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EAN : 9782330015268
256 pages
Actes Sud (09/01/2013)
3.91/5   151 notes
Résumé :
Dans la vie de saint Augustin se tient une ombre, une femme, nommée Elissa dans le roman, qui partagea sa foi manichéenne, fut sa concubine, lui donna un fils, vécut avec lui à Carthage, Thagaste, puis en Italie où le jeune rhéteur la congédia de son existence…

Quand Elissa prend la parole, aux premières pages de ce livre, presque douze ans ont passé depuis sa “répudiation”.

Revenue vivre à Carthage, elle s’est liée d’amitié avec un co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (51) Voir plus Ajouter une critique
3,91

sur 151 notes
Elissa vit à Carthage «la métissée, la bigarrée» dans un quartier à la limite de Megara chez sa soeur Faonia et son beau-frère Marcellus potier. Ils l'ont accueillie quand elle est revenue seule de son séjour en Italie, désemparée après avoir été répudiée par Augustinus et séparée de leur enfant Adeodatus («donné à Dieu»). Elle-même participe à l'élaboration de menus objets fabriqués à l'atelier et fait des livraisons. Elle se sent accordée à la terre, à la vie «Je pose une petite boule sur le plateau, je prends le temps de la caresser, nous nous apprivoisons, et hop en route ! le bonheur de sentir pieds et mains se coordonner sans effort, la terre me guide, je l'écoute, nous nous aimons, juste la bonne teneur en humidité, l'argile se creuse et s'érige, le plaisir vient, la forme également...» p165.
Elissa a su restée vivante, ardente et fidèle à la passion qui l'a unie au désormais évêque d'Hippone, fidèle aussi à la foi de Mani qu'ils ont partagé tous les deux et qu'il a trahi comme il a trahi leur amour, pour renouer avec le christianisme. Elle sait reconnaître son talent, la séduction, l'attraction de son verbe mais constate aussi que cette grâce qui l'a saisi, l'a conduit à se raidir dans un dogme et a aussi satisfait son ambition. Elle reste par-dessus tout, à travers souffrances, regrets et révolte qui jaillit parfois contre le traitement qu'elle a subi, fidèle à la vie.


Claude Pujade-Renaud excelle dans l'évocation sensuelle de cette liaison et dans celle de la beauté solaire de la méditerranée. Un très beau roman qui fait vivre toute une époque de profond bouleversement sur les coups de boutoir des barbares qui auront raison de l'empire de Rome. Belle subtilité aussi que celle qui établit le lien entre Augustin et Port-royal p 26 «L'évêque d'Hippo Regius... Encore un nom métissé de punique et de latin. Hippo, le port. Port Royal. Mon homme, évêque de Port Royal.»
J'ajouterais qu'Augustin a rejoint l'église catholique et estime avoir rompu avec son passé soutenu par la grâce divine et que cette même grâce a soutenu les religieuses de Port-Royal dans leur résistance au pouvoir masculin représenté par le Roi et la hiérarchie catholique. Dans l'ombre de la lumière et le désert de la Grâce, deux belles évocations qui se répondent.
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Nous ne quittons plus Saint Augustin depuis quelques temps… Après le Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari, c'est à nouveau lui qui inspire l'auteur de ce très beau roman, toujours chez Actes Sud. Il apparaît ici sous les traits d' Augustinus et c'est Elissa son ex-compagne qui redonne vie à cet homme. Et nous voilà plongés dans l'Afrique romaine au Ve siècle.

Saint Augustin évoque une concubine répudiée dans Les Confessions, puis il se tait. À leur tour, les biographes du saint homme en feront peu mention. Mais la romancière brise le silence au sujet de cette femme et imagine celle qu'elle fut. Elle la prénomme Elissa (prénom phénicien de Didon, la reine de Carthage, grande figure de femme abandonnée) et lui donne la parole. Augustinus fut son grand amour, son compagnon du quotidien, son amant, le père de son fils durant 15 ans. Et puis il l'a abandonnée. Pour quelles raisons ? Comment a-t-elle vécu après sa répudiation, seule sans son fils ? Tout cela , elle va nous le raconter. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Après douze ans de séparation, Augustinus revient à Carthage, la ville où Elissa s'est réfugiée et ce sera une difficile épreuve de revoir le visage de l'homme qu'elle a tant aimé. le pire reste à venir car plus rien n'existe de celui qu'il a été. Lui qui était un amoureux transit et un manichéen convaincu est devenu un homme droit, rigide et irréversiblement catholique.

