AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782373090338
218 pages
L'Echappée (09/11/2017)
4.06/5   9 notes
Résumé :
En 1905, alors que le régime tsariste se désagrège et que les soulèvements se multiplient en Russie, la voix de Léon Tolstoï s'élève au-dessus de la mêlée. Ce chrétien excommunié, constamment en butte à la censure, ne s'en prend pas seulement à l'autocratie ; il critique aussi les desseins des révolutionnaires, libéraux ou socialistes. Il accuse les meneurs urbains de tromper le peuple, de conduire les masses paysannes dans une impasse : celle de la modernisation du... >Voir plus
Que lire après Le refus d'obéissance : Ecrits sur la révolutionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Nous sommes en janvier 1905, une pétition de 135000 ouvriers de Saint-Pétersbourg est adressée au Tsar :
"Nous travailleurs de Saint-Pétersbourg, nos femmes, nos enfants et nos parents, vieillards sans ressources, sommes venus à toi, ô Tsar, pour te demander justice et protection. Nous sommes réduits à la mendicité. Nous sommes opprimés, écrasés sous le poids d'un travail épuisant, abreuvés d'outrages. Nous ne sommes pas considérés comme des êtres humains, mais traités en esclaves qui doivent subir en silence leur triste destin"

Les ouvriers arrêtent les machines et la grève devient générale.
La capitale est alors paralysée, et le dimanche 22 janvier 1905, les manifestant convergent vers le palais d'Hiver.

Toutes leurs doléances ont été jusque là rejetées au niveau des entreprises, elles portent sur des conditions de travail désastreuses, des salaires de misère, sur les maladies, les intempéries. On leur oppose la loi qui les expose à la prison et à l'exil.

On voit déjà que cette première révolution sera une révolution ouvrière et non paysanne à la base, même si elle prétendra représenter tous les "dépossédés" de la Russie.

Le cahier de doléances ne sera pas moins un cahier de renversement complet des valeurs, auquel on peut s'en douter Nicolas II opposera une fin de non recevoir. Qui n'adhérerait pas à cette pétition avec ses mots si justes. En revanche le cahier révolutionnaire qu'elle sous-tend est un casus belli, et naturellement la loi va rester la loi. le choc aura lieu, profitera au plus grand nombre, le temps des belles espérances : trop beau pour être honnête. Tout ça d'un coup, ça sent la conspiration !

Le choc aura lieu, pourtant avec une lueur d'espoir cependant en ce Georges Gapone en tête de cortège qui fut influencé par les idées de Tolstoï. Il sera alors le porte parole de tous les déshérités de la sainte Russie sans idées fratricides. Les choses sont encore possibles ! le cortège des "humbles travailleurs" file sur le palais d'Hiver, on y voyait même des portraits à l'effigie du Tsar. Dans cette manifestation, il y aura des femmes et des enfants. Nicolas II ne veut pas de cette rencontre forcée, il fait bloquer leur ascension. La charge des troupes du Tsar sera terrible, plusieurs centaines de morts, et autant de blessés. Au sol des enfants, des femmes, des hommes morts sans avoir combattu : c'est le fameux Dimanche rouge ! La Neva charriera du sang des braves travailleurs. le brave prêtre Georges Gapone sera tué à Saint Pétersbourg le 6 mars 1906, par des gens du parti socialiste révolutionnaire qui l'accusèrent, à tort, d'être un traître à la solde du Tsar. Encore un élément troublant dans cette histoire !

Charger son peuple, n'est jamais ce qu'on fait de mieux. Cette infamie dépassera toutes les autres..

Cette révolution est capitale car elle sera irréversible et aboutira au nouvel ordre que l'on sait. Elle sera confisquée. On a dit qu'un certain nombre d'intellectuels et d'artistes avaient favorisé la révolution, soufflé sur la braise. Autrement dit ne pas avoir eu la lucidité d'en prévoir les conséquences qui furent assurément plus désastreuses pour le genre humain que l'ancien régime tsariste. En tout cas, Léon Tolstoï n'est pas de ceux-là : il voulait réformer certes, avec ou sans le Tsar qui signifiait l'immobilisme pour les paysans et les ouvriers, il ne voulait surtout pas quitter la proie pour l'ombre et se méfiait des révolutionnaires de tout poil (lire Lettre à un révolutionnaire) qui voulaient abolir un système pour un autre plus dangereux encore ..

Pour la petite histoire (littéraire), le prêtre Georges Gapone, comme c'est induit plus haut, échappera à ce massacre et se réfugiera chez Maxime Gorki. le lien sacré du Tsar protecteur avec son peuple est désormais rompu.

