Un recueil de nouvelles, un de plus. En quoi peut-il se distinguer des innombrables publications éditées ces derniers temps dans cette catégorie littéraire ?
A la lecture du titre et l'ouverture de ce recueil avec ‘Au bout du conte' et ‘Meilleurs vieux', on comprend tout de suite que l'auteur,
Alain Leclercq, a choisi l'humour et tout particulièrement les jeux de mots pour nous offrir un pastiche des contes de notre enfance et une visite en EHPA, le tout décalé à la manière de ce qui pourrait devenir les bases de bons sketchs pour un humoriste débutant.
On apprécie - ou pas -, mais cela fonctionne. Un peu mécaniquement, je veux dire sans trop d'âme, mais les idées tournent, les phrases s'enchevêtrent et on sourit. Quelques fois, à tout le moins. S'il y a problème, il est dû à la répétition de la tactique des jeux de mots, notamment à travers les noms donnés aux personnages. On le sait, la mécanique du rire, au-delà de trois temps forts non suivis d'une bascule, fatigue et s'affaiblit. On ne décolle pas.
Il est vrai que dès la troisième nouvelle, le ton semble changer, quitte à verser dans le sordide. Avec ‘Retour à la vie', on ne sourit même plus avec M. Kaffergaf !
C'est que cela agace, les jeux de mots à deux sous. Et l'histoire – ou plutôt l'artifice – se répète. Dans ‘un silence, deux morts', sombre histoire de pompes funèbres, l'entrepreneur s'appelle Danlafosse, il est interviewé à Radio Thérapie où il contera notamment l'histoire de Jacques Thualize, son dernier client[…] Alors, même si l'auteur reprend à son compte ce vieil adage qui dit que parler de la mort n'est pas faire preuve d'un manque de savoir-vivre et qu'il certifie enterrer ses morts en grande pompe sous prétexte qu'il chausse du 47,5, on a envie de penser que l'auteur est lucide lorsqu'il met dans la bouche de son héros la notification « Peut mieux faire indéniablement ».
Outre les jeux de mots (on aurait envie de dire les oeufs de mots qu'
Alain Leclercq pond avec autant d'aisance qu'une anguille sous roche), un artifice surutilisé est la comparaison. Sans en dire plus, je cite :
L'entrevue fut de courte durée et aussi empreinte de chaleur humaine et chargée d'émotion qu'une réunion au sommet de fanatiques djihadistes à la veille d'un attentat.
Tel un suppositoire au camphre dans un anus fiévreux, elle se plongea profondément dans la lecture de cette lettre manuscrite.
Quand elle referma provisoirement la porte sur ses malheurs récents, ses mains tremblaient autant que celle d'un rescapé de la chaise électrique un jour de panne de courant.
Les questions jaillissaient de partout et assaillaient son cerveau encore embrumé telle une ribambelle de morpions faméliques sur un pubis négligé.
Je vous laisse juge. Moi, je me fatigue vite d'une telle diarrhée de mots pour une constipation d'idées faisant vraiment avancer les récits.
Que ce soit avec la nouvelle ‘PPDDÉDCDIR' (vous aurez lu Papy Dédé est décédé hier), ou encore avec ‘Polar nordique', une nouvelle au fluide glacial faisant lourdement référence aux écrits du romancier
Arnaldur Indridason, ou enfin ‘S'il faut prendre racine' (librement inspiré de Phèdre, dit l'auteur, tout est du même tonneau. 286 pages de nouvelles où, très tôt, je n'ai plus eu l'impression de découvrir quoi que ce soit de neuf. Un feu d'artifice de calembours qui collent aux textes comme les carambars caramel collent à l'humour décalé.
Et ce ne sont pas les enquêtes ‘David Chicode' ou celle du lieutenant Mylène Mikoton et de son coéquipier Lamouche Ahmed qui me convaincront de défendre à tout prix ce recueil de nouvelles.
La seule question à se poser étant de savoir si ce type d'humour et d'écriture nourrit son lecteur. A chacun d'y répondre, vous avez les clés en main !
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