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Critiques de Alessandro Piperno (133)
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Inséparables

Voici quelques mois, le premier volet d’une saga familiale signée Alessandro Piperno m’avait séduit, me laissant toutefois quelque peu sur ma faim.

“Persécution”, Prix du Meilleur livre étranger 2011, s’achève sur la disparition tragique du personnage principal, Leo Pontecorvo, accusé à tort de pédophilie et abandonné de tous.

Depuis lors, des questionnements quant à cette lecture au style particulièrement caustique me revenaient de temps à autre à l’esprit. Comment ce médecin cinquantenaire avait-il pu se laisser mourir à petit feu dans l’indifférence générale ? Comment une femme et deux adolescents avaient-ils pu jouer de tant de lâcheté vis à vis d’un mari, d’un père ?



Le second volet ne pouvait plus attendre !

Le ton badin avec lequel l’auteur aborde les rapports humains interpelle d’emblée. Le roman “Inséparables” commence ainsi : “Se fréquenter soi-même avec assiduité suffit pour comprendre que si les autres nous ressemblent, alors il ne faut pas leur faire confiance.”

Étonnant, non ?



L’écrivain italien a laissé les protagonistes du premier opus avancer en âge. Nous retrouvons Filippo et Samuel Pontecorvo bientôt quarantenaires, deux frères aux parcours de vie diamétralement opposés.

Il apparaît très vite que le traumatisme lié aux circonstances du décès de leur père a laissé chez les deux hommes des marques indélébiles, de sérieuses séquelles psychiques.

Une grande partie du roman a trait à la vie affective et à la sexualité de chacun d’eux, l’une et l’autre étant pour le moins bizarres. L’auteur tourne une fois de plus en dérision les mœurs de la bourgeoisie italienne, recourant parfois à une écriture directe et crue.

L’essentiel du roman se déroule à Milan et à Rome mais le lecteur voyage aussi dans le Manhattan des affaires à New York, les bidonvilles de Dacca au Bangladesh ou encore les milieux interlopes de Tachkent en Ouzbékistan.

Des circonstances extravagantes réunissent au final les deux frères et leur mère au domicile romain de cette dernière et permettent de crever l'abcès des anciens non-dits. Cet étonnant happy end porte incontestablement la marque d'un écrivain talentueux.



''Inséparables'', prix Strega 2012, a répondu à mon envie de comprendre jusqu’où l’étrangeté des relations humaines conduit parfois.

Alessandro Piperno ne court visiblement pas après le politiquement correct. Au vu de cette saga familiale si singulière, il flirte déjà avec le cercle de mes auteurs incontournables.







P.-S. :

Plusieurs critiques considèrent "Inséparables" comme un roman se suffisant à lui-même. Je ne partage pas ce point de vue : pour pleinement apprécier les subtilités de ce roman et notamment les particularités du milieu juif dans lequel gravitent les personnages, il est à mon sens préférable de lire auparavant “Persécution” (si vous aimez le premier volet de la saga, vous adorerez celui-ci).



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Persécution

Qu'il est agréable de découvrir un nouvel auteur, de refermer un premier bouquin en se disant qu'il n'est pas le dernier !

Le style alerte et caustique de l’écrivain contemporain Alessandro Piperno séduit d'emblée et son roman “Persécution”, publié en 2010, invite à une immersion au sein de la bourgeoisie juive romaine.



En cet été 1986, Leo Pontecorvo, la petite cinquantaine, est un homme comblé. Oncologue de renom il fait l’admiration de ses pairs par sa façon novatrice de soigner les enfants, privilégiant notamment l’approche psychologique tant vis à vis de ses jeunes patients que de leurs parents.

Entouré de son épouse Rachel, maman au foyer, de Filippo et Samuel, des adolescents très complices, la vie de famille est bien agréable dans la vaste maison moderne, située au cœur de la luxuriante Olgiata, dans laquelle Telma, la bonne philippine, s’active avec discrétion.



Un soir de juillet, à l’heure du repas, une photo du médecin apparaît au journal télévisé. La famille médusée, entend alors le présentateur parler d’une supposée correspondance dépravée entre Leo et Camilla, la petite amie de son fils cadet Samuel.

Bien qu’abasourdi par cette accusation calomnieuse d’une gamine de douze ans, ce mari fidèle, ce bon père de famille, cet homme admiré dans son milieu professionnel a confiance en son entourage. Épaulé par ses proches, il va, c’est sûr, relever le gant de cette accusation dénuée de tout fondement et laver aux yeux du monde son honneur si soudainement sali.

Leo ne réalise pas encore qu’il se trouve déjà pris dans un engrenage infernal, inexorablement engagé sur un chemin de croix. Quoiqu’il fasse désormais, la descente aux enfers vient de commencer…



L’écrivain italien livre par petites touches le parcours de vie du personnage principal.

Les jeunes années de Leo sous l’emprise d’une maman directive et sans complaisance, les rapports pas toujours simples avec une épouse au caractère affirmé, l’éducation parfois laborieuse des enfants, sont évoqués lors de nombreux flash-back. Ces derniers permettent de cerner la personnalité de Leo, un être finalement ambivalent, brillantissime dans certains domaines mais par contre emprunté, peu sûr de lui sur des sujets anodins.

L’auteur n’est pas tendre avec la bourgeoisie romaine ; l'hypocrisie semble le dénominateur commun aux différentes fréquentions de Leo. Même son ami d’enfance, Herrera Del Monte, devenu l’un des meilleurs avocats romains semble plus préoccupé par ses honoraires que par la défense de son client.



Terré dans le sous-sol de la villa, Leo ronge son frein ; il ne sait plus à quel saint se vouer.

Pris d’empathie pour cet homme sur lequel le sort s’acharne, le lecteur, mis au courant des éléments factuels déformés par l’accusatrice, prie pour qu’enfin la vérité éclate au grand jour.

