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3,76

sur 732 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Le plus difficile dans l'ouverture d'esprit c'est la gestion des courants d'air »
Me revient en tête cette réflexion de... je ne sais pas qui, mais fort à propos car ce dernier roman d'Irving fait précisément dans la turbulence en matière de largeur d'idées.

Bisexualité, homosexualité, transgenre... avis de grand frais sur l'Amérique bien-pensante des années cinquante où ces thèmes inconvenants soulevaient – soulèvent encore – intolérance et sectarisme saumâtres.

« A moi seul bien des personnages », une fiction à tiroirs emmenée par ce titre habilement emprunté (pour la version française) au théâtre de Shakespeare, omniprésent au long des aventures de cet autre William qui en sera le narrateur. A lui seul, en effet, bien des personnages, bien des histoires d'amour et bien des introspections.

N'allons pas réduire néanmoins ce roman à un éloge primaire de la diversité sexuelle. Car Irving ici ne glorifie pas plus qu'il ne juge ou s'apitoie. Il raconte, simplement, avec humour et justesse. Il dit les sentiments, les désirs, le sexe, et les tourments universels qu'ils induisent. Ainsi, quelles que soient les ambiguïtés de ses personnages, c'est d'abord la quête d'identité, de tolérance et d'amour qui constitue à mon sens le coeur de cette oeuvre infiniment attachante et le point commun des âmes complexes qui escorteront l'ami William sur plusieurs décennies captivantes.

Alors à ceux qui nient la réalité des différences et la fatalité des émotions, ça ne peut pas faire de mal, essayez donc ce roman.

A ceux qui ont déjà tout compris... raison de plus, lisez-le aussi.



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Autant vous l'avouer même si j'en ai honte : j'ai frôlé la catastrophe. Un roman de John Irving, avec un si joli titre, et pourtant…j'ai bien failli m'y ennuyer. Je me suis demandé si j'allais le terminer, j'ai cru me perdre dans cette concentration invraisemblable de personnages sexuellement ambigus.
Heureusement, juste avant que je me résigne à chausser mes souliers de plomb pour aller au bout de ce pavé, la magie a opéré et je ne l'ai plus lâché.

Et donc, sous les auspices de Shakespeare et d'Ibsen, de Flaubert et Dickens, le rideau se lève sur le narrateur, Billy, jeune adolescent qui se cherche une identité sexuelle. Précisons que nous sommes au fond du Vermont, dans l'Amérique des années 60. La quête de Billy est donc par définition discrète et délicate, à une époque où l'homosexualité est encore considérée comme une maladie qu'il faut soigner. Déjà pas aidé par le contexte austère, Billy ne peut guère compter sur des repères familiaux solides : un père très vite volatilisé après sa naissance, une mère fragile voire hystérique, un grand-père jouant exclusivement des rôles féminins dans la troupe de théâtre amateur locale, une grand-mère et une tante (et même une cousine) castratrices.
Troublé par les « béguins » qu'il éprouve à la fois pour son beau-père, Miss Frost la bibliothécaire, et Kittredge, le lutteur-vedette du lycée, le jeune Billy ne sait plus à quel sein (non, ce n'est pas une erreur) se vouer.
Chronique d'une vie passée à se chercher, se cacher (années 60), s'affirmer (années 70), justifier ses orientations sexuelles (années 80), s'excuser presque de ne pas être mort du sida (années 90), puis enfin à s'épanouir (années 2000), A moi seul… déroute au début en zigzagant sans cesse entre les époques et les digressions.
C'est souvent cru, rarement vulgaire. Même si on trouve quasiment à toutes les pages le mot « sexuel » avec sa panoplie de préfixes (hétéro-, homo-, bi-, trans-), sans oublier la catégorie « travesti » et le sens nouveau (pour moi) des mots « actif » et « passif », on reste dans le grand style d'un grand écrivain.
Avec le théâtre pour thème secondaire, ce roman ne pouvait qu'osciller constamment entre comédie et tragédie : personnages et situations cocasses, chapitre bouleversant mais sobre sur le drame du sida.
Moins drôle que le Monde selon Garp, carrément triste si on le compare à L'épopée du buveur d'eau, on retrouve cependant une férocité de ton quand Irving flingue l'intolérance de l'Amérique puritaine.
Ce n'est peut-être pas le meilleur Irving, mais à ce niveau-là, on est de toute façon bien au-dessus de la moyenne…
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En tournant la dernière page de ce roman, je me suis demandée : « pourquoi diantre n'ai-je jamais lu d'oeuvres de John Irving ?! » Moi qui avoue sans vergogne préférer la littérature américaine, comment ai-je pu passer à côté d'un tel auteur, d'un tel style ?! Les éloges dithyrambiques sur l'auteur du Monde selon Garp m'ont sans doute découragée ; la peur de ne pas m'attacher à son style, de ne pas accrocher à son monde et finalement de me sentir exclue du cercle des aficionados m'ont fait repousser l'échéance. Et voilà que l'on m'offre son dernier roman avec l'injonction de le lire. Soit je m'exécute et croyez-moi je ne le regrette pas ! Quatre jours de lecture quasi intensive (par salve de 4h00 de lecture ininterrompue avant d'aller me coucher) pour venir à bout de ce pépère de 600 pages mais 600 pages intenses, magiques, émouvantes, qui m'ont transportée.

