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Pierre Chartier (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253087779
96 pages
Le Livre de Poche (25/08/2004)
3.09/5   11 notes
Résumé :

Diderot vient de recevoir de Mme Geoffrin une somptueuse robe de chambre écarlate : " A présent, j'ai l'air d'un riche fainéant ", écrit-il, et ce cadeau est l'occasion d'une méditation sur le luxe et son bon ou mauvais usage, et sur l'habit, qui fait ou ne fait pas le moine. Tout autant que sa nouvelle robe de chambre, un autre cadeau, un tableau de Joseph Vernet accroché à son mur, avait frappé ses visiteurs. Or c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cette courte histoire nous montre comment même quand il s'enmerde, Diderot le fait mieux que nous.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Ce n'est pas l'artiste, c'est toi qui l'as fait. Respecte l'ouvrage
de l'amitié et le tien. Vois ce phare, vois cette tour adjacente qui
s'élève à droite; vois ce vieil arbre que les vents ont déchiré. Que
cette masse est belle! Au-dessous de cette masse obscure, vois ces
rochers couverts de verdure. C'est ainsi que ta main puissante les a
formés; c'est ainsi que ta main bienfaisante les a tapissés. Vois
cette terrasse inégale, qui descend du pied des rochers vers la mer.
C'est l'image des dégradations que tu as permises au temps d'exercer
sur les choses du monde les plus solides. Ton soleil l'aurait-il
autrement éclairée? Dieu! si tu anéantis cet ouvrage de l'art, on
dira que tu es un Dieu jaloux. Prends en pitié les malheureux épars
sur cette rive. Ne te suffit-il pas de leur avoir montré le fond des
abîmes? Ne les as-tu sauvés que pour les perdre? Écoute la prière de
celui-ci qui te remercie. Aide les efforts de celui-là qui rassemble
les tristes restes de sa fortune. Ferme l'oreille aux imprécations
de ce furieux: hélas! il se promettait des retours si avantageux; il
avait médité le repos et la retraite; il en était à son dernier
voyage. Cent fois dans la route, il avait calculé par ses doigts le
fond de sa fortune; il en avait arrangé l'emploi: et voilà toutes
ses espérances trompées; peine lui reste-t-il de quoi couvrir ses
membres nus. Sois touché de la tendresse de ces deux époux. Vois la
terreur que tu as inspirée à cette femme. Elle te rend grâce du mal
que tu ne lui as pas fait. Cependant, son enfant, trop jeune pour
savoir à quel péril tu l'avais exposé, lui, son père et sa mère,
s'occupe du fidèle compagnon de son voyage; il rattache le collier
de son chien. Fais grâce à l'innocent. Vois cette mère fraîchement
échappée des eaux avec son époux; ce n'est pas pour elle qu'elle a
tremblé, c'est pour son enfant. Vois comme elle le serre contre son
sein; vois comme elle le baise. O Dieu! reconnais les eaux que tu as
créées. Reconnais-les, et lorsque ton souffle les agite, et lorsque
ta main les apaise. Reconnais les sombres nuages que tu avais
rassemblés, et qu'il t'a plu de dissiper. Déjà ils se séparent, ils
s'éloignent, déjà la lueur de l'astre du jour renaît sur la face des
eaux; je présage le calme à cet horizon rougeâtre. Qu'il est loin,
cet horizon! il ne confine point avec la mer. Le ciel descend au-
dessous et semble tourner autour du globe. Achève d'éclaircir ce
ciel; achève de rendre à la mer sa tranquillité. Permets à ces
matelots de remettre à flot leur navire échoué; seconde leur
travail; donne-leur des forces, et laisse-moi mon tableau. Laisse-
le-moi, comme la verge dont tu châtieras l'homme vain. Déjà ce n'est
plus moi qu'on visite, qu'on vient entendre: c'est Vernet qu'on
vient admirer chez moi. Le peintre a humilié le philosophe.
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Le vieillard passionné qui s'est livré, pieds et poings liés, aux
caprices, à la merci d'une jeune folle, dit depuis le matin jusqu'au
soir: Où est ma bonne, ma vieille gouvernante? Quel démon m'obsédait
le jour que je la chassai pour celle-ci! Puis il pleure, il soupire.

Je ne pleure pas, je ne soupire pas; mais à chaque instant je dis:
Maudit soit celui qui inventa l'art de donner du prix à l'étoffe
commune en la teignant en écarlate! Maudit soit le précieux vêtement
que je révère! Où est mon ancien, mon humble, mon commode lambeau de
calemande?