Mais dans les beaux quartiers de la capitale italienne il est un mal sournois qui ronge une classe sociale à l’abri du besoin, une force terriblement destructive : la jalousie !
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Persécution

Que se passe-t-il si une petite jeune fille de 12 ans fantasme sur un homme encore plus âgé que son père, grand cancérologue pour enfants, charismatique et bel homme, par-dessus le marché ?

Eh bien...c’est la catastrophe, évidemment ! Pour qui ? Pour cet homme qui s’effondre, lâché par sa femme et ses 2 fils, mordu par les chiens des médias. Il abandonne tout et se réfugie dans le sous-sol de sa superbe maison romaine. Et nous assistons, médusés, à la spirale vers l’enfer, grâce à une plongée dans ses pensées.



Une analyse psychologique époustouflante de vérité. Tout est décortiqué, toutes les réactions sont sondées dans les moindres recoins. Superbe !

Je reste sans voix devant cette logorrhée verbale et surtout mentale.



L’atmosphère devient de plus en plus pesante au fil des pages et donne lieu à des échappées réflexives sur le cancer des enfants, sur l’amitié et ses apparences, sur le mariage et la paternité, sur l’influence déterminante de la mère, sur la vie des prisonniers, sur la judéité, sur l’influence des médias, sur le pouvoir de la haine et des racontars...je m’arrête là, admirative et je m'incline devant la diversité et la profondeur de l’analyse psychologique et sociologique.



Remarquable !

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Persécution

A l'heure où les crimes pédophiles ne cessent d'éclabousser l'Eglise catholique, à l'heure où l'excellent film de François Ozon constitue une formidable caisse de résonance à la condamnation judiciaire du cardinal Barbarin, à la mise en accusation et sous contrôle judiciaire du prêtre pédophile Bruno Preynat, je suis passée de l'autre côté du miroir avec le roman de Alessandro Piperno : Persécution. Titre évocateur et en parfaite adéquation avec la situation du héros de cette histoire, puisqu'il s'agit de la longue descente aux enfers d'un brillant professeur de médecine, Leo Pontecorvo, suite aux fausses accusations d'une lolita de douze ans, Camilla, qui va l'accuser de viol.

Sujet ô combien délicat, s'il en est... Alessandro Piperno choisit au début du roman un point de vue intéressant, celui d'un narrateur extérieur qui nous annonce d'emblée le drame à venir et va ensuite procéder par flashbacks successifs interférant avec le vécu de Leo après après sa mise en accusation pour viol. On aurait pu espérer de cette structure que chacun des retours dans le passé nous donne des pistes nous permettant de comprendre ou au moins de faire des hypothèses sur la situation présente. Or il n'en est rien, et j'ai ressenti ces flashbacks comme de longues digressions qui m'ont fait perdre de vue Leo Pontecorvo, retranché dans le sous-sol de la villa où il vit avec sa famille depuis le triste soir où il a appris à la télévision de quel scandale il était l'objet.

Bien sûr, Alessandro Piperno lorsqu'il remonte dans le passé de Leo en profite pour brosser un portrait féroce de cette bourgeoisie juive romaine, monde auquel appartient notre héros et certains passages sont à ce titre fort savoureux. Mais aucune prise en compte de l'issue tragique à venir, aucune tension dramatique sous-jacente . Il m'a fallu attendre la moitié du roman pour que je sente vraiment que Leo vivait un drame faisant de lui une victime sur laquelle allait se refermer, comme un piège, un appareil judiciaire décidé à le condamner. Et la scène avec le procureur qui va enfin lui faire part de sa mise en accusation pour viol est à ce titre très réussie car elle évoque d'autres scènes similaires de bien d'autres procès politiques, religieux ou autres, où un accusé est condamné d'avance , où tout ce qu'il a pu faire ou dire dans le passé est décontextualisé et retissé de façon à constituer des preuves à charge irréfutables.

D'ailleurs Leo lorsqu'il va comprendre que sa cause est perdue va devenir à lui-même son propre bourreau : paranoïa, goût du complotisme, paradoxe de la honte qui le pousse à aller plus loin encore dans la douleur pour voir jusqu'où il peut aller, lassitude de celui qui se sent traqué et qui de guerre lasse tend son cou au bourreau. Tout cela est fort bien vu et rendu... jusqu'au moment où une dernière et longue digression me fasse de nouveau perdre de vue Leo et sa longue descente aux enfers. Et la fin du roman ne m'a pas permis de replonger dans le drame et d'y voir un point d'orgue incontournable.

C'est dommage, car la plume de Alessandro Piperno a une force de dénonciation évidente...
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Persécution

Leo Pontecorvo a tout pour lui : grand beau riche, une profession reconnue par tous (cancérologue pédiatrique), une épouse aimante et deux fils merveilleux.

Leo Pontecorvo est un homme reconnu pour sa gentillesse, son excellente éducation, son rapport plein de sollicitude pour son entourage immédiat comme professionnel.

Pas une ombre au tableau. Vraiment ?

Alors pourquoi vers l’âge de cinquante ans, rien ne va plus. Pourquoi cet homme si parfait voit-il son avenir devenir moins brillant et même carrément glauque. Pourquoi sa famille, ses amis, ses collègues lui tournent-ils si rapidement le dos. Où est la vérité dans ce qu’impriment les journaux qui l’accusent de détournements de fonds, de factures gonflées, d’usure et même de pédophilie ?



Ne comptez pas sur moi pour vous révéler la vérité mais sachez qu’ici, Allessandro Piperno a réalisé une étude de personnages hors du commun. Que l’auteur a excellé dans la lente montée de l’angoisse qui saisit notre héros. Que tout a été analysé, décortiqué, justifié. Un travail d’orfèvre ! Et surtout sachez que la fin est glaçante.

