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EAN : 9782234070264
216 pages
Stock (02/01/2015)
3.2/5   230 notes
Résumé :
"C'est quand je suis tombée enceinte que j'ai décidé d'arrêter d'être triste définitivement, et par tous les moyens." Comment aimer ses enfants? Trop, pas assez, trop fort, trop intense? Et que faut-il transmettre? C'est le sujet fort, universel de ce roman vrai, celui de la chute et de l'espoir, ce sujet que nous connaissons tous, de l'enfant au centre de nos vies. Après les immenses succès de Rien de grave et Mauvaise fille...
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Critiques, Analyses et Avis (58) Voir plus Ajouter une critique
3,2

sur 230 notes
La gaieté : quel drôle de titre pour un livre qui n'a rien de réjouissant !
Même si des passages drôles surgissent ça et là, et surtout quand on ne s'y attend pas, même si certaines phrases sont littéralement à mourir de rire, tant de souffrance transpire à travers ce texte, que, non, ce roman n'est pas gai du tout. Et son titre relève plus de l'autosuggestion que de la réalité
Je prends le train en marche, car Justine Levy a déjà commencé à raconter sa vie dans ses livres précédents.
Dans celui-ci, elle aborde le thème de la maternité et se pose la question que toute maman se pose certainement : "qu'est-ce qu'être une bonne mère ?" et son corollaire : "comment peut-on devenir une bonne mère quand on est soi-même la fille d'une mère défaillante ?"
En tant que maman, je me suis retrouvée dans son questionnement : quoi de plus naturel lorsque l'on exerce ce difficile (mais passionnant) métier de parent que de se demander s'il est bien de faire ceci, ou de ne pas faire cela ; on a envie de transmettre des choses positives reçues de nos parents, et en même temps de ne surtout pas reproduire ce que l'on a trouvé de négatif. Et la maternité a ce pouvoir terrible de faire resurgir notre propre enfance, et de nous faire analyser sous un jour plus lucide et quelquefois douloureux cette période de notre vie.
Justine Lévy écrit comme une petite fille. Ses longues phrases à multiples virgules m'ont fait penser à la façon de s'exprimer d'un enfant débordé par ses émotions et dont les paroles sont entrecoupées de sanglots. On a du mal à respirer, on sent un besoin fou de dire, de tout dire, mais en même temps, la peur de le faire.
Justine Lévy ne cherche pas à ce que le lecteur s'apitoie sur elle, et c'est ce qui m'a touchée. Son passé est lourd, très lourd ; elle essaie d'avancer malgré tout, malgré les difficultés, malgré les souvenirs qui ressortent souvent d'une façon imprévisible et qui peuvent être terriblement douloureux. Son livre déborde d'amour pour ses enfants, et une grande force transparaît derrière les angoisses et les peurs.
Justine Lévy pratique l'autodérision avec beaucoup d'honnêteté, d'humour et d'intelligence, et j'ai vraiment aimé cet ouvrage qui m'a donné envie de lire les précédents.
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J'ai retrouvé avec bonheur la plume de Justine Lévy, très touchante, très fluide, très imagée, très tout, en fait.

On la découvre quelques années plus tard, avec Pablo, alors qu'elle a deux enfants. Evidemment, elle décide d'être heureuse pour ne pas les contaminer comme elle l'est, par cette tristesse poisseuse en héritage d'une maman éternelle adulescente et en grande souffrance, en proie aux addictions, qui était souvent absente, et pourtant qui restait une maman. Une maman à laquelle Louise s'est attachée, et qui continue de la hanter lorsqu'à son tour, elle porte ce doux titre de mère.

J'ai beaucoup aimé la franchise de ses réflexions pour les éprouver moi-même: qu'est-ce que je ferai, quand mes enfants m'enverront valser, à l'adolescence, quand ils seront totalement indépendant et créeront leur vie, alors que la mienne ne tourne qu'autour d'eux?

Son papa reste son pilier, celui que Louise appelle à toute heure du jour et de la nuit, et qui aide, quoi qu'elle ait fait comme bêtise.

On découvre le défilé des belles-mères, méchantes, pernicieuses, jalouses.

