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EAN : 9782234016972
Stock (07/10/1997)
3.41/5   17 notes
Résumé :
Pension allemande est le premier recueil de nouvelle de Katherine Mansfield. Elle l'a écrit entre 1909 e 1911, à une époque particulièrement douloureuse de sa vie où elle était allée momentanément vivre en Allemagne.
Dans ces textes proches de l'autobiographie, or retrouve déjà chez cet écrivain de vingt-deux ans à peine l'art et la technique, inspirés de Tchekov qui vont faire sa gloire. Katherine Mansfield choisi une famille, un milieu, y fait une coupe dan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Quoi de plus difficile qu'évoquer l'oeuvre de Katherine Mansfield pour qui n'a jamais lu une seule de ses nouvelles ? … Car la Néo-Zélandaise qui se disait « si peu anglaise », auteur par ailleurs d'un étonnant « Journal » où elle dissèque son besoin d'écrire, d'une correspondance passionnante et de fort beaux poèmes, est avant tout LA Grande Dame de la Nouvelle.
Elle vit le jour à Wellington, en 1888. Sa famille paternelle, les Beauchamp, avait probablement des origines françaises mais c'est à sa grand-mère, la référence principale de son enfance, que Katherine empruntera son nom de plume. Enfant atypique, adolescente boulotte, elle rentre très vite en guerre contre les idées toutes faites et bien-pensantes. L'idole qu'elle se choisit à l'époque n'est-il pas le symbole par excellence de l'Anti-Conformisme ? C'est en effet à Oscar Wilde, ciseleur de pièces théâtrales cyniques et auteur d'aphorismes éblouissants, qu'elle dresse son premier autel littéraire. Elle lui empruntera son ironie et la cruauté de façade derrière lesquelles l'Irlandais scandaleux dissimulait cette sensibilité d'écorché vif dont ses « Contes et Nouvelles » et sa « Ballade de la Geôle de Reading » demeurent les plus beaux joyaux.
Seconde idole de Katherine : Anton Tchekhov, l'un des pères de la littérature russe moderne, maître jusque là inégalé du « rien » que le génie de l'écriture transforme en le plus vaste des mondes l'espace d'une nouvelle ou d'une pièce. le « rien » … Quiconque a lu Tchekhov, quiconque a vu évoluer ses personnages sur la scène, sait ce que tout ce mot qui est un néant peut contenir de vie, de tristesse et de joie. Avant Proust et en oeuvrant dans un domaine auquel l'auteur français ne s'attaquera jamais, l'écrivain et dramaturge russe affronte le problème majeur auquel se heurte l'artiste, quel que soit l'art dont il se réclame : la capture et la préservation du Temps mais aussi sa transmission à la mémoire de l'Autre.
Le coup d'oeil implacable, la férocité souriante De Wilde, Katherine Mansfield les exerce pleinement dans « Pension Allemande », recueil qui rassemble un maximum de ses toutes premières oeuvres. On y voit souvent des Allemands qui frisent la caricature s'ébaubir des étranges façons de l'héroïne, double de Katherine Mansfield, déjà en cure à l'époque. Si « La Soeur de la Baronne » se gausse cruellement de leur sens de la hiérarchie et des mauvais tours que peut leur jouer celui-ci, des nouvelles comme « Frau Brechenmacher assiste a un mariage » et « Chez Lehmann » sont singulièrement révélatrices de la condition féminine de l'époque. Avec « Un Jour de Naissance » - qui conte en fait la venue au monde de l'auteur et, exception du recueil, ne se déroule donc pas en Bavière mais à Wellington – ces deux nouvelles instruisent également le lecteur sur les problèmes qu'inspirait à Mansfield sa condition de femme. « L'Enfant-Qui-Etait-Fatiguée », adaptation très libre de Tchekhov, a quant à elle l'étrange et glaçante résonance d'un fait-divers qui pourrait encore survenir à notre époque sans que les voisins se préoccupent du drame avant qu'il ne se soit produit.

Par la suite, toujours dans la lignée De Wilde, Mansfield perfectionnera ses coups de griffes. C'est que l'âge et l'expérience sont impitoyables. Comme est impitoyable le portrait de ses parents qu'elle dresse en 1910 dans « Les Robes Neuves. » Plus nuancé certes, le portrait du Père dans « La Petite Fille », deux ans plus tard. Mais la rancoeur est toujours présente. Il faudra attendre le décès du frère de Katherine, Lawrence, en 1915, pour qu'elle se réconcilie plus ou moins avec son enfance et sa famille et décide d'offrir à la mémoire de ce frère avec qui elle a tant partagé un mausolée qui fera date : « Prélude. » Rédigée en 1916, la nouvelle ne sera éditée que deux ans plus tard par la Hogarth Press de Leonard et Virginia Woolf.
