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Citations de Albert Cohen (1119)


Albert Cohen
Baiser, cette soudure de deux tubes digestifs. Les seins, ces deux petites bourses toujours molles et tombantes, quoi qu'en disent vos romanciers.

SOLAL.
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O Dieu, du droit de mon agonie qui est proche, je Te dis qu'elle n'est pas drôle, Ta plaisanterie de nous donner cet effrayant et bel amour de la vie pour nous allonger ensuite, les uns après des autres, et faire de nous des immobiles que de futurs immobiles enfouissent sous terre comme de puantes saletés, des balayures trop répugnantes à regarder, de cireuses immondices, nous qui fûmes des bébés ravis en nos fossettes.
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Gentil coquelicot, mesdames, chanta une voix ancienne lorsqu'elle entra chez lui, l'autre verre à la main. Il l'attendait, debout, archange dans sa longue robe de chambre, beau comme au premier soir. Elle posa le verre sur la table de chevet. Il le prit, regarda les paillettes au fond de l'eau. Là était son immobilité. Là, la fin des arbres, la fin de la mer qu'il avait tant aimée, sa mer natale, transparente et tiède, le fond si visible, jamais plus. Là, la fin de sa voix, la fin de son rire qu'elles avaient aimé. Ton cher rire cruel, disaient-elles. La grosse mouche de nouveau zigzaguait, active, pressée, sombrement bourdonnant, se préparant, se réjouissant.
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Rousse et les ailes catastrophées, curieusement haute sur des roues désolées, elle faisait une crise de fureur dans l'avenue de Champel, sautait sur place puis zigzaguait, laissant derrière elle un sillage onduleux d'huile noire. Tantôt prise de rage et tantôt rêveuse, mais le capot toujours auréolé de fumerolles qui s'en échappaient comme l'eau de mer hors des fanons d'une baleine, elle entra enfin dans le chemin de Miremont où son maître fit de son mieux pour la persuader de s'arrêter. Après trois détonations et un cri de colère, elle consentit à stopper, se vengeant toutefois par un dernier jet d'huile qui éclaboussa un aimable petit bouledogue qui se promenait sans penser à mal.
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- Madame Rasset ? (Puis, d'un ton très doux, feutré, calfeutré, confidentiel, ecclésiastique, soigneux, insinuant, pénétrant, qu'il imaginait être le summum du charme mondain, il s'annonça : ) Adrien Deume. ( Il était inexplicablement fier de son nom.) Bonjour, chère petite madame, comment allez-vous ? Bien rentrée hier soir ? ( Avec une intention de flirt : ) Avez-vous fait de jolis rêves ? Y figurais-je ? ( Il sortit sa langue effilée, puis la rentra, d'un mouvement vif ; comme il en avait l'habitude lorsqu'il faisait le mondain spirituel.)
Et caetera. Il raccrocha, se leva, boutonna son veston, se frotta les mains : ça y était ! Les Rasset à dîner mardi vingt-deux-mai ! Parfait, parfait. Eh oui, ça marchait rudement bien, les rapports sociaux ! Ascension foudroyante mon cher ! Très relationnés, les Rasset ! Adrien Deume, lion mondain ! s'écria-t-il et, de bonheur, il se dressa d'un trait, pirouetta, s'applaudit, s'inclina pour remercier, se rassit. Par lui-même charmé, il se redit les phrases fines et cultivées qu'il avait servies à la petite Rasset et de nouveau sa langue surgit en rouge éclair, aussitôt cachée après preste humectation de la lèvre supérieure.
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Albert Cohen
Il y a en Palestine deux populations. L’une est composée de la majorité arabe. Elle est docile et ne demande qu’à vivre sa lente vie paresseuse. Elle se considère heureuse lorsque l’administration veut bien lui construire quelques écoles, quelques hôpitaux ou l’arracher des mains d’un effendi trop rapace.
L’autre population est formée par une minorité de Juifs slaves. Ceux qui sont nés en Palestine ou qui y résident depuis longtemps constituent un élément d’ordre et de progrès.
[…]
Le Dr Weizmann nous déclarait, dans un récent entretien, qu’il espérait beaucoup en la Société des nations. Elle a l’impartialité voulue et dispose du recul nécessaire pour voir la situation dans son ampleur et n’être pas influencée par de passagères difficultés. Elle se persuadera qu’il est nécessaire d’établir une distinction essentielle, « qualitative » entre les deux populations de Palestine.
[…]
Les antisémites reprochent à la Société des nations d’avoir été créée par les Juifs pour de mystérieux et redoutables desseins. Tandis que l’antisémitisme mise sur la carte nationaliste, les Juifs internationaux miseraient sur la « Société Anonyme des Nations ».
Sous sa forme exagérée et malveillante, cette assertion contient une part de vérité.
[…]
Nous regardons avec confiance vers la Société des nations. Elle ne peut pas ne pas sentir qu’un devoir lui incombe de protéger le petit peuple auquel elle doit peut-être d’exister.
Elle lui rendra le pays de ses pères.
Israël guérira ses blessures au soleil de Judée et reprendra sa sainte tâche.
Il dédiera sa force renaissante aux nations et saura leur montrer sa reconnaissance.