Le narrateur d'A moi seul bien des personnages est un adolescent, William Abbott, dont on suit l'éveil sexuel au début des années 60 dans une ville un tantinet puritaine du Vermont. Intelligent, sensible et passionné de littérature, William a été élevé par sa mère et ne sait pas grand-chose de son père qui l'a abandonné à la naissance. Entouré par une famille excentrique : une grand-mère et une tante vieille-école et castratrices, c'est auprès des hommes - son oncle Bob, son grand-père fantasque (acteur phare de la troupe de théâtre de la ville qui affectionne les rôles de femmes) et plus tard son jeune beau-père, metteur en scène - qu'il s'épanouit et apprend à s'interroger sur ce qu'il est. Car notre jeune héros découvre assez tôt son ambivalence qu'il va tenter de cacher aux yeux de tous : il est bisexuel. Fou amoureux de la bibliothécaire de la ville, l'intimidante Miss Frost, sorte de géante aux petits seins qui l'a initié à la lecture (et plus tard à l'amour), il est aussi irrémédiablement attiré par le beau gosse macho et charismatique (leader de l'équipe de lutte) de son école privée pour garçons où il ne fait pas bon « être de la jaquette ». Déchiré parce qu'il ne sait pas et ne veut pas choisir, rejeté à la fois par les homosexuels et par les hétérosexuels, William Abbott manie l'art du faux-semblant et des apparences jusqu'à s'assumer, au prix d'efforts douloureux et à s'accepter tel qu'il est.

Beau roman d'initiation, A moi seul bien des personnages dresse le portrait d'un jeune homme attachant et touchant qui toute sa vie n'aura de cesse de se chercher et de courir après le bonheur. Confronté à l'intolérance et aux préjugés (notamment de sa mère), il fait l'amère expérience de la dissimulation. C'est aussi une très belle galerie de personnages, tous égratignés par la vie : sa meilleure amie, sa mère, son grand-père, le beau gosse macho de son école, Miss Frost, tous liés par l'art de la dissimulation et des secrets. Car là réside le fond du roman : notre vie durant nous sommes tous amenés à cacher ce que nous sommes, prétendre être ceux que les autres attendent de nous. Pour autant, ne sommes-nous pas intrinsèquement ambivalents et plusieurs visages à la fois : l'enfant aimant, l'être de raison, l'homme ou la femme passionné. C'est tout le génie de John Irving qui nous livre une très belle histoire d'amour et un très beau morceau de vie, nostalgique et sensible, cru dans le choix des mots (âmes trop chastes s'abstenir). La prouesse d'insuffler dans ce roman d'initiation choc toute la pudeur liée à un passage émouvant vers l'âge adulte, fait d'A moi seul bien des personnages un véritable petit bijou.
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Il faut bien le dire, John Irving est un auteur assez atypique. Ses romans sont foisonnants et parsemés de personnages tous plus excentriques les uns que les autres, en écrivant cela je pense soudain à Pedro Almodovar...
Comme dans le Monde selon Garp, nous écoutons ici la voix d'un homme qui nous raconte sa vie, personnelle, sexuelle, professionnelle, de sa naissance à sa mort, ou presque. Il a soixante-dix lorsqu'il se retourne sur cette vie. Pour y découvrir quoi, au juste?
Qu'il est passé à côté des êtres qui ont pourtant bouleversé sa vie? Son père absent, l'envoûtante Miss Frost, l'ambigu Kittredge, et même son amie d'enfance, Elaine, aucun d'eux n'est qu'un - comme l'indique d'ailleurs le titre.