Un roman brillant qui dépeint finement la bourgeoisie juive romaine des années 80, et analyse les situations à l’aune des croyances et de la religion. Un roman aussi plein d’humour caustique et grinçant.

Une belle découverte !

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Avec les pires intentions

Avec les Pires intentions est le premier roman d'Alessandro Piperno (2006). Il fit un tabac en Italie et en France à sa parution. Succès populaire et critique vraiment élogieuse. Je l'ai trouvé inégal, prometteur et brouillon.

le narrateur Daniel Sonnino est le principal protagoniste du roman. Il est jeune et c'est le dernier descendant, dégénéré, d'une famille bourgeoise romaine. Il est juif par son père et catholique par sa mère. Il est obsédé, fétichiste, collectionneur de petites culottes.

La première partie est une parodie de roman-saga, genre le Guépard ou les Buddenbrocks bling-bling. le narrateur, sous la forme de retours en arrière et de digressions étourdissantes pseudo proustiennes nous raconte une série d'anecdotes improbables, de bobards peut-être, sur trois générations. Au début surtout c'est très drôle. Les portraits des fondateurs valent à eux seuls le détour. D'un côté Bepy le flambeur juif obsédé à la tchatche crue qui a mené la famille à la ruine. de l'autre Nanni, le gérant avisé catholique mais parvenu cocu et complexé. Ils étaient associés, ils sont devenus rivaux. Les portraits s'enchainent, les générations suivantes sont vides et creuses et on est submergé par un tel torrent de paroles de plus en plus fatigantes qu'on en perd totalement le fil de l'histoire. Où veut-il donc en venir ? C'est qui déjà sa copine ?

La seconde partie ressemble davantage à une parodie de roman d'apprentissage, genre L'Education Sentimentale au baisodrome. Daniel est tombé éperdument amoureux de la petite fille de Nanni. Il souffre depuis des années. Il a commis un impair fatal. Daniel est plein de ressentiment envers sa famille, il est complexé et souffre d'être à moitié juif. Il est méchant, cynique et imbu de lui-même. Il se présente comme une victime de la famille mais évidemment ne vaut pas mieux qu'eux. Tous ces richards sont mal dans leur peau et dans l'incapacité d'aimer leur prochain.

Pour résumer, l'intrigue me semble mal construite et l'écriture un peu trop spectaculaire. Mais pour un premier roman c'est vraiment pas mal, souvent drôle. Je lirai sans doute Persécution.
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Persécution

"La calomnie...(...) D'abord un bruit léger, rasant le sol comme une hirondelle avant l'orage.... telle bouche le recueille, et, piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement ; le mal est fait : il germe, il rampe, il chemine, et, rinforzando, de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d’œil ; elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription."



Le grand air de la calomnie- piano, rinforzando, crescendo - est si brillamment entonné par Figaro que je n'ai pu que lui céder la place de ténor qui lui revient..



A mon tour, cependant. Une drôle de chanson…



J'ai passé deux jours éprouvants à dévorer Persécution.



D'abord en dilettante- charmée, amusée par l’ humour caustique, cinglant d’Alessandro Piperno, qui fait toujours mouche, en disant avec détachement des choses justes sur les petites lâchetés pardonnables de son héros, Leo, un homme aimable, séduisant, bon père, bon époux, bon médecin, mais plein de fatuité, d’autosatisfaction, de colères pusillanimes et de capitulations infimes. Bien sûr, vu le titre et un usage assez brutal de la prolepse, nous savons, dès les premières pages, que tout cela va finir très mal. Mais, n’est-ce pas, nous sommes entre gens de bon ton, et rien n’est à prendre au sérieux, et encore moins au tragique.



J’ai donc beaucoup ri. D’abord.



Mais bientôt, en dépit des piques qui égratignent, en vrac, le socialisme peu regardant mais si flamboyant de Benito Craxi (et Mitterrand), les mères juives, les enfants trop couvés, la bourgeoisie romaine, les intellectuels, les nouveaux riches, les adolescentes manipulatrices, les avocats cyniques, le corps médical incapable de gérer la souffrance ET la vérité - malgré toutes les digressions et anecdotes qui émaillent le récit et semblent faire musarder l’intrigue dans des chemins de traverse- les interventions senties du narrateur malmenant son lecteur, son héros ou ses personnages m’ont impitoyablement ramenée sur la trajectoire d’une exécution en règle.



J’ai encore souri, bien sûr –comment résister à tant d’humour ? - mais comme au cirque, quand on sait que le seau va se renverser sur le pauvre clown, ou qu’il va évidemment tomber de la corde où il fait le pitre.





Une chute par paliers.



Par négligence, Leo est compromis dans une affaire de détournement de fonds dans la gestion de l’hôpital où il est un éminent oncologue pour enfants.



Par excès de confiance, le voilà accusé d’usure par un assistant indélicat qu’il a voulu aider. Mais sa femme, sa famille, ses amis lui demeurent fidèles et défendent bec et ongle ce pauvre Leo incapable de comprendre un bordereau ou une facture, de se défendre contre la rapacité et le mensonge de son entourage professionnel.



Jusqu’au jour où une petite Lolita psychopathe, mal dans sa peau et mal dans sa famille, jette son dévolu sur lui et le harcèle de lettres d’amour. Elle a douze ans et c’est la petite amie de son fils cadet. Il croit pouvoir botter en touche, lui faire comprendre les choses sans scandale. Il commet l’erreur de lui écrire.



C’est l’hallali..





Persécution est le récit d’une chute, celle d’un homme trop confiant en sa bonne étoile, trop gâté par le succès, trop négligent et inadapté aux « terribles pépins de la réalité » pour pouvoir gérer la malignité et la jalousie de ceux qui ne lui pardonnent pas sa naïve magnanimité.



Pire encore : c’est le récit d’un abandon en rase campagne, d’un lâchage brutal et sans rémission. Un homme est livré aux chiens par ceux qui lui sont le plus chers.



