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sur 5006 notes
Le vieux qui lisait des romans d'amour, c'est l'histoire touchante et magique d'un homme, Antonio José Bolivar, qui vit en plein coeur de l'Amazonie. Rejeté de sa communauté puis des Indiens qui l'avaient recueilli, le vieil homme s'établit dans une petite ville et se découvre avec l'âge une passion : les romans d'amour. Antonio José Bolivar lit des romans d'amour les plus tristes possible, mot à mot en cherchant le sens de chaque mot et en essayant de comprendre, de visualiser chaque ville décrite (Venise, Paris, Barcelone, etc.), Mais la magie des mots lui apporte un espoir et une joie inespérée à la fin de sa vie.
Sa vie, c'est celle d'un chasseur de félins. Pas le chasseur blanc qui tue pour tuer et montrer les animaux dépecés devant ses amis, mais celui qui tue dans l'esprit de la forêt, pour protéger les hommes. La victoire sur l'animal traqué n'est pas une victoire, mais un déchirement, celui d'avoir volé une vie dans une nature exploitée par les chercheurs d'or et les exploitants forestiers et les blancs avides de nouveaux horizons. 
Ce court roman est un hymne à la forêt; Le vieux qui lisait des romans d'amour est un rêve naïf, celui de croire que la nature peut encore être sauvée, que la cupidité des hommes ne peut atteindre ces régions. Et le seul refuge serait la culture (les romans d'amour ici) mais une culture bien inaccessible pour des hommes pour qui l'instruction n'existe pas. Mais le principal est de sortir de ce roman avec l'impression d'être épié par un félin plus rusé que l'homme, en goûtant l'eau de pluie chargée des senteurs de la forêt qu'elle a longuement traversée... 
Très belle écriture avec des mots simples et compréhensibles qui décrivent si bien les états d'âme de la forêt amazonienne, de ses habitants et le respect des Shuars pour elle. 
Sous le couvert de réflexions naïves, mais pas mélos, l'auteur parle de la déforestation de l'Amazonie par les gringos. 
Pouvons-nous aller à contre-courant du progrès? 
Malgré nos petites rebuffades écolos, ne sommes-nous pas emportés, noyés par lui?
Un petit bijou! 
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Je suis ravi de découvrir enfin la première publication de ce grand écrivain chilien disparu en avril 2020, il y a tout juste deux ans. le thème central du récit, la confrontation de l'homme et de la nature, avec son lot de destruction, est de plus en plus d'actualité... ou devrait l'être au vu des risques climatiques qui pèsent sur le devenir de l'homme.

J'ai envie d'insister sur la forme littéraire remarquable adoptée par l'auteur qui, personnellement, m'a évoqué l'esthétique du western. J'avoue avoir eu un faible dans ma jeunesse pour ces films, ces livres, où un héros solitaire parvient à s'imposer, grâce à son intelligence, à son courage, face à des forces injustes et plus nombreuses...

Les colons sont là, établis à El Idilio, sur le rivage du fleuve Nangaritza dans les profondeurs de la forêt amazonienne. Ils vivent à côté des Shuars, peuple hautain et orgueilleux et de chercheurs d'or... et des jivaros, rejetés par les Shuars car trop proches des gringos...

Le récit commence par une magistrale scène de présentation de tout ce microcosme avec l'arrivée du docteur Loachamin, une forte figure. C'est lui qui va approvisionner le personnage principal, Antonio José Bolivar, en romans d'amour. Il vient deux fois par an pour des extractions dentaires que je ne souhaite à personne, rappelant les extractions de balles dans les westerns sous le seul anesthésique du whisky. Ici, c'est l' « aguardiente Frontera » qui aide à supporter et est sensé désinfecter.

La loi est représentée par le maire, autorité suprême dans ces contrées lointaines, surnommé inamicalement « Limace » à cause de sa transpiration abondante. C'est une espèce de shérif, au passé douteux, ne répugnant pas à se faire appeler « Excellence ». Quant à la loyauté elle est selon ses intérêts. Il apporte au récit, une bonne dose d'humour... A ses dépens.

Le héros solitaire de ce western détourné, avec ses figures féminines archétypiques, est un homme meurtri par la vie suite à une histoire d'amour malheureuse avec la belle au nom long comme le fleuve tropical, Dolores Encarnacion del Santisimo Sacramento Estupian Otavalo... Voici pourquoi Antonio José Bolivar va lire des romans d'amour, de ceux qui finissent mal.

