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EAN : 9791037505804
313 pages
Les Arènes (10/02/2022)
3.88/5   237 notes
Résumé :
Olena Hapko, fraîchement élue à la tête de l'Ukraine, est une oligarque au passé violent et dont la Russie souhaite se débarrasser en attisant des révoltes populaires. Avec pour seules armes sa férocité et sa connaissance de la politique ukrainienne, Olga Hapko entend survivre à cette tentative de déstabilisation.
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
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Cela a été extrêmement troublant de lire ce roman tant il résonne avec l'actualité du moment, en l'occurence le terrible bras de fer qui se joue à la frontière russo-ukrainienne. Ou quand la fiction croise la réalité et glace.

Emérite journaliste spécialiste des pays de l'ex bloc soviétique, correspondant du Monde, lauréat du prix Albert Londres 2019, Benoît Vitkine s'est déjà essayé à la fiction avec un premier roman très réussi, Donbass, sur un trame policière. Cette fois, il opte pour un thriller politique proche du roman noir. Olena Hapko vient de remporter les élections présidentielles ukrainiennes. Dans trente jours, elle sera investie. Trente jours de lutte à mort face aux oligarques ukrainiens et aux services secrets de Poutine qui vont tout faire pour l'abattre.

Comme dans Donbass, l'auteur parvient à éclairer de façon très lisible toute la complexité de la situation ulkrainienne depuis l'écroulement de l'URSS en 1991. Pour Poutine ( personnage assumé du roman ), l'indépendance de l'Ukraine est une trahison de Gorbatchev et des Occidentaux, une incongruité qu'il veut détruire ou à laquelle il peut éventuellement pardonner à condition qu'elle joue selon ses règles en acceptant manipulations et corruptions. Olena a été élue sur un programme de promesses réformatrices afin de laisser respirer un pays étouffé par les commissions illicites prélevées sur tout par les oligarques. Inacceptable pour les Russes qui lancent une campagne de krompomat ( art du chantage né du KGB consistant à discréditer quelqu'un par la publication de documents compromettants ) en fouillant dans son peu recommandable passé.

Là où l'auteur fait très fort, c'est qu'il ne choisit pas une héroïne attachante mais une véritable badass avide de pouvoir, qui a tout défoncé pour s'extraire de son milieu, elle, la femme d'affaires redoutable qui a construit son ascension avec les mêmes pratiques que les oligarques qu'elle a désormais à affronter. Pour elle, la conquête ne s'arrête que lorsque l'ennemi est totalement écrasé. Autant dire qu'elle ne va pas se laisser faire. c'est absolument jubilatoire de lire les passages décrivant de son point de vue les moeurs de l'élite post-soviétique dans le marigot ukrainien. Benoît Vitkine manie parfaitement un humour très noir.

«  Elle leur a offert ce qu'ils voulaient. C'est à la vulgarité qu'on jauge le pouvoir, se dit-elle en regardant la fille balancer ses jambes dans une belle harmonie. Il n'y a que ces Européens arriérés pour croire que le luxe se mesure au silence feutré et au moelleux des fauteuils. Des coqs privés de griffes, des enfants gâtés engoncés dans leur timidité qui ont oublié une chose : le luxe est un combat, une victoire, qu'il convient de célébrer avec bruit et fureur. Avec du champagne et de la vodka, pas avec de la camomille. »

Dès les premiers chapitres, on est totalement embarqué dans le compte-à-rebours pour la survie ( ou pas ) d'Olena. L'intrigue est nette et resserrée Les chapitres égrènent le défilé des trente jours avant l'investiture présidentielle. La machine narrative est ultra propulsive, sans temps morts et crée un vrai suspense jusqu'à un final inattendu, truculent même qui tire le roman vers la fable politique cruelle, avec l'ombre du célèbre communiste libertaire Nestor Makhno ( mort en 1934 ) qui plane au-dessus de la ville orientale de Gouliaï Polié, là où tout va se jouer, sa ville natale comme celle d'Olena.

