Un dialogue entre Lady Laura et Violet, deux amies de notre héros, le présentera merveilleusement:
"-Je soutiens, Laura, que ton ami Mr. Finn est amoureux de toi, dit un soir Violet à Lady Laura.
-Je ne le crois pas. Il m'aime bien, et la réciproque est vraie. Il est si honnête et si naïf, sans être gauche! En outre il est indubitablement intelligent.
-Et d'une si rare beauté, reprit Violet.
-Je ne crois pas que cela compte beaucoup.
-Je crois que si, pourvu que l'homme en question ait aussi l'air d'un gentleman.
-Il est certain que Mr. Finn a l'air d'un gentleman, convint Lady Laura.
-Et il l'est sans doute. Je me demande s'il a un peu d'argent.
-Pas un sou, que je sache.
-Mais comment arrive-t'il à survivre? On voit tant d'hommes dans ce cas, qui sont pour moi de vrais mystères. Je suppose qu'il lui faudra épouser une héritière.
-Celle qui l'épousera, en tout cas, n'héritera pas d'un mauvais mari."
L'histoire, version rapide:
Jeune irlandais ayant terminé ses études de droit,
Phinéas Finn préfère ne pas devenir avocat pour l'instant, et se lance dans la politique. Parrainé par des amis, aidé par Lady Laura et son père, ce jeune homme sympathique voit s'ouvrir pour lui les portes de la Chambre des Communes. Travailleur et chanceux, il fait son chemin, mais faut-il obéir à son parti ou sa conscience? Devant aussi souvent choisir entre son coeur et son ambition.
Indigeste pavé?
Que nenni! le dialogue précédent prouve qu'on ne s'ennuie pas du tout. Les passages plus politiques sont habilement stoppés par l'auteur qui n'a pas l'intention d'assommer son lecteur (ni sa lectrice).
Cependant les dessous de la politique anglaise des années 1860 sont abordés et parfois on se croit à notre époque. Certain député ne se sent à l'aise que pour critiquer sans daigner agir, un autre préfère passer dans l'opposition plutôt que de suivre son parti qu'il n'approuve pas sur un sujet donné.
"Dans la fabrication des vêtements destinés à la nation, le grand art consiste à en créer d'assez solides pour triompher de la recherche des trous, passe-temps favori de l'opposition."
Grâceà son ironie distanciée, Trollope nous maintient (trop?) loin de l'émotion, on suit en s'amusant les aventures de ses personnages, pensant -à juste titre- que ça va bien s'arranger. Il ne maltraite pas son lecteur!
Cependant, comment ne pas vibrer en découvrant Lady Laura et son histoire fort triste finalement. Je me suis vraiment attachée aux personnages féminins gravitant autour de Phinéas, ce veinard au coeur d'artichaut parfois.Lady Laura qui n'a pas su écouter son coeur, Lady Laura la mal mariée, obligée de se conformer au sort des femmes de l'époque.
"Je considère qu'une vie de femme n'est qu'une moitié de vie puisqu'elle ne peut être député."
"Aux femmes appartient le rôle de spectatrices, d'admiratrices pleines d'espérances."
Soulignons qu'à cette époque les hommes n'avaient pas tous le droit de vote non plus... Mais tous les maris avaient des droits sur leurs épouses...
Evidemment ces femmes appartiennent à la bonne société, même si elles ne sont pas toutes financièrement indépendantes, et elles ont parfois une liberté de parole étonnante.
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