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EAN : 9782356540492
96 pages
Ypsilon éditeur (10/10/2014)
4.77/5   15 notes
Résumé :
Sous le titre TEXTES D'OMBRE - DERNIERS ECRITS sont réunis les derniers projets d'Alejandra Pizarnik, c'est-à-dire les derniers recueils ou ensembles de textes composés ou rassemblés par elle en vue d'une publication. Pour la plupart inédits en français, ces écrits ont été rédigés pendant les deux dernières années de sa vie, entre 1970 et 1972. Extrémités d'une recherche désespérée de l'autre par l'écriture, beaucoup de "Textes d'Ombre" se présentent comme des dialo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Que désire Ombre ? Ombre désire une ombre. Une ombre d'ombre. Comme la possibilité d'un mot avant la langue, d'un temps avant d'avoir appris à parler. Dans la nuit point le regret de l'aurore, de l'immaturité, d'une autre langue dont « le chien de Maldoror » emplit le silence. L'ombre tâtonne dans la nuit qui la compose.

« de démence la nuit, de non temps. de mémoire la nuit, de toujours ombres. »

Quand la nuit s'épaissit, les ombres ne se voient plus. Et Ombre en perd sa « première personne du singulier ». Dans le langage des ombres, le silence d'encre serait dépossession. Et le désir de parler à celle que l'on n'a jamais été se prendrait au jeu des mots pour aller au-delà des mots, au-delà de la vie.

« Je parle de cette chienne qui dans le silence tisse une trame
de faux silence pour que je me confonde de silence et chante
comme il convient pour s'adresser aux morts. »

Grandissant dans un jardin qui n'est pas le sien, Ombre repose en révolte.

« Je veux hurler, non célébrer le silence de l'espace auquel on naît. »
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La poétesse argentine Alejandra Pizarnik, meurt en Septembre 1972, overdose ? le mythe veut que ce soit un suicide. Textes d'Ombre, est un recueil posthume tiré en partie de ce « Dernier cahier = 1972 ».
« le langage
– moi je ne peux plus », y écrit-elle.

Textes d'Ombres se partage entre fulgurances qui posent et résolvent une énigme en trois lignes et la prose poétique de saynètes, de contes, d'une « légende enfantine » où Ombre, personnage insaisissable pourrait rejoindre, mi-ombreuse, mi-mystérieuse, le peuple d'Alice :
« Elle marche silencieuse vers la profondeur la fille des rois. de démence la nuit, de non temps. de mémoire la nuit, de toujours ombre. »
Rimbaud, Nerval, Proust... se croisent dans les vers d' Alejandra Pizarnik, elle qui fut amie de Cortázar et correspondit avec Breton.

« On parle.
On meuble la scène vide du silence.
Ou, s'il y a silence, celui-ci devient message. »
L'Ombre comme le silence, la nuit, la blessure – Il y a quelque chose de plein dans la solitude, dans l'ombre de la poetesse que la simple absence ne peut étancher ni définir. le silence semble plutôt se définir comme celui qui n'est pas langage, ce qui n'est pas mot, qui n'est pas poéme. Peut-être parce toute l'écriture d'Alejandra qui se fait poésie – même dans ses journaux – tend toute entière vers le roman qui ne s'écrira pas.

Ainsi du mot à la mort, il n'y a qu'un air, celui d'une ritournelle. Un mot, un vers, une couleur, qui défont la clôture du poème, et confèrent à l'ensemble des textes une unité souterraine.
« Quelle heure est-il ?
– Celle qui vient de passer. La dernière. »

Le ressac de mots, de motifs d'un poème à l'autre, dévoile non seulement la ritournelle intérieure d'Alejandra, cette « voix derrière la voix » qui jusque dans ses ultimes écrits tente d'endiguer l'insondable intime, mais aussi la facture presque cinématographique et surréaliste de ses textes qu' Alejandra semble monter comme un film : on coupe, on déplace, on colle. Un jeu ? Une nécessité ? Un combat ?
« Je ne veux pas tenir un journal de mes périssements. [...] Par contre, je veux travailler. Avant tout je veux faire de l'ordre et puis travailler. »
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Parler de poésie m'est quasiment impossible et complètement étranger. En ces jours de deuil et de révolte, les vers d'Alejandra Pizarnik me sont une réponse pour adoucir ma colère, et hurler l'invisible. Avec Textes d'Ombre, la poétesse argentine compile des bribes de projets non aboutis sur la thématique de l'Autre, ombre de soi-même, autre soi-même. Invisible à formuler. Délire schizophrénique ou quête d'un plus grand ?

