Avant toute chose, il me semble important de spécifier que ce roman n'est pas autobiographique. On pourrait se poser la question car non seulement il est écrit à la première personne, mais le héros est né de père inconnu, il évolue dans un milieu universitaire, entouré de lutteurs, il adore Dickens, il étudie à Vienne, devient écrivain... Autant de points communs avec l'auteur. A ce sujet,
John Irving explique que s'il a voulu partager tous ces points communs avec son héros, c'est justement pour l'aider à se sentir plus proche de lui, mais la comparaison s'arrête là.
Pour plus de détails à ce sujet, je vous invite, quand vous aurez terminé mon article, à lire la très intéressante interview que l'auteur a donné au Nouvel Observateur.
Avant de vous donner mon avis sur l'histoire, je vais vous faire une confidence: pour moi lire
John Irving, c'est un peu comme se glisser dans des pantoufles moelleuses et rassurantes. Je n'ai pas lu tous ses livres, mais un grand nombre quand même et il est certain que je vais tous les avaler. Ma rencontre avec lui s'est faite avec
L'oeuvre de Dieu, la part du Diable qui se trouve d'ailleurs dans la liste des livres qui m'ont le plus marquée. A chacun de ses livres, je vis à peu près la même routine: les premières pages se dévorent, ensuite vient en général un passage que je trouve un peu longuet, qui m'ennuie même parfois et enfin, sans m'en rendre compte je m'installe dans l'histoire de manière très très confortable. Je m'attache aux personnages, même s'ils sont souvent un peu, voire beaucoup, bizarres, disons, hors-normes, mais j'aime les retrouver, je me sens en sécurité entre les pages de
John Irving. Quand le livre se termine, je suis triste de quitter l'ambiance, triste de quitter les personnages. Je crois qu'Irving fait partie de ces auteurs qu'on aime ou qu'on déteste. Je comprends parfaitement qu'on n'arrive pas à entrer dans ses histoires, pour cela, je le rapproche un peu de
Ian McEwan version
Samedi.
A moi seul bien des personnages m'a fait le même effet, je dirais même que c'est un de mes préférés ou alors je dis ça parce que je viens de le terminer.... j'avoue, je ne sais pas. Certains passages m'ont ennuyées, toutes les diatribes sur le théâtre au début du roman étaient certes instructives, mais moi qui n'y connais rien en théâtre classique, je me suis un peu perdue. le milieu du théâtre prend beaucoup de place dans l'histoire, il a son importance puisque, à l'époque, il était courant que les personnages féminins soient joués par des hommes. Et alors me direz-vous? Et bien il permet ici d'introduire le grand-père du héros, qui fait partie de la troupe de théâtre locale et qui ne joue que des rôles de femmes... Mais je ne vous en dirai plus. Si ce n'est que le grand-père de Billy est un des personnages principaux de l'histoire, personnage que j'ai trouvé éminemment sympathique: sa tolérance et le soutien discret qu'il porte à son petit-fils sont juste un régal pour les coeurs sensibles. Il n'est pas seul d'ailleurs à cristalliser cette tolérance qui devrait aller de soi, d'autres personnages aiment Billy tel qu'il est, comme Elaine, l'amie de toute une vie.
A moi seul bien des personnages est en effet avant tout un livre sur la tolérance, sur l'amour au sens le plus noble du terme. Je suis sortie de cette histoire en ayant envie d'aimer le monde entier, c'est vous dire.
Mais revenons à l'histoire. L'ambiance peut sembler spéciale puisqu'il y est question de... sexe. Encore, encore et encore. On y parle d'adolescents qui s'éveillent à la sexualité, mais, comme vous l'aurez compris, sur fond d'homosexualité, de transexualité et de bissexualité puisque je rappelle que Bill, le héros, est bisexuel. En ce sens, j'ai trouvé original que l'histoire se centre sur un personnage bisexuel car la bisexualité en littérature me semble moins exploitée que l'homosexualité qu'elle soit masculine ou féminine, d'autant plus qu'ici, l'auteur évoque les difficultés spécifiques inhérentes à la bisexualité. Ainsi Bill résume tout en disant qu'il n'est accepté ni par le milieu hétéro ni par le milieu homo. Partout il est un étranger. On le suit dans son parcours, de l'adolescence à l'âge mûr. On traverse les décennies et l'évolution des moeurs avec lui. On tremble et on pleure en silence devant l'apparition et les ravages du SIDA (les descriptions sont dures, mais justes il me semble, pudiques dans le sens où on ne tombe pas dans le pathos).
Je pense qu'il faut quand même une certaine ouverture d'esprit pour lire ce livre, Bill a des rapports sexuels avec des hommes, avec des femmes, avec des transexuels aussi. Rien de graveleux pourtant, l'auteur va droit au but, loin d'une ambiance pornographique: on est dans la description de la vie tout simplement. Par contre, il y a des relents d'inceste aussi, ce qui m'a mis mal à l'aise (était-ce utile?), sans parler de la famille de Bill qui compte un nombre incroyable de gays, lesbiennes et travestis (là c'était un rien exagéré, je trouve, niveau quantité au m2 dans la même famille, mais qui sait, c'est peut-être plausible, je n'en sais rien). Ca c'était pour les côtés que j'ai moins appréciés.
Gros point positif: outre qu'on suit le héros sur une très longue période (ce que j'apprécie beaucoup quand j'aime un personnage) j'ai adoré la somme de livres qu'on cite dans l'histoire. Oui oui, en plus des pièces de théâtre!
A moi seul bien des personnages est un livre très riche en matière de références culturelles. En début d'adolescence, le beau-père du héros l'accompagne à la bibliothèque pour l'y inscrire. Par la suite, Miss Frost, la bibliothécaire, lui conseillera des livres en fonction des ses interrogations, de ce qu'il vit.... il trouve alors des réponses à ses questions et se découvre à travers les romans qu'il dévore. Cet aspect de l'histoire résonne en moi comme un écho, souvent au cours de ma vie, le bon livre a atterri dans mes mains au bon moment et je pense m'être construite et me construire encore au gré de mes nombreuses et diverses lectures.
Ce livre terminé, j'ai juste envie de me plonger à nouveau dans un des romans de
John Irving! Mais non mais non, pas tout de suite, j'ai une PAL à vider!
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