Toutes les digressions, les anecdotes, les saillies du narrateur nous ont conduits à pénétrer la psyché de Leo : avoir ri de sa naïveté, souri de ses errements, nous l’a rendu plus proche, plus cher… Il est devenu notre semblable, notre frère…



Comme lui, il y a des choses que nous ne comprenons pas. Qui lui envoie ces dessins mystérieux et naïfs, proches de la BD, qui émaillent le récit et sont énigmatiquement liés à ses pensées les plus secrètes, à ses rêves ou à ses hantises ? Qui le surveille, le nourrit, le protège…ou souffle le chaud et le froid pour mieux précipiter sa perte ? Comme Leo, nous ne pouvons apporter de réponse à ces mystères, et l’épilogue ne nous en donne pas la clé.



Commencée dans le rire, dans l’ironie, notre lecture s’est faite plus pénétrante, plus empathique. Et elle nous a emmenés au-delà de l’empathie : dans la sidération, dans l’incompréhension, dans un sentiment d’injustice et de non-sens d’une opaque cruauté.



Kafka et sa Métamorphose ne sont pas loin : Leo dans son sous-sol c’est Grégoire Samsa, pauvre cancrelat devenu, pour les siens, un objet d’horreur. Et de persécution.



L’ironie n’a pas mené au détachement, comme elle le fait souvent : sans éveiller notre méfiance, Alessandro Piperno a fait de son lecteur – de sa lectrice en tout cas- un autre Leo : il m’a prise au piège de sa légèreté et brutalement jetée dans le noir enfer d’une situation kafkaïenne- totalement injuste et absolument sans issue.



Un livre magistral, cinq étoiles, sans aucune hésitation !













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Inséparables

« A nous les Inséparables ! »

Voilà ce que criait Filippo, l’ainé de Samuel, lorsqu’ils étaient petits. Ces 2 frères, fils de Rachel et Leo Pontecorvo ont eu, à Rome, une enfance gâtée et une adolescence pourrie due au suicide de leur père, le médecin charismatique accusé à tort d’avoir violenté une gamine de 12 ans, qui plus est la copine de Samuel (ce parcours de l’horreur était magistralement raconté dans « Persécution »).

Et les voici 25 ans plus tard, vivant leur vie tant bien que mal, plutôt mal que bien, d’ailleurs. L’aîné est marié à une névrosée, le cadet se partage entre deux femmes. Leur carrière respective connait des rebondissements spectaculaires qu’ils sont obligés de prendre en compte. Et leur vie sexuelle, racontée en long et en large, en subit les conséquences.



C’est bien là que le bât blesse, pour moi : autant « Persécution » fouillait dans les recoins sombres du cerveau et des cœurs, autant « Inséparables » s’attarde en dessous de la ceinture... Mais bon, Freud n’est pas loin, je suppose.



De plus, la stratégie narrative où apparait très rarement – mais curieusement - un « je » mystérieux alors qu’il s’agit d’un point de vue omniscient, me semble alambiquée (déjà dans le premier volume, d’ailleurs) et trouve son explication dans les dernières pages. Mais celle-ci me semble « scolaire », comme si l’éditeur avait sommé l’auteur de rendre compte de son narrateur, ce dont l’auteur s’acquitte consciencieusement.



C’est drôle, mais en lisant cette histoire que pourtant j’abordais avec une complète bienveillance, ayant beaucoup aimé le premier tome, j’ai eu l’impression de vivre dans un film américain pur jus, où les personnages s’interrompent continuellement sans s’écouter, où les affres sexuelles se taillent une belle part.



Mais la bienveillance que je ressentais avec « Persécution » ne s’est quand même pas totalement éteinte, car j’ai malgré tout suivi les tourments de cette famille juive hors du commun avec intérêt.



Alors, inséparables dans l’enfance, inséparables dans la vie adulte ? C’est à vous de le découvrir !

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Là où l'histoire se termine

C’est l’histoire d’une famille bourgeoise à l’italienne.

Elle compte parmi ses ancêtres : avocats, penseurs, scientifiques éminents et même un rabbin!

Seule fausse note dans ce festival de bienséance un père volage et hâbleur , Matteo, juif romain, se ruant avec légèreté dans deux mariages successifs et une accumulation incroyable de dettes.

Il s’est enfui à Los Angeles en abandonnant sa deuxième femme et les enfants d’un premier mariage afin d’échapper à un créancier menaçant .



Il s’y cachera durant seize longues années .



À la mort de son usurier, Matteo revient à Rome sur un coup de tête .et se jette sans retenue dans les retrouvailles avec la Ville Éternelle …..

.

Ses deux enfants ne lui pardonnent pas son égoïsme de jouisseur , sa polygamie presque convulsive .

Marina se débat alors dans un mariage fragile , n’aime pas ses beaux - parents et se découvre plus amoureuse de sa belle- soeur que de son époux.

Giorgio , lui, préfère fuir son père , il’n’a aucune envie de l’affronter .



Seule , Federica, son ex- femme trouve grâce à ses yeux , véritable Pénélope moderne qui attend son revenant d’époux …



C’est une histoire familiale où le narrateur , ironique , retors , sarcastique s’amuse avec ses personnages.

C’est cynique,, drôle, réaliste, genre petit théâtre familial qui nous donne à lire l’essentiel sous le superficiel : fine analyse du couple ,de la paternité , de la filiation , rapports conjugaux , amours déçus, perte et abandon, certaine difficulté à s’accepter et à accepter l’autre .



L’auteur maîtrise son récit à la perfection , cynisme et réalisme , humour noir , bienveillance: observation attentive, lucide des comportements humains ,radiographie d’une époque, histoire d’une famille bouleversée,, dérangée , paniquée , par le retour du père ..



