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Citations de Rachilde (171)


C'était l'éternelle déception de la fille instruite, coquette, fière, qui se voit sombrer au milieu de la mare boueuse de la médiocrité. Barbote, ma princesse, avec les oies, les canards, les grenouilles et le limon fétide remué depuis des siècles par les mêmes balourds ! On y trouve des heures de désolations aiguës où l'on voudrait s'achever, se noyer, mais il ne se présente guère l'occasion d'une belle catastrophe ; la mare n'est pas assez profonde pour vous permettre le drame.
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Le caoutchouc humanisé est une composition où il entre mille et un ingrédients. Les déchets organiques, le cadavre, puisqu'il faut l'appeler par son nom, qu'on avait la bêtise de rendre à la terre, nous fournit la matière humaine dans laquelle on le trempe toute une année avant de lui donner une destination industrielle. Il est pétri de nos viandes, il est graissé de nos graisses ; au travail de la lumière ou de la chaleur il distille une partie de nos sueurs. Le caoutchouc humanisé a cette supériorité, par exemple, c'est qu'il ne fatigue pas et n'est jamais malade, mais il mange. Oui, nous l'enduisons tous les matins d'une huile essentielle et nous le frictionnons avec des gants électriques. Nous sommes obligés d'entretenir sa souplesse comme on entretient la peau des vieilles actrices. Eh bien, le gaillard se met à en avoir des pores... Il se forme un épiderme, il lui pousse une sensibilité. Le caoutchouc humanisé le sera complètement quand nous obtiendrons du gouvernement le droit à l'écorchement préalable. On nous livre des animaux morts sans cercueils : pourquoi ne nous livrerait-on pas les cadavres des humains tout nus ?

"Le tout-au-ciel"
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La mer délirante bavait, crachait, se roulait devant le phare, en se montrant toute nue jusqu'aux entrailles. La gueuse s'enflait d'abord comme un ventre, puis se creusait, s'aplatissait, s'ouvrait, écartant ses cuisses vertes; et à la lueur de la lanterne, on apercevait des choses qui donnaient l'envie de détourner les yeux. Mais elle recommençait, s'échevelant, toute une convulsion d'amour ou de folie. Elle savait bien que ceux qui la regardaient lui appartenaient.
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le role inférieur que sa conformation impose à la femme dans l'acte générateur éveille évidemment une idée de joug d'asservissement.
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Ce fut une fin bien triste. Pauvre fille!...Je l'avais prise à sa chaude Italie pour l'emmener dans mon pays glacé, où l'ombre des sapins est éternelle. Son père, un vieux sculpteur de Florence, me l'avait vendue...oui, vendue six cents francs! que voulez-vous ? Il n'avait plus de pain! Cette fille, c'était la sienne; c'était son oeuvre et, après tout, il pouvait la vendre, quand il lui assurait, par la honte, , un palais au lieu d'une masure !
La première fois que je l'avais vue, je l'avais adorée.
Jeune, artiste et un peu fou, je l'avais désirée avant même de savoir si elle serait jamais à moi. Ah! j'aurais volontiers passé ma vie à ses genoux; je rêvais pour elle le jardin d'Armide, je la traitais en idole, et à l'époque païenne, j'eusse brûlé de l'encens !
Regretta-t-elle Florence? Je ne sais. Mais elle arriva chez moi toute pâle avec un sourire glacial.
Chaque matin, j'allais la voir dans son blanc déshabillé : elle me montrait sa gorge que n'avait pu brûnir le soleil de là-bas, et semblait me dire: "J'ai froid!"
L'admiration est aveugle: j'étais si fier de sa beauté de déesse, que je la laissait longtemps dans mon parc.
Je livrais, sans remords, à tous les vents d'automne, ce torse adorable, cambré pour l'étreinte ardente d'un amant; Je la forçais à demeurer pieds nus dans les feuilles mortes, les cheveux dénoués sous la pluie. Parfois, de grosse larmes coulaient de ses paupières abaissées, mais elle ne se plaignait pas: à quoi bon? J'ignorais l'italien: je ne l'eusse pas comprise si elle avait parlé.
Et pourtant, moi, son bourreau, j'étais jaloux ! Jaloux, quand l'aile d'un oiseau fouettait son front de marbre; j'avais un frisson quand la bise poussait une branche contre son épaule éblouissante.
Je sentais bien un reproche dans son indifférence de statue; mais, n'était-elle pas à moi?...Ne lui avais-je pas élevé un piédestal?...
L'hiver arriva: les brumes de mon triste climat saisirent ce corps immaculé... ce dut être horrible ! Pendant que le ciel la couvrait de diamants sur son trône de neige, une nuit, elle...se fendit en deux !