Une excellente lecture qui allie très intelligemment le fond et la forme, sans manichéisme afin de laisser toute sa place au discernement du lecteur. Je ne peux que vous conseiller cette lecture, ainsi que son précédent roman Donbass si le sujet vous intéresse.
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Trente jours séparent Olena Hapko, la nouvelle présidente de l'Ukraine juste élue, de son investiture. Trente jours pendant lesquels il va lui falloir jouer serré pour contrer les tentatives de déstabilisation des Russes, bien décidés à la faire tomber. Mais l'expérience et la férocité de cette oligarque habituée à employer la manière forte suffiront-elles ? Surtout lorsque le passé et ses violences ne demandent qu'à resurgir...


Journaliste spécialiste des pays de l'ancien bloc soviétique, Benoît Vitkine a obtenu en 2019 le prix Albert Londres pour ses enquêtes sur l'influence russe, tout particulièrement dans le cadre de la guerre du Donbass. En 2020, son premier roman Donbass nous impressionnait, sous couvert d'un polar, par ses images fortes et réalistes du calvaire vécu par la population de cette région, et par son habileté à rendre intelligible le contexte géo-politique ukrainien. Ce second roman poursuit dans la même excellente veine, avec une histoire aussi addictive, mais, sans aucun doute, bien plus frappante encore. Car, si, en dehors de Poutine et de quelques-un de ses proches, tous les personnages en sont fictifs, ils sont inspirés de personnalités réelles et composent un tableau, à ce point sidérant et effrayant soit-il, tout à fait représentatif de la situation ukrainienne il y a dix ans. Sous le choc, c'est d'un oeil transformé et troublé que le lecteur observera, après cette lecture, la brûlante actualité russo-ukrainienne !


Alors que Donbass nous immergeait de plein-pied dans le quotidien sans horizon de petites gens s'épuisant à survivre, entre peur et misère, dans une société gangrenée à tous les étages par la violence et la corruption, nous voici cette fois au coeur des manigances des puissants, dans un combat sans limites pour le pouvoir. Olena Hapko est l'une de ses personnalités qui ont su profiter de l'effondrement du système soviétique pour, peu importe la méthode, s'emparer de secteurs économiques et bâtir des empires personnels leur assurant richesse et puissance. Crime et grand banditisme, complots et manipulations, intimidation et violence la plus extrême, forment le quotidien de ces oligarques pétris de brutalité et dénués de tout scrupule, qui, par la force, la peur et la corruption, tiennent entre leurs mains pouvoirs politique, économique et financier. Toute cette clique s'étripe sans merci dans de monstrueux combats d'égos, dont pays et populations tout entiers paient le prix fort. Les stratégies sont machiavéliques et ne renoncent à aucun moyen. Et toujours, en arrière-plan de ces affrontements, se dessine l'ombre du pouvoir suprême, celle du président de la Fédération de Russie, attentif à la moindre opportunité d'avancer ses propres pions en faveur de la puissance russe…


Le roman permet à Benoît Vitkine de donner corps, de la manière la plus parlante et le plus frappante qui soit, à sa connaissance fine de la situation et des intervenants à l'oeuvre en Ukraine et en Russie. Les stupéfiants rebondissements et retournements de son intrigue tendue par un implacable compte-à-rebours, tout comme ses personnages d'une férocité et d'un machiavélisme débridés dans leur affrontement sanguinaire pour le pouvoir, laissent entrevoir des nations russe et ukrainienne régentées, de haut en bas, mais aussi dans leur relation au monde, par la seule loi du rapport de force. La dernière page des Loups tournée, une évidence s'impose : le jeu de bras de fer russe ne date pas d'hier, la Crimée en ayant notamment déjà fait les frais. Il vient juste de s'élargir brutalement, en nous impliquant, nous, les Occidentaux, dans un test majeur, et pas seulement pour l'Ukraine. Car c'est le rapport de force mondial que Poutine s'estime désormais capable d'éprouver en attaquant ouvertement son voisin, comme s'il se sentait maintenant loup en chef...


Une lecture forte et troublante, très éclairante dans le contexte du moment. Coup de coeur.