Le livre est touchant, j'ai beaucoup aimé la fin et la touche d'espoir qu'il comporte également. Les réflexions sont justes, la façon d'écrire me séduit totalement. En fait, cette Louise pourrait être mon amie, j'en suis certaine...
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Attention, livre très énervant. Quatrième round des aventures domestiques et existentielles de la fille de BHL. Enceinte de sa première fille, Louise, narratrice sous Xanax et double de l'auteur, prend la décision de devenir gaie et de remiser ses nombreuses névroses au placard. Cendrillon, à présent maman poule, parviendra-t-elle un jour à oublier les méchantes marâtres et à vivre en paix avec le souvenir de sa génitrice mi-mannequin, mi-camée? En hachant menu ses angoisses, peut-on cuisiner de la littérature? Autant de questions dont on ne cherchera pas les réponses dans un cinquième tome des aventures de Justine.
Télémoustique, 25/02/2015
(Suis trop d'accord, rien d'autre à dire)
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L'autofiction, ce genre très typiquement franco français, qui a ses chefs de files- Christine Angot ou Camille Laurens- dont je reparle très bientôt , a vu arriver il y a maintenant dix ans une jeune génération parmi lesquelles Justine Levy était certainement la plus médiatique, vu son background- fille de BHL et ex de Raphael Enthoven, un philosophe très médiatisé qui l'a quitté pour Carla Bruni, des héros qui étaient donc le plus logiquement du monde les personnages principaux de Rien de grave son premier roman paru en 2005.

Malgré l'agacement que le personnage de petite fille riche qui se complait dans son malheur peut produire en moi, je dois reconnaitre que ce Rien de grave qu'on lit d'abord par voyeurisme était une vraie réussite, un roman sans concession qui nous plonge avec pertes et fracas dans les abimes d'une rupture.

Etant passé à coté des deux autres romans de Justine L, malgré son "mauvaise fille", dont on a beaucoup parlé et qui a été adapté au cinéma avec la formidable Izia Higelin dans le rôle de Louise le double littéraire de Justine, j'ai repris les aventures entre fiction et réalité de Justine/ Louise avec son dernier ouvrage en date, la Gaieté, grâce à la dernière sélection du livre de Poche de janvier 2016.

Comme dans les trois autres romans, l'auteur continue évidemment sur la voie de l'instrospection intime et le livre évoque sa lutte permanente contre la tristesse, la mélancolie qui l'assaille- douce ironie du titre- et sa peur , maintenant qu'elle est devenue mère, de la transmettre à ses enfants, vu que sa mère, qui est morte dans le troisième volet avait aussi un caractère dépressif.

L'auteur nous cache rien de son désarroi de mère "j sais juste qu'une maman malheureuse vous refile toujours un bout de son malheur, sans le faire exprès et sans le savoir.", une démarche plutôt rare et audacieuse en littérature française, car peu de romancières osent parler des doutes qui assaillent une jeune mère- à part Eliette Abecassis dans un heureux évènement qui allait encore plus loin- et on peut être touchée par la sincérité et la transparence de l'auteur qui ne cherche pas à s'épargner, avec une ironie somme tout salutaire.

Cependant, la gaieté peine à convaincre totalement, la faute à une construction de récit vraiment décousue qui nous perd entre passé et présent entre ses souvenirs d'enfance et des situations présentes pas toujours passionnantes à suivre, l'actuel et ses souvenirs....

On a en fait, assez souvent en lisant la Gaieté, du mal à comprendre où Justine Levy veut nous amener et on regretet que certains sujets interessants sur le papier ne soient finalement abordés que de manière superficielle.