« Prélude » - qui fut unanimement salué par la critique - « Prélude » ne se raconte pas, « Prélude » ne s'analyse pas. « Prélude » est un texte, certes, mais c'est aussi un tableau qui s'anime en vous et dont, par un miracle inexpliqué, vous devenez le plus intime des rouages, un court-métrage où, à l'image de l'héroïne de « La Rose Rouge du Caire », vous entrez de plein pied mais tout en douceur, un ciel depuis longtemps obscurci qui s'éclaire à nouveau et rien que pour vous … « Prélude » est le Souvenir qui s'est fait Livre et la madeleine de Proust assaisonnée selon la recette anglo-saxonne de l'Efficacité et de la Concision.
« Sur la Baie » et « La Maison de Poupées » où l'on retrouve les mêmes personnages et la même grâce, intacts, intemporels, ne se racontent pas, eux non plus.
Bien sûr, il y a d'autres nouvelles aussi puissantes, parfois plus comme « Félicité » ou « La Femme de la Cantine » ou encore « Quelque chose d'Enfantin … » et la très célèbre « Garden-Party » que Wilde aurait encensée tant pour sa justesse du détail que pour son côté impitoyable et presque insoutenable.
Mais c'est dans « Prélude » que Mansfield s'affirme comme la digne héritière de Tchekhov tout en se démarquant de la « patte » du Maître. « Prélude » signe sa majorité littéraire et c'est par cette nouvelle qu'elle prend rang dans le cercle très fermé des Grands Ecrivains spécialistes du « court », auprès De Maupassant, une autre de ses idoles mais aussi de Somerset Maugham.
La Postérité immédiate a privilégié l'oeuvre de Virginia Woolf – qui, consciemment ou non, s'inspira pourtant de Mansfield en maintes occasions, notamment pour « Mrs Dalloway » - au détriment de celle de la jeune Néo-Zélandaise. Sans doute la vie agitée de Woolf, ses amours incestueuses avec son frère, son mariage plus ou moins « blanc » avec Leonard et son amour pour Victoria Sackville-West sans oublier ses troubles mentaux et son suicide, les poches pleines de pierres, constituent-ils un bien meilleur terreau pour la légende que le comportement anorexique, les amours plus conventionnelles, et la tuberculose de Katherine Mansfield. Mais cette préférence imposée par la mode plus que par l'originalité de l'oeuvre de Woolf constitue un véritable handicap pour le lecteur moyen autant qu'une terrible injustice pour Mansfield, écrivain-née, qui douta jusqu'au bout de son talent et ne songea certainement pas un seul instant de sa courte vie qu'elle avait du génie.
Dans son « Journal », elle écrivait en novembre 1921 : « … […] Mon plus profond désir, c'est d'être un écrivain, c'est d'avoir fait « une oeuvre. » Et le travail est là, les histoires m'attendent, se fatiguent, se flétrissent, se fanent parce que je ne veux pas venir. Moi, j'entends, je reconnais leur présence, et je continue pourtant à rester assise à la fenêtre, jouant avec la pelote de laine. Que faut-il faire ? … Mon Dieu, rends-moi limpide comme le cristal pour que ta lumière brille à travers moi ! […] … »
Divine ou pas, c'est bien une lumière absolument unique qui illumine en tous cas ses nouvelles. ;o)
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Une douleur retenue imprègne les treize nouvelles du recueil de Pension allemande. Cela s'explique sans doute par les circonstances du séjour de Katherine Mansfield dans la ville thermale bavaroise de Bad Wörishofen : en 1909, sa mère l'y conduit après son mariage raté avec George Bowden, un professeur de chant de onze ans son aîné, sa liaison avec le musicien Garnet Trowell dont elle est enceinte (elle fera une fausse-couche) et sa relation avec Ida Baker, tous ces motifs amenant sa mère à la déshériter. À vingt-et-un ans, l'avenir apparaît lugubre à Katherine qui a déjà connu bien des passions, et autant de désillusions amoureuses, et qui souffre d'une santé délicate.
Les nouvelles du recueil – son premier – évoquent la solitude, la peu enviable condition des femmes dans un monde patriarcal, les difficultés de la grossesse, mais aussi l'ignorance des hommes concernant la sexualité féminine. Cependant, en dépit de ces thèmes sombres, l'humour de Mansfield affleure sans cesse quand il s'agit de moquer les préjugés des Allemands sur les Britanniques, l'orgueil de l'aristocratie, ou encore la vanité des hommes.
L'écrivaine s'opposa à la réédition de ce recueil en 1920, elle en trouvait le style encore peu abouti et craignait des réactions patriotiques exacerbées au lendemain de la première guerre mondiale. S'il est vrai que Pension allemande n'a pas le brio de félicité ou de la Garden Party, la justesse des portraits, le chatoiement de la nature et la distance amusée de la narratrice annoncent la grande nouvelliste.
Le recueil est complété par cinq nouvelles tirées du Nid de colombes qui aborde la relation conjugale et ses malentendus. Voyage de noces est un petit chef-d'oeuvre en la matière.
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Un recueil de nouvelles dont les intrigues, si l'on peut parler d'intrigues, se passent en Allemagne, comme le nom le laisse supposer. Il ne s'agit pas à proprement parler d'histoire mais plutôt de scènes vues comme par un trou de serrure. Je goûte modérément ce genre et me suis plutôt ennuyée.