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Quel point commun y a-t-il entre cette adolescente rebelle de seize ans qui riait sous le soleil de l'été 1976 au bord d'une plage de Crimée et cette femme ambitieuse et déterminée, un jour de juin 2012 à Kiev, qui s'apprête à être investie demain aux fonctions de la Présidence de la République de l'Ukraine ?
Il s'agit de la même femme, Olena Hapko, celle qu'on appelle désormais La Chienne. Trente-six ans se sont écoulés, tandis que trente jours séparent encore son élection de la cérémonie d'investiture qui la placera au sommet de l'État.
Olena Hapko a été élue sur un programme ambitieux, le peuple ukrainien lui a donné sa confiance, car elle s'est engagée à lutter contre la corruption qui gangrène son pays.
Dès le début du roman, nous sommes happés sur un rythme effréné par ces deux chemins, ces deux itinéraires qui se croisent comme des lacets, tourmentés et chaotiques.
Trente-six ans après cette journée presque désinvolte sur une plage de Crimée où elle serrait déjà les poings devant le machisme de ses camarades masculins, cette femme savoure enfin sa victoire, son ascension dans le monde des affaires fut très rapide, un itinéraire au passé violent, pas toujours clair, pas toujours loyal envers ses proches, mais il faut savoir jouer des coudes, tenir bon, survivre...
Dans ce marigot infernal, grenouillent les agents des services secrets russes et les oligarques ukrainiens, ceux qu'on surnomme ici Les loups. Quels sont les pires de ses ennemis entre deux maux qui se ressemblent ?
Nous les voyons s'agiter dans l'ombre, et parfois carrément à ciel ouvert, se livrer dans une lutte sans merci pour imposer leur loi et empêcher qu'Olena Hapko accède à la Présidence de l'Ukraine, dirige le pays comme elle le souhaite et surtout comme elle l'a promis dans son programme qui l'a amené à triompher contre le candidat Président sortant, celui-là qui trimballe des casseroles dignes de celles accrochées au mur de la grande cuisine du château de Chenonceaux.
Olena Hapko a 52 ans, elle est intelligente, elle sait qu'elle doit composer avec Les Loups, chacun des deux camps peut y trouver un intérêt, mais elle ne veut pas transiger sur la promesse pour laquelle elle a été élue par le peuple qui est à cran : la corruption. Pourtant, la corruption, autrefois elle y a goûté aussi, avec jubilation... Mais c'était avant...
Bienvenue en Ukraine !
Les ennemis ne sont pas toujours là où on les attend... Ils peuvent aussi être construits, manoeuvrés, instrumentalisés comme des marionnettes par ceux qu'on craignait au départ. Ils peuvent survenir d'un passé qui rattrape le présent, comme une vague de fond qui revient sournoisement.
L'ennemi peut aussi être un cahier d'école, un noyau de cerise qui devient un véritable caillou dans la chaussure, une jeune fille dénommée Katia dont le visage sera défigurée par l'acide. On appelle cela l'effet papillon.
En ce jour de gloire, elle sait que tout peut encore basculer. Il lui reste un mois avant d'être investie. Mais Olena Hapko est forte. Elle est féroce, impitoyable, intelligente aussi et c'est cette dernière qualité qui peut être sa meilleure alliée...
Benoît Vitkine m'a entraîné ici dans un thriller politique totalement addictif. Il y a un scénario politique en effet qui se dessine, qui se construit habilement un peu comme une partie d'échecs durant trente jours où il faut négocier avec ceux qui tiennent le pays et puis il y a une autre histoire en toile de fond, celle qui traverse trente-six ans d'un paysage ukrainien malmené déjà depuis bien longtemps par la grande Histoire.
Mais surtout, dans ce récit incroyable qui en fait aussi sa force et sa crédibilité, Benoît Vitkine convoque des personnages saisissants de vérité et attachants d'émotions. Autour d'une comète fulgurante figurent de très belles étoiles qui ont leur mot à dire et une raison d'être dans ce récit. J'ai aimé ces personnages presque anonymes, Katia Galiouk, son ami Marko, la vieille institutrice Larissa Ivanovna, Semion Moisssenko dit Semion Grandes-Mains allié historique d'Olena Hapko, qui réside désormais dans le quartier d'Obolon où vit ma belle-famille, - ou plutôt vivait avant la guerre... Autant de destins fracassés dans le parcours d'Olena Hapko...
Je me suis demandé si, dans la solitude effroyable du pouvoir, cette femme aimait, doutait, regrettait, avait un coeur qui bat...
J'ai adoré ce récit qui se veut de fiction, mais j'ai bien saisi le message de l'auteur qui connaît bien son sujet. Même si Olena Hapko est un personnage de fiction, ce récit est d'un réalisme sidérant. La fiction sert ici à décrire la réalité peut-être plus féroce encore.
Dans la fiction de ce récit, un personnage réel se détache tirant les manettes de ce scénario comme il le fait encore aujourd'hui, on voudrait qu'il soit fictif, ce Vladimir Poutine au regard d'acier, au sourire de métal, caricature de lui-même sortie tout droit d'un mauvais James Bond, guignol ubuesque et machiavélique qui voudrait réécrire L Histoire à sa façon, j'ai peine à prononcer son nom ce soir.