Alternant entre ses souvenirs et la description de son quotidien, Elissa nous raconte la vie qu'elle a menée depuis sa rencontre avec Augustinus jusqu'à sa mort. Claude Pujade-Renaud excelle dans la manière de donner vie à cette femme et la faire vibrante de vie. Sous sa plume élégante et précise , Elissa est un personnage fort, terriblement attachant. Sa parole sonne juste, parole pleine d'humilité. Troublante et touchante, sa voix est envoûtante. Cette sensuelle oratrice , est l'incontournable témoin d'une vie d'homme, d'une quête spirituelle. Son portrait d'Augustin est humain, vibrant, passionnel et passionné. C'est aussi toute une époque où coexistent manichéisme, paganisme et christianisme qu'elle fait revivre, évoquant la chute de Rome puis l'invasion barbare dans l'est africain. La nature, en toile de fond, est très présente. Présentent aussi les choses de la vie quotidienne : les sorties aux bains, les promenades, le goût des poires, des raisins et des figues, le travail du pain et de la terre, l'odeur du papyrus... On est complètement immergé dans cette période. Tout cela est servi par un style magnifique, lumineux, poétique.

Dans l'ombre de la lumière est un livre qui se savoure. A travers ces deux portraits, Claude Pujade-Renaud entremêle L Histoire et l'intime tout en finesse et subtilité. Un roman passionnant et poignant. Remarquable !
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Claude Pujade-Renaud, que je découvre avec ce livre, imagine la vie de la femme anonyme qui a partagé la vie de Saint-Augustin pendant une quinzaine d'année, lui a donné un fils, et qui a été répudiée à cause d'un projet de mariage en cours, qui finalement n'aura pas lieu. Elle n'aurait pas rejoint, comme la tradition le laisse entendre, une communauté religieuse, mais serait revenue à Carthage dont elle est originaire, là où elle a vécu la plus grande partie de sa relation avec Augustin. le roman évoque les souvenirs, la relation de couple, mais aussi ce qui advient de suite dans la vie d'Augustin et de celle que Claude Pujade-Renaud a choisi de nommer Elissa. Elle devient en effet proche d'un couple, dont le mari handicapé, Silvanus, est copiste, et reproduit un certain nombre d'écrits de l'évêque d'Hippone, dont les fameuses Confessions, ouvrage pour lequel il se passionne et qu'il évoque longuement devant Elissa , qui découvre un certain nombre de choses sur leur liaison vue par son compagnon, et qui livre aussi en écho son vécu à elle. En arrière plan, le contexte historique et social, les changements entraînés en particulier par le christianisme devenu religion d'état, les convulsion de l'empire romain qui s'achemine vers sa fin sous la poussée des Barbares.

J'ai au départ eu une petite réticence, à cause de l'invraisemblance des données de départ : cette femme qui a vécu un certain nombre d'année avec un homme en vue comme Augustin, qui revient chez sa soeur relativement rapidement (Elissa ne sera pas restée bien longtemps en Italie), dont les voisins et relations, ne devaient pas ignorer la situation, où d'ailleurs Alypius, un ami proche d'Augustin va la chercher sans problème lorsque le récit l'exige, peut devenir après son retour anonyme, personne n'ayant gardé la moindre trace de ses liens avec un Augustin qui devient de plus en plus célèbre. Et puis ce copiste qui lui lit les écrits d'Augustin, dont les Confessions, d'une façon si providentielle. Mais j'ai pu rapidement passer sur cet aspect quelque peu artificiel, car cela permettait en effet de mettre en parallèle les deux voix, et était indispensable pour que le roman puisse développer son propos. Une sorte de licence romanesque en somme.

