Encore une fois un texte magnifique de
Saramago. J'ai retrouvé de nouveau ce style si particulier, l'auteur décrivant, comme vu du dessus, ses personnages et les situations, apportant avec un humour au second degré des commentaires, laissant entendre que les personnages mènent leur propre existence tout en précisant qu'il maîtrise à la toute fin leur devenir comme un dieu tout puissant.
Comme d'habitude avec
Saramago, le style est au service d'une histoire, un conte métaphorique qui nous délivre une analyse et une vision de notre monde très angoissantes.
Dans ce roman "
La Caverne",
Saramago nous décrit notre monde comme étant le prolongement de
la caverne de
Platon. Nous sommes enchaînés au fond de
la caverne, fascinés par les ombres projetés sur le fond de la grotte et persuadés qu'il s'agit du monde réel. Au travers de ce roman, j'ai lu une dénonciation de notre société de consommation, d'une société du futile et du superficiel, gouverné par les marchands, créant des besoins inutiles et mortels.
On ne sait jamais ce qu'est réellement le Centre, qui sont ces gens, qui gouvernent. Cipriano Algor, le potier, n'a des relations qu'avec des fonctionnaires, des subalternes, des sous-chefs. Son gendre, Marçal, est recruté comme garde résident, sans que l'on comprenne vraiment la raison de ces gardes dans le Centre. Tout au long du roman, on ne peux que penser à l'univers de Kafka. Notamment cet échange entre un sous-chef et Cipriano qui fait irrésistiblement pensé à la chute du Procès de Kafka :
"Mon cher Monsieur, je suppose que vous ne vous attendez pas à ce que je vous dévoile le secret de l'abeille, J'ai toujours entendu dire que le secret de l'abeille n'existe pas, qu'il s'agit d'une mystification, d'un faux mystère, d'une fable qu'il faut encore inventer, d'un conte qui aurait pu être mais qui n'a pas été, Vous avez raison, le secret de l'abeille n'existe pas, mais nous, nous le connaissons."
On relèvera dans cette citation, le style si particulier de
Saramago, n'employant que des virgules et des points pour la ponctuation et utilisant les majuscules pour introduire les échanges de dialogues.
Saramago crée un parallèle entre les corps enchaînées découverts au fond de
la caverne sous le Centre et les figurines d'argiles fabriquées par Cipriano et sa fille. Mais à la différence des cadavres qui nous représentent enchaînées face à la paroi du fond d'une grotte, les figurines sont le symbole du nouvel homme, libre en ce sens, qu'elles ont été sorties du four, image de la grotte, exposées à l'extérieur et que la pluie les transformera en boue et le soleil en poussières, retournant ainsi à leur origine naturelle dans un cycle sans fin de création.
Livre magnifique (comme tout les écrits de
Saramago) à lire absolument.