Bref, une lecture qui m'aura moins emballé que Rien de grave mais qui m'aura quand même, sur certains passages donner envie de continuer à suivre l'univers de Justine Levy ou plutot celui de Louise, son double littéraire.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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« Moi, j'explique à Angèle : on ne vient pas sur une terre vierge et pure et vierge, avec tout à apprendre et tout à faire. On n'est pas une page blanche… une chouette page blanche sans ratures sur trois générations. Mais non, on porte la mémoire de sa famille, on trimballe ses paquets de problèmes et de névroses… En naissant bien sûr, on a tout oublié mais tout est là, en nous. » Cette phrase résume pour moi la teneur de ce livre, suite de « Mauvaise fille », où l'auteur poursuit son récit introspectif.
Même si ce livre est centré sur la maternité et la relation de Louise (le double de fiction de Justine Lévy) avec ses enfants, Angèle et Paul, les mêmes thèmes, les mêmes blessures, les mêmes failles sont explorées et couchées sur le papier, comme pour les exorciser, toujours et encore.
Ici, Louise nous parle de sa vie de mère de famille, qui est devenu son « paradis », comme si elle avait été « opérée de sa vie d'avant », même si cette vie d'avant resurgit malgré tout, tellement les blessures de l'enfance sont prégnantes, causées par sa relation à sa propre mère, aujourd'hui décédée, mais aussi par sa relation avec celles (et surtout une) qu'elle appelle ses « belles-mères du moment ». On sent qu'elle n'a pas encore évacué tout de son enfance, de ses souffrances, et de cette relation à sa mère paumée, fatiguée et surtout camée.
Elle nous parle également de la peur, corollaire inévitable de la maternité, mais aussi et surtout de la gaieté qu'elle s'efforce de s'imposer à tout prix, comme un rempart à la tristesse et la fatigue qu'elle a héritées de sa mère et de son enfance et qu'elle n'a pas complètement vaincues. Elle veut arrêter « la contagion ». « Cette peine qu'elle m'a refilée et c'est pour ça que moi, j'ai décidé d'arrêter la contagion, pour eux, pour mes enfants, stop, cordon sanitaire, compression hémostatique, Betadine… J'ai sorti tout l'arsenal et j'ai bloqué la transmission. »
Louise donne à ses enfants une éducation où la gaieté est le mot d'ordre, pour qu'ils soient contents avant tout et pour cadenasser les portes de la tristesse. Car Louise reste pétrie de culpabilité, avec une « peur absurde d'être une mauvaise mère comme elle a été une mauvaise fille. » « Je suis aux commandes d'un navire qui ne doit pas être trop chargé pour ne pas prendre l'eau et arriver au bon port de la gaieté. »
C'est une véritable guerre, presque une croisade, qu'elle mène pour que ses enfants n'héritent pas de la tristesse et des chromosomes du chagrin venus du passé », elle parle d'un bouclier anti-tristesse. On sent pourtant que cette défense est bien fragile, qu'elle essaie de se persuader comme elle essaie de nous persuader. Il y a malgré tout parfois de l'humour et de la légèreté dans la narration de certains épisodes et certains souvenirs qu'elle évoque, ce qui nous permet de « souffler » un peu dans ce récit qu'on lit d'une traite.
Malgré son titre, j'ai trouvé ce livre empreint de beaucoup de tristesse mais profondément touchant et très beau. Il me semble beaucoup plus abouti que les précédents (notamment « Rien de grave »), d'une grande sincérité, très bien écrit et m'a touchée au coeur.

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critiques presse (5)
LaPresse
29 avril 2015
Justine Lévy qui, (...) excelle toujours avec style dans l'autofiction.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LaLibreBelgique
23 janvier 2015
Quand on la rencontre, Justine Lévy est à l’image de ses romans, frémissante, voire bouleversante de vie, de sentiments et d’émotions. A travers ses trois livres précédents, elle s’est révélée une très belle écrivaine qui a démontré qu’elle pouvait écrire au plus près de son autobiographie tout en témoignant de ses dons d’écriture.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
16 janvier 2015
Il y a dans La Gaieté, son quatrième roman, un talent qui force le respect. Elle a l'autodérision mate, la conscience claire, une élégance dans la douleur, un sens du rythme et un timbre qui sonnent et touchent juste.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
13 janvier 2015
Alors que sa Louise, peureuse et pleureuse, nantie et finalement très aimée, de son père, notamment, qui la chérit à l'extrême (un BHL irrésistible, pour le coup), a tout pour déplaire, elle touche, émeut, amuse, ravive joliment le souvenir de la mère défaillante.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Telerama
24 décembre 2014
La Gaieté n'est pourtant pas un roman triste, mais un texte rapide, trop léger parfois, presque enfantin, mais plus souvent âpre, rugueux, crâne, voire cruel. Salé comme sont les larmes.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
Moi à cette époque je ne savais plus de quoi j’avais envie, l’envie était partie, elle m’avait quittée avec la confiance, l’appétit, la gaieté.

On n’en meurt pas forcément, de ces chagrins-là.

