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sur 8268 notes
Germinal, c'est un monument. Un chef-d'oeuvre qui n'a pas pris une ride. Une plongée en apnée au coeur de la mine, et on souffre avec ces hommes et ces femmes qui descendent jour après jour dans la fosse, pour un salaire qui ne leur permet pas de manger à leur faim.

On retrouve Etienne Lantier, à la recherche d'un travail, prêt à accepter n'importe quoi pour ne pas mourir de faim. C'est ainsi que son sort se lie aux herscheuses, aux haveurs et à tous ces forçats que la mine détruit un peu plus chaque jour qui passe.

Les patrons sont prompts à trouver le moindre prétexte pour réduire encore les maigres émoluments dispensés aux ouvriers. Dame, les affaires ne vont pas si bien pour ces bourgeois repus : la mine ce n'est plus ce que c'était!

Alors la révolte gronde et le charisme d'Etienne fait le reste : la grève est déclarée. Avec nombre de victimes innocentes.

Zola décrit avec un réalisme époustouflant la misère et la lutte pour survivre du peuple des mines. En contraste, la vie des bourgeois qui tirent les ficelles, et qui dégustent des mets de luxe à s'en rendre malades, est sidérante.

La révolte dans sa détermination n'est pas sans rappeler celle qui agite notre pays depuis plus d'un an. On y ressent le pouvoir et force d'un mouvement de foule qui dépasse la simple volonté des individus.

C'est un roman violent, et je m'étonne de l'avoir lu pour la première fois à 15 ans.


Aucun regret, au contraire, de l'avoir redécouvert, bien au contraire, c'est un incontournable dans la série des Rougon-Macquart.
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Treizième volume des Rougon-Macquart, Germinal met en scène Etienne Lantier, fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier. Jeune machiniste, il est licencié pour ses prises de position politiques. Il se rend alors à Montsou, bien décidé à se faire embaucher par la Compagnie des Mines. Très vite, il se démarque de ses collègues. La misère sociale le bouleverse, de même que l'exploitation des patrons envers les pauvres gens. Chassez le naturel, il revient au galop, et Etienne ne peut s'empêcher de devenir un fervent militant. Au-delà de toutes ces querelles intestines, il fait la connaissance de Catherine Maheu, fille de la famille qui le loge. Cependant, celle-ci est convoitée par un autre mineur, Antoine Chaval. Etienne va alors devoir faire face à un double combat, et le mot n'est pas trop fort, vous le verrez en lisant cette oeuvre magistrale. D'un côté, il se bat pour ses idées, notamment lorsque la Compagnie des Mines baisse les salaires. de l'autre, il lutte pour conquérir le coeur de sa belle. Une lutte acharnée, sans merci...

Etienne, Catherine ou Chaval représente une catégorie sociale mise en avant par Zola. Ces pauvres gens subissent de plein fouet une magistrale crise économique. Ils tentent d'améliorer leurs conditions... Roman résolument moderne n'est-ce-pas ?

Comme à son habitude, l'auteur s'est documenté pour écrire ce roman. Il est allé au plus près des grévistes d'Anzin, dans le Nord de la France, grève considérable regroupant plus de 10 000 employés du 21 février au 17 avril 1884. Il est descendu dans la mine. SI le roman reste résolument noir, le titre laisse apercevoir un espoir, un avenir meilleur, un renouveau. D'ailleurs, la fin est sans équivoque : "Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. de toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre."

Si le monde de la mine vous intéresse, je vous conseille également l'excellent livre, plus récent puisque paru en 1939, de Richard Llewellyn, Qu'elle était verte ma vallée ! Souvent comparé au roman de Zola, il met en avant non seulement les affres des mineurs irlandais du Pays de Galles mais également toute une dimension psychologique prenant en compte les sentiments de chacun, ce que l'on ne trouve pas assez à mon goût, dans ce roman de Zola. Ceci dit, j'aime tellement cet auteur que je lui passe aisément ce dernier point.
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Il fait froid, il fait sale. Des poussières du Nord. Bienvenue chez les ch'tis où les hommes battent leurs femmes avant ou après d'aller boire une bière entre potes, où les filles se font prendre dès l'âge de floraison, où il n'y a même plus assez de patates pour faire des frites, seuls quelques quignons de pains rassis trônent encore sur la table ou dans la soupe. Une lecture du grand Nord, celui des Hauts-de-France maintenant, celui des bas-fonds d'antan, le temps de Zola. Cette poussière noire se retrouve sur tout le paysage, et même là où on ne l'attend pas, dans les bronches et les poumons. Les gars qui descendent à la mine, en ressortent le teint noir. Leurs crachats sont mêmes devenus noirs. Même la misère leurs fait broyer du noir. Ne pense pas à ton petit noir du matin, même dilué avec un ersatz de chicorée, le goût reste infect et l'amertume prenante. L'eau noir probablement. L'amertume de la vie les emporte au tréfonds de la terre, à creuser des galeries souterraines pour un extraire une substance qui n'a rien à voir avec l'or noir, et pourtant. Back in Black.