Je me suis un peu ennuyée jusqu’à une fin inattendue , cette comédie de mœurs à l’italienne bascule dans la tragédie lors du dénouement ..

Avant j’avais lu « Persécution » que l’on m’avait offert ,en 2011.
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La faute

Fils unique d’un couple de romains miné par les problèmes d’argent, le jeune narrateur aborde les années quatre-vingt avec un fatalisme désabusé. Entre disputes feutrées et lubies paternelles, il louvoie tout en faisant l’amer constat de sa solitude que ne trouble aucune famille connue. Par hasard il découvre l’existence d’une branche maternelle, de confession juive, très riche et socialement bien intégrée. Un drame le propulsera dans les bras de cette famille qui lui fera découvrir une toute autre vie.

Dans ce roman très intimiste, l’italien Alessandro Piperno évoque l’enfance et l’adolescence avec malice et bienveillance.
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Persécution

Lors de sa sortie, Persécution m’avait tapé dans l’œil mais depuis je n’avais jamais eu l’occasion de le lire. Alors quand j’ai vu ce roman perdu au milieu de tant d’autres sur une des nombreuses étagères d’Emmaus, j’ai enfin saisi ma chance et je me suis proposé de lui donner une seconde vie.



Nous sommes en Italie dans les années 1980, quand Leo Pontecorvo, un brillant pédiatre est père de famille est accusée par une adolescente de douze ans d’avoir tenté de la séduire. Son monde s’écroule alors et il se terre dans son sous-sol aménagé. C’est l’occasion pour lui de réfléchir, et de nous raconter son mariage, sa vie de couple et de père de famille et puis sa rencontre avec l’adolescente.



J’ai beaucoup aimé l’écriture de l’auteur Alessandro Piperno, que je lisais pour la première fois. Malgré tout, je ressors avec un sentiment mitigé car le roman est trop long. Trop de blabla qui perdent parfois le lecteur et honnêtement, je pense qu’on pourrait facilement retirer une petite centaine de page.

Je suis quand même ravie d’avoir eu l’opportunité de lire ce roman et je ne tarderai pas retenter une autre lecture de l’auteur.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Avec les pires intentions

Avec ce roman, composé de deux partie, la première qui aborde la splendeur puis la décadence de Bepy Sonnino et la deuxième partie est centrée sur le héros Daniel, son petit-fils, passant en revue son adolescence, puis sa vie d’adulte, l’amour de sa vie Gaia, Alessandro Piperno nous propose une satire de la bourgeoisie des années 90.



Nous avons donc Bepy, le patriarche au passé douteux, juif et néanmoins plutôt fasciste, qui assume difficilement pour ne pas dire pas du tout, le fascisme de l’époque, pas très au clair non plus avec le judaïsme, marié avec Ada dont plusieurs membres de la famille ont été déportés, qu’il trompera allègrement.



Ils ont deux enfants Luca, albinos, coaché à fond par Bepy pour en faire un atout, est un homme sûr de lui, qui vit toujours entre deux avions, roule en Porsche, mais voit peu ses enfants, un peu mégalo, tandis que l’autre, Teo finit par émigrer en Israël, devenant un fondamentaliste, anti palestinien.



Casanova aux aventures multiples (même la femme de son associé a fait partie de son tableau de chasse), Bepy, à force de flamber, finira ruiné et devra s’exiler aux USA.



De l’autre côté, nous avons l’autre famille Cittadini, à sa tête Nanni, l’ex associé de Bepy, toujours en quête de prestige social, qui a épousé une femme de la haute société, avec villa de luxe où passe toute la bonne société bourgeoise… quelques hics bien-sûr dans le tableau : son fils s’est suicidé car Nanni avait fait pression sur lui pour qu’il ne divorce pas. Il laisse deux enfants : Gaia la préférée de Nanni et Giacomo psychotique….



Évidemment, Daniel, fétichiste, collectionneur de collants ou petites culottes, onaniste effréné, est amoureux en secret de Gaia, et devient son confident à défaut d’autre chose…



Alessandro Piperno nous trace un portrait tellement acide, ironique, sur les personnages qu’on a l’impression de lire un manuel de psychiatrie, toutes les pathologies y figurent. Les personnages sont caricaturaux. On comprend vite qu’un évènement important s’est passé, obligeant Daniel à s’exiler, mais l’auteur fait durer le suspense.



J’ai aimé les ruminations de Daniel, qui rappelle étrangement Philip Roth, notamment sur la judéité ou semi-judéite ou plutôt le côté biculturel, qui le conduit à écrire un essai anti juif : « tous les juifs antisémites. D’Otto Weininger à Philip Roth », on voit qu’il est à la recherche d’une identité, aussi bien spirituelle que sociale, car il baigne dans un milieu nanti dont il dénonce les codes et tente plus ou moins de s’en affranchir. Mais, il finit par devenir lassant à force de vouloir tenter de tout interpréter…



Des pages grinçantes, au vitriol même, sur le mariage de Luca avec une Goy, fille de catholiques purs et durs, avec des négociations interminables, tant les deux familles se détestent.



Les cogitations et personnalités des autres protagonistes sont intéressantes aussi : la culpabilité apparente de Nanni, ainsi que son mépris pour tout ce qui ne brille pas, le besoin de Luca d’avoir une idole, une figure paternelle à admirer, reportant sur Nanni l’idéal du père lorsque son propre père meurt, sans oublier Giacomo fumeur, alcoolique, drogué, qui manipule en fait tout le monde.



Sans oublier le fils de Théo, Lele, donc le cousin de Daniel, homosexuel : "lui, petit enfant imprégné des intégrismes paternels maniaques, a reçu un signe du Vengeur Biblique, la punition divine provoquée par ces pensées illicites à propos de ses compagnons, par l’anormalité de ces pensées" P 79



Et cerise sur le gâteau : Gaia, nymphette aux mœurs légères, totalement déconnectée de la réalité, sans oublier les copains préoccupés uniquement de fêtes, d’argent, voitures… Ah les problèmes existentiels des riches !!!



