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EAN : 9782359053418
260 pages
Ecriture (25/11/2021)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Le 28 juillet 1846, Gustave Flaubert, 24 ans, grand gaillard moustachu, rencontre Louise Colet qui pose dans l’atelier du sculpteur James Pradier. Éclatante beauté de dix ans son aînée, elle est plus connue pour ses frasques sentimentales et son caractère emporté que pour sa production littéraire, pourtant non dénuée d’intérêt. Lui-même sacrifie au « culte fanatique de l’art », unique consolation à « la triste plaisanterie de l’existence », mais n’a encore rien publ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Heureuse époque pour les biographes d'écrivains que celle permettant, grâce aux échanges épistolaires, de reconstituer les vingt-deux rencontres de Gustave et Louise. Depuis le temps s'est accéléré, les échanges ont pris de multiples chemins et les biographies seront, je n'en doute pas, de plus en plus incertaines et sujet à controverse. Tandis qu'ici l'auteur structure son récit à partir des lettres de Gustave et de Louise, telles qu'elles ont été conservées, se contentant d'en commenter des extraits choisis, avec beaucoup d'humour et de retenue.

De leur rencontre entre 1846 et 1848, les amants ne se seront vus que six fois, un premier acte mouvementé. le chapitre 10 est d'ailleurs intitulé très finement « Entracte », avec rupture puis départ de Flaubert en orient accompagné de son ami du Camp. Entracte au cours duquel Louise connaît diverses liaisons amoureuses qui ne parviennent pas à lui faire oublier son grand amour. le deuxième acte court de 1851 à 1855 où une Louise obstinée parvient à ramener Gustave vers elle.

J'ai aimé découvrir la genèse des oeuvres de Flaubert. A 15 ans, Gustave est amoureux d'Elisa Schlésinger. Elle servira de modèle à Marie Arnoux dans L'éducation sentimentale.
Après l'échec de la Tentation de saint Antoine, le sujet de Madame Bovary aurait été soufflé par son ami Bouilhet reprochant à Gustave une tendance à tomber dans le lyrisme...

Gustave cultivera toute sa vie l'exaltation de l'adolescence, l'amour, la pureté, la beauté, le sublime, l'éternité. Il va s'attacher à construire son oeuvre, seul endroit où il peut trouver l'absolu recherché. L'amitié chez lui est masculine et sert sa passion d'écrivain (Louis Bouilhet, Maxime du Camp...). L'amour qu'il porte à Louise est d'autant plus intense qu'il la tient éloignée de son quotidien.

L'auteur s'agace par moment de ce qu'il trouve dans les lettres de Gustave. « On ne saurait être plus goujat ! »... « Quelle triste conception de l'amour ! ». Joseph Vebret admire visiblement l'écrivain mais a plutôt le coeur du côté de Louise, amoureuse d'un drôle de lascar donnant moins qu'il ne reçoit. Encore qu'il module : pour ces deux-là on a l'alliance de l'eau et du feu ; Louise en prise avec la vie parisienne, autrice reconnue tenant salon alors que Gustave en Normandie rêve d'accéder au statut d'écrivain ; elle vivant intensément chaque jour, lui se retirant le plus possible dans la littérature.

Louise et son entêtement ! Une femme forte, qui ne s'en laisse pas compter. Liée avec divers artistes de renom, poétesse célèbre, couronnée par l'Académie française, elle a tenu salon chez elle avec Victor Hugo, Alfred de Musset, Alfred de Vigny, Charles Baudelaire, ainsi que de nombreux peintres et politiciens...

George Sand avait eu une relation avec Alfred de Musset dans leur jeunesse. On retrouve le même Musset, vieillissant et porté sur l'alcool, en amant de compensation d'une Louise désemparée. La biographie de l'ouvrage cite des titres qui disent beaucoup : « L'indomptable Louise Colet », Louise Colet ou la Muse », Gustave Flaubert, une manière de vivre », « Louise Colet. du sang, de la bile, de l'encre et du malheur », « Les véhémences de Louise Colet », « Louise Colet et ses amis littéraires », « Mon cher volcan ou la vie passionnée de Louise Colet », « Flaubert, une jeunesse d'ours », « Louise Colet ou l'éclectisme littéraire. Une écrivaine parmi les hommes. »

J'ai eu aussi quelques surprises : Gustave s'engageant dans la garde nationale et qui aurait été vu participant à une barricade un fusil à la main lors de la révolution de 1848 ? Mythe ou réalité ? Personnellement je ne l'imagine pas autrement qu'en observateur prudent...

Gustave avait tous les atouts en main et a réussi à atteindre son objectif de postérité. Louise a dû batailler dur et est en passe d'être oubliée. On doit être reconnaissant à Joseph Vebret de redonner une visibilité à celle que Gustave Flaubert appelait « La muse ». Rare sont les femmes à passer la barre de la misogynie à cette époque et quand une George Sand y parvient, c'est en masculinisant son nom !