Tolstoï est alors consulté : "une conscience au dessus de la mêlée". Sa voix est attendue de partout : il entre dans la danse, si tant est qu'il l'a quittée un jour. Voici ce qu'il va dire à la presse française,anglo-saxonne :
"Cette opinion, je vais vous la dire : elle n'a, hélas ! jamais varié. Voyez-vous. Je n'ai jamais été, et je crois que je ne serai jamais, pendant les quelques jours que je puis avoir encore à vivre, d'aucun parti. Je ne puis ni avec l'autocratie ni avec la révolution, car toutes deux sont partis de violences et me répugnent autant l'une que l'autre. Il est aussi affreux et aussi abominable de voir des soldats qui tirent sur des gens sans armes, qu'un homme qui jette une bombe sous une voiture .."

Le ton est admirable et juste, sa lucidité est à son maximum, et sa connaissance, son expérience du monde des hommes est à maturité et grave ses bonnes paroles dans le marbre de l'humanité.

Deux ou trois points de sa doctrine rappelée à l'occasion mérite une attention toute particulière, car j'ai lu un peu n'importe quoi à ce sujet :
"- Non, obtenir une Constitution, une Assemblée nationale et quelques droits individuels, importer les institutions politiques des démocraties occidentales, tout cela ne conduit pas le peuple à la liberté et ne supprime pas les causes de l'oppression sociale : "L'Angleterre et l'Amérique exploitent tout autant le peuple que les classes dirigeantes russes, même si elles le font par d'autres moyens.
-Non, les citadins libéraux ou socialistes qui prétendent parler au nom du peuple ne le représentent pas. Ils ne sont qu'une minorité, très éloignées des préoccupations de la majorité paysanne. En vérité, la population ne considère pas la journée de huit heures ou la liberté de la presse comme des priorités, elles ne se sent pas concernée par les réformes portées par l'intelligentzia. Ce que les paysans désirent avant tout, c'est l'affranchissement de la terre : mettre fin à l'inique propriété foncière, pour que le sol revienne à ceux qui le cultivent.
- Oui, la véritable libération du peuple passe par cet affranchissement de la terre. Et ce n'est pas l'émeute, le pillage ou l'activité des socialistes dans les assemblées qui permettront de l'obtenir, mais le perfectionnement individuel, la non-participation au mal, le refus d'obéissance. Tout pouvoir d'une minorité reposant sur la servitude volontaire de la majorité, c'est à chacun qu'il revient de ne plus collaborer à son propre asservissement : ne plus s'échiner pour les propriétaires fonciers et les exploiteurs, ne plus servir le gouvernement et l'armée, ne plus soutenir un système qui se nourrit de la docilité générale. Alors les paysans, qui constituent l'essentiel du peuple russe, pourront répondre à leurs besoins, s'entraider et s'organiser dans les communes en se passant du gouvernement. de tout gouvernement, qu'il s'agisse d'une monarchie absolue ou d'une république parlementaire."

J'ai trouvé que cette doctrine avait bien des aspects modernes, à considérer les problèmes sociaux d'aujourd'hui dans nos pays occidentaux.

Cette farouche indépendance exaspère certains révolutionnaires. Maxime Gorki somme Tolstoï de choisir son camp..

C'est absolument loufoque ! Comment Gorki peut-il sommer Tolstoï de choisir son camp ? C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! Cette duperie ne peut évidemment échapper à qui suit l'affaire ; et évidemment Tolstoï n'a cure des appels de Gorki. Personne n'a jusqu'à présent fait infléchir la volonté indépendante et anarchiste de Tolstoï, hormis Dieu et peut-être ce parasite de Tchertkov !
Commenter  J’apprécie          41
Tolstoï a écrit plusieurs textes sur la révolution russe, sur les révolutionnaires au début du 20 e siècle, et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il ne met pas la langue dans sa poche.

Ses attaques virulentes s'exercent contre les tsars de Nicolas 1er à Nicolas II, et contre les révolutionnaires de tout poil, dont une partie d'entre eux, il faut le rappeler étaient terroristes.

Ses textes sont d'un vif intérêt à plusieurs titres aujourd'hui :
Ils permettent de comprendre ce qui a conduit la Russie à basculer dans une dictature bolchevique, même s'ils n'expliquent pas tout, mais dès 1905, on voit comment des minorités agissantes vont opportunément exploiter la situation sur le dos du peuple paupérisé à la fois paysan et prolétaire.
Ils permettent d'apprécier les essais de l'auteur qui ont marqué sa période d'écrivain dès les années 1880, relégués dans l'ombre de ses romans universels.
Ils permettent de relativiser en large part sa responsabilité dans la chute du tsarisme où il apparaît clairement comme un réformiste déçu qui monte au créneau en se radicalisant.

Seule ombre au tableau en ce qui concerne le texte présent qui a été écrit lors de l'été 1904 : il a servi de préface à un texte de Tchertkov, la Révolution violente et la libération chrétienne, son disciple, personnage intriguant et trouble qui n'a fait que profiter de la générosité d'un vieil homme et dont la malice a pourri l'ambiance au sein de la famille Tolstoï. A cause de ce sale type, la réputation de Sophie Tolstoï s'en est trouvée altérée dans un contexte révolutionnaire tous azimuts et faisandé où plus tard Lénine n'a fait qu'en recueillir les lauriers.

