu notre héros.
Il s'interroge, également, sur l'origine de la violence, du Mal, peuvent ils se transmettre de génération en génération ?
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