Et puis cette autre peur très ancienne qui s’est fossilisée et qui se réanime quand je pense à l’avenir, aux chagrins amoureux, au chagrins tout court de mes enfants, de nos enfants, une peur d’avance, la peur par anticipation des salauds qui leur feront du mal comme lui m’a fait du mal à moi. Il faut qu’ils soient forts, nos enfants, je suis contente de les découvrir plus solides que moi, moins sentimentaux, moins mélancoliques, je suis contente, en fait, qu’ils ne me ressemblent pas.

… il y a des filles à qui ça va très bien, petit nez rougi, yeux liquides, minois de chaton apeuré, moi je suis une épouvante quand je pleure, des vaisseaux qui éclatent dans le blanc des yeux, le nez en chou-fleur, les lentilles qui tombent, des hoquets, des suées, des plaques rouges sur les joues, un désastre, une flaque.

Je ne savais pas encore que plus tard, pour Pablo, ça voulait dire dare-dare, parce que la vie est urgente, parce que la vie c’est l’urgence et que Pablo est l’urgence incarnée, vite, vite, il est toujours en mouvement, même dans son bain, même en dormant, il se lève tôt le matin, toujours en forme, toujours une idée en tête, voyager, travailler, organiser des fêtes, des manifs, des contre-manifs, lire tous les livres, voir tous les films, écouter tous les disques, maintenant, tout de suite, après ce sera trop tard, la relève est déjà là, qui trépigne, qui piaffe, allez, allez, on n’a pas le temps de prendre notre temps, prendre son temps c’est le perdre, allez, go ! go !

… c’est comme ça, je n’aime pas être libre, pour aimer être libre il faut du désir, de l’ambition, le goût des actes et du risque, et moi j’ai peur de mes désirs et je n’ai aucune ambition, je veux que ce soit Pablo qui décide de tout, je veux lui donner mes pensées, lui déléguer mes goûts et mes tentations, je veux me laisser porter, et puis d’accord désobéir, me rebeller, râler, ça oui, je veux bien râler, mais surtout pas aller où bon me semble, j’aurais trop peur d’aller n’importe où et que tout recommence.

Elle ne voulait pas un bonheur de pacotille, elle ne voulait pas un bonheur au rabais, un bonheur en attendant mieux ou un bonheur tout confort, non, elle le voulait grand luxe, éclatant, hors normes, elle y croyait, elle y avait droit, elle l’a cherché avec mon père, elle l’a cherché de l’autre côté de la Terre, elle l’a cherché…


Quel désastre, le bonheur. Quelle tristesse, de vouloir être heureux. Etre joyeux, c’est difficile aussi. Mais c’est poli, c’est gentil, c’est à la portée de n’importe qui, c’est comme mettre une jolie robe, un jean neuf, et puis ça n’empêche pas d’être lucide et de garder les yeux ouverts et de savoir comment tout ça se termine, mais ça aide à le supporter, plus que l’amour je trouve, plus que l’argent, plus que tous ces subterfuges, ces bouées, ces flotteurs. Non, la gaité, la vraie gaieté, ou peut être la fausse je ne sais pas, la gaieté qu’on décide, la gaieté comme une résolution, c’est ce qui marche le mieux…

Les gens pensent que je suis née dans les beaux quartiers, ceux des bons lycées, et puis que je n’ai jamais manqué d’argent donc que je n’ai jamais manqué de rien puisque c’est ça l’essentiel, n’est-ce pas ? Salauds de riches, disait maman qui ne l’était pas, riche, salauds de blindés qui, en plus, ont tout leur temps pour être tristes. Eh bien vous allez voir, moi, comment je vais prendre tout mon temps pour être gaie à crever et emmurer vivante la mauvaise tristesse.

… voilà comment on rate sa vie, à vouloir toujours ménager papamaman, maintenant je ne ménage plus personne, je fais ce qui me plaît et j’ai choisi de ne pas être triste à la mort de maman parce qu’il n’y a pas de petite ou de grande tristesse, de tristesse autorisée et de tristesse buissonnière, c’est comme quand on arrête la cigarette, il ne faut plus y toucher du tout, ça doit être radical, voilà.

… comme si quelqu’un était fait pour ça, devenir parent, aimer quelqu’un plus que soi-même, renoncer au droit à son gentil malheur, au confort de la mélancolie et des grasses matinées.