Il y a Maheu, puis la Maheu, et pis le Etienne le ch'ti nouveau qui débarque dans l'espoir de trouver un boulot, même dans le noir, même mal payé, parce que c'est la misère d'être là. Lui aussi veut descendre six pieds sous terre, pour extraire l'essence de la vie, quelques francs en fin de semaine pour boire comme les autres hommes des bières sans être obligé de se faire inviter. C'est l'essence même des gars du Nord que de se retrouver dans une taverne poussiéreuse où la bière claire avale quelques poussières au fond de la gorge. Mais pour ça, il faut que les brasseurs et autres taverniers n'insufflent pas une grève les fûts en cale sèche. A propos de grève, le cariole communale n'a pas ramené son flot de gens entassés. le peuple est obligé d'aller au taf à pied, les sabots crottés dans la gadoue. Bah, de toute façon, la mine affiche porte close, comme les grilles du métro des années plus tard, même les maisons sont closes. Grève générale comme on annonce tournée générale…

Tu n'entends pas ? ces cris de révolte et de colère qui sortent du sol et du sous-sol même, c'est-à-dire du peuple et du bas peuple. Ces pauvres gens qui n'ont rien et ne rêvent que d'une tranche de lard sur une tranche de pain pour accompagner un demi-bol de soupe brûlante, encore faudrait-il qu'il y ait du charbon pour entretenir le foyer de cette flamme incandescente d'une vie indécente de misère et de pauvreté. Oui le peuple grogne comme un bulldog qui n'aurait plus d'os à ronger ou comme un poivrot à qui la serveuse ne voudrait plus le servir. C'est un relent d'actualité qui s'évapore de ces pages d'un siècle passé mais à la poussière toujours aussi présente. C'est la naissance du syndicalisme, la tentative d'une organisation pour contrer le capitalisme naissant des riches et des bourgeois. C'est mon premier livre de Zola, il était temps me diras-tu, c'est qu'enfoui sous la poussière miséreuse de ma vie, j'avais échappé à ça ; et en ça, parle-je des descriptions contemplatives de la région, ce noir ce soir, ce noir qui blanchit même la neige et la vie, ou de cet étrange sentiment que, quel que soit le siècle, le paysage social n'évolue guère. le pays espérait une révolution, il a eu du sang et des larmes. Et en même temps, la neige s'est remise à couvrir les terrils froids laissés un temps à l'abandon…
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Émile Zola a imaginé et construit une immense fresque, Les Rougon-Macquart, bâtie sur vingt romans pour décrire et aussi décrier un certain univers social sous le Second Empire.
Je continue de cheminer pas à pas et de manière chronologique, dans cette oeuvre puissante, et me voici parvenu au treizième roman, Germinal, dont l'un des protagonistes est Étienne Lantier. Il est fort possible de lire Germinal indépendamment de l'ordre chronologique, mais vous vous privez alors de connaître d'où vient Étienne Lantier, de quelle lignée. Il est le fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier, vous savez, la fameuse Gervaise, ce beau et poignant personnage dans L'Assommoir. Mais surtout il appartient à la branche Macquart qui porte le poids d'une hérédité compliquée pour laquelle Zola n'hésite pas à utiliser le terme de dégénérescence. Étienne Lantier, magnifique héros du roman échapperait-il au destin terrible de la lignée à laquelle il appartient ?
Ma découverte de Germinal commence très jeune par le trouble d'une dictée où j'avais fait une faute à « Chacun havait le lit de schiste », le verbe présumé me semblant pourtant si facile et si évident.
Mais c'était sans compter sur l'émotion qui s'ensuivit, la lecture d'une oeuvre prodigieuse. Germinal est sans doute un des grands romans qui a marqué mon cheminement de lecteur dès le plus jeune âge et m'a offert ce goût des livres.
Chômeur, animé d'un idéal de vie échevelé, Étienne Lantier part dans le Nord de la France à la recherche d'un nouvel emploi. Il se fait embaucher aux mines de Montsou et découvre très rapidement les effroyables conditions de travail. Il trouve à se loger dans une famille de mineurs, les Maheu, et tombe amoureux de l'une des filles, la jeune Catherine. Celle-ci est la maîtresse d'un ouvrier brutal, Chaval, et bien qu'elle ne soit pas insensible à Étienne, elle se refuse à quitter Chaval...
Germinal, c'est l'inspiration des grandes grèves du siècle dernier. Elle nous est racontée par un journaliste d'investigation de génie, mais ce serait trop réducteur de qualifier ainsi l'écrivain sur ce seul registre. Car Zola est bien plus que cela ici, chroniqueur social, peintre des caractères et des moeurs, poète humaniste, tragédien... C'est tout cela Émile Zola...
Car Germinal est autant un réquisitoire social implacable, qu'une oeuvre romanesque de toute beauté qui dit l'humanité avec ses rêves, ses espoirs et ses douleurs.