Donc, un roman intéressant, avec des longueurs, de belles réflexions pleines d’ironie, mais une overdose de sexe, en ce qui me concerne, entre l’onanisme de l’un, l’érotomanie de l’autre, fétichisme, en passant par l’homophobie, avec peu d’élégance dans le langage parfois… On peut lire par exemple "Celui qui a embrassé avec tant d’enthousiasme le traditionalisme juif le plus extrême se retrouve avec pour fils cette pédale travailliste".



Une critique difficile car j’ai bien aimé par moments, j’ai râlé pas mal aussi, en tout cas, ce livre de 440 pages ne m’a pas laissée indifférente.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Inséparables

C'est une addiction ! Je dois (me) l'avouer (le chemin de la guérison débutant à la prise de conscience de la maladie), après avoir été Pipernophile dès la première lecture, j'ai rejoint les rangs des Pipernodolâtres les plus virulents et aujourd'hui, les symptômes sont clairs, je suis Pipernomane dépendant. C'est stupéfiant l'effet que ses livres me font.

Prenez le dernier, celui-ci, sur lequel vous attendez peut-être un avis (qui ne vient pas, je sais). Je l'ai acheté il y a plus d'un mois. Aussitôt, je l'ai enfoui dans un tiroir pour ne plus le voir et je me suis mis à lire autre chose. du lourd, du quatre étoiles et demi de chez Babelio, du Roth Joseph et Philip, du Rash, de l'Atkinson, du Pérez-Reverte, du Russo, du Fante, de l'Echenoz, du Munoz Molina, enfin vous voyez : de quoi réussir une cure de désintoxication. Et puis hier, le temps, l'humeur, le manque sans doute, j'ai ouvert le tiroir. Rechute immédiate !

Ne croyez pas que j'ai tout avalé en trois heures. Non, c'est tout le contraire parce je ne suis pas fou, je sais que c'est dangereux. Je n'ai pas envie de faire une overdose qui serait de très mauvais goût sur Babelio. Alors, je lis quelques pages, je note des citations à distiller au fil de ma lecture et c'est le déluge. Je n'ai pas lu les cent premières pages que j'ai déjà vingt-cinq citations à vous faire découvrir. C'est maintenant vous qui risquez l'overdose…

Trois jours plus tard, vous êtes toujours là ?

Si on parlait un peu du livre ? Revoici les frères Pontecorvo dont le père était l'objet central de Persécution (qu'on peut tout à fait lire après même si ce serait mieux de le faire avant). Vingt ans ont passé, Filippo est un dilettante, aujourd'hui on dirait un glandeur, qui ne fait pas grand-chose mais le fait avec élégance et sur lequel, sans qu'il l'ait vraiment cherché, s'abat soudain la réussite puis la célébrité et la reconnaissance médiatique.

Samuel, son frère, ex golden boy, futur ex-courtier en coton, est à peu près tout ce que son frère n'est pas (et réciproquement) mais les deux frères sont unis comme ces perroquets qu'on appelle inséparables parce qu'ils vont toujours par deux. L'un est marié à une actrice de sitcom dont il tombé amoureux devant sa télé, l'autre va se marier avec la femme qu'il fréquente depuis quinze ans sans avoir réellement consommé leur union. Au centre, il y a leur mère qui serait parfaite dans le rôle de la mère juive possessive mais qui sait limiter au minimum ses intrusions pour éviter la caricature.

On pense immédiatement au ton des comédies de Woody Allen, y compris les emballements amoureux, les hauts et les bas (surtout les bas, c'est plus amusant) de la vie conjugale ou familiale et les questions (d'aucun dirait obsessions) sexuelles. On traite ainsi de sujets sérieux voire graves avec une légèreté, une ironie et un humour enchanteurs. C'est distrayant, très bien écrit et toujours drôle. Les coups de griffe sont distribués avec élégance à un panel assez représentatif de personnages, d'institutions ou de situations qui ne l'ont pas vraiment volé. Actrices ou animateurs de télé, cuisiniers « nouvelle cuisine », architectes d'intérieur, dirigeants d'université à la recherche d' intervenants « tendance », peu importe ce qu'ils ont à dire, businessmen vaniteux, fils à papa, réseaux sociaux « dopant l'amour comme la haine », foules hystériques, humanitaires progressistes aux convictions douteuses mais néanmoins attachants (« Il veut coopérer avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. le jour il veut l'admirer comme Mère Teresa de Calcutta, la nuit la baiser comme une star du porno »)… et puis, bien sûr, les fondamentalistes, car il semblerait qu'ils aient pris Filippo en grippe…« le plus grand don de Dieu au fondamentaliste est de l'avoir créé obtus. »

La marmite boue gentiment, l'orage va se déclencher et je ne vous dirai pas si les Inséparables y résisteront. J'adore cette histoire, la façon dont elle est racontée, la densité et les faiblesses de ses personnages et ce ton pétri d'humour qui alterne le sérieux, le burlesque et le tragique.

Vous êtes toujours là ? Toujours pas décroché(s) ?... (j'ai ajouté un « s » entre parenthèses parce que j'ai un tempérament optimiste). Mais il va falloir y penser quand même, nous allons devoir nous séparer parce que ce n'est pas moi qui vais vous livrer Inséparables. Il faut aller l'acheter, puis le lire dans la foulée (maintenant, pas demain, pas plus tard, pas dans la PAL), parce qu'à mon avis c'est le meilleur des quatre que je trouve tous formidables. Surprenez-vous, sortez de votre zone de confort habituelle et faites-moi confiance. L'été approche, il est temps de déguster sans modération un Piperno bien frais.

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La faute

La faute ou l'imposture. Voilà ce que nous raconte le narrateur de ce roman.

