Oeuvre initiatique, qui floute définitivement les frontières de la peau, pour que chaque particule de soi redevienne monde. Ecriture étonnante de prime abord, surréaliste diront certains, élémentaire (au sens originel du terme) à mon sens. Toute la magie leclézienne affleure à chaque phrase. Impossible de ne pas voyager avec cet Inconnu sur la Terre, génial voyageur des sens, capable de sautiller d'un filament d'ampoule électrique aux ronds de fumée qui s'élèvent là, juste là, regardez, à côté de vous, plus près encore ... est-ce bien lui ? ou vous ? Peu importe, puisque vous faîtes déjà partie du voyage. Peut-être le livre d'avant les livres. A lire lorsqu'on n'attend rien d'autre des mots que la trace qu'ils sont capables de laisser en nous ... Bonne route !
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Ce n'est pas encore l'oeuvre de la maturité, pas encore la période de mes livres préférés de le Clézio. Ce sont des pensées, des impressions, celles que peu d'entre nous savent écouter, entendre, observer, décortiquer, imager, laisser affluer. Il manque peut-être un travail décriture qui rassemblerait ces notes en une grande oeuvre, comme il a su si bien en créer.
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C'est de la lumière que vient la lumière. Elle est en moi, elle bouge comme une flamme. Elle n'est pas le savoir, ni la conscience, ni rien de ce que le langage ou la raison peuvent donner. C'est une flamme simplement, une flamme qui brille et brûle tout le temps à l'intérieur de mon corps.
Je regarde le soleil, les étincelles sur la mer, les étoiles, les reflets. Je regarde les champs éclairés, les hautes montagnes qui brillent comme du verre, le ciel immense où il n'y a rien d'autre que la lumière ; alors la flamme au fond de moi grandit et brûle plus fort.
Quelque chose brûle en moi. J'attends, et je n'attends pas. C'est peut-être dans cette rupture, dans cet instant, entre les deux pulsions, l'une qui va vers l'infini du oui, l'autre vers l'infini du non, qu'est le lieu de la vie.
Cette lumière qui m'éclaire ne moi, et qui ne m'appartiens pas, sans cesse me montre l'étendue du possible, ce que je pourrais être un jour, ce que je devrais être. Pareil au feu, à l'étoile, au soleil.
J'attends, et en même temps je n'attends pas.
Comment être loin de la vie ? Comment accepter d'être étranger, exilé ? Tout ce que l'on sait, tout ce que l'on reconnaît, et les chimères de la conscience, tout cela cède devant un seul instant de vie.
Un moucheron qui traverse l'air, un brin d'herbe que fait vibrer le vent, une goutte d'eau, une lumière, et d'un seul coup il n'y a plus de mots : il y a l'étendue muette de la réalité, où le langage est déposé, où la conscience est minéralisée.
Ceux qui veulent vivre au-dehors (ils disent au-dessus du monde), où sont-ils ? En effaçant le monde, c'est eux qu'ils effacent.
Quand on est devant la mer, tout peut apparaitre, disparaitre, comme sur une pierre qui n'a pas été sculptée. C'est peut-être pour cela, parce que tout est possible, comme sur une planète étrangère, que les hommes viennent vers elle.C'est peut-être parce qu'il n'y a pas de murs, pas de barrière. Parce que c'est le lieu du danger.
Alors chaque jour, tandis qu'au dehors, dans les couloirs et les abris des villes, dans les cachettes des montagnes, à la source des fleuves, la vie amoncelle les années et trace ses dessins toujours semblables, ici apparait la nouveauté.
Chaque jour nait ici, puis se détruit puis se refait, au rythme du ressac.
Ils viennent la voir. Ils l'aiment. Ils viennent voir ce qui a été inventé, comme cela, chaque jour, rien qu'avec la mer et le ciel.
C'est une flamme qu'on ne remarque pas tout d'abord, parce qu'on est souvent distrait par toutes les étincelles et tous les éclats qui tourbillonnent sans cesse : la brillance, le luxe, miroirs partout tendus, phares aveuglants braqués sur les yeux, grandes plages de couleur, de blancheur.
Mais lorsque tout devient gris de fatigue et d'usure, lorsque la plupart des êtres se sont éteints et se sont effacés, alors on remarque cette lueur étrange qui brille par endroits, comme des feux de braise. Quelle est cette lueur? Que veut-elle? Est-ce le désir? Le plus simple désir alors, la force de la vie, la force de la vérité.
Ceux qui refusent les mensonges, ceux qui ne sont pas compromis dans les affaires louches du monde, ceux qui ne se sont pas avilis, qui n'ont pas été vaincus, ceux qui ont continué à vibrer quand tous les autres se sont endormis : la lumière n'a pas quitté leurs yeux. Elle continue à sortir de leur peau, de leur âme, la lumière pure qui ne cherche pas à vaincre ou à détruire.
La lumière pour cette seule action : voir, aimer.
Je cherche ceux et celles qui brûlent. Ce sont les seuls immortels.
Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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