Germinal, c'est le roman de la lutte des classes par excellence et ici plus que jamais je continue de penser que Zola est un romancier dont le propos n'a pas pris une ride. Ou alors c'est le monde autour de nous qui n'a pas changé. Ou bien alors, c'est le sentiment étrange qu'il continue de nous manquer furieusement pour poser ses mots sur les maux de notre époque...
L'humanité est là au fond de cette fosse qui s'appelle le Voreux, mais à la surface aussi, l'humanité à fleur de peau, sa misère, son désenchantement, broyée par la violence du capitalisme industriel, humiliée par le mépris et la fausse pitié gluante des bourgeois qui veulent tirer à toutes forces les rênes de cette histoire.
Le souffle romanesque est là, traversant les pages. Ce sont des tableaux qui s'enchaînent et se déploient comme une marée : une journée dans la mine, les réunions où gronde déjà la révolte ici dans l'arrière-salle d'une taverne, là dans une clairière, la confrontation avec les soldats, leurs frères, les frères des ouvriers, ces soldats qu'on croyait frères, l'agonie dans la fosse noyée et les jours d'attente, presque désespérés, et l'amour qui s'invite même jusqu'au fond de la mine...
Les paysages sont sombres qu'ils soient peints à la surface des corons ou de manière souterraine.
Il y a quelque chose de vertical dans ce mouvement de va-et-vient entre ce coin de ciel presque illusoire qui apparaît comme par intermittence et le fond de la mine où il faut chaque jour descendre, chaque jour remonter avec le poids des illusions chaque fois plus lourd. Alors, à force, c'est de plus en plus dur de descendre, de plus en plus dur de remonter. Ici nous sommes dans le ventre de la terre, qui gronde et gémit comme une bête.
Germinal, c'est un paysage englouti par des rêves brisés.
Les personnages de Germinal sont beaux parce qu'ils sont réels. Et sans doute le personnage qui m'a ici le plus touché est celui de Catherine, sa bouleversante destinée sonne comme un coup au ventre.
La force de Germinal se terre dans une puissance créatrice disant la beauté humaine qui se redresse, se lève face à l'oppression...
Dans ces colères qui s'agrègent de corons en corons, celles des foules, - l'âme furieuse des foules, il y a une âme collective. C'est une épopée.
On sent tout d'abord une force tranquille, puis qui se déploie telle une horde aveugle...
Il y a cette famille d'ouvriers, les Maheu, une tragédie poignante à elle seule qui traverse ce roman, avec son cortège de douleurs, les accidents de travail qui rendent inaptes, un enfant qui naît et c'est encore une bouche à nourrir, l'alcool, le désir, la jalousie, la mort...
Et cet amour qui se bataille jusqu'au fond de la mine, jusque sous la terre...
Il y a la fatalité de la mine qui tue à coup de grisous, et il y a l'ordre là-haut, le poids de l'ordre et des contingences économiques qui tue aussi ou fait tuer...
C'est presque digne d'une tragédie antique, il y a ici chez Zola un art sublime de conter...
Tout est magnifiquement rendu, emporté dans un mouvement vertigineux.
La compassion de Zola pour ce peuple de la mine est magistrale.
Ce peuple qui a faim, qui arrête de travailler mû par des forces fatales, va faire grève au prix d'un sacrifice effroyable, c'est une force qui bouillonne, bouscule, les envoie contre l'autre versant de leur destin avec la violence des histoires humaines, le bouillonnement des flots comme une mer en furie.
C'est une complainte, un chant qui vient des ténèbres.
On a envie d'évoquer le mot de misérables, puisqu'il est universel.
Au bout du compte, on sort de la mine, mais à quel prix , avec des images inoubliables qui étreignent comme un cauchemar. Mais surtout il y a la vie grandiose et chaotique.
Et puis Germinal, quel titre ! Un titre qui sent la sève, le parfum de la terre, un avril révolutionnaire, un geste qui sort des ténèbres, une graine qu'une main met en terre, le germe de l'espoir, une graine que Zola met dans nos mains...
Ce soir, je me souviens d'une école, d'une dictée au collège, d'une professeure de français qui m'a peut-être donné envie de lire et aimer Zola, ou tout simplement déposé une graine dans le coeur...
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♬ Au nord, c'étaient les corons
La terre c'était le charbon
Le ciel c'était l'horizon
Les hommes des mineurs de fond... ♬

Quel roman ! Quel roman !
Époustouflant, prodigieux, exceptionnel... je ne vais pas trouver assez de qualificatifs pour rendre justice à ce chef-d'oeuvre.
Émile Zola nous emmène chez les mineurs et nous fait partager leur vie. L'immersion est saisissante parce que parfaitement réussie. L'écrivain ne se contente pas de présenter un texte à ses lecteurs, il le leur fait vivre.

Chaque tome des Rougon-Macquart offre des personnages forts, un décor merveilleusement bien décrit et une histoire prenante. En plus de cela, dans Germinal, tout est tellement réaliste, authentique, humain, vivant, que le lecteur est emporté dans les pages, qu'il vit tout de l'intérieur et ne fait plus de différence entre fiction et réalité.
Germinal est une expérience de lecture à part. Rare et intense.

