Quelle claque !
Quelle claque tout ce travail, aussi bien sur le fond que sur la forme ! Depuis «
La Mémoire des Vaincus » de
Michel RAGON (1), je n'avais pas « vécu » une fresque historique avec une telle intensité. L'époque s'y prête, là encore : l'effervescence libertaire de la Commune de
Paris en 1871, tentative d'émancipation du peuple, violemment réprimée par les usurpateurs du pouvoir populaire réfugiés à Versailles – tout un symbole.
Raphaël MEYSSAN raconte l'Histoire de la Commune en image et en trois volumes en suivant les pas d'un homme – un dénommé Lavalette (2) – et d'une femme – Victorine B. (3) – à travers leur implication respective dans cet évènement révolutionnaire à la fois exaltant et tragique ; dépoussiérant les témoignages de leur vie ainsi que celle d'autres qu'il et elle auront été amenés à croiser de près ou de loin, comme la célèbre « Vierge Rouge »
Louise MICHEL notamment.
Il se trouve que Lavalette est « voisin » de l'auteur – approximation faite des 150 ans d'écart. C'est le point de départ d'une enquête historique qui nous emporte à travers de nombreuses archives un peu partout dans le
Paris administratif moderne et plus loin parfois ; mais on voyage surtout dans le temps. Grâce aux gravures d'époque illustrant chaque case, avec leur style si particulier, on visite le
Paris de 1871, ses quartiers populaires au Nord et à l'Est, surtout, ainsi que les grandes artères neuves de
Paris, tout juste tracées par Haussman (4) – celles que l'on connait encore aujourd'hui – travaux n'ayant d'ailleurs pas ralenti la ségrégation urbaine.
L'histoire contée par Meyssan est aussi tortueuse que
L Histoire elle-même, à la distinction qu'elle se permet des retours en arrière et des bonds en avant qui, s'ils ne facilitent pas la représentation chronologique, sont toujours passionnants et opportuns.
De l'origine de l'invasion des Prussiens et de leur siège à l'Est de
Paris, en passant par la fuite à Versailles de Thiers et consorts (5), l'installation du Comité Central à l'Hôtel de Ville, les manoeuvres déloyales des Versaillais, jusqu'à la Semaine Sanglante (6),
Raphaël MEYSSAN dépeint les esprits libres et leurs débats, retrace les procès-verbaux et les journaux de l'époque, montre les barricades qui tiennent et les canons qui tonnent ! On les entendrait presque tant le récit vit sous nos yeux, sous les traits des dessinateurs de presse d'alors et grâce au sensible et méticuleux travail de l'auteur.
Une claque, vraiment, cette immersion avec les Communards (7).
Je reste concis évidemment, car tenter un résumé de cette trilogie totalisant plus de 400 pages – foisonnantes de détails – ne rendrait pas justice au travail de
Raphaël MEYSSAN (8), ni à la magnifique complexité de l'Histoire, forgée par les dées, les luttes, les joies et les désillusions, les moments de bravoure et les tragédies de cette Commune de
Paris.
Quelques figures populaires, notamment
Jules FERRY – « Ferry-Famine » tel que le surnommaient les Communards – ou encore Émile
ZOLA, sont quelques peu égratignées au passage. Ça bouscule un peu sur le moment, on revisite
L Histoire et les préjugés qu'on en a... Ça ne fait jamais de mal : à l'école, on survole… Pas le choix ? Pas le temps, sûrement.
Un grand merci au prof' d'Histoire qui m'a prêté cette oeuvre magistrale pour la découverte et le plaisir que m'aura procuré cette lecture engagée, passionnante et, à bien des égards, ardente.
(1) https://www.babelio.com/livres/Ragon-
La-memoire-des-vaincus/30176/critiques/2063546
(2) https://maitron.fr/spip.php?article63514
(3) https://maitron.fr/spip.php?article154273
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Transformations_de_
Paris_sous_le_Second_Empire
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Soul%C3%A8vement_du_18_mars_1871
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Semaine_sanglante
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Communard
(8) https://www.youtube.com/watch?v=nkkQtNytcqQ