Ecrit en 1851, Geneviève s'inscrit dans la lignée de plusieurs "romans" de l'époque, décrivant de façon idéalisée la vie quotidienne de gens du peuple ou de petites gens.
le style est volontairement sentimental et laisse une grande part à l'émotion.
L'objectif est de démontrer que le bon sens, le goût du beau, la grandeur d'âme, peuvent se trouver dans des personnages que l'on croise tous les jours sans y prêter attention.
De même Geneviève qui force l'admiration, à ne pas considérer l'importance de la tâche qu'elle mène quotidiennement au service des autres.
Ce roman "humanitaire" fut l'apanage
De Lamartine, (Geneviève, le tailleur de Pierre) ou de
Georges Sand (
Jeanne,
La mare au diable).
Dans l'introduction de Geneviève, Lamartine précise :
"cette série de récits et de dialogues à l'usage du peuple des villes et des campagnes, nous devons dire dans quel esprit ils ont été conçus, à quelle occasion ils ont été composés, et pourquoi nous dédions ce premier récit à Mlle Reine Garde, couturière et servante à Aix en Provence."
Le ton est un rien condescendant à l'égard du peuple des villes et des campagnes...le récit est censé avoir un côté didactique et édifiant, pour glorifier les sans gloire et ouvrir les yeux des "nantis" sur les qualités humaines de leurs servants et servantes, un exercice à la limite de la mortification.
Reine Garde, couturière, apprit à aimer la littérature en compagnie des filles de ses premiers maîtres, goûte la poésie du Sieur Lamartine et s'essaie elle même à écrire des vers. Ce qui enchante l'auteur et son épouse, en villégiature à Marseille.
Geneviève, elle, est une servante increvable, "... paraissait avoir trente-cinq ou quarante ans à cette époque. L'âge n'était pas lisible sur ses traits usés par la fatigue. On sentait que la misère avait soufflé là de bonne heure, comme la bise qui gèle une plante au printemps, et qui la laisse plutôt languir que vivre le reste de sa saison."
Son père, veuf, et sa petite soeur Josette, née d'un second lit, l'aiment comme une seconde mère : "Non, Geneviève, ma soeur ! ma nourrice ! mon autre mère ! deux fois ma mère ! puisque tu l'as été après la mort de la première, comme avant." "Qu'est-ce que tu as donc, Geneviève ? Est-ce que je t'ai fait du chagrin ? Non, que je lui disais en l'embrassant, ma petite ; bien au contraire, tu me fais trop de plaisir, je t'aime trop ; mais c'est que je pense au temps où tu ne seras plus là."
Geneviève consacre sa vie à la petite Josette, fait taire ses sentiments pour Cyprien le beau et jeune colporteur :
"Geneviève, tu ne te marieras plus, tu ne me laisseras jamais, n'est-ce pas ? Non, jamais ! jamais ! jamais ! dis-je en la couvrant de baisers, en me recouchant à côté d'elle, et en la réchauffant sur mon corps. Mais comment le sais-tu ? lui dis-je"
Ainsi va la vie, ainsi va Geneviève, de malheur en malheur, celui des autres qu'elle attire, et le sien qu'elle tente de cacher.
Le hasard cruel lui fait rencontrer celle qui sera la femme de Cyprien :
«Oh ! Dieu, disais-je en moi-même, en continuant de l'attirer, mais d'une main maladroite et avec un brouillard sur les yeux, qui aurait dit jamais que ce serait moi qui parerais la fiancée de mon amant pour son jour de noces, et que quand il déferait ses boucles d'oreille et son agrafe de collier après la messe ce serait l'ouvrage de ma main qu'il toucherait sur le cou de son épousée ! »
Et Lamartine de s'extasier sur l'abnégation de Geneviève, prête à accepter ce coup du sort :
«
La Bruyère ou Pascal n'aurait pas senti plus juste et n'aurait pas dit mieux.»
L'imagination de Lamartine pour imaginer et décrire les péripéties de Geneviève est terrible, il ne lui épargne rien, le déshonneur, la prison, les dettes, les railleries de son entourage, la méchanceté des gens du village.
Geneviève tient bon, elle reste Geneviève, toujours présente aux côtés des
blessés de la vie :
"...(elle) quitta l'hospice provisoire de Valneige, où on envoya une soeur hospitalière à sa place. La pauvre servante suivit Luce, son mari et l'enfant à la montagne, où elle file encore au pied du poirier, et où je la revois tous les ans quand la chasse me ramène aux montagnes."
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