Pendant plusieurs jours, j'ai vécu avec la famille Maheu et toutes les autres familles du coron.
Je me suis levée avant l'aube et préparée pour ma journée de travail. Je suis allée chercher ma lampe, bouée de survie dans les entrailles de la terre.
Je suis descendue dans la fosse. J'ai senti le froid et l'humidité, j'y ai trouvé l'obscurité.
J'ai marché pour aller rejoindre la taille qui m'avait été assignée. Je me suis courbée lorsque les voies s'amincissaient.
Durant des heures interminables, j'ai peiné dans les différents travaux de la mine.
J'ai connu l'extraordinaire solidarité de ces travailleurs pauvres mais dignes, j'ai partagé leurs maigres repas, j'ai vécu dans leurs maisons dépourvues du moindre confort.
J'ai vécu leurs vies de labeur et de peines.
J'ai ressenti l'inquiétude permanente de la Maheude qui se demande comment elle va faire pour nourrir ses enfants, j'ai partagé le quotidien de ces mineurs fatalistes et résignés de pères en fils, condamnés à vie comme l'étaient leurs parents et comme le seront leurs enfants, au "bagne souterrain".
En descendant dans la fosse, c'est une longue descente dans une autre époque, dans un autre monde, que j'ai effectuée.

Quand Étienne Lantier (fils de Gervaise Macquart de L'Assommoir) est arrivé avec ses aspirations justes et ses rêves utopistes, je l'ai suivi. Lorsqu'il a prononcé ses discours enflammés je me suis laissée emporter avec les autres mineurs. J'ai embrassé le désir de révolte qu'il avait fait naître, ressenti la soif de justice qui traversait tout le coron, compris sa légitimité.
J'ai rêvé d'un monde meilleur et j'ai espéré, d'un espoir fou et absolu.

Émile Zola est au sommet de son art dans ce roman magistral.
Je ne vais surtout pas vous raconter l'histoire (les "critiques" qui racontent tout m'exaspèrent car elles gâchent le plaisir du futur lecteur), et simplement donner mes ressentis sur certains aspects.

Le puits dans lequel Maheu et ses enfants en âge de travailler descendent m'a captivée.
L'auteur n'est pas avare d'expressions terribles pour le personnifier : il est "toujours affamé", il "engloutit" les mineurs, il a une "gueule" avec laquelle il semble "boire".
Au début, ce n'était qu'un nom, et puis il a fini par me fasciner, et par m'effrayer. À chaque fois qu'il apparaît dans le texte, la peur et un pressentiment de malheur arrivent avec lui.
D'ailleurs, ce "monstre", cette "bête", ce trou qui "avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer" porte bien son nom : le Voreux.
Voreux comme "vorace", Voreux comme "dévore".

Les discours exaltés d'Étienne face aux mineurs en grève sont incroyables. Quelles pages ! Quel enthousiasme, quelle force de conviction, quelle fougue ! Zola montre là tout son talent de plume politique.

L'écrivain fut journaliste littéraire puis journaliste politique avant de commencer le cycle des Rougon-Macquart dont ce tome est l'un des piliers.
Roman social par excellence, Germinal dénonce l'enrichissement facile et sans danger des actionnaires exploitant les mineurs qui prennent tous les risques : accidents à court terme, maladies et infirmités diverses à long terme.
Ce treizième volume est particulièrement percutant par son sujet et son réalisme car il résulte d'un immense travail de documentation mené par Zola. Mais cette recherche en amont ne fait pas tout, il faut tout le talent de l'auteur pour donner sa force à Germinal.
La volonté également : Zola s'est constamment impliqué dans la vie de son époque. Nous connaissons tous son fameux "J'accuse...!" mais l'ardent défenseur de Dreyfus s'est engagé dans bien d'autres combats. Lors de ses obsèques, Anatole France déclara "Il fut un moment de la conscience humaine" et une délégation de mineurs de Denain accompagna le cortège funèbre aux cris de "Germinal ! Germinal !"

L'ouvrage se conclut sur une note d'espoir, ténu et fragile, annoncé dans le titre. Mais que de malheurs pour en arriver là !
Comme la végétation sortant de terre au moment de la germination, les mineurs finiront-ils par sortir de leur fosse ? La nouvelle saison qui arrive annonce-t-elle une vie nouvelle ? le printemps qui débute et incarne le cycle de la vie préfigure-t-il la fin du cycle de la misère ?

J'ai fini ma lecture. Je suis ressortie de la fosse, j'ai quitté le coron, mais une partie de moi est restée là-bas avec ceux qui sont devenus mes amis. Et une partie d'eux ne me quittera plus jamais.
Germinal a laissé une marque indélébile en moi.
Comment ne pas aimer lire encore plus après une pareille aventure ?
Et comment accepter que des imbéciles incultes osent qualifier les librairies de commerces "non essentiels" ?