En fait, apprend-t-on dans son journal, il écrit Sur la Révolution en mai 1904 et n'est pas satisfait de son texte, alors la demande de Monsieur Tchertkov attendra 3 mois. La révolution inspire tellement Tolstoï, il est vrai qu'elle suinte de partout, que les idées lui viennent sans difficulté, lui qui projetait de reprendre la même année les Décembristes laissés pour Guerre et Paix 40 ans plus tôt. L'année 1904 sera l'occasion pour l'écrivain russe d'écrire encore une magnifique nouvelle sur la révolution avec "Le Divin et l'humain", et encore sur la guerre. Il ne chôme pas, il a 76 ans, multiplie les diatribes contre le tsar, se passionne pour la philosophie, le Père Serge réveille ses vieux démons .. Sa santé va mieux, il fait de la marche, du cheval pendant des heures.. Sophie est revenue de Moscou ..

" je n'ai pas achevé ce passage que déjà Plehwe n'est plus là et à sa place on pense nommer quelque autre, probablement encore plus nuisible que Plehwe, parce que, après le meurtre de Plehwe, le gouvernement doit devenir encore plus cruel. "
Commenter  J’apprécie          116
L'oeuvre politique du Tolstoï anarchiste a longtemps été escamotée par les monuments littéraires du Tolstoï romancier. Dans ces articles parus au moment de la révolution russe de 1905, il appelle à l'insoumission contre toute forme de gouvernement, monarchie comme république, puisque nécessairement fondé sur la violence et l'oppression.
(...)
Si ce recueil d'articles présente quelques redondances, inconvénient inhérent à la forme, les différentes formulations et illustrations de la pensée de Tolstoï auront le mérite de parfaitement l'expliciter. Si sa dénonciation de la « superstition étatiste » est bien « révolutionnaire », on pourra s'étonner qu'il ne cite jamais Bakounine, ni n'évoque la remise en cause de la religion comme domination d'Elisée Reclus ou Kropotkine.

Article complet sur le blog.
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
Commenter  J’apprécie          220

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le gouvernement en général, pas seulement militaire, pourrait être inoffensif – je ne dis pas utile – s’il était composé d’hommes sains, infaillibles comme le conseille la sagesse chinoise. Mais par la nature même de son activité, toute de violence, le pouvoir est détenu par les plus immoraux, grossiers et impudents des hommes. 
Commenter  J’apprécie          150
En somme, tout gouvernement employant la violence est, dans son essence même, inutile et il est le plus grand des maux. C’est pourquoi notre oeuvre à nous, Russes, aussi bien que de tous les peuples asservis par les gouvernements, n’est pas dans la substitution d’un régime gouvernemental à un autre, mais dans la suppression de tout gouvernement. 
Commenter  J’apprécie          140
Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Les révolutionnaires disent que leur activité a pour but la destruction de cet état de choses tyrannique qui opprime et déprave les hommes. Mais, pour l'anéantir, il faut d'abord en avoir les moyens. Pour cela, il faut qu'il y ait au moins une chance de succès de cette destruction. Et il n'y a pas la moindre chance pareille.
Commenter  J’apprécie          51
Un membre d’un État le plus despotique peut être entièrement libre, bien qu’il puisse souffrir les plus cruelles violences de la part du gouvernement qu’il n’avait pas établi. Par contre, un membre d’un État constitutionnel est toujours esclave, car en s’imaginant participer au pouvoir, il reconnait la légalité de toutes les violences commises sur lui, se soumet à toute prescription de l’autorité, au point qu’il perd toute notion de ce qu’est la véritable liberté. Croyant se libérer, il devient de plus en plus l’esclave de son gouvernement.
Commenter  J’apprécie          30
Un homme d’État vertueux est une contradiction aussi flagrante qu’une prostituée vertueuse, ou un sobre ivrogne, ou un pacifique brigand. 
Commenter  J’apprécie          130

Videos de Léon Tolstoï (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Léon Tolstoï
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous quel grand écrivain russe a milité toute sa vie contre la violence ? L'auteur de « Guerre et Paix » et de « Anna Karénine »…
« Inutilité de la violence » de Léon Tolstoï, c'est à lire en poche chez Payot.
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (26) Voir plus



Quiz Voir plus

Anna Karénine

Qui est l'auteur de ce livre ? (C'est facile, c'est écrit dans le thème ;))

Nikolai Gogol
Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski
Léon Tolstoï
Alexandre Pouchkine

20 questions
152 lecteurs ont répondu
Thème : Anna Karénine de Léon TolstoïCréer un quiz sur ce livre

{* *}