Joseph Vebret est auteur et éditeur. Il a notamment écrit sur les procès de Gustave Flaubert, Charles Baudelaire et Oscar Wilde, ceci parmi une quarantaine d'ouvrages (romans, récits historiques, théâtre, anthologies). Ce Flaubert et Louise Colet est parfait, passionnant de bout en bout. Il m'a éclairé, une fois de plus, sur les mécanismes conduisant à la sélection littéraire, qui n'a rien de naturel et d'absolu. J'aime m'intéresser aux oublié (es) de ce récit national qui gomme ce qui lui déplaît. Vous avez compris que cette Louise Colet attire ma curiosité. Depuis quelques années on la redécouvre et pour la première fois depuis longtemps deux de ses romans ont été réédités : Un drame dans la rue de Rivoli et Une Histoire de soldat. Je serais peut-être amené à parler dans quelques temps de celle qui a aidé Victor Hugo lors de son exil et que celui-ci acclamait, ce n'est pas rien. du côté de Gustave Flaubert il a la longue amitié avec la dame de Nohant et c'est beaucoup pour moi également. Heureux livre qui réunit (ou désunit...) tous ces personnages.

Si vous vous intéressez à la littérature du XIXe siècle, à l'art de la biographie, aux livres épistolaires... ce livre de Joseph Vebret est fait pour vous.

Chronique avec illustrations (dessins de Gustave et Louise, de la propriété De Croisset, de la couverture... ) sur Bibliofeel .

Je n'ai pas trouvé de photo de Gustave jeune car il n'était pas du tout en vue. A l'inverse il y a quantité de dessins, gravures et photos de Louise, plus âgée de 10 ans et déjà célèbre dans sa jeunesse.
Propriété de Croisset, imaginée par Thomsen, 1937.
Pavillon de Croisset. Photo : Service audiovisuel, Faculté des Lettres, Université de Rouen

Flaubert meurt à Croisset, le 8 mai 1880, en plein travail sur les dernières pages de Bouvard et Pécuchet.
Peu après, le domaine De Croisset est vendu par les Commanville, et la grande maison est immédiatement détruite. On dit qu'elle se dégradait, qu'il aurait fallu beaucoup d'argent pour l'entretenir. Les Commanville n'avaient pas les fonds nécessaires, et la vente permettait d'éponger bien des dettes.
On a beaucoup glosé sur le devenir de cette maison d'artiste : une usine à pétrole (signe d'un progrès industriel que Flaubert détestait) ; une distillerie d'alcool (à part quelques grogs, on ne lui connaissait aucun penchant pour les boissons fortes) ; une fabrique de papier (ironie du sort…).
Site Université de Rouen

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Les histoires d'amour finissent mal en général, chantaient Les Rita Mitsouko. Les amours de Gustave Flaubert et Louise Colet aussi.
Fameux couple que ces deux-là, si on peut parler de couple puisque les deux tourtereaux n'ont jamais vécu ensemble, que leurs moments d'intimité furent rares (une vingtaine de rencontres dans des chambres d'hôtel en douze années de relation), et que leurs disputes, déclarations d'amour ou de guerre, devenues légendaires, ont généré des centaines de lettres tantôt enflammées, tantôt houleuses et même vachardes.
Tout commençait pourtant bien entre eux. Un véritable coup de foudre même entre Louise, femme de lettres déjà adoubée par ses pairs, pourvue d'un mari, de nombreux soupirants, et Gustave, jeune écrivain solitaire, ...plutôt pas marrant ... et vivant toujours chez sa maman.
Une passion sexuelle, intellectuelle rythmée par les soupirs de Louise et les rebuffades de Gustave, les colères de Louise et les rejets de Gustave.
le feu et la glace ne font pas bon ménage !
C'est que Gustave, bien trop épris de sa liberté, a très vite freiné des quatre fers devant le désir de sa volcanique maîtresse de construire un nid commun. Amoureux fétichiste, transcendant l'amour par l'absence, Gustave était bien de son temps, c'est -à-dire misogyne, et pouvait bien vivre loin de Louise dont la présence ne lui était pas indispensable. Misogyne mais surtout obsédé par son art, il ne pouvait pas si mal tomber face à l'amour sans limite de Louise. "Lâche", "couard", canaille ", lui écrit-elle. "Folle ", "emmerdeuse", lui répond-il. "Je t'aime à la folie", se disent-ils ensuite. Quelle relation !
Finalement, Gustave, ne pouvant mener deux choses à la fois, aimer et enfanter de son Emma Bovary, n'a jamais été capable de donner à Louise ce qu'elle attendait et les deux amants, fâchés, se sont quittés avec fracas, rancoeurs et regrets.
Peu après l'enterrement de Louise, Gustave, incorrigible égoïste et écrivain avant tout, écrivait : "Bref, après tout un après-midi passé dans les jours disparus, j'ai voulu ne plus y songer et je me suis remis à la besogne "...
Joseph Vebret nous raconte cette passion tumultueuse avec des extraits des nombreuses lettres que les deux amants se sont échangées. le récit est vivant et chronologiquement précis. Il nous donne surtout l'occasion de connaître un peu mieux Louise Colet, cantonnée durant très longtemps dans le rôle de la maîtresse turbulente de Flaubert au détriment de sa production littéraire.
Merci à la maison d'édition Écriture et à la Masse Critique de Babelio pour cet excellent moment de lecture.
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Merci à Babelio et à Ecriture pour cette découverte.