Umberto Eco a dit : "Celui qui ne lit pas aura vécu une seule vie. Celui qui lit, aura vécu 5000 ans. La lecture est une immortalité en sens inverse."
En lisant Germinal, j'ai vécu des vies sombres, des vies pauvres, des vies tristes, des vies émouvantes.
Peu importe si je n'ai pas gagné la moindre part d'immortalité, j'ai gagné à coup sûr une grande part d'humanité.
Zola est un génie et je ne peux que me féliciter d'avoir prénommé l'aîné de mes fils "Émile".

Pour finir, je veux ajouter une réflexion, que certains jugeront peut-être hors sujet, mais je ne trouve pas qu'elle le soit.
"Était-ce possible qu'on se tuât à une si dure besogne dans ces ténèbres mortelles, et qu'on n'y gagnât même pas les quelques sous du pain quotidien ?"
Oui, c'était possible. C'était là toute la vie des mineurs au dix-neuvième siècle, mais ne croyez pas pour autant que ces temps soient révolus.
L'exploitation des êtres humains existe encore, mais on préfère fermer les yeux dessus pour rester sans mauvaise conscience dans notre petit confort.
Juste un exemple : les conditions d'extraction du cobalt, cet élément indispensable à nos batteries de smartphones, de vélos ou de voitures électriques. (Voir article ci-dessous)
Au lieu d'aller à l'école, des enfants de la République démocratique du Congo travaillent dans des mines malsaines et dangereuses, dans lesquelles des effondrements réguliers tuent abondamment. Mais ici, des industriels sans scrupules, soutenus par des politiciens corrompus, nous vantent à grand renfort de publicité les mérites d'une voiture "propre".
Ben, voyons !
Ils auraient tort de se gêner, ça fonctionne tellement bien !
Ils réussissent même à faire culpabiliser ceux qui ne changent pas leur véhicule, les faisant passer pour d'infâmes égoïstes responsables de tous les maux de la planète alors que les moteurs "traditionnels" ont fait d'immenses progrès et polluent de moins en moins, y compris les diesels... chose que l'on nous cache soigneusement, parce que l'on tient là un moyen simple de vendre toujours plus de voitures électriques et de forcer la main à des propriétaires qui auraient pu garder leur ancien véhicule encore en parfait état de marche.
Que la pollution liée aux batteries usagées qu'on ne sait pas recycler soit un vrai fléau, que le gaspillage de voitures passées à la casse inutilement soit scandaleux et que l'exploitation des enfants dans les mines soit révoltante ne compte visiblement pas face à tout l'argent que certains trouvent à gagner.
Où est l'écologie dans tout ça ? Loin, très loin.
De beaux mensonges pour enrober une sale réalité.
Non, Germinal n'est pas qu'un vieux roman, hélas...

https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/dossier-pour-nos-batteries-de-smartphones-ou-voitures-des-enfants-creusent-en-afrique-6971213
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Ce qu'Elizabeth Gaskell a cherché à dénoncer dans "Nord et Sud", ce que Victor Hugo a supérieurement développé dans un contexte politique et historique dans "Les misérables", cette condition humaine soumise à la société capitaliste, Emile Zola nous la livre ici crûment, animé de sa verve naturaliste sans égale.

Comment ne pas crier au chef-d'oeuvre ? Rarement un roman m'aura autant chaviré le coeur et l'âme. Noir comme la suie, rude comme la houille, plombé comme le ciel du Nord, sauvage comme l'insurrection, "Germinal" est un concentré extraordinaire d'énergies en conflit.

On pourrait passer des heures à disséquer ce grand roman, il y a beaucoup à dire sur ses dimensions sociale, politique, humaine, sans compter la qualité d'écriture. Je ne me lancerai pas dans cette passionnante dissertation, je me contenterai de braquer le projecteur sur ce qui m'a le plus saisie au long de ma lecture : la violence.

"Germinal" est sans doute le tome des Rougon-Macquart le plus violent - surpassant même "L'argent" qui se défend pourtant bien. La violence est omniprésente dans chaque paragraphe, dans chaque phrase. Physique, psychologique ou sociale, elle englue tous les personnages sans exception, elle distille dans les veines une peur qui m'a plus d'une fois étranglée d'un malaise. Je pense que j'aurai encore longtemps présente à l'esprit la vision de l'épicier Maigrat châtré par les femmes de mineurs humiliées et affamées ; ou encore celle de Catherine mourant de faim à 500m sous terre, dans l'obscurité complète, de l'eau jusqu'aux genoux, enterrée vivante pendant plus de dix jours. Une telle oppression se dégage de la narration que le lecteur ne peut rester indifférent à la misère de ces existences obscures qui peuplent le coron de Montsou.

En plus du style caractéristique de Zola que j'apprécie depuis toujours, j'ai été admirative de la construction remarquable du récit. De l'ouverture où Etienne Lantier arrive solitaire par la route à sa conclusion où le même Etienne Lantier repart solitaire par la même route, le coup de projecteur sur la condition ouvrière est complet, précis, vivant et émouvant, rien ne semble y manquer.