Antonio va devoir sortir de ses lectures lorsque ses amis Shuars sont injustement accusés d'un meurtre. Ayant appris à survivre dans la forêt au contact de cette population indigène dont il a partagé le quotidien, il a vite compris qu'un fauve pris de folie est à l'origine de la mort du chasseur blanc.

L'affrontement final entre le héros et la bête rendue folle par la faute des chasseurs est à la hauteur de ce chef-d'oeuvre magnifiant l'amour de la nature. le plaidoyer est habile : faute de connaître et respecter celle-ci, elle se venge et cause la perte des hommes. Un équilibre est à chercher et pour le trouver il est nécessaire d'apprendre à l'écouter et la comprendre. Sorti en 1992, ce livre éclaire l'actualité alors que l'Amazonie est de plus en plus meurtrie par une déforestation absurde, conduisant à la disparition des hommes qui savent vivre en harmonie avec l'environnement non-humain et dont on aurait de plus en plus besoin, crime maintenant qualifié d'écocide...

Luis Sepulveda dédie son livre à son ami Chico Mendes, grand défenseur de la forêt amazonienne, assassiné pour ses idéaux en 1988.

Antonio José Bolivar, le vieux qui lisait des romans d'amour, lit à son rythme. C'est un homme simple, peu cultivé, ayant découvert que la lecture lui permet de s'échapper d'un monde jugé barbare.

Un livre sur le plaisir de la lecture, un roman truculent qui a révélé immédiatement son auteur avec une diffusion mondiale et plusieurs prix. Il est à l'origine d'une oeuvre forte en relation avec l'histoire du 20ème siècle. J'avais aimé « Un nom de torero », à la narration proche du roman policier.

Luis Sepulveda a eu une vie bien remplie. Il a connu l'exil du Chili après le coup d'état du général Pinochet en 1973, impliqué directement car membre de la garde personnelle de Salvatore Allende, la GAP, dont bien peu avait survécu à l'arrivée du terrible dictateur qui l'avait condamné à 28 ans de prison. Libéré en 1977, grâce à l'intervention d'Amnesty International, il s'était exilé en Équateur, au Pérou et en Colombie et s'était investi dans le théâtre tout en poursuivant son engagement auprès de mouvements révolutionnaires.

En 1978, il passe un an avec des indiens d'Amazonie dans le cadre d'une étude de l'Unesco traitant de « l'impact de la colonisation sur les populations amazoniennes ».

Avec son premier roman, « le Vieux qui lisait des romans d'amour », traduit dans une quarantaine de langues, il invitait à repenser notre rapport à la nature, thème on ne peut plus actuel en cette période de réchauffement climatique et de pandémie virale.

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Chronique avec illustrations sur blogue Bibliofeel et Facebook à la page clesbibliofeel.




Lien : https://clesbibliofeel.blog
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C'est pure délectation que des livres comme celui-ci !

J'ai déjà dit mon amour des petits livres, qui s'emportent partout, qui offrent souvent de belles échappatoires imaginaires dans leurs ellipses, ce dont je raffole. Ici, il convient de mettre en avant une autre de leurs qualités : leur densité.

Car ce livre est aussi dense que l'était la forêt amazonienne dans laquelle il nous entraîne. Quand je l'ai reçu en prêt d'un cousin attentionné, j'avais une certaine crainte de tomber sur un de ces récits Nature réalistes qui arrivent rarement à me captiver. Je me souvenais de la critique enthousiaste de ClaireG mais nous n'avons pas toujours les mêmes goûts, c'est bien normal. C'était sans savoir que sa densité, loin de provoquer un sentiment d'étouffement, offre les espaces de liberté d'intérêts multiples.

Les colons sont arrivés, ont violé la forêt vierge avant de l'abattre.

Des faits, pas de jugement.

L'homme occidental est une espèce invasive.
Les connaissances empiriques disparaissent.
Les indiens Shuars vivaient intégrés dans la forêt.
Ils se soignaient grâce à leur connaissance approfondie de plantes que l'homme civilisé n'a jamais vues.