Comme souvent, il vaut mieux ne pas lire et se fier aux présentation de l'éditeur, d'après qui Claude Pujade- Renaud « replique à l'histoire officielle ». Or elle suit en réalité avec une grande fidélité les données historiques que l'on peut trouver par exemple dans Les Confessions ou dans les biographies de référence, comme celles de Peter Brown ou Serge Lancel, qu'elle cite d'ailleurs parmi ses sources. Elle résume aussi sans réellement les déformer, un certain nombre d'idées exprimées par Saint-Augustin, surtout celles qui sont passées dans le débat plus grand public, en les simplifiant parfois très fortement, mais c'est inévitable dans un roman qui n'est pas par essence un traité de philosophie, et logique dans la bouche d'un personnage comme Elissa. Mais globalement le livre permet à quelqu'un qui n'aurait pas lu Les confessions et ne se serait pas intéressé à Saint-Augustin d'avoir une première idée de ce qu'a pu être la vie et un tout petit peu la pensée de cet homme.

Bien évidemment, c'est une femme blessée, rejetée par celui à qui elle a tout donné, qui a été séparée de son fils, et qui souffre. Et comme c'est elle qui parle, qu'elle est attachante, on peut avoir la sensation que l'auteur privilégie sa parole, son témoignage, par rapport à ceux de son illustre ex-compagnon. Mais là aussi je trouve que le livre est bien plus subtil et plus complexe que ce certains commentaires pourraient le laisser penser. Par exemple, Elissa évoque longuement Monique, la mère d'Augustin. Autant le dire, elle la déteste franchement, et cela dès le premier regard, pourrait-on penser à lire le roman. Tellement de choses ont été dites et écrites sur celle qui deviendra Sainte- Monique, sa relation avec son fils, en particulier a donné lieu à un nombre incalculables d'interprétations, entre autres psychanalytiques. Nul doute qu'elle aura été pour Saint-Augustin la femme de sa vie, qui n'a laissé que bien peu de place pour les autres. L'aversion d'Elissa est explicable, comme l'est sa façon d'essayer de lui attribuer la responsabilité de tout ce qui ne lui plaît pas chez Augustin, et en premier lieu son abandon. Mais on n'est pas obligé de la croire complètement sur parole, d'autant que Claude Pujade-Renaud suggère à un moment une sorte de mauvaise foi. Elissa exprime dans un passage de la sympathie pour Patricius, le père d'Augustin, qu'elle n'a pas connu. Elle lui reconnaît quelques défauts, comme ses infidélités et sa brutalité, envers serviteurs et animaux. Et là, le lecteur des Confessions s'attend qu'elle parle aussi du fait qu'il battait sa femme, élément qui figure à ce moment du livre de Saint-Augustin. Mais Elissa n'en dit rien, et il est clair qu'elle est au courant, à un autre moment ce passage est évoqué de façon très reconnaissable dans les lectures de Silvanus. Mais elle choisit de passer sous silence ce fait qui rendrait Patricius bien moins sympathique et Monique peut-être moins antipathique. Il ne faut donc pas prendre pour argent comptant tout ce qui dit Elissa, elle aussi livre sa version de l'histoire, qu'elle peut aussi arranger, ou dont elle n'a pas tous les éléments en main pour donner une version tout à fait complète et objective.

Encore plus intéressant à mon sens, ce passage dans lequel Sylvanus lit un extrait des Confessions dans lequel Augustin exprime une intense souffrance psychique, avant sa conversion. Cela aussi a donné lieu à énormément de lectures, à des diagnostics cliniques (dépression etc). Et Elissa réalise qu'elle n'avait pas eu conscience de cette souffrance chez l'homme qu'elle aimait. Comme si deux histoires parallèles se vivaient en même temps, sans réussir à vraiment se rejoindre. Ce qui pose la question du couple, du vivre ensemble, de ce qui est vraiment partagé, commun. Toute cette angoisse existentielle d'Augustin, dont la grande affaire aura été de donné un sens au monde et à son existence, qu'il a résolu uniquement par sa plongée dans la foi, semble avoir complètement échappé à Elissa. Ce qui pose aussi le questionnement, à mon avis essentiel, de savoir pourquoi tant d'hommes se satisfont très bien d'une relation de couple dans lequel leur partenaire partage (en réalité prend en charge) le quotidien, mais pas le reste, dans le cas d'Augustin, le philosophique, le spirituel. Où elle reste exclue de ce qui est considéré comme le plus essentiel. le livre évoque l'histoire biblique de Marthe et Marie, et suggère l'assimilation d'Elissa à Marthe. On a plus tendance maintenant à vouloir, tout au moins dans des déclarations d'intentions, que les femmes assurent les deux postures. Mais c'est vraiment une exigence énorme, si en même temps les hommes ne prennent pas en charge une part conséquente de la part de Marthe, parce que faire peser tout sur les femmes, les quotidien, le professionnel, le sensible, l'intellectuel, les met forcément dans une situation impossible qui peut mener rapidement à un sentiment d'échec.