"Mon ami, je vous prierai de ne pas me coller d'étiquette. Ne me fourrez pas dans une catégorie avant même de me connaître!"

Elevé dans une famille de comédiens au coeur d'une petite ville universitaire, par des femmes dominantes et des hommes à la masculinité flottante, Bill, ou Billy, va devoir admettre sa bisexualité puis la vivre. Adolescent dans les années 70 - pas facile d'assumer ses penchants, alors - adulte dans les années 80, en pleine épidémie de Sida, son époque va lui coller à la peau.
A moi Seul bien des Personnages est un roman à la fois drôle et grave mais surtout déjanté! J'ai parfois été surprise des digressions, sauts d'une époque à une autre, et j'ai eu du mal à comprendre certaines réactions émotionnelles. Et puis en refermant le livre, j'ai eu ce sentiment douloureux de fugacité, une vie passe et voilà. La vie ne nous apprend rien.
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« Comble d'ironie, ma première bibliothèque était bien modeste. C'était la Bibliothèque municipale de la petite ville de First Sister, dans le Vermont – un bâtiment trapu, en brique rouge, situé dans la même rue que la maison de mes grands-parents. J'ai vécu chez eux, à River Street, jusqu'à l'âge de quinze ans, c'est-à-dire jusqu'au second mariage de ma mère. Ma mère a rencontré mon beau-père sur les planches. »

Bill Abbott, le narrateur de ce roman à l'amplitude habituelle chez John Irving, est un adolescent américain du milieu des années 1950. Il est le seul rejeton d'une mère divorcée. Son père, qu'il a à peine connu, a vite quitté sa mère pour des raisons qu'il ignore. Mais il est loin d'être seul car beaucoup de membres de sa famille proche (grand-mère, grand-père, oncle et tante, cousine) vivent dans la même petite ville. La mère de Bill rencontrera un professeur de littérature, Richard, venu dans le Vermont enseigner la littérature dans une école privée pour garçons, la Favorite River Academy. Ils se marieront.

La particularité du nouveau couple, c'est de pratiquer le théâtre amateur à haute dose. La mère de Bill ne veut pas se montrer sur les planches mais est la souffleuse de The First Sister Players. Cette troupe amateure monte au moins une pièce « exigeante » par saison : Ibsen, notamment. du côté de la Favorite River Academy, c'est à Shakespeare qu'on s'attaque le plus souvent. Et Richard Abbott sera le metteur en scène de ces pièces.

Bill deviendra écrivain. La bibliothèque de First Sister aura une grande importance pour lui dans sa découverte décisive de l'oeuvre de Dickens. Ou plutôt sa bibliothécaire, Miss Frost, une femme solidement bâtie, quoi que très féminine, d'une grande intelligence. Bill en est amoureux. Mais il l'est aussi d'autres personnes, indifféremment de leur sexe…

J'ai éprouvé du plaisir à retrouver le monde toujours un peu farfelu de John Irving, que je n'avais pas rejoint depuis longtemps. Il sait emporter ses lecteurs dans des fictions, aux thèmes parfois répétitifs mais jamais ennuyeux.

Ici, ce qui m'a le plus étonné c'est l'importance accordée à toutes les ambiguïtés sexuelles et de genre. Il me semble qu'Irving était bien moins frontal sur le sujet dans ses romans plus anciens. Bill est bisexuel. Il traversera les décades, des frileuses années 50 aux années 2010 davantage tournées vers les droits LGBT, en passant par les terrifiantes années 80…

Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont ses nombreuses références et citations théâtrales et littéraires. John Irving sait les faire resplendir de toutes leurs couleurs, en les mettant en situation comme personne.
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Élève dans les années soixante dans une école américaine d'une petite ville de l'Etat du Vermont, Bill découvre le théâtre, l'amour et la sexualité.

le parcours de Bill a pour point de départ une quête à la découverte des autres et de soi. Bien que cherchant à percer des secrets familiaux qui peuvent expliquer ses attirances bisexuelles, il assume sans culpabilisation son ambigüité dans une Amérique puritaine qui considère l'homosexualité comme une maladie mentale.

Dans les années quatre-vingts, alors qu'il est devenu écrivain et newyorkais, au moment où le sida fait des ravages, Bill assiste à l'agonie de ses amis. Et même si les mentalités ont évolué, beaucoup de ceux qui l'entourent voient encore cette maladie comme un jugement de Dieu et les homosexuels comme des pestiférés.