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Pistes pour vos imaginaires :
Les antibiotiques dernière génération sont basés sur ...
Dali avait un ocelot.
Mais ce même nom est aussi utilisé pour désigner le Jaguar.
Le jaguar avait sa place au panthéon des divinités des grandes civilisations précolombiennes
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Le vieux est campé dans sa cabane, debout devant sa table, lisant lentement des romans d'amour tout en dégustant une Frontera. le dentiste arrache des dents, ponctuant ces interventions malhabiles par des jurons bien placés. Les Jivaros, hilares, observent ce drôle de médecin trifouiller la dentition de ses patients. le maire, la Limace, assis dans son bureau, vide les bouteilles d'alcool, suant et dégoulinant de sa bêtise.

Et puis, il y a cette femelle jaguar qui a tué l'un de ces stupides gringos après la mort injuste de ses petits. Vengeresse, sa haine est insatiable, une chasse à l'homme va débuter. C'est ce bon vieil Antonio José Bolivar, lecteur assidu de roman à l'eau de rose, respectueux de l'environnement et des êtres qui y vivent, qui va devoir se lancer à sa poursuite. Son plus fidèle ami est Nushino, un Shuars, qui lâche des pets sonores pour exprimer son contentement ou pour couper court à la conversation.

Luis Sepúlveda dénonce avec drôlerie et sensibilité, la cupidité des hommes, leur soif de pouvoir, et la déforestation de ces territoires sauvages. Forêts hostiles, ceci dit, qui n'ont jamais eu besoin de l'empreinte corrosive de l'être humain pour pouvoir s'épanouir et vivre en paix.
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Excellente entrée en matière que celle de cet ouvrage qui me permet de faire la connaissance de l'auteur chilien Luis Sepulveda récemment disparu. Cette découverte est d'autant plus singulière que nous ne sommes pas habitués à applaudir la prose d'un ancien footballeur. Convenons que la dextérité de la balle au pied va rarement de pair avec celle de l'écriture.

Il faut dire que Sepulveda a une expérience de vie riche en péripéties, jusqu'à lui faire connaître les geôles de Pinochet et l'exil. Les pérégrinations qui ont émaillé cet éloignement de sa terre natale l'ont conduit dans la forêt amazonienne où il a partagé pendant un an la vie des amérindiens Shuars, plus connus en nos contrées européennes sous le vocable de Jivaros. C'est la source de l'inspiration de ce petit ouvrage dans lequel on découvre en l'auteur un militant de la cause des minorités ethniques qui ont vu leur terres ancestrales envahies par des colons assoiffés de richesses. Et le pillage continue au grand mépris de faune et flore locales.

C'est le combat de la sagesse contre celui de l'avidité que nous propose Luis Sepulveda avec l'aventure dans laquelle le vieux Antonio José Bolivar se trouve embarqué à contre coeur. Parce que lui ce qu'il aime c'est les romans d'amour qu'il a découverts depuis qu'il sait lire. Sans doute ces livres qu'il se fait prêter, lit et relit, sont-ils pour lui une diversion au mauvais côté de la vie des hommes dont il a le spectacle pitoyable sous les yeux.

Une forme de conte qui permet à l'auteur d'aborder un thème qui lui est cher, et à moi de découvrir une belle écriture. Avec comme souvent derrière un texte qui paraît anodin une réalité lourde de sens quant à la nature humaine et son avenir.
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D'un côté, mon bureau frisquet, un soir de réveillon et mon clavier qui attend mes mots.
De l'autre, la forêt amazonienne colorée, bruyante, riche de dangers et d'émerveillements.
D'un côté, Croquignolle qui s'apprête à déguster un bon repas de St-Sylvestre, les pieds sous la table.
De l'autre, Antonio José Bolivar qui chasse sa nourriture avec la technique efficace des Shuars.
D'un côté, la lectrice éclectique qui fuit les romans d'amour.
De l'autre, un vieux monsieur qui apprend à lire pour découvrir Paris et Venise sous le regard de personnages amoureux.
D'un côté un fond de musique jazzy et des pétards au loin qui annoncent la nouvelle année.
De l'autre, le bruit du félin en chasse, le chant de la pluie dense sur les feuilles, l'hymne rythmé des Indiens au bord du fleuve.
D'un côté, un Moscato pour lancer les festivités.
De l'autre, un Frontera pour éloigner la peur.

C'est cela que j'aime dans la lecture : le mélange des horizons, des expériences et des sensations.

Au côté de Luis Sepulveda, j'ai découvert ce coin de terre amazonienne avec mes cinq sens. Avec le 6ème également. Cet auteur a le don de peindre sous nos yeux, avec une précision délicate, l'univers qu'il a choisi. Ses mots sont colorés, riches, denses. Sa plume est poétique. Elle peut devenir très crue pour dépeindre la réalité d'une rencontre mortelle.