Le douloureux "Germinal" s'achève sur le mot "terre", semblant m'appeler à découvrir sans tarder le 15ème tome de la série et sonnant comme l'annonce d'une autre grande commotion.


Challenge PAVES 2016 - 2017
Challenge XIXème siècle 2017
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Il y a certains films qu'on n'a jamais vu, mais on en a eu tellement les oreilles rebattues qu'on a aucune envie de les voir. C'est ce que je ressentais pour Zola ; mais j'ai voulu finalement combler mes manques, et j'ai bien fait. La facilité de lecture et la fluidité de l'oeuvre sont étonnantes ; difficile de lâcher le livre quand on le tient. Mais au-delà, c'est à la fois sa grande complexité et sa simplicité qui impressionnent. Zola peint l'âme humaine, parfois à grands traits, parfois par minuscules touches. Il me parait vain de voir en lui un idéologue, de lui prêter des intentions politiques, une attaque contre le capitalisme ou un appel révolutionnaire. Si son héros peut se griser de tels mots, pour lui il n'y a là que des êtres humains avec leurs faiblesses, leur lâcheté, leur bêtise surtout, mais parfois aussi leur grandeur.

Du reste, à la fin les rôles secondaires symboliques s'inversent. L'anarchiste Souvarine, le pur, l'intransigeant, celui à qui Zola semblait manifester le plus de sympathie, se transforme soudain en bourreau, causant la mort de ses camarades pour une chimère et s'en allant sans un regard en arrière. A l'inverse l'ingénieur Négrel, l'opportuniste en voie d'ascension sociale, le débauché couchant avec sa tante, met toutes ses forces à sauver les mineurs prisonniers. Et Zacharie, le bon à rien égoïste qui ne voyait la grève et le combat de ses camarades que comme une bonne occasion de s'amuser, travaille jour et nuit pour sauver sa soeur et prend une dimension presque christique. Catherine conserve son statut d'éternelle victime, et Etienne ses aspirations de petit chef.

Mais ‘Germinal' n'est pas le seul ouvrage sur la condition ouvrière, et un autre point frappe : comparés aux ouvriers des usines textiles de Manchester de ‘Nord et sud' ou ‘Mary Barton'… Ceux de Zola font figure de privilégiés. Ils bénéficient de logements et de charbon à moindre frais ; les légumes frais, le café ou la charcuterie, qui chez leurs homologues anglais font partie des produits de luxe, sont chez eux d'usage courant. On mesure le chemin parcouru dans la trentaine d'années qui séparent les deux oeuvres – d'ailleurs la chute de la mortalité infantile est impressionnante. Une famille ouvrière comme celle des Maheu, avec tous ses sept enfants en vie, n'est pas imaginable dans la cité anglaise.

En revanche, par rapport à ‘Qu'elle était verte ma vallée', autre livre de référence sur les mineurs de charbon, c'est dans les moeurs que la différence est frappante. Quand Zola insiste sur la sexualité très libre (voir débridée) des ouvriers, chez les Gallois une escapade nocturne peut déclencher une guerre entre deux villages – autant dire que leurs homologues français leurs paraitraient sûrement comme des dégénérés. Sur ce sujet, deux choses surprennent : l'approche très crue de Zola, et son malthusianisme évident. On peut d'ailleurs se demander si là n'est pas la véritable solution qu'il voit pour améliorer le sort des mineurs.

En effet la conclusion de l'oeuvre, célèbre, a généralement été interprétée comme l'annonce de la victoire finale des ouvriers. Mais je vois une autre possibilité : ce ne sont que les rêves d'Etienne Lantier, et tout ce qu'ils annoncent, c'est un éternel recommencement. La grève a échoué. L'International a échoué. L'anarchisme a échoué. La fureur aveugle a échoué. Tout le monde s'est résigné, le travail a repris. La colère des ouvriers se remettra à grossir lentement, de nouveaux prophètes se lèveront, des petits chefs essayeront de s'imposer ; la colère finira par exploser, aveugle, sans plan ni but ; elle fera des dégâts, sera réprimée… Et le cycle recommencera. Une seule chose peut permettre d'en sortir : l'éducation.

Le vieux rêve des intellectuels français, en quelque sorte :
‘'Un beau jour

Les hommes qui fabriquent mangeront à leur faim [..]

Un beau jour

Les hommes qui fabriquent dormiront leur content

et ils auront de beaux rêves

de belles amours

et des draps blancs [..]

Parce qu'un jour

les hommes qui fabriquent

connaîtront enfin la musique.''

Jacques Prévert
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Germinal est le mois du calendrier révolutionnaire qui correspond à l'éveil du printemps.

A première vue, rien de printanier dans le sombre roman de Zola : sur le sol noir de Montsou ne poussent que terrils, chevalements et carreaux de fosse.

Le roman commence sur un printemps bien noir, sans horizon : Etienne Lantier, à pied, sans travail, à demi mort de faim, cherche qui voudra bien l'embaucher dans cette région du Nord frappée de plein fouet par la crise économique et où toutes les fabriques ferment. Déjà.