Ces textes, traduits par Etienne Dobenesque, ont été écrits au cours des deux dernières années de la vie de leur auteur, entre 1970 et 1972. Ils me parlent par leur révolte, leur aspiration impossible à autre chose, par la capacité qu'ils ont d'exprimer l'informulé, de le constater et de le transmettre. En lisant, je crie. Et ce hurlement transcende les décibels de ma voix. Il exprime le mutisme auquel je suis contrainte par ignorance des mots. Certains poèmes sont des instants suspendus, le moment où le cri va sortir mais ne sort pas encore. L'entre-deux. La minute étouffée. Où ce qui doit advenir ne l'est pas encore, ou ne le sera pas. D'autres vers s'apparentent d'avantage à un baume déposé sur une déchirure avortée.

Linda Lê, avec son essai Par ailleurs (exils), m'avait donné envie de découvrir Alejandra Pizarnik. C'est chose faite avec ce recueil et grâce aux éditions Ypsilon qui s'attachent depuis 2012 à retraduire cette grande auteur, dont les publications françaises étaient épuisés, pour le plaisir des yeux, du coeur et de l'esprit.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Elle cherchait seulement un lieu plus ou moins propice pour vivre, je veux dire : un petit endroit où chanter et pouvoir pleurer tranquille parfois. En vérité elle ne voulait pas une maison ; Ombre voulait un jardin.
– Je suis seulement venue voir le jardin — dit-elle.
Mais chaque fois qu’elle visitait un jardin elle vérifiait que ce n’était pas celui qu’elle cherchait, celui qu’elle voulait. C’était comme parler ou écrire. Après avoir parlé ou écrit elle devait toujours expliquer :
– Non, ce n’est pas cela que je voulais dire.
Et le pire c’est que le silence aussi la trahissait.
– C’est parce que le silence n’existe pas — dit-elle.
Le jardin, les voix, l’écriture, le silence.
– Je ne fais que chercher et ne pas trouver. À cela je perds les nuits.
Elle sentit qu’elle était coupable d’une chose grave.
– Je crois aux nuits — dit-elle.
À quoi elle ne sut se répondre : elle sentit qu’ils lui clouaient une fleur bleue dans la pensée afin qu’elle ne suive pas le cours de son discours jusqu’au fond.
– C’est parce que le fond n’existe pas — dit-elle.
La fleur bleue s’ouvrit dans son esprit. Elle vit des mots comme des petites pierres disséminées dans l’espace noir de la nuit. Ensuite passa un cygne à roulettes avec un grand noeud rouge autour du cou interrogatif. Une petite enfant qui lui ressemblait montait le cygne.
– Cette petite enfant c’était moi — dit Ombre.

Ombre est déconcertée. Elle se dit qu’en vérité, elle travaille trop depuis qu’est morte Ombre. Tout est prétexte à être un prétexte, pensa Ombre assombrie.
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Quel masque mettrai-je quand j’émergerai de l’ombre ?
Je parle de cette chienne qui dans le silence tisse une trame
de faux silence pour que je me confonde de silence et chante
comme il convient pour s’adresser aux morts.

Indiciblement je tombe en ceci qu’en moi je trouve plus
ou moins présent quand quelqu’un formule mon nom.
Pourquoi ma bouche est-elle toujours ouverte ?
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Je veux exister au-delà de moi-même : avec les apparitions.
Je veux exister comme ce que je suis : une idée fixe. Je veux
hurler, non célébrer le silence de l’espace auquel on naît.
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je pleure, je regarde la mer et je pleure.
je chante un peu, très peu.

il y a une mer, il y a la lumière.
il y a des ombres, il y a un visage.

un visage aux traits de paradis perdu.
j'ai cherché.

sauf que j'ai cherché,
sauf que j'agonise.
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cette nuit j'ai vu
mais non.