LA REVUE DE GENÈVE, tome 2 : Vue d’ensemble sur la question juive et le sionisme (1921).
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Albert Cohen
Soyez doux chaque jour avec votre mère ; aimez-la mieux que je n'ai su l'aimer.
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Oh, j'ai envie d'un craquelin pour le croquer en courant vers toi avec des glissades et des rires pour te faire peur ! Dans un an, dans trois ans ! Les Allemands sont un peuple effrayant, effrayant ! hurla-t-elle soudain de toutes ses forces. Mais il n'y a que nous qui le sachions ! Des bêtes, des bêtes, ils sont des bêtes ! Ils aiment tuer ! Oui, mon cher, habillés en hommes, mais des bêtes ! Tu verras ce qu'ils nous feront, tu verras, tu verras ! cria-t-elle en le menaçant de l'index. Donc frissonne ! C'est parce qu'ils détestent notre Loi ! Ils sont des bêtes, ils aiment les forêts et les sauts dans les forêts, comme les bêtes vraies qui se cachent derrière l'arbre et te sautent à la nuque, han ! Ils n'ont pas peur dans les forêts, au contraire ils chantent dans les forêts ! Nous, il y a deux mille ans, nos prophètes ! Eux, il y a deux mille ans, des casques avec des cornes de bêtes !
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Oui, oui, je sais que les hommes naissent libres et égaux en droit, mais ça ne dure pas longtemps !

CHAPITRE LIV - P492
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Tandis qu'elle se penchait à la fenêtre pour respirer l'air du jardin, il bomba le torse, se félicita de lui avoir baisé la main, cette nuit, avant de la quitter. Ça faisait égards délicats, ça faisait gentilhomme, cet hommage après une intimité où la femme, après tout, quoi, était l'inférieure, la dominée. D'accord, mon vieux, d'accord, elle n'avait pas manifesté cette nuit enfin bref, mais elle avait savouré en silence, c'était clair, elle avait savouré, il avait senti ça, oui, oui, elle avait savouré.
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Je t'aime autrefois, maintenant et toujours, et toujours ce sera maintenant, disait-elle. Mais si deux dents de devant m'avaient manqué la nuit du Ritz, deux misérables osselets, serait elle là, sous moi, religieuse ? Deux osselets de trois grammes chacun, donc six grammes. Son amour pèse six grammes, pensait-il, penché sur elle et la maniant, l'adorant.
CHAPITRE XLII - P431
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Fini, fini, plus de Maman, jamais. Nous sommes bien seuls tous les deux, toi dans ta terre, moi dans ma chambre. Moi, un peu mort parmi les vivants, toi, un peu vivante parmi les morts.
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Albert Cohen
Si on voulait s’habiller bien, il fallait accepter du déchet. Enfin, la robe lacée en toile allait bien, une sorte de toile à voile en somme, mais si fine, si légère.
« Une robe voilière », sourit-elle, ravie de cet adjectif inventé.
[…] Nue, elle passa la chère robe, exquise avec ses lacets qui s’entrecroisaient devant, si souple et blanche, largement échancrée et divinement sans manches, héroïque et sculpturale avec ces plis merveilleux. Oh, comme elle s’y sentait bien ! Oui, bonne idée de ne rien mettre dessous. Il faisait si étouffant. Et puis exquis de narguer les gens de la rue et de penser qu’ils ne savaient pas.
Elle ouvrit un carton, en sortit les sandales blanches achetées tout à l’heure, leur sourit tendrement. Jambes nues et sandales, c’était parfait avec cette voilière.[…]