Après un début difficile où l'on se perd dans des digressions théâtrales, A moi seul bien des personnages nous immerge dans la réalité des homosexuels, travestis et transgenres américains. Sans porter de jugement, John Irving met en scène la complexité de l'identité sexuelle.

Avec humour et mélancolie, A moi seul bien des personnages est un plaidoyer pour la tolérance, une critique de l'Amérique restée très puritaine malgré la libération sexuelle, mais aussi l'histoire d'une recherche légitime du désir et de l'amour.

Lien : http://livreapreslivre.blogs..
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John Irving est un peu comme un Oncle d'Amérique, qui revient régulièrement me raconter des histoires et tant pis s'il se répète parfois un peu : je l'aime quand même, et je suis toujours heureuse de le retrouver.
Dans ce roman, il retrace la vie d'un écrivain américain (le narrateur), dont la particularité principale est d'être un bisexuel qui s'assume pleinement, ce qui permet à l'auteur de dépeindre l'histoire contemporaine des LGBT(Q) aux Etats-Unis, et de décrire puissamment les années SIDA. Mais il raconte aussi -et surtout- un entrelacs d'histoires d'amour cocasses, tendres et terribles.
Ce livre est un condensé de l'oeuvre d'Irving, puisqu'on y retrouve : la Nouvelle Angleterre, l'après-guerre, la guerre du Vietnam, les piques contre Reagan, le théâtre, la littérature, la famille farfelue, la pratique de la lutte, le travestissement, la vie sur un campus, le séjour à Vienne, le Freak, le drame. Petite différence par rapport aux romans précédents : le sexe y est plus important, mais sans jamais être gratuit ni choquant ; le narrateur évoque sa bisexualité de façon si naturelle que sa lecture en devient tout aussi naturelle -ce qui n'était pas gagné, mais là réside tout le talent d'Irving, qui sait s'emparer des sujets les plus délicats pour les traiter de manière extrêmement adroite. Il propose ici (et dès 2012) une réflexion sur le genre et un plaidoyer implacable pour la tolérance, plus toniques et efficaces que les débats actuels.
Même si j'ai eu du mal à entrer pleinement dans ce roman aux accents proustiens, je l'ai quitté un peu triste, tant j'ai aimé cette immersion dans cet univers parallèle si vivant, réel, chaleureux et généreux.
Mais ce n'est qu'un au revoir, Uncle John, nous nous retrouverons !
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Passé 70 ans, les écrivains américains deviennent-ils tous des obsédés textuels, euh, sexuels ? La question ne se pose pas pour un Philip Roth ou un Tom Wolfe qui n'ont pas attendu un âge canonique pour s'intéresser à la chose. le cas de John Irving est différent. Dans A moi seul bien des personnages, l'auteur se lâche totalement et balance un pavé très cru à la face de l'Amérique puritaine. Billy, narrateur et personnage principal, est à la recherche de son identité sexuelle, assumant difficilement son désir pour les femmes, les hommes et les transsexuels. Irving dépeint sa quête, certains diraient son errance, pendant près d'un demi-siècle, au sein d'un roman foisonnant au souffle certain qui ne tire que rarement à la ligne, mais ça lui arrive quand même. Une multitude de personnages, tous ambigus, objets le plus souvent de son désir, croisent la route d'un Billy qui se débat avec les affres de sa conscience dans l'environnement d'une petite ville du Vermont guère habituée aux frasques en tous genres, surtout dans les années 70. Si le livre est teinté d'humour dans sa plus grande partie, il change de ton lorsqu'il s'agit d'évoquer la décennie suivante pendant laquelle le sida fauche les vies en une moisson sanglante. Toutefois, il ne faut pas prendre le dernier livre d'Irving comme un roman d'aventures liées uniquement au sexe. L'amour de la littérature (Flaubert, Goethe, Dickens, Ibsen) y est omniprésent et celui du théâtre permet au romancier de citer abondamment Shakespeare dont il relie superbement l'oeuvre, avec son lyrisme et son inclination pour la tolérance et l'indépendance, au parcours chaotique de son héros. Pulsions, émotions, sensations, frustrations, A moi seul bien des personnages nous emporte dans l'ouragan d'une vie. Il faut bien attacher sa ceinture et garder les yeux ouverts, quitte à être déboussolé et (un peu) scandalisé, le voyage, l'odyssée serait-on tenté de dire, avec ses mille et un détours n'est pas de tout repos. Mais quel paysage, sur sa route !
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Une première pour moi avec cet auteur, découvert et lu dans le cadre du Challenge Solidaire Babelio.
Ignorant tout des écrits de John Irving, c'est le hasard total qui m'a menée vers ce titre, qui aurait pourtant dû m'alerter un tant soit peu...