Oh! ma Galathée, pardonne-moi ! car, pour te sauver, il n'eût fallu qu'un manteau de paille !
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« Rappelle-toi que je voudrai toujours ce qui m’arrivera, je suis la maîtresse de vos destinées ; et quand je ne t’aimerai plus, tu regretteras mon amour comme bientôt il regrettera la vie ! » (p. 286)
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« Où était le mâle effroyable qu’il lui fallait, à elle, femelle de la race des lionnes ? … Il était ou fini ou pas commencé. » (p. 303)
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« Elle savourait ces voluptés comme les chattes savourent le lait, la paupière mi-close et la griffe en arrêt, heureuse mais n’attendant qu’un prétexte pour lancer l’égratignure. » (p. 252)
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Toutes les audaces font maintenant figure de progrès dans l'art de vivre mais je ne crois pas qu'il y ait toujours véritable progrès. Nous avons plutôt l'air, à mon humble avis, de revenir, de liberté en liberté, à l'arbre ancestral, pas seulement pour y cueillir les pommes de l'amour mais pour mieux y grimper comme des singes en faisant des grimaces n'ayant rien de commun avec la simple attitude, combien plus normale, de perdre la face pour le pire... ou le meilleur des motifs humains.
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Et l'année lugubre de son double veuvage écoulée, sa vie s'épanouit en des exagérations à travers ce que les philosophes du siècle appellent la décadence, la fin de tout. Avec amis, parasites ou amants, elle courut dans les lieux mal famés qu'on lui vantait comme endroits recelant de fortes horreurs, capables, en ébranlant ses nerfs, d'étancher sa soif de meurtre. Après la Gazette des Tribunaux, les comptes rendus des journalistes mouchards ; la Morgue ; les romans naturalistes ; les musées de cire du boulevard ; les exploits des empoisonneurs spirituels, il restait encore les brasseries de femmes dans lesquelles, par bonheur, une fois, on pouvait être témoin d'une sanglante scène de jalousie ; les maisons capitonnées, bien closes, où l'on fustige les vieillards décorés ; les cabarets de lettres où de jeunes garçons, presque des enfants, causent de la possibilité de tuer leur mère dès qu'ils l'auront violée ; où des gens, un peu ridicules, décrivent sur leurs bocks de bière frelatée ce qu'ils oseraient sans la préfecture de police ; les bals musette où le souteneur, désormais reconnu comme espèce par la société, ayant une raison presque légale de vivre, explique aux curieux devant lesquels il pose, les doigts aux entournures du gilet, le trois-ponts en arrière, sa manière d'estourbir une marmite récalcitrante et vous invite même à contempler sa belle, râlante des derniers horions reçus.
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Parce que les mystères du rêve sont les avertissements de Dieu.
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C'était une épave aussi, une toute petite épave humaine. Cela ressemblait à un petit bout de serpent, un petit bout de serpent rougeâtre dont la tête fuselée serait translucide, en porcelaine...
"C'était un doigt."
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Ça sentait la marée, le pourri, les entrailles de poissons et bien d'autres choses encore que je n'ose dire.
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Je regardais l'immensité, tout angoissé de tristesse.
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On apercevait ça par les temps clairs, et ça ressemblait à une ligne plus sombre de la vague, un endroit où il y aurait eu un sentier tracé dans la grande prairie, la grande prairie dont les herbes sont les cheveux des noyés.
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Quand on reste longtemps à la même place, on aime l'endroit où l'on souffre. C'est plus naturel que de chercher le bonheur.
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On est plus fort que le monde quand on a été sage et on n'a pas la peine de boire beaucoup parce qu'on est déjà plein jusqu'aux cheveux. Un verre de plus qui vous viendrait du dehors, ce serait la tuerie, mais ceux-là qui sont les malins ne boivent que les yeux d'une femme.
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2. « Et l'année lugubre de son double veuvage écoulée, sa vie s'épanouit en des exagérations à travers ce que les philosophes du siècle appellent la 'décadence', la fin de tout. Avec amis, parasites ou amants, elle courut dans les lieux mal famés, qu'on lui vantait comme endroits recelant de fortes horreurs, capables, en ébranlant ses nerfs, d'étancher sa soif de meurtre. Après la "Gazette des Tribunaux", les comptes rendus des journalistes mouchards ; la Morgue ; les romans naturalistes ; les musées de cire du boulevard ; les exploits des empoisonneurs spirituels, il restait encore les brasseries de femmes dans lesquelles, par bonheur, une fois, on pouvait être témoin d'une sanglante scène de jalousie ; les maisons capitonnées, bien closes, où l'on fustige des vieillards décorés ; les cabarets de lettres où de jeunes garçons, presque des enfants, causent de la possibilité de tuer leur mère dès qu'ils l'auront violée ; où des gens, un peu ridicules, décrivent sur leurs bocks de bière frelatée ce qu'ils oseraient sans la préfecture de police ; [...] » (p. 285)
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1. « - […] Je vous aimerai davantage demain, ce sera mon devoir, mais ne comptez pas sur une passion désordonnée, j'ai horreur de l'homme en général, et en particulier vous n'êtes pas mon idéal. Lorsque j'avais dix ans, je m'imaginais qu'un jardinier pieds nus et en chapeau percé serait le mari de mes rêves. […] Si je vous accepte sans attendre mon bohémien, c'est que je tiens à m'affranchir de la tutelle de mon oncle. Vous êtes ma liberté, je vous prends, lex yeux fermés... Vous seriez un voleur, que cela me laisserait indifférente.