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C'est rare chez moi, mais j'ai abandonné ce livre. Je n'ai pas réussi à entrer dans ces brèves nouvelles, que j'ai trouvé assez fades, assez décousues, donc j'abdique...J'avais lu dans une biographie de Daphné du Maurier que Katherine Mansfield était une de ses auteurs favorites, et les auteurs de mes auteurs sont mes auteurs...Mais on dirait que ça marche pas à tous les coups !!
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Un recueil de nouvelles, les premières écrites par l'auteur néo-zélandaise. Un regard acéré, une ironie douce mais mordante sur ses contemporains bourgeois ou aristocrates. Des petits bijoux ciselés. Toutes les nouvelles ne sont pas de la même envergure. J'ai préféré les premières. Certaines, vers la fin, sont terriblement tristes.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En masse notre cortège s'ébranla sur la route de la gare. C'était un très bel après-midi et, tout au long du chemin, des groupes "d'hôtes en traitement" qui aéraient paisiblement leur digestion dans les jardins des pensions, nous appelèrent, demandèrent si nous allions nous promener et crièrent : "Herr Gott - Heureux voyage!" avec une satisfaction immense et mal dissimulée quand nous prononcions le nom de Schlingen.
"Eh mais, c'est à huit kilomètres", cria un vieillard à la barbe chenue qui, accoudé à une grille, s'éventait d'un mouchoir jaune.
"Sept et demi, répondit sèchement Herr Erchardt.
- Huit, beugla le sage.
- Sept et demi.
- Huit.
- Cet homme est fou, dit Herr Erchardt.
- Eh bien! laissez sa folie en paix, dis-je en me bouchant les oreilles.
- On ne doit pas laisser de telles ignorances s'affirmer librement, répondit-il, et nous tournant le dos, trop épuisé pour crier plus longtemps, il éleva vers le ciel sept doigts et demi.
- Huit", tonna le barbu avec une vigueur antique.
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Couchées en boule sur le sable, nous écoutions une dame hongroise de proportions inouïes nous décrire la tombe magnifique qu'elle avait achetée pour son second mari.
"C'est une voûte, disait-elle, avec de belles grilles noires. Et elle est si grande que je peux y descendre et m'y promener. Leurs deux photographies sont là avec deux très belles couronnes qui m'ont été envoyées par le frère de mon premier mari. Il y a aussi un agrandissement de toute la famille en groupe et la copie avec des enluminures du compliment qu'on a lu à mon premier mari le jour de son mariage. J'y vais souvent; c'est un but de promenade si agréable pour les belles après-midi de dimanche."
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La Dame avancée la considéra avec beaucoup de sympathie. "Auriez-vous, vous aussi, découvert le cœur magique de la Nature?" dit-elle.
Herr Langen donna la réplique: "La Nature n'a point de cœur." dit-il avec la netteté et l'amertume des gens qui se sont nourris de trop de philosophie et de trop peu de nourriture. "Elle crée pour pouvoir détruire. Elle mange pour pouvoir vomir et vomit pour pouvoir manger. C'est pourquoi nous autres hommes, contraints de gagner tant bien que mal notre vie à ses pieds qui nous foulent, jugeons le monde fou et comprenons la mortelle vulgarité de toute production.
- Jeune homme, interrompit Herr Erchardt, vous n'avez pas encore vécu et vous n'avez pas encore souffert.
- Oh ! pardon - comment pouvez-vous le savoir?
- Moi je le sais parce que vous me l'avez dit et voilà tout. Revenez sur ce banc dans dix ans et nous verrons si vous me répéterez vos paroles", dit Frau Kellerman (...).
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A la fin du jour, l'Enfant-Qui-Etait-Fatiguée ne savait plus comment lutter contre le sommeil. Elle avait peur de s'asseoir et de demeurer immobile. Au souper, l'Homme et la Frau parurent, sous son regard, se gonfler, prendre une taille gigantesque, puis se rapetisser, poupées minuscules, avec de faibles voix qui paraissaient venir du dehors par la fenêtre. Quand elle regardait le bébé, il possédait soudain deux têtes, puis plus de tête. Même ses cris aggravaient cet état. En songeant que l'instant d'aller se mettre au lit était proche, elle trembla tout entière d'une excitation joyeuse.
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Ciel serein (Le Nid de colombes)
Les Rutherfords ne partageaient jamais leur correspondance. Elle avait voulu qu’il en fût ainsi. Il s’était fortement opposé à cette idée au début, et elle n’avait pu s’empêcher de rire, il s’était tellement mépris sur la raison.
« Bonté divine ! ma chérie, tu peux ouvrir toutes les lettres qui arriveront pour moi à la maison ou lire toutes celles que je pourrais laisser traîner. Je crois pouvoir te promettre…
– Ah ! Non, mon chéri, ce n’est pas ce que je veux dire ; je ne te soupçonne pas. » Elle caressa les joues de son mari et l’embrassa rapidement, il avait l’air d’un petit garçon offensé.
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Vidéo de Katherine Mansfield
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : « Je ne parle pas français », in Katherine Mansfield, félicité, traduit de l'anglais par J.-G. Delamain, préface de Louis Gillet, Paris, Stock, 1932, p. 57.
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