J'ai voyagé avec le vieux qui lisait des romans d'amour. Je ne me suis pas ennuyée. J'ai tenté d'apprendre la vie sans confort, la survie en conditions extrêmes, la richesse des rencontres et les croyances ancestrales d'un peuple éveillé. J'ai aimé ce voyage. Je n'en ressors pas indemne.

Je referme cette année littéraire 2019 avec ce petit roman passionnant et décapant ! Et avec une envie décuplée de continuer à lire, à vivre ces voyages si dépaysants en 2020 !
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Un récit court, beau et triste, qui nous désespère d'être humains.
Antonio José Bolivar, vieil homme qui vit tranquillement dans sa cabane de la forêt amazonienne et occupe ses journées à lire et relire des romans d'amour, doit un jour partir à la recherche d'un jaguar qui attaque les hommes, après que l'un d'eux ait tué ses petits.
C'est forcément une histoire qui prend aux tripes, opposant le vieil homme qui a vécu dans une tribu indienne en s'adaptant à son environnement, et les gringos qui saccagent la faune et la flore pour de l'or, pour des clichés, ou simplement pour se sentir virils. Pour autant, les indigènes ne sont pas dépeints comme de "bons sauvages", et tous les Blancs ne sont pas des sales types. Et puis, il y a le sage et pittoresque Antonio José Bolivar, qui sait à peine lire, ignore à quoi ressemble Venise, mais qui connaît la Nature, la respecte et l'aime mieux que quiconque.
J'ai été très émue par ce roman, par l'amour et la colère qui s'en dégagent. Il m'a parfois fait penser aux "Racines du Ciel" de Romain Gary. Luis Sepulveda l'a dédié à son ami Chico Mendès, défenseur de l'Amazonie assassiné par un propriétaire terrien. Plus de 30 ans plus tard, on ne peut que continuer à enrager devant les ravages que continue de subir cette forêt et ceux qui la peuplent.
Une belle leçon de civilisation, et d'humanité aussi, qui fait encore plus regretter la disparition d'un tel auteur.
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Le vieux qui lisait des romans d'amour, c'est bien je suis content pour lui.
Un p'tit 337e billet sur ce bouquin. Je ne voulais pas en faire et puis j'ai été voir les avis des babelioteurs et là… j'ai fait défilé les dix premières pages sur les trente quatre existantes et là… quelle surprise !!!!!! Seulement trois avis à trois étoiles sinon que du quatre et du cinq. Alors là que je me suis dis, ça va pas se passer comme ça, assume ta différence au grand jour et crie haut et fort : C'est quoi cette bouse?????? Oui j'en rajoute un peu mais pas tant que ça.

Voilà pour moi le prototype même du bouquin Canada Dry. Ca nous vend limite du lanceur d'alerte et on se retrouve avec Oui Oui au jardin des plantes (avec dédicaces sur l'esplanade du château de Vincennes).
L'histoire en gros : les indiens d'Amazonie ont les dents pourries, les touristes blancs venant chasser sont des gros cons, les colons foutent la merde (si je puis dire), le chef du village, le maire, est un abruti fini, le héros est un colon qui s'est fondu dans le paysage et qui connait les us et coutumes de la forêt presque mieux que les indiens dont il a tout appris. Cerise sur le gâteau et suspens insoutenable, la chasse à la panthère face à la chasse à l'homme. Ah, j'oubliais, le héros, le vieux, ben il lisait des romans d'amour aussi. Bien vu, fallait y penser.
Ah cette scène où il baptise sa pirogue du nom de gondole de je sais plus quoi (pas le courage de retrouver la page). Gondole, ce mot qu'il a lu et qui l'a fait rêver comme Venise dans un de ces romans à l'ode rose.
Et puis cette fin, j'ai le film en tête. Une sorte d'hybride de Petite maison dans la prairie réalisée par Sergio Léone. Il était une fois en Amazonie, de Niro face à Duchesse (des Aristochats), le duel avec Pow Wow en musique de fond. Insoutenable je vous dis.
Y avait plus d'émotion de réflexion et de surprises dans les Akim ou Zembla de mon enfance que dans ce bouquin.
Ici, à chaque page on sait ce qu'on va trouver à la suivante. le bon est bon sur toute la ligne, l'abruti est abruti… sur toute la ligne (vous commencez à comprendre le principe décliné à l'infini). C'est la fête à Neuneu, le salon de la caricature # balance ton guarana, c'est les vacances de monsieur Hulot (alias Nicolas le jardinier) au pays de Rika Zaraï. Ce titre vous est présenté par Harlequin.
Bon, j'arrête là, je vais juste rajouter que ce bouquin n'est pas mauvais, juste sans aucun intérêt pour moi. Il m'a juste fait passer un moment sur la plage. Voilà c'est ça, c'est un sujet bâclé du 20h, tout en superficialité, qu'on nous place entre deux conneries et dont il ne reste rien dès la présentation de la météo passée.
Suivant…
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Lecture commune de juin 2017
Les lectures communes proposées par Babelio sont vraiment l'occasion de faire de magnifiques découvertes… Je ne connaissais Luis Sepúlveda que de nom, plus pour ses activités politiques et écologiques, son emprisonnement sous la dictature de Pinochet puis son exil, que pour son activité littéraire proprement dite.