[…]
Oh ! j'ai des théories bizarres, mais il faut vous résigner, Monsieur. Il ne me plaît pas, moi, de faire des êtres qui souffriront un jour ce que j'ai souffert, ce que tout le monde souffre, prétend-on. La maternité que le Créateur enseigne à chaque fille qui se livre à l'époux, moi, j'épuise son immensité de tendresse à cette minute sacrée qui nous laisse encore libre de ne pas procréer, libre de ne pas donner la mort en donnant la vie, libre d'exclure de la fange et du désespoir celui qui n'a rien fait pour y tomber. » (pp. 213-215)
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Rampant pour atteindre le damas qui se drapait, en hauteur sur un fauteuil, comme vraiment une Alpe inaccessible et radieuse, Paul le tira du bas à pleine poigne, le fit choir, et l’étoffe, se cassant, s’effondrant, eut un bruit doux, un jurement de bête frêle qu’on étrangle, se tordit, sous les nerveuses mains du jeune homme, en chose vivante qui se plaindrait.
— Ah ! conviens, Jane, que cela est d’une splendeur inouïe !
Paul, à genoux sur l’étoffe qu’il froissait, sans songer qu’on devait en faire une robe pour sa maîtresse, la contemplait, s’abîmant dans sa blancheur de roses blanches où se diluait un insaisissable reflet de chair. Il porta cette soierie à ses lèvres, la baisa et la mordit, avce de singuliers transports.
— Paul ? Qu’est-ce que tu fais ? cria Jane épouvantée.
— Laisse !... Tu ne comprends rien à la volupté, toi ! Cela, vois-tu, c’est de la beauté artificielle, mais c’est réellement, suprêmement beau. Toute beauté naturelle a une tare. Il n’y a pas de teint de femme, d’épiderme de gorge ou d’épaule qui puisse me donner une pareille sensation au toucher. C’est un bien petit absolu, c’en est un, cependant. Et cela crie, entends-tu, cela proteste et s’affole comme une créature douée d’âme. Vraiment, cette étoffe a peur de mes caresses. Elle se sait belle et ne veut pas qu’on la pollue. Est-ce étrange que, vous autres femmes, vous aimiez cela pour vous en parer, alors que nous, nous aimons peut-être cela sur vous, sans vous voir… De l’étoffe ?... Regarde ! deux caresses l’ont faite personne vivante et frémissante. Je l’ai si bien emplie de ma volonté que la reine est entrée dans cette jupe de reine !
En deux gestes savants, à la fois gestes de sculpteur et gestes d’amoureux, Paul avait creusé et arrondi la mollesse du damas, le serrant au milieu comme une taille et le déroulant de chaque côté comme une robe longue à plus bouffants…
— Paul, supplia Jane Monvel, finis donc !
¬— Chère illusion d’une illusion, murmura Paul ne l’écoutant plus et se berçant dans la soie, forme vague de l’impératrice qui est mieux que l’impératrice, apparence de femme mille fois meilleure que la femme, très pure courtisane dont les froids enlacements donnent le vertige à la courtisane, amante des amantes qui n’as pas de bouche pour dire leurs noms et qui les appelle de si loin, traîtresse qui fuis les doigts et les envenime, peau de panthère blanche qui aurait l’odeur de la neige si la neige pouvait embaumer, je t’adore…
— Relève-toi, Paul, ordonna Jane scandalisée, je te défends de te moquer ainsi de moi, devant moi ! Où as-tu l’esprit, mon Dieu ?
Elle pleurait, et, n’essayant pas de retenir ses larmes, elle les laissait couler de ses joues, toutes pourpres de révolte, sur l’étoffe immaculée dans laquelle lui se pâmait, oubliant complètement sa présence humaine.
— Non, c’est ignoble ! déclara-t-elle se cachant la face.
Pris au piège qu’il s’était tendu, Paul sombra jusqu’au spasme en pleine illusion, et la superbe soierie eut comme un râle sourd. Jane sanglotait éperdument.
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