Mes amis, gardez vos vieux amis. Mes amis, craignez l'atteinte de la
richesse. Que mon exemple vous instruise. La pauvreté a ses
franchises; l'opulence a sa gêne.

O Diogène! si tu voyais ton disciple sous le fastueux manteau
d'Aristippe, comme tu rirais! O Aristippe, ce manteau fastueux fut
payé par bien des bassesses. Quelle comparaison de ta vie molle,
rampante, efféminée, et de la vie libre et ferme du cynique
déguenillé! J'ai quitté le tonneau où je régnais, pour servir sous
un tyran.
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Pourquoi ne l'avoir pas gardée? Elle était faite à moi; j'étais fait
à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner;
j'étais pittoresque et beau. L'autre, raide, empesée, me mannequine.
Il n'y avait aucun besoin auquel sa complaisance ne se prêtât; car
l'indigence est presque toujours officieuse. Un livre était-il
couvert de poussière, un de ses pans s'offrait à l'essuyer. L'encre
épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le
flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents
services qu'elle m'avait rendus. Ces longues raies annonçaient le
littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent, j'ai
l'air d'un riche fainéant; on ne sait qui je suis.

Sous son abri, je ne redoutais ni la maladresse d'un valet, ni la
mienne, ni les éclats du feu, ni la chute de l'eau. J'étais le
maître absolu de ma vieille robe de chambre; je suis devenu
l'esclave de la nouvelle.

Le dragon qui surveillait la toison d'or ne fut pas plus inquiet que
moi. Le souci m'enveloppe.
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Ce n'est pas tout, mon ami. Écoutez les ravages du luxe, les suites
d'un luxe conséquent.

Ma vieille robe de chambre était une avec les autres guenilles qui
m'environnaient. Une chaise de paille, une table de bois, une
tapisserie de Bergame, une planche de sapin qui soutenait quelques
livres, quelques estampes enfumées, sans bordure, clouées par les
angles sur cette tapisserie; entre ces estampes trois ou quatre
plâtres suspendus formaient avec ma vieille robe de chambre
l'indigence la plus harmonieuse.

Tout est désaccordé. Plus d'ensemble, plus d'unité, plus de beauté.

Une nouvelle gouvernante stérile qui succède dans un presbytère, la
femme qui entre dans la maison d'un veuf, le ministre qui remplace
un ministre disgracié, le prélat moliniste qui s'empare du diocèse
d'un prélat janséniste, ne causent pas plus de trouble que
l'écarlate intruse en a causé chez moi.
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Je puis supporter sans dégoût la vue d'une paysanne. Ce morceau de
toile grossière qui couvre sa tête; cette chevelure qui tombe éparse
sur ses joues; ces haillons troués qui la vêtissent [sic] à demi; ce
mauvais cotillon court qui ne va qu'à la moitié de ses jambes; ces
pieds nus et couverts de fange ne peuvent me blesser: c'est l'image
d'un état que je respecte; c'est l'ensemble des disgrâces d'une
condition nécessaire et malheureuse que je plains. Mais mon coeur se
soulève; et, malgré l'atmosphère parfumée qui la suit, j'éloigne mes
pas, je détourne mes regards de cette courtisane dont la coiffure à
points d'Angleterre, et les manchettes déchirées, les bas de soie
sales et la chaussure usée, me montrent la misère du jour associée à
l'opulence de la veille.

Tel eût été mon domicile, si l'impérieuse écarlate n'eût tout mis à
son unisson.
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Vidéo de Denis Diderot
Rencontre avec Christian Grataloup autour de Géohistoire. Une autre histoire des humains sur la Terre paru aux éditions des Arènes, et de L'Atlas historique de la terre (Les Arènes).
Christian Grataloup, né en 1951 à Lyon, agrégé et docteur en géographie, successivement enseignant du secondaire, professeur de classes prépas, formateur d'instituteurs puis de PEGC, maître de conférences à l'université de Reims et finalement professeur à l'université Paris Diderot. Les recherches et les publications de Christian Grataloup se sont toujours situées à la charnière de la géographie et de l'histoire. Une grande partie de ses travaux concernent la didactique, en particulier par la mise au point de «jeux» pédagogiques. Il a notamment publié: Atlas historique de la France (Les Arènes, 2020), L'invention des continents et des océans. Comment l'Europe a découpé le Monde (Larousse, 2020), Cabinet de curiosité de l'histoire du Monde (Armand Colin, 2020), Atlas historique mondial (Les Arènes, 2019), Vision(s) du Monde (Armand Colin, 2018), le Monde dans nos tasses. Trois siècles de petit-déjeuner (Armand Colin, 2017), Introduction à la géohistoire (Armand Colin, 2015).
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20/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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