« Bien qu'à vrai dire, patient lecteur, je me tiendrai pour satisfait si je suis parvenu à te mener jusqu'à la dernière page en espérant que tu aies apprécié cette promenade, car écrire n'est rien d'autre que déambuler et flâner avec quelqu'un qu'on ne connaît pas encore. Parce que si je me réjouis de quelque chose, c'est d'avoir partagé cette histoire avec toi, l'histoire d'un anarchiste qui s'appelait comme moi, l'histoire de
Pablo Martín Sánchez, une histoire dont j'espère qu'elle valait la peine d'être racontée. »
Que
Pablo Martín Sánchez se rassure : son roman est tout à fait passionnant, et je n'ai éprouvé aucune difficulté à avancer dans la vie de son homonyme telle qu'il nous la raconte. Il voulu rester au plus près de ce que l'on sait de la vie de cet obscur anarchiste espagnol. Autour de ce cadre le travail de brodure littéraire, de mise en situation, est tout à fait impressionnant et maîtrisé.
Le premier chapitre nous emmène à Paris, à Belleville plus précisément, à l'automne 1924, dans le petit monde des réfugiés espagnols.
Pablo Martín Sánchez, trente-quatre ans, est en fin de semaine typographe dans une petite imprimerie radicale, ce qui lui permet de payer le loyer de la chambre de bonne qu'il loue. Il est responsable de l'édition d'un journal hebdomadaire de 4 pages, Ex-Ilio. Pour subsister, le reste de la semaine il s'occupe d'une propriété dans le Nord.
Un an déjà que Miguel Primo de Rivera s'est imposé à la tête de l'Espagne par coup d'état, avec le soutien du roi Alphonse XIII. Des intellectuels de premier plan, tels
Miguel de Unamuno, Vicente Blasco Ibáñez, Eduardo Ortega y Gasset s'apprêtent à une offensive médiatique contre cet autocrate.
Un ami d'enfance de Pablo, Robinson, frappe à la porte de l'atelier. Et Pablo se joindra à un projet fou : avec d'autres activistes armés, revenir clandestinement en Espagne pour provoquer un soulèvement populaire... Ce qui s'est réellement produit à Vera de Bidasoa. Et qui conduira Pablo à être condamné au garrot.
À partir du second chapitre se met en place le dispositif de narration choisi : l'année 1924 est le pivot autour duquel le roman est bâti. En alternance on trouvera un chapitre sur ce qui est antérieur (à commencer donc par l'enfance de Pablo) et un autre sur ce qui se passera pendant cet automne 1924. Quand la boucle sera bouclée fin et début se confondent.
Malgré son sujet, qui pourrait laisser croire que l'auteur a voulu s'en tenir aux faits avérés, il y a une très belle épaisseur romanesque dans ce texte. La vie de Pablo est un roman : on y trouvera par exemple une amitié indéfectible, un amour contrarié, un duel, un voyage en Amérique, une visite guidée des tranchées de Verdun...
Difficile donc de ne pas se laisser emporter par ce livre, à la fois généreux et mouvementé !
J'ai pu le découvrir grâce aux éditions Zulma et La Contre Allée, ainsi qu'à Babelio, qui me l'ont adressé dans le cadre de l'opération Masse Critique. Je les en remercie.