Après quelques romans guère emballants, c'est malgré tout avec envie que je me suis plongé dans le dernier roman de
John Irving "
A moi seul bien des personnages". Il faut dire que les éditions du Seuil avait mis le paquet côté promotion : venue de l'écrivain au moment des manifs contre le mariage pour tous, longs entretiens dans toutes les bonnes émissions radios ou télés ( bon d'accord, à la télé, plus court), articles de presse élogieux sur le thème du grand retour du grand écrivain tant aimé autrefois. Bref, accord total pour dire que c'était là son meilleur livre depuis longtemps et, qui plus est, autour d'un thème à la mode qu'il effleurait seulement dans ses ouvrages précédents mais qu'ici il abordait frontalement : la bisexualité.
Les presque 500 pages de l'ouvrage, mélange astucieux de sexe, de références théâtrales et de clins d'oeil à ses livres précédents, ont procuré au lecteur que je suis un plaisir évident.
John Irving, l'âge aidant, se lâche totalement tout en retrouvant ce qui faisait son charme à ses début, cette puissance romanesque et fantasque incroyable mais ici nimbée d' un ton plus crépusculaire, donnant un petit côté testamentaire ou liquidation avant fermeture à ce roman.
Difficile de résumer cette histoire qui se déroule en grande partie dans les années 1959/1963. Billy, (un peu, beaucoup
John Irving ? ) est un jeune homme en cours de formation bien sur mais se posant beaucoup de questions sur sa sexualité. Aussi bien attiré par les femmes que par les hommes, il n'arrive pas à trancher tant qu'il n'a pas vraiment essayé les deux... et essayer n'est pas simple dans une Amérique puritaine. Pourtant entouré d'une galerie de personnages assez atypiques de profs ou de bûcherons, tous passionnés de théâtre et renfermant des secrets bien souvent sexuels, son parcours ne sera pas toujours facile. Ce sont ses amours non consommées puis assumées qui seront le fil conducteur du livre. Description minutieuse et talentueuse de cet âge indécis et balbutiant, ce lent parcours vers une sexualité épanouie est vraiment réussi, mélange de finesse psychologique, esprit d'ouverture et de romanesque flamboyant. L'initiation du jeune Billy est un régal d'humour et de tolérance. Entouré de parents, voisins et amis franchement grâtinés,
John Irving, grâce à un savoir-faire retrouvé, arrive à faire passer le plus incroyable. Il nous donne à penser que cette petite ville du Vermont est le reflet de n'importe quelle bourgade, comme si mon bourg natal de Soustons (5000 habitants dans les Landes) renfermait un lot assez important de travestis, transexuels et autres personnages aux fantaisies diverses et variées. Pour s'en apercevoir, il suffit de lever un tout petit peu un coin du voile pudique que revêt le monde, pour mettre à jour une sexualité bien moins binaire que les apparences veulent bien le laisser croire.
Ce postulat romanesque et bien mené est réjouissant, mais le dernier livre de monsieur Irving possède d'autres strates un tout petit peu moins grand public, donnant à cet ouvrage son statut d'oeuvre plus complexe qu'il n'y paraît.
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