L'autocar est arrêté. Steinbeck nous stoppe pendant quelques heures, dans le psychisme de ces personnages, utilisant sa plume pour souffler sur les désirs innommables qui peuplent les pensées de ces naufragés de l'autocar.
Cette panne forcée va déstabiliser le fil conducteur de leur vie, les obligeant à cohabiter ensemble malgré les nombreuses différences qui les séparent.
L'auteur nous décrit des vies intérieures riches de remous et d'aspiration. de sa manière singulière, Steinbeck nous fait observer ce groupe hétérogène d'un oeil narquois et rieur.
Ici, très peu d'action dans ce roman, mais les descriptions vives et détaillées ne nous laissent aucunement au bord de la route.
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C'est un peu Bagdad café, un café perdu au bord d'une longue route californienne. Dans ce café, Juan Chicoy, le proprio et sa femme Alice. Etre l'un sur l'autre H24 tue forcément leur couple. Alice pique parfois des crises, et Juan de grosses colères qui lui font peur. Il y aussi Norma, une jeune fille qui ne fait que passer comme toutes celles qui l'ont précédée et qui la suivront sûrement, Norma qui fantasme sur Clark Gable en secret et rêve de partir pour Hollywood. Et enfin Kit, alias le Boutonneux, qui seconde Juan au garage.
Car il y a un garage, et à l'intérieur un bus qui ce jour-là, pas de bol, est en panne. Pas de bol car justement quelques passagers en partance pour San Juan viennent de débarquer au café et qu'il va falloir les loger en attendant.
Tout ce petit monde va cohabiter pendant 24h, d'abord dans le café puis dans le bus que Juan et le Boutonneux parviennent à réparer. 24 heures pour faire leur portrait à chacun, jusqu'à leurs pensées les plus secrètes, leurs failles intérieures, 24 heures où chacun se trouve à un point de rupture.
Dans le regard de Steinbeck, il y a toujours une étincelle de générosité, de bienveillance que l'on retrouve ici, même si j'ai trouvé ses portraits plus féroces que d'habitude, et personne n'en sort indemne, même si finalement, on parvient à leur pardonner leurs travers, puisque ils sont tellement humains.
C'est loin d'être le meilleur roman de Steinbeck, je me suis même un peu ennuyée, pour tout dire, avant d'y reprendre goût vers la fin!
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Réussir à passionner le lecteur sans aucun coup de feu, sans aucune scène d'horreur, sans serial killer ou flic à moitié fou, voilà la prouesse de ce court roman qui nous emmène aux confins de la Californie.
Il faut dire qu'il ne nous propose non pas un mais des voyages car au delà du périple en autocar perturbé par les ennuis techniques et les problèmes météorologiques et logistiques, l'auteur nous plonge dans l'intimité de chacun des protagonistes de son histoire.
Le trajet en autocar n'est en effet qu'une façade derrière laquelle Steinbeck nous offre, avec un humour assez sombre, une galerie de portraits dans laquelle tout n'est que faux semblants, les apparences cachant les réels caractères de personnages qui ont tous leur jardin secret.
Le résumé de la quatrième de couverture ne rend d'ailleurs pas du tout hommage à ce roman, en s'attardant uniquement sur les pulsions sexuelles des protagonistes qui ne sont pourtant pas aussi présents que cela dans le livre.
C'est vivant, ça fourmille de portraits caustiques, de dialogues cassants et de critiques de la société, bref, c'est du Steinbeck et c'est très bon !
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Quel plaisir de retrouver ce cher, si cher Steinbeck, déporté de sa bien aimée vallée de la Salinas vers quelque route lointaine de Californie éclairée de loin en loin par les lumières de rares gas stations perdues.
J'avais longtemps boudé ce roman, ayant lu ici et là qu'il était au-dessous des autres. Erreur, car outre le bonheur de me couler dès les premières lignes dans la merveilleuse humanité de l'auteur, j'y ai retrouvé la quintessence de son univers, dans ce qu'il a de plus noir comme dans ses aspects les plus lumineux, et notamment son humour!
On rit beaucoup dans ce roman, du moins au début avant que ne se révèle le naufrage de certaines existences, derrière lesquelles se révèlent encore les fondements vacillants d'une société américaine pourtant sûre d'elle-même et conquérante en ces années d'après-guerre.
Il ne faut pas plus de trois lignes pour pénétrer entièrement l'univers que nous propose Steinbeck et avoir littéralement envie d'entrer dans la salle de restaurant de cette station essence située au Coin-des-Rebelles (un programme en soi!), de s'accouder au bar en dégustant une part de gâteau à la crème, et de regarder vivre le microcosme qui s'agite sous nos yeux : Juan le besogneux au fin sourire distant et sa femme Alice luttant avec humeur contre sa propre perdition, leurs jeunes employés suffoqués par leurs rêves en même temps qu'appesantis par leurs destins, et enfin les fameux voyageurs, englués contre leur gré dans ce trou en raison d'une avarie sur l'autocar. Un couple WASP jusqu'au bout des ongles affublé d'une fille rebelle, un représentant de commerce tentant d'évacuer par le rire les cauchemars de ses années de guerre, et la belle Camille, surfant comme une sirène sur les codes de ce monde cynique.
J'aurais voulu que ce roman dure encore tant les leçons de vie y sont puissantes, tant l'art du détail distillé avec une parfaite mesure m'ont liée aux personnages, et aussi parce qu'après celui-ci je n'ai quasiment plus d'oeuvres de Steinbeck à découvrir.
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