LXVII
Victorieuse en sa robe voilière, elle allait dans la rue, blanche nef de jeunesse, allait à larges foulées et souriait, consciente de sa nudité sous la toile fine, sa nudité que la brise caressait de fraîcheurs. Je suis belle, sachez-le, vous tous que je ne regarde pas, sachez-le et regardez une femme heureuse. Haute, elle allait, glorieusement à la main l’horaire sur lequel, s’arrêtant parfois, elle suivait la marche du train qui le lui amenait. Ô merveille d’aimer, ô intérêt de vivre. […] attention aux autos, ne pas mourir aujourd’hui, ne pas se faire abîmer. Aujourd’hui elle était précieuse. Ô ce soir !
(Belle du Seigneur, page 578)
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Albert Cohen
(Belle du Seigneur, page 723)
Belle quand elle était allongée, elle était un peu ridicule lorsqu’elle marchait nue, attendrissante et ridicule d’être suave et désarmée, si vulnérable, suivie de ses deux rondeurs mouvantes au bas des reins, rondeurs de faiblesse, trop grandes comme toutes les rondeurs féminines, absurdement vastes, si peu faites pour la lutte. Envoûté, coupable, il la considéra qui se baissait pour ramasser sa robe de chambre, et il eut pitié, une immense pitié d’amour comme devant une infirmité, pitié de cette peau trop douce, de cette taille trop fine, de ces rondeurs inoffensives.
Il baissa les yeux, honteux de trouver risible cette douce et confiante créature, empressée à le servir. « Je t’aime », lui redit-il en lui-même, et il adora les touchantes sphères, saintes sphères des femmes, bouleversantes marques de leur supériorité, orbes de tendresse, divines bontés. « Oui, je t’aime, ma ridicule », lui dit-il en lui-même, et il remua ses jambes de tous côtés et en balaya le drap, pour mieux sentir une délicieuse solitude.
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… oh j'aime pas les hommes ne ne et puis quelle drôle d'idée quelle imbécillité de vouloir introduire ce cette ce cette chose chez quelqu'un d'autre chez quelqu'un qui n'en veut pas à qui ça fait mal c'est du joli les voluptés des romanciers est-ce qu'il y a vraiment des idiotes qui aiment cette horreur oh affreux son ahah canin sur moi comment est-ce que ça peut le captiver tellement et en même temps envie de rire quand il bouge sur moi tellement rouge affairé si occupé soucieux les sourcils froncés puis ce haha canin si intéressé est-ce que c'est si palpitant ce va-et-vient c'est c'est comique et puis ça manque de dignité oh il me fait mal cet imbécile et en même temps pitié de lui pauvre studieux qui bouge tellement là-dessus qui se donne tellement de peine et qui ne se doute pas que je le regarde que je le juge je ne veux pas l'humilier en moi-même mais je ne peux pas m'empêcher chaque fois de dire Didi Didi pour battre la mesure pour scander son va-et-vient...
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… J'ai peur de ce qui m'attend plus tard alors pour ne pas savoir je sors je vague dans les couloirs avec des douleurs devant les murs méchants quels affairements dans les couloirs des âges où circulent des actrices des danseurs des figurants de cirque des bêtes sacrées des courtisanes peintes des montreurs d'ours des reines fardées un cheval nu qui galope crinière généreuse au vent de la course suivi par deux tigres allongés embellis de pampres qui filent prestement et parfois passent avec des méandres sous le cheval superbe quels vents d'intrigues quelles révoltes dans les palais en flamme et tant de siècles passent tant de vainqueurs toujours vaincus passez races tribus empires je demeure...
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Dehors, universelle, une inlassable pluie disait leur malheur. Enfermés dans la souricière d'amour, condamnés aux travaux d'amour à perpétuité, ils étaient couchés l'un près de l'autre, beaux, tendres, aimants et sans but. Sans but. Que faire pour animer cette torpeur.
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- Tu ne m'aimes plus, n'est-ce pas ?
- Non, je ne m'aime plus, je ne m'aime personne.
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Devenus protocole et politesses rituelles, les mots d'amour glissaient sur la toile cirée de l'habitude.
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« Mon mari était un pauvre être. J’ai rencontré un homme qui avait une âme, lui, une âme !
- De combien de centimètres ? »
Elle le regarda, stupéfaite, comprit enfin.
« Tu es révoltant ! »
Il frappa dans ses mains, leva les yeux au ciel pour le prendre à témoin. Plus beau que tout ! C’était elle qui faisait cela, trois, quatre fois peut-être dans une nuit, chez le chef d’orchestre, engloutissait avec ferveur, et c’était lui qui était révoltant ! Il y avait de quoi se voiler la face. […]
Bien sûr, elle avait raison. Elle était honnête, elle. Oui, mais cette bouche honnête s’était écrasée contre des poils.
[…] Il renonça donc et tourna le bouton du poste de radio. L’affreux Mussolini parlait et tout un peuple l’aimait. Et lui, que faisait-il ? Il torturait une femme sans défense.
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