nul n'est de la couleur
du désir le plus profond.
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Videos de Alejandra Pizarnik (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alejandra Pizarnik
INTRODUCTION : « Le siècle qui commence trouve une Argentine confiante en l'avenir. le positivisme à la mode met une foi illimitée dans les avancées du progrès et de la science, et la croissance de la jeune république autorise une vision optimiste du destin national. La classe dirigeante a bâti son programme sur la base d'une instruction publique et gratuite pour tous, destinée à réaliser l'intégration culturelle de la deuxième génération d'une masse énorme et hétérogène d'immigrants à peine débarqués d'Europe. Cette Argentine, qui est à l'époque une toute jeune nation - sa guerre contre les Indiens n'est terminée que depuis vingt ans -, dépend économiquement de l'Angleterre, est fascinée par la culture française et admire autant l'opéra italien que la technologie allemande. Ce qui ne l'empêchera pas de tâtonner à la recherche de sa propre identité, à la faveur d'un sentiment nationaliste exacerbé dès 1910 […]. L'avant-garde poétique porte le sceau du modernisme, largement diffusé à Buenos Aires par Rubén Darío qui […] marquera d'une empreinte durable la vie culturelle du pays. […] La quête de la modernité inscrite dans le nouveau courant anime déjà ce pays avide de rallier un monde qui ne jure que par Le Louvre, la Sorbonne et Montparnasse. […].  […]  La seconde décennie du siècle […] marque un tournant décisif dans la réalité argentine. […] Hipólito Yrigoyen accède au pouvoir. Avec lui surgit une nouvelle classe sociale, issue de l'immigration et amenée, pour un temps, à prendre la place de la vieille oligarchie qui a dirigé le pays depuis les premiers jours de l'indépendance. […] Cette modernité, qui relie les poètes argentins à l'avant-garde européenne, se concrétise avec le retour au pays de Jorge Luis Borges, en 1921. […] Dans un article polémique paru dans la revue Nosotros (XII, 1921), Borges explique : « Schématiquement, l'ultraïsme aujourd'hui se résume aux principes suivants : 1°) Réduction de la lyrique à son élément fondamental : la métaphore. 2°) Suppression des transitions, des liaisons et des adjectifs inutiles. 3°) Abolition des motifs ornementaux, du confessionnalisme, de la circonstanciation, de l'endoctrinement et d'une recherche d'obscurité. 4°) Synthèse de deux ou plusieurs images en une seule, de façon à en élargir le pouvoir de suggestion. » […] […] les jeunes poètes des années 20 se reconnaissent au besoin qu'ils éprouvent de revendiquer une appartenance et de se trouver des racines. […] Il faut attendre une dizaine d'années encore pour que, dans le calme de l'époque, de jeunes créateurs, avec l'enthousiasme de leurs vingt ans, apportent un élan nouveau et de nouvelles valeurs poétiques. Prenant leurs distances par rapport à l'actualité, ils remettent à l'honneur le paysage et l'abstraction, ainsi qu'un ton empreint de nostalgie et de mélancolie. […] Les années 60 correspondent en Argentine à une période d'apogée culturel. le secteur du livre est en plein essor ; de nouvelles maisons d'édition voient le jour et, conséquence du boom de la littérature sud-américaine, la demande d'auteurs autochtones augmente, ce qui facilite l'émergence de noms nouveaux. […] La génération des années 70, à l'inverse, est marquée au coin de la violence. Plus se multiplient les groupes de combat qui luttent pour l'instauration d'un régime de gauche, plus la riposte des dictatures militaires successives donne lieu à une répression sanglante et sans discrimination qui impose au pays un régime de terreur, torture à l'appui, avec pour résultat quelque trente mille disparus. […] » (Horacio Salas.)
CHAPITRES : 0:00 - Titre
0:06 - Alejandra Pizarnik 2:30 - Santiago Kovadloff 3:26 - Daniel Freidemberg 4:52 - Jorge Boccanera
5:51 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Horacio Salas, Poésie argentine du XXe siècle, traduction de Nicole Priollaud, Genève, Patiño, 1996.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Alejandra Pizarnik : https://universoabierto.org/2021/09/27/alejandra-pizarnik/ Santiago Kovadloff : https://www.lagaceta.com.ar/nota/936394/actualidad/santiago-kovadloff-argentina-pais-donde-fragmentacion-ha-perdurado-desde-siempre.html Daniel Freidemberg : https://sites.google.com/site/10preguntaspara1poeta
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