… j’ai ravalé mes larmes, j’ai soulevé ma fille avec une force que je ne me connaissais pas non plus et je l’ai serrée contre moi, violemment, à lui faire mal, à nous faire mal, viens ma chérie, viens, bien sûr que si je suis ta maman, qu’est-ce que tu crois, j’étais très très fâchée, pourtant tu n’as pas fait une grosse bêtise, mais c’est tellement énervant d’être obligée de crier pour se faire entendre, tu comprends ? Et ç’a été comme une gifle à l’envers, ça a tout remis en place, elle la fille, moi la mère, la fille dans les bras de la mère, mais la mère aussi dans les bras de la fille…

… je passe devant la tête haute et le regard au loin, parce que la nostalgie est l’are des faibles….

Il y a des gens qui pensent que ça fait mûrir, d’avoir des enfants, moi je trouve que ça vous met surtout face à votre propre enfance, tiens prends ça dans la gueule, je me revois, petite, ne sachant pas vraiment jouer, ne sachant jamais comment faire pour prendre la vie moins au sérieux, j’adorais les camions de jouets que mon père me rapportait de ses voyages, ça avait l’air de lui faire tellement plaisir que ça me faisait plaisir aussi, mais ce que j’aimais surtout c’était rester au contact des adultes, m’imprégner d’eux, les écouter, somnoler, ne jamais m’endormir tout à fait, m’accrocher au jour au cas où leur viendrait l’envie subite de me quitter pendant la nuit, être toujours prête à les suivre, ne jamais être seule, donc pas tellement jouer. A qui ça fait plaisir ces montagnes de cadeaux que j’offre à nos enfants ? A moi, bien sûr. Je voudrais les couvrir de joie mais je ne sais les couvrir que de jouets, ce qui, j’en conviens, n’est pas tout à fait la même chose, et eux n’en peuvent plus, ils croulent, ils sont harassés, quelle lourdeur cette mère qui veut tout le temps se racheter, mais se racheter de quoi….

… je hais la poussière, ça me donne l’impression que l’appart est en train de mourir et nous avec lui…

… il n’y a que les très belles femmes qui peuvent se passer de sourire, les autres doivent faire des efforts, sourire comme des dingues, s’arracher la gueule à force de sourire…

Quelque chose qui éclate dans ma tête et une colère bizarre qui m’envahit, une colère qui est le contraire de moi, si effacée, si timide, si enfoncée dans mon accoudoir, si excusez-moi d’être là, mais une colère qui, pourtant, à l’instant où elle explose, me paraît curieusement évidente, étrangement familière, logée au fond de moi, attendant le bon moment pour sortir, ce n’est peut-être pas précisément le bon moment, je ne sais pas, mais tant pis, c’est comme ça, je n’ai pas d’autre choix …

… c’est sûrement un compliment, j’ai toujours eu tant de mal avec les compliments, mercipardonmerci…

… je sais juste qu’une maman malheureuse vous refile toujours un bout de son malheur, sans le faire exprès et sans le savoir, c’est comme ça, le chagrin ne disparaît pas quand il s’en va, il passe d’une personne à l’autre, comme un rhume, un bâillement, une toux ou un fou rire.

Et moi je serrais ses doigts en retour, je me disais dans le fond c’est parce qu’elle m’aime qu’elle me gronde quand je rentre de chez maman, à quoi ça servirait de gronder quelqu’un qu’on n’aime pas ?

… si vous aussi vous voulez avoir peur, peur tout le temps, peur à vomir, une peur bien épaisse, bien collante, eh bien faites des enfants.

Là c’est une peur qui résiste à tout, qui tord le ventre et cogne dans la tête, qui accélère les battements du cœur et, en même temps, paralyse, parce que moi quand un de mes enfants tombe, devant moi, qu’il se fait mal, qu’il crie, je mets toujours un temps fou à réagir, je suis toujours la dernière à accourir, je suis comme hypnotisée, clouée au sol, pétrifiée, voilà, c’est ça, changée en pierre, statufiée, stupide, imossibilité de bouger, d’appeler à l’aide, emmurée vivante, quelqu’un en moi qui crie, quelqu’un en moi qui se rue, mais sans un sursaut, sans un tressaillement, je pèse deux cents kilos, mes jambes ne sont plus mes jambes, mon corps n’est plus mon corps, il devrait être là-bas, avec ma fille recroquevillée par terre et qui pleure, mais il reste là, immobile, tétanisé, c’est de la glu, l’affreuse glu de la peur.