Aimer Augustin aura été au final la seule chose qui ait eu de l'importance pour Elissa, tout le roman évoque cet amour, dont elle ne s'affranchit pas malgré la trahison, malgré l'absence, malgré les années. le livre est au final une sorte de déclaration d'amour à cet homme, comme Les confessions sont aussi une déclaration d'amour que cet homme fait à son Dieu, qui exclut tout autre amour, comme l'amour qu'Elissa porte à Augustin lui rend impossible d'aimer quelqu'un d'autre. L'absolu de l'un répond à l'absolu de l'autre.

Un beau livre qui ouvre beaucoup de pistes de réflexion.
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C'est l'histoire d'Elissa, la compagne de Saint Augustin. Bien moins connue que l'illustre homme avec qui elle passa plusieurs années de sa vie, et dont elle eut un fils. Mais pourtant passionnante. Rome est sur le point de tomber devant les Barbares et St Augutin est sur le point de prononcer son fameux sermon, dont il a été question dans le Sermon sur la chute de Rome de Jérome Ferrari.

Le roman se construit en alternant le récit d'Elissa, retournée à Carthage, sa ville natale, couler des jours mornes douze ans après avoir tout perdu, et les souvenirs qu'elle arrache à sa mémoire correspondant à la période de sa vie qui commence en 380, où elle a partagé le quotidien du grand homme. Augustinus n'est alors qu'un professeur brillant, mais issu d'un milieu pauvre, d'un père qui se sacrifie pour les études de son fils cadet, et d'une mère, Monnica, dont il sera beaucoup question dans cette histoire.
Car avant de devenir celui qui va passer à la postérité pour sa piété et sa chasteté, Augustinus se passionne pour le corps de sa compagne. Il est alors un membre de la secte des Manichéens, de lointains ancêtres des Cathares quelques siècles plus tard, un groupe qui ne survivra pas à la puissance des Chrétiens. A dix-huit ans, il a un fils avec Elissa, Adeodatus, et leur vie aurait pu être simple s'ils étaient restés tranquillement dans leur ville natale.

Mais voilà, Augustinus a de l'ambition, il est brillant orateur, il sait rédiger des discours comme peu d'autres, et il quitte bientôt Carthage pour Rome, puis pour Milan où l'attendent des honneurs auquel il ne sait pas résister. Et cette ascension sociale doit passer aussi par le mariage avec une jeune femme issue de la bonne société milanaise. Ce qui suppose de répudier la femme avec qui on a vécu jusque là et de lui arracher le fils qu'elle a engendré : Elissa n'a aucun droit sur cet Augustinus …

Tout le talent de Claude Pujade Renaud est de marier les genres dans un même roman : elle sait être didactique, elle nous explique parfaitement les querelles qui agitent l'Eglise en ce début du 5ème siècle, ponctuant son récit des écrits de St Augustin habilement racontés par son scribe local, un certain Silvanus – on sent qu'elle maîtrise son sujet dans toutes ses dimensions, en particulier historique.

Mais elle en fait aussi un récit très moderne où l'on voit un homme en proie au doute : il est convaincu, au départ, que le christianisme n'est pas fait pour lui, mais sa mère Monnica n'a de cesse qu'il épouse la religion qu'elle vénère, et c'est un combat entre femmes par doctrine interposée que raconte Dans l'ombre de la lumière : la mère omniprésente, qui poursuit le couple jusqu'à Milan, qui intrigue pour proposer un beau mariage à son fils, et qui finalement triomphe quand celui-ci se convertit par un matin de printemps à sa religion, ce qu'Elissa voit comme une reprise en main du fils bien-aimé …

Claude Pujade Renaud excelle à raconter la grande histoire par le biais de la petite : déjà elle avait utilisé le point de vue de la femme d'homme célèbre dans Chers disparus : il s'agissait alors de Jules Michelet, de Robert Louis Stevenson, Marcel Schwob, Jules Renard ou encore de Jack London. Ces femmes décrivaient avec parfois amertume ou résignation l'homme qu'elles avaient connu derrière l'homme célèbre – des secrets parfois inavouables ou inavoués, qu'on s'empresse d'étouffer derrière la légende.




