Si l'on recherchait ce qui caractérise le plus la personnalité d'Orwell, c'est très probablement son goût marqué pour la vérité ou tout au moins pour la recherche du vrai. Ainsi, il fait partie des rares auteurs "engagés" qui furent capables de se remettre en cause, de reconnaître ses erreurs d'analyse et de chercher en lui-même ce qui put l'amener à se tromper à un moment donné. Et à le dire publiquement. On aimerait retrouver plus couramment cette démarche particulière mais, force est de constater, qu'elle demeure tout à fait minoritaire et que l'on y prête finalement peu d'attention. Chacun constatera donc que ces cohortes d'experts (très "scientifiques") de tous bords et de toutes catégories, qui encombrent aujourd'hui les médias, peuvent affirmer à peu près tout et son contraire d'une période à une autre, souvent proche, sans que cela ne semble leur causer la moindre gêne.
Il faut dire aussi qu'un grand nombre ne se trompent pas, ils mentent tout simplement et grossièrement; marquant ainsi le profond mépris qu'ils ont du public qu'ils considèrent, a priori, comme parfaitement idiot.
Notons pour l'occasion présente (en plein coeur de l'actuelle pandémie) l'extraordinaire renversement de prescription où, en trois semaines, nous sommes passés du masque parfaitement inutile au masque que l'on envisage de rendre obligatoire. On ne savait pas disent-ils, eux qui prétendent monopoliser la parole comme étant "ceux qui savent".
Il faut lire et relire Orwell, ne serait-ce que pour cette qualité devenue si rare qui le caractérise; et ces "Essais, articles, lettres", parues en quatre gros volumes il y a déjà quelques années, méritent toute votre attention malgré le décalage d'époque.
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La plupart des ouvrages de propagande contemporains ne sont que pure falsification : des faits sont dissimulés, des dates modifiées, des citations isolées de leur contexte et truquées de façon à en altérer le sens. Les événements dont on souhaiterait qu'ils n'aient pas eu lieu sont occultés et finalement niés. (...)
Le principal objectif de la propagande est naturellement de façonner l'opinion du moment, mais ceux qui réécrivent l'histoire sont sans doute eux-mêmes persuadés, dans un recoin de leur esprit, qu'ils modifient effectivement le passé en y introduisant des faits à leur convenance.
Sans doute est-il possible d'établir la vérité, mais la plupart des journaux présentent les faits de façon si malhonnête que l'on peut pardonner au lecteur moyen de se laisser berner ou de ne pas parvenir à se former une opinion. Cette incertitude générale quant à la réalité des faits favorise le désir de se cramponner à des convictions irrationnelles. Rien n'étant jamais ni avéré ni démenti de façon indiscutable, on peut tout aussi bien nier avec impudence le fait le plus évident.
Un écrivain est inévitablement amené à écrire (et cela vaut, avec des réserves plus ou moins importantes, pour tous les arts) sur les événements contemporains, et il sera spontanément porté à dire ce qu'il croit être la vérité. Mais aucun gouvernement, aucun grand organisme n'est disposé à le payer pour dire la vérité.
Rien n'a plus contribué à corrompre l'idéal socialiste que de croire que l'Union soviétique était un pays socialiste. (extrait d'une préface pour Animal Farm - mars 1947)
Le remplacement d’une orthodoxie par une autre n’est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment.
Les citations franches de George Orwell (Les Vaillants, 03/11/2023)