La peur est livrée avec les enfants, ça fait partie du lot, c’est dans le paquet-cadeau, on peut contenir la tristesse, la maintenir dans un endroit clos, hermétiquement clos, les mains sur les oreilles et sur les yeux, mais on ne peut pas guérir de la peur.

Parfois, il m’emmène voir un spectacle de flamenco, du bon, du beau, du vrai flamenco, rien ne m’ennuie plus au monde mais je ne lui dis pas, je ne suis pas tout le temps méchante, je fais même semblant d’être émue, je ne sais pas si c’est grave, si c’est pire, ou pas, qu’un mensonge, mais ça a l’air de lui faire tellement plaisir, alors ? Et puis c’est mieux que s’il avait les mêmes goûts que moi, ou les mêmes non-goûts.

… je devais avoir peur de la réponse, elle répondait à tout, elle ne filtrait rien, elle ne s’est jamais adressée à moi comme à un bébé, elle n’a jamais adopté ce ton bêtifiant que je prends volontiers, moi, avec mes enfants, pour les laisser à leur place d’enfant, justement, pour faire durer ce plaisir d’être un enfant que j’ai, moi, si peu connu, non, son ton n’a jamais varié, il était peut-être un peu plus doux, plus mélodieux, plus tendre que celui qu’elle prenait avec ses amis, mais que j’aie huit ou trente ans ç’a toujours été le même, ni condescendance ni mièvrerie ni gronderie ni cajolerie, j’étais sa fille, mais je n’étais pas une enfant, d’ailleurs ça n’existait pas les enfants, il n’y avait pas d’était transitoire, il n’y avait que des personnalités, des traits de caractère, des gens qui naissaient et qui allaient m
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Peut-être que c'est ça que je transmets à mes enfants dans le fond, peut-être que c'est cette tendresse et ces baisers dont je ne me souviens pas, dont personne ne se souvient jamais mais dont on garde la trace en soi il paraît, toute sa vie, peut-être que c'est cette tendresse dont je n'ai même pas la trace invisible que j'essaie de leur transmettre, vaille que vaille, comme je peux, c'est les travaux d'Hercule, c'est comme parler dans une langue étrangère, ça m'épuise, ça me rend dingue, mais c'est ça que je dois faire [...]
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On m'avait dit le couple ! le couple ! prévoyez des moments pour le couple ! mais rien ne nous a fait sentir un couple comme d'avoir décidé de fabriquer, ensemble, Pablo et moi, des enfants.
On était déjà un couple avant. Mais là, c'est comme si on avait accédé à un autre niveau, le degré supérieur du couple, plus difficile, plus impressionnant. Et moi, en tout cas, je suis retombée amoureuse de lui, d'une manière nouvelle, plus joyeuse, plus euphorique, en voyant quel genre de père il est devenu.
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[...] le problème avec la méchanceté, la méchanceté pure, totale, c'est que ça n'a rien à voir ni avec la force, ni avec le courage, ni avec l'humour ou l'intelligence, c'est une maladie sans traitement, sans médicament, ça ne s'atténue pas avec l'âge ou avec les épreuves ou les joies de la vie, non, on ne peut rien y faire, c'est comme le désespoir, ça finit par se retourner contre vous et par vous bouffer de l'intérieur.
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[...] une fois papa m'avait offert un petit ensemble blanc, minijupe et pull chaussette à épaulettes de chez Kookaï, j'avais treize ou quatorze ans, j'étais contente, j'avais le corps fin d'une enfant et des seins minuscules qui tendaient le coton du pull, et j'avais croisé la belle-mère du moment dans l'escalier, elle descendant, air furax, moi remontant, pimpante, et on portait presque la même tenue, je ne sais pas si papa s'en était rendu compte, à mon avis non, il devait pas le savoir, mais au long regard qu'elle m'avait lancé j'avais compris qu'elle tombait mieux sur moi, cette tenue, et que je venais de remporter ma toute première victoire.
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