De même dans Dans l'ombre de la lumière Elissa ne peut s'empêcher d'entendre les sermons de celui qui est devenu Evêque d'Hippone ou de lire Les Confessions à l'aune de sa vie maritale avec lui. Et toujours avec beaucoup de sensualité : elle décrit les petites choses du quotidien, aussi bien les senteurs que les couleurs d'un paysage, et sa mémoire est loin de la trahir, bien au contraire : de le voir à distance lors de ses sermons à Carthage lui fait remonter tout une série de souvenirs qu'elle préfèrerait peut être oublier ….

C'est tout cela et plus encore qu'on trouve dans ce brillant ouvrage de Claude Pujade Renaud. Elle parvient à nous rendre tellement vivante ce personnage d'Elissa ! Et ce St Augustin descend alors du piédestal sur lequel on l'élève avec des écrits d'une incroyable modernité : quel autre père de l'Eglise se serait risqué à parler ainsi dans ses écrits spirituels de ses errances, de ses doutes, et de sa vie d'avant, une vie charnelle qu'il récuse ensuite …

Claude Pujade Renaud retrouve alors avec bonheur ses thèmes de prédilection : l'enfantement, la passion amoureuse, les relations entre femmes … D'une écriture très féminine, elle sait mieux que quiconque rendre compte d'une histoire racontée d'un point de vue féminin : son écriture est très sensuelle et c'est jubilatoire de la voir ainsi décrire une période aussi riche sur les plans théologique et philosophique en partant des crises d'hémorroïdes ou d'extinction de voix du Grand Saint : un exercice spirituel - dans tous les sens du mot - qu'elle maîtrise à la perfection.



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Attention, petit bijou droit devant ! Je n'ai pas d'autres mots pour qualifier Dans l'ombre de la lumière. Claude Pujade-Renaud m'avait déjà séduite avec Les femmes du braconnier mais on dépasse amplement ce stade pour tomber dans la phase amoureuse. Petit bijou de sensibilité porté par une écriture lumineuse, tellement limpide, ce roman appartient à la catégorie des récits qui transcendent puis apaisent.

L'histoire quelle est-elle ? C'est celle d'Elissa, concubine répudiée de Saint Augustin, évêque d'Hippone, un des pères fondateurs de l'Eglise Chrétienne, un de ses plus grands penseurs. de cette femme on ne sait rien, mise à part une brève ligne dans les Confessions de Saint Augustin. Claude Pujade-Renaud décide de donner la parole à cette femme de l'ombre, amante insatiable, femme patiente, mère dévouée, à travers un long monologue où elle se remémore sa rencontre avec l'homme, Augustinus, l'étudiant fougueux, l'amant intrépide, l'orateur charismatique, manichéen convaincu, fils dévoué à une mère ayant une ambition dévorante pour lui. Elle seule connait les failles et les blessures de l'homme qu'elle a tant aimé, restée dans l'ombre, femme sacrifiée sur l'autel des ambitions d'Augustinus.

