Avertissement : Ce récit a été lu dans
une vieille édition, sans aucun commentaire par un brillant professeur. Veuillez donc accepter mes excuses si je commets des contresens !
« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, on part dans le XIXe siècle et la mystérieuse Lithuanie avec
Lokis, de
Prosper Mérimée.
Or donc le professeur Wittembach raconte une étrange aventure de sa jeunesse. Lors de recherches linguistiques poussées, il rencontra le comte Szémioth, un homme jeune, solitaire et versé dans les lettres et les sciences. Ledit comte hébergea le narrateur, se montra fort affable et les jours se passèrent, entre promenades, recherches et visites chez Ioulka, une belle jeune fille demeurant non loin. Wittembach remarqua cependant certains phénomènes singuliers affectant l'humeur et la santé du comte…
-C'est moi qui commence !
-D'accord, tu commences.
-Bon alors ! Prosper n'a pas jugé utile de nous offrir un joli contexte avant de commencer son histoire. « Théodore, apporte mes notes, je te prie », et on s'arrête là. Qui est Théodore, où sont les gens, à quel point le professeur est vieux, d'où sort Adélaïde ? On n'en saura rien. Moi qui adore les ambiances douillettes
De Maupassant, dont les personnages ont le bon goût de raconter leurs histoires pendant ou après un bon dîner ou en fin de plaisante soirée, me voilà bien déçue ! On ne le dira jamais assez : les préliminaires ça compte, la lecture ne se limite pas à la pénétration brute dans l'histoire !
-Bah au moins, tu ne peux pas te plaindre d'une trop longue attente avant d'entrer dans le vif du sujet !
-Mais entre une trop longue attente et zéro mise en place, il y a un juste milieu, quoi !
-Soit. Pour ma part, j'ai trouvé cette histoire fort intéressante. Et pourquoi ? Parce qu'elle joue sur ce que l'on regarde et entend, mais qu'on ne voit ni ne comprend.
-Rien compris. Tu expliques ?
-Bien sûr. Tout le long du texte, Wittembach passe du temps avec le jeune comte, il apprend à le connaître, il se promène avec
lui… et il collecte ainsi maints petits faits, anodins d'apparence, et qui deviennent autant d'indices sur la véritable nature de son hôte.
A vrai dire, l'on ne pourrait reprocher à Wittembach de ne se rendre compte de rien, parce que toutes les étrangetés possèdent une explication rationnelle. le texte se révèle assez ironique là-dessus : le linguiste érudit reste aveuglé par les lumières de la science et de la raison, lumières dont les limites sont cependant exposées par le personnage du médecin, brute qui ne comprend pas ce qu'il est censé soigner.
Bref, j'ai adoré cette histoire pour sa façon d'osciller entre le « lalala, tout est normal », les « euh, mais c'est chelou, ça, non ? » et les « mmh, à mon avis, ce détail n'est pas posé là par hasard ». Et plus le texte avance, plus ces menus faits prennent de l'importance, de la gravité et provoquent l'inquiétude. Quand enfin tu comprends la nature de l'enlèvement subi par la mère du comte, là…
-Moi je regrette que le perso féminin, Ioulka, n'incarne rien d'autre qu'une bête coquetterie ! Elle passe son temps à se féliciter de son apparence et à minauder, c'est insupportable ! J'avais envie de m'attacher à elle, et finalement, elle ne joue rien d'autre qu'une poupée farceuse et fière d'elle-même, toujours en représentation de sa beauté !
-Pas faux… mais reconnais qu'elle sait mettre l'ambiance, on ne s'ennuie guère avec elle.
Quoi qu'il en soit,
Lokis présente une nouvelle intéressante pour sa construction, sa progression, la façon dont elle met en place les pièces du puzzle…
-… mais il
lui manque quelque chose à mon goût pour être complètement réussie. Un peu moins de froideur, peut-être, un peu moins de caricature avec Ioulka, un peu plus de contexte en début et en fin d'histoire. »