Quelle merveille que ce court roman (nouvelle ?), véritable conte philosophique !
J'ai immédiatement ressenti l'influence de Gabriel García Márquez dans son écriture, une verve, une démesure, une poésie, un humour assortis d'une justesse et d'une appropriation personnelle et originale, puisque Luis Sepúlveda a réellement vécu auprès des indiens Shuars d'Amazonie mis en scène dans son roman.
Le titre d'abord, le Vieux qui lisait des romans d'amour, phrase-titre poétique et intrigante dans son étrangeté, proche de l'oxymore, est une invitation à vivre cette lecture de l'intérieur, dans l'intimité du personnage principal et dans notre propre rapport à la lecture, avec nos contradictions et nos émotions. L'antinomie des termes n'est qu'apparente puisque l'amour, avec ses souffrances et ses bonheurs, guide le personnage principal tandis que le fait de savoir lire devient pour lui « un antidote contre le redoutable venin de la vieillesse ».
La lecture des romans d'amour participe à la construction de noeud thématique de ce roman, autour du lieu métaphoriquement nommé « el Idilio » (l'Idylle) ; l'amour sert en effet de fil conducteur depuis le couple formé par Antonio José Bolivar et Dolores Encarnación del Santísimo Sacramento Estupiñán Otavalo (je ne me lasse pas de la musicalité de leurs deux noms accolés), la souffrance de la femelle jaguar dont les gringos ont tué la portée et mortellement blessé le mâle et le rapport du vieil homme avec sa terre amazonienne, sa faune et sa flore.
La lecture assidue et laborieuse du vieil homme symbolise le processus lent de la lecture, tant dans le plaisir que dans la transmission d'un rapport privilégié au monde. Ses difficultés à comprendre certains mots (un « baiser ardent »), à se représenter par exemple la ville lagunaire de Venise et ses gondoles traduisent un besoin d'ouverture au monde et une nécessaire confrontation à l'altérité.

Cette lecture va être l'occasion d'étoffer encore ma pile à lire avec les autres écrits de Luis Sepúlveda.
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Une heure à perdre, ou plutôt à enrichir d'une lecture enivrante et inspirée? Précipitez-vous sur ce petit conte succulent et luxuriant, cette escapade au bout du monde au fond de laquelle se révèle un message d'une efficacité redoutable.
J'ai eu bien tort de tourner pendant longtemps un dos dédaigneux à ce livre dont le titre m'évoquait quelque historiette culculteuse : on en est loin!
Certes, il est question d'un vieux qui lit des romans d'amour, mais à sa place on ferait tous la même chose : échoué à El Idilio, ironique nom donné facétieusement par l'auteur aux trois cahutes branlantes posées au bord du fleuve en Amazonie, il lui faut bien ça pour supporter la misère que les gringos amènent dans ce coin de nature inviolée, misère bien plus insupportable que la précarité matérielle dans laquelle vivent les autochtones car c'est une misère faite d'ignorance des lois de la faune et de destruction de la forêt.
Quel talent de conteur a l'auteur pour passer ce message avec beaucoup plus de subtilité et de brio que je ne viens de l'écrire! C'est drôle, c'est foisonnant, c'est construit comme un polar, comme une fresque, comme un roman d'initiation, bref c'est d'une richesse sans prétention qui force le respect. Sans compter qu'après l'avoir refermé, vous ne regarderez plus le majestueux jaguar du même oeil.
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