On ne parle pas ici de grande littérature au niveau du style, mais j'ai beaucoup aimé ce parti pris de restituer la vie de Flaubert au travers de sa relation avec Louise Colet. La structure du livre fait qu'on le lit aisément car les extraits des oeuvres des deux protagonistes rendent le récit très vivant. de même, certains moments, partagés ou pas, de leur vie, tels que décrits par l'auteur, nous font clairement comprendre leur influence sur l'oeuvre de Gustave Flaubert et Louise Colet.

Autre point très intéressant : la vie à Paris et en Normandie dans les années 1840-1870, très bien décrite et finement illustrée. L'auteur a sûrement fait beaucoup de recherches pour restituer de manière si fidèle (en tout cas aucun détail ne choque, au contraire, on est vite transporté dans l'époque) l'atmosphère de la capitale et de la proche province.

La psychologie des personnages (pas uniquement des deux principaux) est très bien travaillée, on n'est pas loin du roman. Ainsi, même les lecteurs qui ne sont pas passionnés par Flaubert ou sa Muse peuvent vraiment passer un bon moment de lecture.
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Lu dans le cadre de "Masse critique" Drôles de corps , drôles d'esprits ! La liaison de Louise Colet et de Gustave Flaubert entre étreintes passionnées (rares mais intenses) et correspondance (surabondante) tour à tour enflammée, acrimonieuse et intellectuelle est le sujet de cet ouvrage. « Sur un malentendu , ça pourrait marcher » (il faut toujours citer les grands auteurs) mais ça ne marchera pas ,ou si peu. Car malentendu il y a , entre le désir d'un amour fusionnel et exclusif de l'une , et la liaison charnelle épisodique doublée d'un compagnonnage intellectuel de l'autre. Les deux n'excluant pas les escapades sentimentales et passades : Louise avec Musset , Vigny etc (excusez du peu) ,Gustave avec ses almées orientales et surtout Emma Bovary. de cette étude approfondie menée par Joseph Vebret il ressort un côté peu glorieux de Flaubert adepte de la misogynie féroce de son siècle et une sympathie pour Louise , féministe convaincue et femme engagée (elle soutint aussi la Commune et Hugo en exil) . Mais de cet embarquement pour Cythère avec tempête et naufrage ,il reste des lettres passionnantes comme on n'en écrit plus.
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Cet essai combine des extraits de la correspondance entre Louise Colet, Flaubert et le récit de leurs vies.
J'ai aimé cette parfaite alchimie entre ces deux formats qui éclairent les jeunes années du grand écrivain : ses relations avec sa mère omniprésente, ses maladies, ses premiers écrits et la vie parisienne entouré d'autres artistes.
À la fois témoignage d'une époque et portraits de deux artistes, un écrivain en devenir et une poétesse, cet ouvrage m'a beaucoup intéressée.
Leurs relations sont chaotiques : parfois amoureuses et d'autres fois ils se déchirent. Louise n'accepte pas l'éloignement de Gustave qu'elle ne comprend pas. Comment expliquer le refus de Flaubert de la présenter à sa famille ?
L'écriture fluide et le rythme enlevé contribuent à rendre ce texte accessible à tous et captivant.
Je recommande à tous les passionnés de Flaubert cet ouvrage
Lien : https://www.despagesetdesile..
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Il a conscience d’être à part, de ne pas être fait pour une existence normale, un métier, un foyer, des enfants, des obligations, des soucis. Et le reste, qui ne vient même pas à l’esprit de Louise : Gustave qui ne saurait vivre seul, est tributaire de sa mère. Il ne dispose d’aucun revenu. Comment pourrait-il vivre ailleurs que sous son toit, prison certes dorée ? [...] Saurait-il seulement tenir un budget ? Il dispose de tous les moyens, domestiques, gîte, couvert, linge, de mener son projet, sa folie d’étudier et d’écrire.
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Comme le temps était triste quand je t'ai quittée. Il pleuvait. Il y avait des larmes dans l'air.
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Ah ! ne me ranime pas trop, je flamberais comme de la paille. Tu vas croire que je suis égoïste, que j'ai peur de toi, eh bien oui, j'en suis épouvanté de ton amour.
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A peu de temps de là, Louise est couronnée pour la quatrième fois par l’Académie – unique dans les annales – pour son Acropole d’Athènes. Et Vigny en fait l’éloge.
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Le bonheur est un usurier qui pour un quart d'heure de joie qu'il vous prête vous fait payer toute une cargaison d'infortunes.

Lettre à Louise Colet, 23 octobre 1846, trois mois après l'avoir rencontrée.
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