Dans l'ombre de la lumière évoque la nostalgie d'Elissa face au bonheur simple d'autrefois, bonheur lumineux, partagé dans la foi manichéenne avec Augustinus. Ce récit décrit tout autant sa colère face à ce paradis sacrifié, piétiné ! J'ai vibré de concert avec cette femme douloureusement amoureuse, si révoltée face à des ambitions qu'elle ne souhaite ni partager ni comprendre, elle qui ne cautionne pas le reniement de sa foi qu'a opéré Augustinus pour embrasser la religion chrétienne. A travers ce monologue est également esquissée la figure de Saint Augustin, homme intransigeant, devenu si rigoureux dans son christianisme, partagé entre sa foi manichéenne et son ambition dévorante. Quel homme ingrat, lui qui fut si fougueux, si sensuel, jamais rassasié du corps de sa concubine ! Dans l'ombre de la lumière est aussi une belle peinture d'un empire romain en décrépitude, reniant ses dieux païens pour le monothéisme chrétien, assiégé de toutes parts. Nous assistons aux derniers soubresauts d'un royaume autrefois victorieux qui n'est plus que l'ombre de lui-même, une bête traquée qui s'éteint tout comme Elissa, la femme répudiée, l'amante éternelle, figure émouvante dont on partage la souffrance qui transparait à chaque page
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critiques presse (2)
Telerama
23 janvier 2013
Douée pour décrire et raconter les femmes, leur présence singulière au monde, leur rapport au temps, au corps, à la sensualité des choses, la romancière tisse aussi, via son héroïne, le tableau chahuté d'une époque de métamorphoses. [...] Reste que cette plongée au cœur du Ve siècle romain, africain est passionnante.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lhumanite
21 janvier 2013
En même temps qu’on voit pensée [de l'auteur] se constituer puis s’affermir, on observe ses accommodements et ses stratégies pour exercer un magistère autant spirituel que temporel. La romancière ne dissocie jamais les questions théologiques et idéologiques des enjeux de pouvoir.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (61) Voir plus Ajouter une citation
Tu aimais la courbe de ma nuque, le parfum de mes cheveux. Ma passion des fleurs, des couleurs, la robe violette achetée à Rome, mes courgettes grillées sur la braise. Et ma patience, disais-tu. Tu aimais le terrier odorant de mes aisselles, mon rire, ma purée d'olives et d'anchois, le calme lisse de mon sommeil, ma discrétion tout au long du jour et mon impudeur dans la jouissance. Tu aimais m'entendre chantonner en me coiffant, rire et babiller avec notre fils. Tu aimais lorsque j'offrais mon visage à la pluie de septembre. Tu m'aimais.
p 225
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Partis dans la nuit par une route sinueuse, nous avons vu, en fin de matinée, le soleil patiner le calcaire doré de la cité, sans l'écraser. Une ville couleur de dattes et de miel, entourée par l'eau dansante des oliviers.
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Parfois, un songe te secouait au point de me réveiller. J'écoutais cette brève tempête. Tu t'agitais, criais, ou riais, mais tu demeurais pris dans la nasse du sommeil. Je n'avais pas envie de me rendormir, j'écoutais le ressac de ton rêve se prolonger en moi.
Oui, la nuit je t'ai entendu râler, aboyer, éructer, geindre, hurler, bramer. Toi, l'homme passionnément épris du langage, tu rêvais animal.
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Sitôt entrée dans la pièce principale, j'ai flairé la présence des parchemins. Cette très lointaine, très discrète odeur de sauvagine : chèvres, veaux, agneaux, gazelles parfois, ces gazelles qu'on chasse dans le Sud et qui confèrent au parchemin un parfum si doux. (...) et dire que toutes ces bêtes si vives, si bondissantes ont été sacrifiées afin que sur leurs peaux, travaillées, traitées, transformées, s'inscrivent des mots ! Et lui de rétorquer : mais ces mots frémissent et bondissent allègrement vers les lecteurs, présents ou à venir, l'essentiel c'est de rendre vivant le langage. p11
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Sur le seuil de la maison, une femme en noir t'a souri. Monnica s'est aussitôt retournée vers moi, m'a embrassée, chaleureusement, m'a souhaité la bienvenue : ma fille, vous êtes ici chez vous. Seulement après, elle t'a pris dans ses bras. Puis s'est extasiée sur Adeodatus, baveux, grognon, puant la merde. C'est bien ce que je craignais, cette mère était parfaite.
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Videos de Claude Pujade-Renaud (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claude Pujade-Renaud
Le 7 mars 2013, François Busnel reçoit :
Benoîte Groult, Ainsi soit Olympe de Gouges Alix de Saint-André, Garde tes larmes pour plus tard, à propos de Françoise Giroud, Histoire d'une femme libre : un manuscrit retrouvé par Alix de Saint-André à l'IMEC et publié par cet écrivaine à titre posthume. Andreï Makine, Une femme aimée Claude Pujade-Renaud, Dans l'ombre de la lumière
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