J'aime la littérature japonaise si diverse, si réservée et si puissante, où la poésie, comme une petite rivière de montagne , s'insinue partout et met un rythme, une mélodie intimement mêlés à l'action.
J'aime la montagne, les romans qui en parlent, l'air qu'on y respire, son danger et son spectacle, toujours fascinants. Ses drames qui sortent du cadre. Sa fatalité élégante.
J'aime les romans où l'analyse subtile des sentiments, les intermittences du coeur ont plus de poids que les actions, mais ne les expliquent pas toujours, ou pas complètement.
J'aime les romans dont les personnages, comme un croquis au crayon, se corrigent et s'estompent, s'affirmant progressivement, par petites touches et coups de gomme successifs, comme si on s'en approchait pas à pas, comme si on avait part à leur découverte, si on s'en faisait , lentement, des amis.
J'aime que le tragique n'exclue ni le rire, ni l'humour, comme dans la vie.
J'aime que la clarté d'une langue, d'un propos n'empêche pas le mystère de demeurer, ni les questions de rester pendantes...
Pour tout cela, j'aime
Paroi de glace, et je peux même dire qu'il y a longtemps que je n'ai pas lu un livre aussi prenant, aussi profond, ni qui comble aussi divinement toutes mes attentes de lecture.
Voici le sujet, en quelques mots.
Deux amis, alpinistes éprouvés, Kosaka et Uozu, partent pour une "hivernale" risquée. La corde de nylon qui les relie l'un à l'autre se rompt brusquement. Kosaka fait une chute mortelle. La neige qui tombe dru empêche qu'on puisse retrouver son corps avant le printemps.
Des tests sont lancés pour éprouver la solidité de la corde. Car les entreprises concernées -elles ne sont jamais très loin des drames individuels, au Japon, et les amplifient ou se ridiculisent, c'est selon- prennent elles aussi fait et cause, comme les journaux, après l'accident.
Accident , d'ailleurs, ou défaut du matériel? Faute des alpinistes ou geste de désespoir?
Kosaka , éconduit par la belle Minako, aurait-il ainsi mis fin à ses tourments?
Uozu aurait-il coupé la corde pour sauver sa vie?
Quant à Minako, la très jeune épouse un peu bovarysante du riche patron, chargé des tests, elle s'inquiète surtout pour le jeune Uozu, l' ami fidèle, injustement soupçonné ... Elle s'inquiète même beaucoup. Au point de se départir de sa froideur égoïste de coquette. Éprouverait-elle enfin un sentiment d'amour?
Autour d'Uozu, ses amis alpinistes, Kaoru, la jeune soeur de Kosaka, qui ne cache pas son amour pour Uozu et jusqu'à son patron, l'inénarrable et sympathique Tokiwa, tous ceux qui sont tombés sous le charme de sa franchise, de sa droiture , de sa sincérité se démènent pour que sa bonne foi soit reconnue. Mais Uozu, en son for interieur, est à l'épreuve de sentiments contradictoires...
Tout se hérisse de difficultés, tout échappe à la saisie rationnelle des choses.
Comme sur une
paroi de glace.
Et c'est la montagne, au retour du printemps, qui aura le dernier mot...