Quelques temps avant la guerre actuelle, je me souviens que l'Ukraine était encore et déjà une jeune démocratie. Trente ans, c'est encore jeune. Déjà tournée vers l'Occident, l'Europe, elle cherchait à s'émanciper du vieux modèle encore présent, se tourner vers un mode de fonctionnement plus transparent, plus européen, quelque chose non seulement inacceptable pour la Russie, mais en plus, représentant un danger pour la mainmise russe. Ceci explique peut-être la raison pour laquelle Poutine décida de déclarer la guerre à l'Ukraine un 24 février et tenta de fabriquer un alibi qui ne tint pas la route longtemps, sauf malheureusement aux yeux du peuple russe qui gobe comme des mouches tout ce que le pouvoir lui dit, hélas a-t-il le choix... ?
La fin du récit est à la hauteur de ce roman que j'ai vraiment adoré. Benoît Vitkine m'a totalement convaincu dans son propos narratif.
Bienvenue en Ukraine !
C'est le message qui me fut délivré lorsque j'atterris pour la première fois en Ukraine, à l'aéroport de Kiev Boryspil un certain 27 décembre 2014, accueilli par celle qui allait devenir mon épouse...
Elle m'entraîna dès le lendemain sur Maïdan Nezalejnosti, la place Maïdan, la place de l'Indépendance, l'esplanade centrale de Kiev, celle où tout le pays converge à chaque coup chaud... j'y découvrais 109 photos dressées tout autour de la place, des résistants abattus comme des lapins par les snipers russes depuis le toit d'un des grands hôtels qui dominaient la place, l'Hôtel Ukraine, un certain 18 février 2014, lors de la fameuse révolution de Maïdan... Sous chaque photo, des bougies étaient régulièrement allumées. Des femmes pleuraient ici encore, des mères, des soeurs, des épouses... Les larmes me sont venues en imaginant cette résistance d'un peuple si proche géographiquement de nous en 2014 renversant le Président Viktor Ianoukovytch inféodé au pouvoir russe, les larmes me sont venues devant la photo du plus jeune, 17 ans, et du plus ancien, 79 ans... Je croyais entendre à cet instant-là leurs voix, des cris, le bruit des balles, j'ai alors compris que derrière ce pays il y avait une nation incroyable, éprise de solidarité et de résilience. Puis nos pas nous entraînèrent vers la poursuite de cette visite insolite de Kiev, mais là c'est une autre histoire...
Je me suis attaché à ce peuple ukrainien qui m'a adopté. J'avais entendu parler d'un pays corrompu et un soir je me suis retrouvé dans un bus bondé.
À chaque arrêt de station, le passager entrait par l'arrière du bus et tendait un billet pour payer sa place et je voyais son billet passer de main en main jusqu'au chauffeur qui rendait la monnaie et celle-ci refaisait le même voyage en sens inverse... J'ai été épaté par cette scène ordinaire et incroyable. Qui a dit que la corruption était à tous les étages en Ukraine ?
Cette lecture m'a totalement troublé. Elle nous éclaire sur ce qui se passe aujourd'hui dans la guerre d'Ukraine et permet de nous donner quelques clefs de lecture. Puisse la paix revenir au plus vite dans ce pays dont le peuple aspire à une vraie démocratie ! À la paix, à la liberté, à l'amour aussi car des femmes ont fui leur pays, fui des bras amoureux pour se protéger des bombes et de la barbarie des soldats russes...
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Dans ce thriller politique on ne peut plus d'actualité, Benoît Vetkine dévoile les arcanes du pouvoir à l'occasion de l'élection de la nouvelle Présidente de l'Ukraine. Ancienne femme d'affaires, Olena Hapko a dû s'adapter aux pratiques en vigueur, essentiellement masculines, pour obtenir la richesse et asseoir son pouvoir : pas toujours légales, souvent violentes. Parfois mortelles. Poursuivant son ascension, elle s'est pourtant faite élire du peuple ukrainien en promettant de nettoyer le pays de la corruption. Mais les puissants dont elle a besoin pour accomplir cette prouesse sont, à leur tour, prêts à tout pour défendre leurs intérêts et protéger leurs acquis. Si aucun n'est contre le fait de profiter de la protection de la future présidente, rares sont ceux qui, sous couvert de donner leur appui, ne manigancent pas pour eux-mêmes… ou des intérêts encore supérieurs, voire même étrangers.
La nouvelle présidente a un mois avant son investiture officielle : un mois pour solidifier ses appuis, fidéliser ses partenaires - ou les contraindre. Manipulation des médias par ses ennemis, contre-manipulation des forces de l'ordre par la future Présidente, menace des familles de ses amis politiques : Aucune manoeuvre n'est à négliger pour parvenir à ses fins, surtout lorsque Vladimir Poutine la fait chanter et la menace (discrètement) de mort si elle n'accepte pas de signer de nouvelles conditions contractuelles pour le fameux gazoduc…! Mais si tous ces enrichissements personnels et toutes ces corruptions mortelles étaient découverts par le peuple, soutiendrait-il encore sa nouvelle Présidente, ou le scandale lui serait-il fatal…?