Etienne, fils de Gervaise, forte tête, a puisé sa révolte et son refus dans la chute humiliante de sa mère - pas encore achevée, à l'heure où commence Germinal –. En lui grandit l'âpre quête de la justice, l'exigence d'une reconnaissance du travail et celle des droits du travailleur.

Car Germinal voit aussi poindre la germination d'une conscience ouvrière qui pousse avec le levain de la révolte.

Étienne s'est fait renvoyer pour une gifle donnée à son employeur : il est « monté » vers le Nord et trouve un travail de herscheur, par chance –il remplace une femme : on se met à éloigner celles-ci du travail « au fond ».

Il rejoint, dans les entrailles de la terre, le troupeau des forçats du charbon.

Une famille de mineurs, les Maheu, déjà surchargée d'enfants et de misère, ouvre ses portes à ce jeune homme décidé, réservé et travailleur.

Dès lors l'histoire devient moins celle du rejeton d'une famille, étudiée dans ses ramifications génétiques, que l'histoire collective d'une classe sociale.

Zola rattache vaguement, et sans y revenir, son récit à une problématique héréditaire et familiale, -l'héritage dangereux de l'alcool qui rend Etienne méfiant…et sobre- pour se centrer sur les forces souterraines en marche, dans ce siècle d'industrialisation et de profit capitaliste : ce qu'il raconte, en fait, c'est la naissance d'une classe ouvrière, de ses humiliations, de ses revendications, de ses luttes et de son pouvoir.

Zola avait eu le projet , juste après le séisme de la Commune de Paris, de sonder, avec Étienne, le monde politique. Mais c'est la germination sociale d'une classe exploitée, humiliée, pressurée, traitée en esclave qui va prendre le pas sur tous ses desseins : le dessein général des Rougon-Macquart et celui qu'il assignait à Germinal en particulier.

C'est qu'il est allé glaner ce grain-là par un patient travail de lecture, de visites, de prise de notes, de rencontres, qui lui a pris dix mois et dont il consigne l'essentiel dans 500 pages de documentation. Elles vont considérablement modifier son objectif de départ. Germinal est une sorte d' OGM.

Le roman politique et familial va devenir un roman social et même socialiste. La vision des ouvriers,telle qu'elle avait été donnée par l'Assommoir, était fâcheuse aux yeux des milieux progressistes : celle d'une classe ouvrière incapable de s'élever, faute de cohésion et de résistance face à la misère, et affaiblie par l'alcool-. On y voyait une image victimaire des ouvriers : comme le dit P.H. Simon, « il était urgent de peindre des héros ».

Germinal, c'est la naissance des héros : les damnés de la terre, ceux du sous-sol plutôt, remontent au jour à l'occasion d'une grève, d'une intervention brutale de la troupe, puis enfin d'un attentat politique qui les prend tous en otage et achève de les décimer.

C'est la germination d'une conscience de classe après d'innombrables manquements à tout respect moral et humain. Les « gueules noires » de Germinal sont pleines de rayonnement.

Presque pas de personnages-repoussoirs, comme il en pullule dans La Terre, par exemple. Chaval est un violent mais c'est un jaloux et Jeanlin un enfant pervers et malsain, mais c'est un être disgracié par la nature ; dans l'ensemble, les mineurs offrent tous le visage d'hommes et de femmes rudes, travailleurs et généreux.

Et fondamentalement courageux.

Et le souffle de Zola , dans Germinal, s'élargit comme jamais : jusqu'à la fresque, jusqu'à l'épopée, jusqu'à l'hymne.

De cette lecture- la plus aimée de tous mes Zola, c'est une vraie angoisse pour moi, et un défi, d'en faire la critique!!- il me reste comme un film fait d' images fortes, effrayantes ou magnifiques.

La masse vindicative des femmes de la mine, affamées par l'épicier, l'affreux Maigrat qu'elles ont trouvé mort, et qu'elles castrent, brandissant devant leur cortège l' atroce trophée de leur victoire…

Les mineurs ensevelis sous la mine après l'attentat de Souvarine, et l'amour d’Étienne et de Catherine dans les galeries pleines d'eau où flotte le cadavre du rival…

Et surtout le travail, le travail quotidien, la descente dans les puits, les lampes qui deviennent bleues quand s'échappe le grisou, les wagonnets si lourds, les chevaux aveugles, les femmes épuisées, les enfants condamnés, la silicose qui ronge et qui tue en prenant son temps…

Un livre magistral, superbement construit : à la fin, le printemps revient, et c'est encore Étienne, endurci, aguerri, mûri dans les luttes , qu'on retrouve sur la route qui sort des charbonnages, au milieu de l'explosion printanière d'une nature indifférente à la misère des hommes…




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En entrant dans Germinal, c'est un vent glacial qui nous saisit instantanément tout en nous plongeant dans une noirceur environnante sinistre. Une nuit où le ciel et le sol se confondent dans le même noir. Comme unique touche de clarté, trois feux brûlent sur un terri.
Y aurait-il du travail pour le jeune fils de Gervaise, Étienne Lantier ? Trouvera-t-il à Montsou du pain à manger ? Ce n'est qu'une grande misère alentour et le travail manque et manque encore.