Autant le dire d'emblée, je n'ai pas été très à l'aise avec cette lecture, très déroutante et que je n'ai pas vraiment réussi à apprivoiser.

En vrac, il est question, durant 600 pages (et environ 60 ans), d'orientations et d'identités sexuelles variées, d'expériences diverses en la matière (toujours très crûment explicitées), de parcours de vies avec des sexualités "différentes", le tout servi entre deux répétitions de pièces de Shakespeare ou d'Ibsen, ou avec un air d'opéra. Déroutant je vous dis !

Durant les 200 premières pages, c'était tellement particulier que j'ai failli lâcher prise, comprenant difficilement la direction que voulait prendre le roman.
Puis arrivée péniblement à la p. 254, j'ai lu " Quand on n'a pas lu un livre, on ne peut pas vraiment savoir de quoi il parle"... alors je me suis obligée à poursuivre, pour savoir donc, et me sentir plus légitime à donner mon avis.

C'est extrêmement foisonnant comme histoire, ça part un peu dans tous les sens, mais avec un point d'ancrage, un véritable leitmotiv : celui de l'ambiguïté de la sexualité du personnage principal, William, alias Bill ou Billy (... ou John Irving lui-même, qui sait ??) qui passera toute sa vie à se chercher.
La narration à la première personne teinte le récit d'une nuance autobiographique qui aurait pu être immersive, s'il ne m'avait pas été si compliqué de me fondre dans la peau de ce garçon, dont j'ai pourtant perçu la souffrance psychologique liée à sa différence, mais pour lequel je me sentais tristement impuissante, et qui m'a laissée, simple observatrice, au bord d'une histoire qui me dépassait, car par trop éloignée de mon univers et de mes capacités d'identification.

Et puis, il y a, autour de tous ces tourments, cette obsession permanente pour la sexualité, crue, nue, sans poésie, sans états d'âmes, sans sentiments ni passion, sans véritable amour, juste afin d'assouvir pulsions physiques et fantasmes. J'ai trouvé ça glauque, vulgaire et laid... Et au final, quelle solitude et quelle tristesse...

Heureusement, il y a quand-même l'originalité de la construction, qui nous transporte progressivement dans le temps, de l'enfance du narrateur à la maturité de sa soixantaine, avec pour deuxième fil rouge, une thématique littéraire et théâtrale intéressante et très présente, habilement reliée au reste du roman, mais exigeant de solides connaissances de la part du lecteur.
Et là, j'ai dû faire preuve d'humilité face à mes souvenirs shakespeariens étiolés, qui ne m'ont certainement pas permis d'apprécier la totalité des parallèles établis entre les personnages des pièces et les soucis d'identité des acteurs.

Mais malgré les sujets sensibles abordés, malgré les drames et difficultés vécus par les différents protagonistes, j'ai manqué d'émotions, d'empathie, de ferveur. Avec cette impression que le narrateur restait lui-même prisonnier dans sa propre vie, passablement indifférent et impassible aux événements extérieurs. Ce regard froid et caustique qu'il portait à lui-même et aux autres, telle une carapace, en était même assez perturbant, jusqu'à l'arrivée (dans les 200 dernières pages) des années 80, les fameuses "années Sida", avec leurs ravages, correspondant aussi à l'âge de la maturité pour Bill.
Là, j'ai enfin ressenti en même temps que lui, sa terreur, mêlée de chagrin et d'incompréhension, son sentiment d'injustice, toujours bizarrement accompagnés d'une sorte de mise en retrait désabusée, mi lâche, mi fuyante.

Cette dernière partie, effroyable et pourtant davantage posée et très bien documentée, apporte un équilibre appréciable à l'ensemble du roman et me permet de pondérer mon premier ressenti à cette lecture si originale, que je suis donc satisfaite d'avoir finalement menée à terme.
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Roman d'apprentissage à la sauce Irving, un peu déjanté, bien construit, bien écrit.
L'histoire se passe aux Etats Unis puis en Europe. William Abbott (Billy) le narrateur, un personnage qui part à la recherche de son identité sexuelle de son adolescence pendant les années 50 avant l'arrivée du SIDA jusqu'aux années 2000.
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