Dans cet ouvrage fantastique, l'écrivaine suédoise
Selma Lagerlöf nous ouvre les portes des mythes et légendes folkloriques de sa province natale de l'ouest suédois, le Värmland. En effet, la première femme
Prix Nobel de Littérature ne pouvait naturellement qu'être suédoise !
Paru en 1925, l'Anneau Maudit (pas de rapport avec celui de
Tolkien, encore que… peut-être a t-il lu Lagerlöf) est donc une histoire de convoitise, le dessein destructeur de l'objet acquis par celui qui pèche par envie est inéluctable. L'innocence ou en tout cas la façon qu'a la conscience de nous pousser au pire en anesthésiant tout recul, tout jugement critique sur nous-même au moment de passer à l'acte, comme une pulsion, est proprement fascinant, notamment pour le couple de paysan dans la première partie du livre.
Le fantastique est bien présent mais nous sommes loin
du conte de fées, chacun, à l'image de Mlle Spaak, doit connaître son rang, chez Lagerlöf les classes sociales ne se transcendent pas aussi facilement que dans un Disney.
“Il y avait en elle une apparence de paix et de sérénité comme chez ceux qui ont renoncé à désirer quoi que ce soit pour eux-mêmes.” L'écriture de Lagerlöf est accessible et sans agréments, sa narration est entrecoupée de renseignements historiques ou liés à la vie quotidienne avec notamment une magnifique allégorie mystique du lien entre le paysan scandinave et le feu, où l'âme humaine tournoie autour du corps, pareille à la flamme qui danse autour de la “bûche équarrie”, s'installe alors un dialogue secret, crépitant et pétillant, entre la flamme et l'âme au sortir duquel cette dernière se réchauffe au sens propre comme figuré (un très beau passage partiellement reproduit dans les citations).
Le rapt de l'anneau ne peut rester impuni pour la famille de l'aristocrate dont la sépulture fut ainsi profanée. C'est l'occasion pour Lagerlöf de convier son lecteur pour une ordalie d'anthologie. Ce châtiment moyenâgeux nous heurte au plus profond, nous citoyens de l'Etat de droit, avec toutes les garanties juridiques attachées à l'individu (procès équitable, charge de la preuve etc). Cette justice spectaculaire où le hasard (la main de Dieu) doit décider de la culpabilité d'un être au travers d'épreuves plus ou moins suppliciantes nous est donc parfaitement étranger et révoltant… Mais au final, est-ce vraiment Dieu qui a le dernier mot ? La soumission du verdict divin au Roi de Suède nous permet d'affirmer que par delà la justice divine il y a le pouvoir politique, qui instrumentalise, qui soumet autrui à l'arbitraire divin que personne ne peut contester mais qui ne s'y soumet jamais pour lui-même…
C'est donc une lecture à la fois simple et agréable mais aussi enrichissante, où l'imaginaire du lecteur mais aussi sa sensibilité sont touchés, non par l'Anneau Maudit des Löwensköld mais par la plume magique de
Selma Lagerlöf.
Qu'en pensez-vous ?