Je demandais à être reçu par le Général de Gaulle qui résidait à Covent Garden. Il m'a reçu très vite car tous ceux qui venaient de France l'intéressaient particulièrement. Il m'a interrogé longuement sur la Résistance et sur l'état d'esprit des Français plus généralement. Puis il m'a dit:
"Et maintenant, à votre tour, vous avez peut-être des questions à me poser ?"
Des questions, j'en avais dix, vingt. C'est la plus immédiate, la plus grave que je lui posais d'abord:
"Mon général, comment croyez-vous que tout cela se terminera ?"
Il m'a regardé, presque étonné. Puis il m'a répondu par cette formule dont je me souviens encore mot pour mot:
"Mon cher, c'est fini. C'est gagné. Il n'y a plus que quelques formalités à remplir."
C'est ce mot de "formalité" qui m'a stupéfié. Nous étions en janvier 1943. La bataille de Stalingrad venait de se terminer à peine, le débarquement en Sicile était loin, le débarquement en Italie plus loin encore. Quant au débarquement sur les côtes françaises, il faudrait encore un an et demi l'attendre.
Mais pour le Général de Gaulle, tant il survolait l'Histoire, tant il était sûr du destin de la France, ce n'étaient que des formalités.
Esclavage en Ethiopie:
Je m'étais renseigné depuis. J'avais appris qu'un trafic régulier s'effectuait par caravane, du cœur de l'Afrique noire jusqu'au bord de la mer Rouge. De là, les esclaves étaient embarqués sur des boutres arabes pour le Yémen d'où on les acheminait vers l'Arabie Saoudite et notamment vers La Mecque."p.61
"Notre véritable aventure commençait.
Le lendemain, nous avons gagné la province du Harar, le "territoire" de Monfreid. Monfreid, le "pirate", ou plutôt Abd el-Haï- c'était son nom désormais- qui s'était converti à l'islam, parlait la langue sur le bout des doigts,était considéré comme un Arabe à part entière, et qui, pour mieux y faire croire, avait poussé le courage jusqu'à se faire circoncire, à plus de trente ans, avec un tesson de bouteille.
Nous assisté chez lui à une scène ahurissante.
Une trentaine d'esclaves appelés sur ordre ont fait leur apparition à la tombée du jour - des hommes, des femmes, des enfants; certains énormes, au ventre dilaté, d'autre squelettiques avec des visages ahuris; un effrayant échantillon de bétail humain.
Un des serviteurs de Monfreid les a conduits sous un vaste tamarinier où était attaché un bœuf. Retenus par une corde épaisse, les esclaves se ont assis dans le sable, serrés les uns contre les autres. Le cuisinier a apporté un long coutelas à la lame fine. Devant les yeux écarquillés des esclaves, le serviteur a tranché la carotide de la bête qui s'est mise à mugir, à trembler, à vaciller et qui s'est effondrée d'un seul coup. Puis il a brandi son arme et l'a baissée d'un geste sec.
Il avait donné le signal.
La corde a valsé dans les airs. Les esclaves affamés ont bondi. Comme des piranhas, ils se sont précipités sur la dépouille que les nerfs agitaient encore. Ils avaient si faim qu'ils ont dépecé le boeuf avec leurs ongles, qu'ils ont dévoré la viande crue sanguinolente et jusqu'aux intestins pleins d'excréments. Ils ont tout mangé. Tout. Tout. Puis, ivres de nourriture et de sang dont certains barbouillé le visage et les membres, ils se sont mis à sauter, à danser et à chanter dans leurs complaintes millénaires originaires de l'Afrique d'où on les avait arrachés.
Les esclaves que nous avions sous nos yeux étaient semblables en tous points à ceux qui, cinq mille ans plus tôt, avaient servis les Pharaons.
L'enfant dans le ventre de sa mère appartenait à son maître avant même de voir le jour. Pour des fautes vénielles de paresse ou pour des larcins minuscules, ils étaient pendus par les pieds à la branche d'un arbre, au-dessus des brasiers sur lesquels on versait du poivre rouge. On ne les détachait que lorsqu'ils étaient aveugles.p.64-65
Il existe en Russie une superstition ou plutôt une tradition millénaire dont on retrouve trace dans Guerre et Paix au moment où la famille Roskov quitte Moscou devant l'approche des armées de Napoléon en 1812, avant de partir en voyage, tout le monde s'assoit, observe une minute de silence, et dit : "Dobri Tchass", puis en se levant : "Shogom".
Et l'on s'embrasse. Ce qui veut dire: "Que l'heure vous soit favorable" et "Que Dieu vous accompagne".
Je demandais à être reçu par le Général de Gaulle qui résidait à Covent Garden. Il m'a reçu très vite car tous ceux qui venaient de France l'intéressaient particulièrement. Il m'a interrogé longuement sur la Résistance et sur l'état d'esprit des Français plus généralement. Puis il m'a dit:
"Et maintenant, à votre tour, vous avez peut-être des questions à me poser ?"
Des questions, j'en avais dix, vingt.
C'est la plus immédiate, la plus grave que je lui posais d'abord:
"Mon général, comment croyez-vous que tout cela se terminera ?"
Il m'a regardé, presque étonné. Puis il m'a répondu par cette formule dont je me souviens encore mot pour mot:
"Mon cher, c'est fini. C'est gagné. Il n'y a plus que quelques formalités à remplir."
C'est ce mot de "formalité" qui m'a stupéfié. Nous étions en janvier 1943. La bataille de Stalingrad venait de se terminer à peine, le débarquement en Sicile était loin, le débarquement en Italie plus loin encore. Quant au débarquement sur les côtes françaises, il faudrait encore un an et demi l'attendre.
Mais pour le Général de Gaulle, tant il survolait l'Histoire, tant il était sûr du destin de la France, ce n'étaient que des formalités.
Dans la grande salle, personne ne nous prête attention. Il faut se glisser, se faufiler entre quinze, vingt, trente groupes. Ceux-ci jouent aux cartes, ceux-là aux dames, d'autres jouent aux échecs ou lisent. D'autres encore discutent. Et dans cette vaste pièce résonne une langue incompréhensible, les syllabes ne s'y accordent pas, se heurtent, les inflexions divorcent. Il faut que, peu à peu, l'oreille s'habitue pour qu'enfin les six ou sept langues parlées ensemble se laissent reconnaître : espagnol, yougoslave, tchèque, flamand, allemand, polonais, norvégien et français.
Alors nous avons appris.
Ce collège avec son parc, ses tennis, ses pavillons, ses réfectoires, ses dortoirs, ce collège privé pour fils de bonne famille avait été réquisitionné par les "services spéciaux" au début de la guerre. Nous étions à Patriotic School.
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