Mais de quelle faute, de quelle imposture s'agit-il ?

S'agit -il du couple mal assorti que forme ces parents. Couple modeste vivant à Rome.

S'agit-il de la révélation que lui fera sa mère à l'adolescence :Elle est juive.

S'agit -il du fait que sa mère n'entretienne plus de relations avec sa famille car celle-ci récuse son mari. La famille Sacerdoti fait partie de la bourgeoisie catholique romaine. L'Oncle Gianni , avocat renommé, en est l'élément extraverti par excellence.

Notre narrateur vit donc modestement à l'ombre de cette famille.

Un jour , Oncle Gianni l'invitera pour passer une semaine avec ses cousins et cousines à New york.

Une invitation de deuxième choix. Il remplace une cousine Sacerdoti malade. Sans cela il serait resté à Rome.

Il va succomber aux charmes de cette famille, de cet oncle, de ce luxe.

Vollà peut être La faute.

Ce narrateur sans nom ni prénom nous livrera le récit de son enfance et de l'homme qu'il est devenu quatre décennie plus tard. Un homme tourmenté par son enfance, un couple parental de moins en moins crédible entre un père inconséquent et une mère faite de droiture maladive.

Allesandro Piperno pousse le plus loin possible l'introspection familiale et l'identité de celle-ci, quitte à ce que le narrateur s'enlise et découvre des failles auxquelles il ne s'attendait pas.

La faute est un roman ample, parfois bavard à l'écriture agréable mais qui demande une attention soutenue
Lien : http://auxventsdesmots.fr
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Persécution

Etrange impression que celle laissée par ce roman dense et complexe, qui fouille dans les méandres de la conscience humaine.

Leo Pontecorvo, pédiatre renommé, découvre au journal télévisé qu'il est accusé d'avoir entretenu une liaison avec une adolescente de 12 ans. Stupeur autour de la tablée familiale. Mais alors que l'on s'attend à ce qu'il se défende avec véhémence, il... fuit. Il se cache dans le sous-sol de sa maison.

Le roman raconte cette descente aux enfers et tout ce qui a précédé, avec moult détails et précisions (l'auteur est fan de Proust). On entre dans les tourments de l'âme de ce médecin, on le découvre brillant, arrogant, pédant -et lâche. On doute, on cherche à savoir, à comprendre, on s'impatiente. C'est un récit tout en intériorité (bizarrement ponctué d'images), qui laisse un sentiment déroutant ; à l'instar du personnage principal, il m'a davantage agacée que charmée. Toutefois, à travers son portrait, Alessandro Piperno dépeint également la bourgeoisie romaine du milieu des années 80, et j'ai apprécié la finesse de ses observations.

Ce n'est pas une lecture qui me semble indispensable, mais elle devrait séduire les amateurs de romans psychologiques.
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Inséparables

Je flippe devant Les Oiseaux de Hitchcock, je kiffe ceux d'Aristophane, ceux de Matisse me font rêver, mais ces oiseaux-là, Les Inséparables d'Alessandro Piperno m'ont infligé une déception cruelle, à la hauteur de mes attentes: ils sont tombés comme des pierres du haut du ciel où m'avait laissée Persécution.



Le même mot ,en grec ancien, qui désigne l'oiseau sert aussi à nommer un oracle, réponse divine et ambiguë aux demandes humaines. Eh bien, toutes mes questions après la lecture de Persécution ont trouvé leur réponse - Cet "oiseau"-là au moins aurait dû me satisfaire...Eh bien non!..je dois être un oiseau mal embouché..



Je sais qui glissait ses dessins sous la porte du pauvre Leo condamné au silence et proscrit par sa propre famille pour un crime qu'il n'avait pas commis -mais, si on lit attentivement Les Inséparables, des invraisemblances notoires apparaissent : le dessinateur n'est pas celui que l'évidence désigne, mais alors que glisse sous la porte de Léo l'autre dessinateur, celui qui en fera son métier?

Je sais qui mettait des barres de chocolat devant la porte du sous-sol où s' était enterré Leo, je sais aussi qui est cet étrange narrateur-je-sais-tout qui se permettait d'ironiser sur chacun au plus fort du drame. Je sais même les secrets de l'insupportable Rachel, cette mère-pieuvre, cette épouse -parfaite-sous-tous-rapports qui soudain se désolidarise et laisse mourir son mari sans solliciter la moindre explication. Le récit, magnanime, lui donne un blanc-seing tardif et littéralement in extremis...Oui, oui, contrairement aux apparences, elle a agi pour la bonne cause! Encore une invraisemblance: épargner ses enfants ...en laissant leur père mourir abandonné et injustifié?



Bref je sais tout ce que je voulais savoir, comme si un dieu bienveillant s'était dit: allez, on va lui faire une petite explication de texte, à cette imbécile, et puis on va la boucler, cette histoire, en la truffant de portraits au vitriol - une actrice névrosée, une belle-fille de rêve pour belle-mère abusive, une onaniste perfide, un snob insupportable et j'en passe...- et aussi d'histoires de cul pour faire bon poids. Les frères Pontecorvo ont des problèmes sexuels, - sexe compulsif, onanisme en réunion ou impuissance, il y en a pour tous les goûts! D'ailleurs, on en aurait à moins avec une mère castratrice et manipulatrice et un père faible et accablé d'opprobre...mais cela ne fait ni un sujet, ni un (bon) livre: juste un reste de viande farci d'épices nouvelles. En Belgique, on appelle cela des oiseaux-sans-tête...



Malgré mon intérêt et ma passion pour les oiseaux, je n'ai pas aimé ces Inséparables, bien moins intéressants ou inquiétants que ceux que Tippi Hedren achète au début des Oiseaux d' Hitchcock, qui ont le bon goût de rester sagement dans leur cage à se bécoter, quand les mouettes, les hirondelles, les passereaux et les corbeaux deviennent inexplicablement des tueurs en puissance.



