Il faut d'abord connaître quelques éléments à propos de
Clarice Lispector :
- Elle est née en Ukraine dans un shtetl , mais sa famille a émigré au Brésil pour fuir les persécutions et les pogroms
- Elle a toujours écrit en portugais du Brésil , et pourtant elle possédait une bonne connaissance de l'anglais , de l'allemand et du français , et accessoirement du yiddish , qu'elle a toujours entendu parler dans sa famille
- On l'a considérée comme l'autrice juive la plus importante depuis Kafka , mais son écriture a toujours eu une résonance universelle , et pas spécifiquement juive
-
Clarice Lispector ne se considère pas comme une romancière , elle dit qu'elle appartient aux deux sexes
- Elle possède deux cultures , une culture slave et une culture brésilienne , mais cela ne transparait pas dans son oeuvre
- On l'a accusée à tort d'avoir plagié
James Joyce ,
Proust ou
Virginia Woolf , mais elle n'a lu ces écrivains qu'après avoir écrit ses premiers romans . Elle le déclare d'ailleurs dans cette
correspondance (page 27 )
- Elle a eu une existence assez privilégiée , son mari était diplomate , et ses déplacements l'ont emmenée en Italie , au Portugal , en Suisse , en Egypte , aux USA et en France , entre autres .
Cette
correspondance s'étale sur une période de 37 ans , ce qui donne une avalanche de courriers expédiés surtout à ses deux soeurs (sa soeur Elisa était également romancière ) , à sa famille mais aussi à ses amis brésiliens . C'était une façon de rompre sa solitude de femme de diplomate , perdue dans un pays où elle ne connaissait personne . Son courrier était suspendu en outre au bon vouloir des services postaux organisés par avion ,ce qui pouvait prendre plusieurs jours .
Elle se livre dans ses lettres sans retenue , le lecteur pénètre dans son intimité de femme et d'épouse (elle parle de son accouchement , par exemple ) . Chacune de ses lettres révèle par petites touches sa personnalité , toujours avec une grande authenticité , ce sont des tranches de vie étalées sur une longue période .
Son travail ne s'est pas limité à la littérature ,
Clarice Lispector a été également traductrice d'
Agatha Christie , scénariste et journaliste , elle écrivait des
chroniques dans un grand journal brésilien .
Dans ses lettres , elle n'hésitait pas à se moquer des autochtones , notamment au Portugal et en Suisse : "on a envie d'être vache laitière et de brouter l'herbe un après-midi entier jusqu'à la nuit" (pour illustrer le manque d'humanité des Suisses ) .
Ou alors des réflexions à propos de la littérature : "je suis un esprit fatigué et "blasé" (en français) , peu de choses m'enthousiasment , j'ai trop bu à la littérature" .
Après avoir lu cette
correspondance , on ne peut qu'être convaincu du talent de
Clarice Lispector (et de sa tendresse pour ses proches ) , je vais maintenant me mettre à lire "
le Lustre" , ou tout autre roman pour connaître l'écriture de cette autrice hélas tombée dans l'oubli . Je souhaite que cette chronique lui rende une vie .
Merci à Babelio et aux éditions "des femmes" pour cette
correspondance