Ici, la fosse donne le pain mais mange son homme.

Chez les Maheu, à quatre heures du matin, on ressent le dur réveil de Catherine, encore pleine de ce sommeil si douloureusement interrompu. Elle doit réveiller tout son monde, faire passer le café sur le marc de la veille et teinter les tartines du peu de beurre restant. Et puis, dans des vêtements bien trop légers qui la laissent grelottante, partir à la mine avec les autres. Fluette et anémique, elle n'a que quinze ans et descend sous terre depuis déjà des années…

Et Zola, avec ses mots qui étourdissent, nous décrit la bête dévoreuse d'hommes. Les cages chargées de berlines de charbon qui sortent de la fosse après avoir descendu sa fournée de main d'oeuvre engloutie dans les ténèbres. Nous montre, du moins au début, que ces hommes et ces femmes sont tout de même satisfaits d'avoir « du travail à crever ». Nous oppresse, tellement ses phrases sont empreintes de réalisme, dans les galeries qui s'étrécissent. L'air manque, l'écrasement de la mine est forte en attaquant la houille dans ses profondeurs.
Puis les galeries se vident de tous les mineurs grelottant après les sueurs du travail et rentrent chez eux où l'odeur de l'oignon frit remplace celle de petits plats mijotés. Parce que la pénibilité de ce travail de forçat nourrit bien chichement ces familles miséreuses.

Qui mieux que Zola peut nous entraîner dans un mécontentement grandissant qui suinte de cette mine ? Il nous agrippe pour ne plus nous lâcher dans cette fièvre née d'un besoin crucial d'une évolution sociale. Nous introduisant dans la famille des Maheu, il nous précipite au milieu des cancans et des coups du sort dans la détresse ouvrière de l'époque.
Tout est horriblement saisissant dans ce roman qui crie la misère, l'injustice, la lutte douloureuse et même meurtrière pour remplir des ventres vides.
Noire est la tristesse du coron, noire comme la fine poudre de charbon qui recouvre les corps, les sols et les poumons. Rouge sera la colère attisée par Étienne qui s'exaltera peu à peu de sa popularité.
S'appuyant comme toujours sur son dossier préparatoire minutieusement documenté, Zola intègre dans Germinal d'innombrables pièces qui ne donnent aucun répit au lecteur. Un lecteur qui tente de se débattre dans cette pauvreté noirâtre et cette exploitation sociale du peuple travailleur.
La crise industrielle videra encore les assiettes, il faudra se prostituer pour avoir crédit chez l'épicier, alors que non loin de là les patrons, dans leur insensibilité et leur égoïsme, restent aveugles à la détresse et ne se préoccupent que de leurs dîners divinement garnis. La femme du directeur s'étonne même de l'ingratitude de ces familles pourtant si bien logées et chauffées au frais de la Compagnie !
Dans toute cette misère l'auteur accentue peut-être un peu trop sur le côté bestial de l'amour, unique possibilité d'évasion de ce monde de faim et de souffrances. Heureusement qu'il vient contrebalancer cette insistance en nous offrant, dans l'ombre des violences d'un autre prétendant, l'amour muet, tendre et protecteur d'Étienne et Catherine.

Quelle immense tristesse toute cette peine pour demander une petite part de bonheur !
Enfin, tout ceci pour dire que Zola nous fait tragiquement et superbement entendre ce cri déchirant qui réclame du pain. C'est, une fois de plus, magistral, et le mot est presque faible.
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Au palmarès des opus les plus incontournables des Rougon Macquart, celui-là vient assez haut dans le classement ! Il faut dire que je suis particulièrement touchée par les grands romans sociaux de la saga, que ce soit La Terre, l'Assommoir, ou donc Germinal.
Un Germinal dont j'ai adoré l'évocation charnelle des « damnés de la terre », le réalisme dans la description des corons, le nouvel essor d'un capitalisme financier avide, l'introduction dans le récit de tous les grands courants politiques de l'époque : socialisme, internationalisme et anarchie se percutant alors comme des plaques telluriques sous-jacents prêtes à exploser, et par-dessus tout les scènes épiques et terrifiantes dans la mine, monstre noir avaleur de vie.
Un moment de lecture inoubliable, bien qu'un peu pollué d'une part par la comparaison que j'en faisais involontairement avec Les Misérables, monument indépassable et dans lequel le grand Hugo fait montre de plus d'empathie pour ses personnages que Zola pour les siens, qu'il traite avec une férocité moins tendre que dans l'Assommoir ; et d'autre part par la superposition irrépressible et franchement gênante que j'ai faite sur le roman, des acteurs du film de Berry sur les personnages, et en particulier du principal.
Une grande page d'histoire à ne pas refermer : les mines existent encore, l'esclavage par le salariat aussi.
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