Benoît Vetkine est le correspondant du Monde à Moscou. En tant que journaliste, il a notamment couvert la guerre dans l'Est de l'Ukraine. Autant vous dire qu'il connaît bien son sujet et que son livre, sorti en février 2022, est visionnaire. Les Loups, qu'il a certes romancés pour raconter son histoire, il les connaît. le lire à l'occasion de l'actualité brûlante qui les invite tous les soirs dans nos salons n'en est que plus effrayant - et désolant. L'auteur précise d'ailleurs à la fin de l'ouvrage que si la plupart des personnages du roman n'existent pas en tant que tels, ils sont inspirés de personnalités réelles, parfois de croisements de personnalités. « Les Loups n'existent pas, pourtant leur emprise sur l'Ukraine est indéniable. Ils contrôlent les médias, son industrie, ses députés. » Et par la corruption, sa justice. le roman est rendu d'autant plus réaliste qu'il met par ailleurs en scène des personnages existant bel et bien, comme ce Président russe qu'on ne présente plus. Par extension, il est bien évident que ce genre de manigances n'existe pas uniquement dans les Etats de l'Est. Il est toujours intéressant de voir jusqu'où peut aller la nature humaine, même si elle est souvent laide et effrayante.


Pour raconter son histoire, Vetkine marie une plume fluide à une construction efficace : Il alterne chaque jour qui sépare la nouvelle Présidente de son investiture avec des événements du passé qui auront des conséquences de nos jours. On apprend ainsi à connaître la personne privée et la personne publique, ses actes, ses convictions. Une narration moderne, un sujet brûlant d'actualité, un rythme effréné qui ne laisse aucun répit. 300 pages qui roulent toutes seules et se lisent d'une traite, avec un joli clin d'oeil final qui permet au lecteur d'imaginer la fin...


Simple, court, efficace.
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En cette année 2012, en Ukraine une nouvelle présidente vient d'être élue, Olena Hapko. Une femme d'affaires aux dents longues qui, en préservant ses intérêts, veut faire bouger les choses dans son pays (notamment la très grande corruption). Ce qui va passer par la manipulation des oligarques ukrainiens, les loups dont elle fait partie, et n'est pas au goût des Russes qu'elle va devoir affronter jusqu'à son investiture dans une lutte à mort.

