Et il réclame à sa mère : "Viens, donne-moi ce qui me revient."
C'est une longue, longue lettre et Ewald écrit jusque tard dans la nuit, toujours plus vite et les joues toujours plus brûlantes. Il a commencé en exigeant l'accomplissement d'un devoir et, avant qu'il s'en soit rendu compte, Il implore une grâce, une aumône, la chaleur et la tendresse. "Il est encore temps, écrit-il, je suis encore malléable et puis être comme de la cire entre tes mains. Prends-moi, donne-moi forme, finis-moi..."
C'est un cri d'amour maternel qui dépasse de loin toute femme, remonte à cet amour originel qui confère au printemps sa joie et sa sérénité. Ces mots ne vont plus à l'encontre de personne, les bras ouverts, ils se précipitent dans le soleil. - Aussi n'est-il point étonnant que Tragy, en finissant, s'aperçoive qu'il n'est personne à qui envoyer cette lettre, que personne ne la comprendrait, et surtout pas cette mince et nerveuse dame.
car que m'importe le nombre
des mots qui vont et fuient,
quand un cri d'oiseau, quatre mille fois
crié et recrié,
fait un infime coeur si vaste, le confond si bien
avec le coeur de l'air
"L"heure grave"
Poème de Rainer Maria Rilke, chanté par Colette Magny