À l'heure où les armes parlent en Ukraine Benoît Vitkine, correspondant du journal le Monde à Moscou et lauréat du prix Albert-Londres 2019, donne avec Les loups une idée assez précise d'un pays que les Russes considèrent depuis son indépendance comme un enfant indiscipliné qu'il faut mettre au pas, quitte à employer les moyens les plus radicaux. Un roman noir de politique fiction passionnant qui a de quoi nous faire réfléchir sur ce qui se joue réellement derrière une guerre initiée par Poutine martyrisant l'Ukraine, loin des simplifications manichéennes journalistiques.
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critiques presse (6)
Telerama
24 juillet 2023
Impossible à lâcher et passionnant sur le fond.
Lire la critique sur le site : Telerama
LePoint
04 mai 2022
Correspondant a Moscou et Prix Albert Londres, l'auteur publie un roman noir qui fait écho a ce qu'il se passe entre la Russie et l'Ukraine.
Lire la critique sur le site : LePoint
LeJournaldeQuebec
17 avril 2022
Un thriller politique implacable qui, en plus de nous éclairer sur les arcanes du pouvoir ukrainien, nous réserve bien des surprises.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeDevoir
28 mars 2022
Même si leurs trajectoires lui semblent assez comparables à celles de leurs homologues russes, les oligarques ukrainiens sont plus intéressants aux yeux de Benoît Vitkine, qui mêle avec un certain brio dans ce roman péripéties intimes et enjeux géopolitiques.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Telerama
13 mars 2022
Les Loups brosse ainsi le portrait d’un pays, en 2012, rappelons-le, ravagé par la corruption, gangrené à tous les étages de la société. [...] Les Loups est un thriller de politique-fiction ancré dans la réalité. Parfaitement vissé et incarné. Impossible à lâcher et passionnant sur le fond.
Lire la critique sur le site : Telerama
Liberation
04 février 2022
Lire ce formidable roman noir, c’est entrer de plain-pied dans l’actualité ukrainienne où se jouent autant les ambitions personnelles que les enjeux politiques ou les butins économiques.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (82) Voir plus Ajouter une citation
– Mes chers amis, vous qui avez accepté de venir à ma rencontre ce soir, vous mesurez l’importance des liens entre nos différents pays, entre nos économies. Vous savez d’où vient mon pays. Il y a vingt ans, l’Ukraine n’existait pas. Elle n’était qu’une province de l’Union soviétique. Son économie n’était bâtie que pour alimenter la machine de production soviétique et nourrir ses citoyens. Sa culture était asservie, ses élites bâillonnées. Quant au capitalisme, nous n’en connaissions que le nom. Il nous a fallu tout apprendre, tout commencer, non pas à zéro mais avec l’héritage de quatre-vingts ans de totalitarisme. Bâtir des institutions, une économie, une conscience nationale, assurer notre sécurité, la reconnaissance de nos frontières, l’indépendance de notre armée, la loyauté de nos fonctionnaires. Nous avons fait de notre mieux… et nous avons mal fait ! (…)
– Je suis déterminée à changer les choses, mais pour cela j’ai besoin de votre aide. Nous pouvons faire toutes les promesses du monde à notre population, demander tous les sacrifices à nos fonctionnaires, sans argent nous sommes impuissants. Sans argent, les médecins continueront de demander des pots-de-vin à leurs patients. Sans argent, les juges continueront de rendre des verdicts sur mesure. Sans argent, nos députés continueront de se mettre au service des puissants. Et l’argent, c’est vous qui l’avez. (…)
– Nous ne vous demandons pas de payer nos médecins, nos juges, nos députés. Nous vous demandons de nous faire confiance, d’appuyer les réformes que nous allons engager. Vous, diplomates représentants de pays amis, nous avons besoin que vous poursuiviez, que vous intensifiiez les coopérations bilatérales déjà engagées, que vous souteniez la voie européenne choisie par l’Ukraine. Vous, hommes d’affaires, investisseurs, c’est de vous que nous avons le plus besoin. Ayez confiance dans notre pays, investissez, créez des emplois, des usines. Vos actifs seront protégés, personne ne tentera de vous extorquer de l’argent. (….)
En prononçant ces mots, elle jette un coup d’œil à la table où ont été installés les investisseurs ukrainiens les plus prestigieux. Charge à eux, après l’intervention de la Présidente, de donner corps à ses mots en proposant à leurs collègues occidentaux diverses opportunités de partenariats, de rachats d’entreprises, d’implantations d’usines. Les discussions auront lieu dans les salons de l’hôtel Hyatt, où se tient cette première édition du forum Invest Ukraine, qu’elle a voulu placer sous son patronage. Olena observe un instant ses compatriotes, essayant de comprendre ce qui les différencie de leurs collègues occidentaux. Fini le temps où les Russes et les autres post-soviétiques se distinguaient par leurs chaussures en croco, leurs costumes à rayures. Ils ont adopté les mêmes codes que les Occidentaux et, pourtant, on peut encore flairer ceux de l’ex-URSS à un kilomètre à la ronde. Quelque chose dans les gènes ou dans leur attitude, dans leurs mines fermées, peut-être. À les voir tous ensemble, Olena songe à un banc de requins. Les plus vieux, ceux qui ont l’air d’être en pleine digestion, à moitié assoupis, ressembleraient plutôt à des mérous. Mâchoire puissante sous la chair tombante, œil vif qui ne semble qu’à moitié se reposer… Les plus jeunes ont les cheveux en brosse, des polos de marque sous leurs vestes de costume, des bras puissants qu’ils travaillent à la salle de sport… « Vos actifs seront protégés », a-t-elle dit… Aucune garantie de la sorte n’existe en Ukraine, pas même pour les étrangers. Combien d’Allemands, d’Italiens, d’Américains ont perdu leurs billes, floués par un partenaire véreux, dépouillés par un oligarque gourmand ? Olena fixe du coin de l’œil Eremeev, le Technocrate, son ennemi. Elle sait qu’au cours du cocktail il va faire fureur auprès des invités, avec ses manières parfaites, sa réputation de philanthrope accompli. Comment ne pas faire confiance à un homme qui a créé le seul musée d’art contemporain de Kiev et sponsorise un festival de jazz ? Elle se souvient encore de la façon dont, cinq ans plus tôt, il a arraché un centre commercial entier à un groupe suédois. Un harcèlement léger par les services de l’hygiène, des vérifications fiscales pour déstabiliser l’adversaire, lui rappeler qu’il est en terrain hostile, puis la grosse artillerie : le Technocrate est allé jusqu’à mobiliser des juges de la Cour suprême pour faire valider les titres de propriété tout neufs lui assurant le contrôle du bien. Les managers ukrainiens qui continuaient de résister ont été convaincus à la batte de baseball. Les Suédois ont déguerpi, et il leur faudra plus qu’un beau discours d’Olena Hapko pour qu’ils aient envie de tenter à nouveau leur chance.
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Ces gamins, nous les avons élevés avec nos valeurs, nos références. Et puis, lorsqu'ils sont devenus adultes, plus rien de tout cela n'avait le moindre sens. Ces valeurs qu'on leur avait inculquées sont devenues le mal, du jour au lendemain. Tout ce qu'on leur avait dit de respecter est devenu nul et non avenu. Pour nous aussi, ça a été dur. Avec l'écroulement de l'URSS, c'est comme si on nous disait que nous avions vécu toute notre vie dans l'erreur. Mais au moins nous étions des adultes. Nous avions eu le temps de constater l'hypocrisie du système soviétique, son cynisme. Nous étions blindés comme tous les grands discours. Tout ce qu'on nous demandait, c'était de nous serrer la ceinture et de courber l'échine, une fois de plus, d'accepter que le passé était mort. Nous avions vu la violence des années quatre-vingt-dix comme un nouvel avatar de notre histoire dramatique, de notre destin. Qu'est-ce que ça pouvait nous faire, leurs " privatisation ", à nous qui avions connu la collectivisation, les purges, la guerre, les camps... Mais imaginez ce qu'ont pu ressentir ces enfants qui arrivaient à l'âge adulte à ce moment-là, pleins de confiance et d'allant. Eux ne connaissaient ni la violence, ni la cupidité, ni les cadavres étendus en pleine rue. Ils étaient habitués à croire ce qu'on leur disait, et surtout à croire en l'avenir. Comment comprendre le bien et le mal, comment savoir à quoi s'accrocher, en quoi garder foi ? Qu'est-ce que ça veut dire, quand le monde entier se met à tourner dans tous les sens, rester la même personne ou changer ?
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Elle joue à la perfection. Les Occidentaux qui l'observent ne voient que son large sourire, ses mains ouvertes en signe d'amitié. Les autres, ceux qui connaissent les rites de la violence, voient parfaitement la lueur sauvage au fond de ses yeux bleus, plus meurtrière qu'une rafale de kalachnikov.
Le Technocrate réplique en prenant une voix tout aussi mielleuse :
- Le délai entre l'élection présidentielle et l'investiture est si long ! Il s'y passe toutes sortes d’événements inattendus. Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point ces misérables trente jours pouvaient durer une éternité... J'espère vivement que nous pourrons assister tous les deux à ce moment si important pour le pays.
Ses cheveux sont d'un noir foncé, probablement teints et huilés, ramenés en arrière à l'aide d'une bonne couche de laque. Il pourrait être beau : des pommettes hautes, un nez aquilin, des lèvres fines, des yeux clairs... Un faux air de Pierce Brosnan, mais la conscience de sa supériorité s'affiche trop nettement sur son visage, le rend repoussant. Olena est heureuse que ce soit lui son ennemi le plus mortel. Parmi Les Loups, il est sans doute le plus intelligent, mais il l'a toujours sous-estimée. Sous leurs allures barbares, les autres ont au moins eu le bon sens d'accepter qu'une femme puisse jouer dans leur cour, les concurrencer, chasser le même gibier qu'eux. Lui, qui se prétend pourtant le plus européen de tous, ne l'a jamais compris.
- C'est aussi une période favorable à l'introspection, répond Olena. Chacun à la chance et le temps d'évaluer ses actions, de rectifier ses erreurs? De réfléchir aux amis qu'il s'est choisis...
Elle s'interrompt en voyant l'ambassadeur danois s'approcher du petit groupe qui s'est formé autour d'elle et du Technocrate. Résolument, elle tourne les talons et montre son dos à l'oligarque. Elle prend une profonde inspiration et d'un mouvement brusque du haut du corps elle projette sa poitrine vers l'avant en même temps qu'elle qu'elle tend une main chaude au diplomate scandinave.
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Les places d’honneur, les bancs en bois rongé qui encadrent les sorites d’immeubles, sont occupés par les vieilles vigies immuables qui n’osent pas encore faire tomber les grosses laines qui les ont emmaillotées durant la saison froide.
Elles forment une haie d’honneur de vieux chiffons, de jupes bariolées. Leurs voix éraillées se chauffent, peinent à s’accorder.
Tout l’été, elles commenteront les agissements des uns et des autres, alternant entre la bienveillance et l’acrimonie selon des équations antiques, impénétrables au commun des mortels, distribuant sourires tendres et grimaces hautaines avec la même conviction.
Pour l’heure, elles n’ont que les ragots du printemps à se mettre sous la dent, rumeurs ressassées cent fois, accusations malveillantes, où se mêlent des « avortements », des « prisons », et adoucies seulement par la mention des nouvelles naissances, des nouvelles poussettes, dont elles observent le défilé.
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 À vrai dire, dans l’esprit du président russe, l’idée même de peuple ukrainien est une vue de l’esprit. Les Ukrainiens ne sont rien de plus qu’une copie, certes un peu brouillonne, des Russes. Un prototype qui a mal tourné. L’indépendance ukrainienne a été une nouvelle trahison de ce pleutre de Gorbatchev et des Occidentaux. À présent ceux-ci cherchent à attirer l’Ukraine dans leurs filets. À lui, Poutine, de rétablir la balance.
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