La curiosité dit-on, est un vilain défaut: je n'aurais pas dû vouloir à toute force connaître la réponse aux énigmes du livre précédent. Pan, sur le bec! Sans compter quelques plumes perdues avec mes illusions...



Persécution était un somptueux vol de gerfauts DANS le charnier natal. Les Inséparables, c'est de la roupille de sansonnet..

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Là où l'histoire se termine

A son arrivée, à Rome, Mattéo est fort dépité de ne trouver personne à l’aéroport pour l’accueillir. Après un exil de seize ans en Californie, il espérait susciter un peu plus d’intérêt de la part de ses proches. Que peuvent-ils lui reprocher ? Oh, des broutilles, couvert de dettes, il a juste abandonné femme et enfants pour fuir un créancier de plus en plus menaçant.

A partir de là, l’auteur nous propose de découvrir les membres de cette famille manifestement indifférente.

L’épouse Federica, 50 ans, en proie aux doutes face à la vieillesse, en perpétuel questionnement sur son potentiel de séduction, prête à tout pour récupérer ce mari volage m’a parue touchante et pathétique.

Martina empêtrée dans un mariage subi plutôt que souhaité est secrètement amoureuse de sa belle-sœur avec qui elle a échangé un baiser torride. Le retour de son père la laisse tout simplement indifférente. On ne peut que la trouver antipathique et superficielle.

Et le fils Giorgio a bien assez de souci avec son restaurant et la venue prochaine d’un enfant qui lui semble une bien lourde responsabilité. Il est à mon sens, celui dont le caractère se rapproche le plus de celui de son père même s’il reste le plus hostile à son égard.



« Là où l’histoire se termine » peut se lire comme une saga familiale étonnante, provocatrice, drôle, parfois choquante, souvent féroce. Alessandro Piperno y dépeint avec justesse les relations familiales et fraternelles mais aussi les émotions humaines, la vie en somme. Il dresse avec beaucoup de finesse le portrait et le parcours de vie de chacun des personnages, leurs blessures et leurs fragilités, tout en révélant les malentendus, les non-dits et les secrets enfouis des uns et des autres. J’y ai retrouvé l’écriture percutante teintée d’une pointe d’ironie à laquelle j’étais habituée pour avoir lu plusieurs fois cet auteur.



J’aurais qualifié ce roman de léger pour un bon moment de détente si l’auteur ne m’avait surprise par une fin aussi soudaine que dramatique, remettant les sentiments à leur juste place.

Mais, chut, car c’est « Là où l’histoire se termine ».

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Avec les pires intentions

"Avec les pires intentions" est une saga familiale étonnante,provocatrice,drôle, parfois choquante, souvent féroce, bavarde et éloquente...

Cet ouvrage brillamment écrit nous conte les tribulations d'une famille de la bourgeoisie juive romaine: les Sonnino.



La figure emblématique, le grand- père Bepy est futile, hâbleur:"Combien de fois

Bepy, devant des femmes d'une laideur célèbre, s'est répandu en éloges téméraires: " Mon trésor, je t'ai rarement vue aussi splendide.....",excessif, machiste...

Coureur de jupons impénitent, il collectionne les femmes et les billets neufs, c'est un homme de pouvoirs et d'affaires, adulé autant que détesté....

Mais son petit fils. Daniel, le narrateur, timide et infiniment torturé va se charger de lui régler son compte, enfin, presque,car ce livre est une entreprise de déracinement d'un monde, d'une société et surtout d'une certaine idée de la judéité...



Daniel,rejeton tout à fait juif, est issu d'un mariage mixte entre une mère, fille de famille de "gentils" et de Luca, fils de Bepy.

Sa mixité en fait une sorte "d'apatride", d'étranger pour ces deux communautés: "gentil pour les juifs" ,"juif pour les gentils".

Cette dualité se renforce lorsque l'on considère les destins opposés des deux fils de Bepy.

L'aîné, Lucas, père de Daniel chérira l'esprit du grand- père , il en sera le dépositaire, jonglant avec une aisance magistrale entre Luxe, Porsche, Voyages d'affaires et Cachemire...

L'autre fils a choisi la voie la plus escarpée de la religion et....l'installation en Israël.

Le mécanisme d'attraction- répulsion auquel est confronté le narrateur est la clé et le Moteur du livre.

Daniel a un vrai "dilemme" :appartenir à la jet - set de ces adolescents riches, se ronger d'amour insatisfait et platonique pour Gaia, digne représentante de ce monde de parvenus ou mépriser les signes extérieurs de réussite sociale...

Ce dilemme va pourrir son adolescence, le maintenir dans ses complexes identitaires et le paralyser face à ses choix d'homme.

Peut- être finira t- il par s'affirmer et à gagner sa place?en profitant pour étaler ses frustrations de trentenaire désorienté....



L'ouvrage est un trop plein d'humour déjanté et féroce, de réflexions définitives sur les rapports humains et la condition juive.

Il donne parfois l'impression d'être aussi ambigu que la personnalité du narrateur, inégal aussi,car les interrogations continuelles et les états d'âme de Daniel peuvent lasser le lecteur!

On sort à moitié rieurs et dupés par ce texte dense et caustique!

Mais la richesse du roman est réelle,avec des questionnements salvateurs sur la famille et la religion,sur les différences, les incompatibilités et les divergences,sur la difficulté de l'adolescence, la crise identitaire,l'antisémitisme,la lâcheté, la sensualité exacerbée,les apparences qu'offrent les facilités destructrices de l'argent roi, un ouvrage décapant, aux portraits féroces et jubilatoires,qui donne le tournis!

Où l'on côtoie Raymond Aron, Churchill, Miller,Depardieu, Frank Capra, Gary Grant et Hepburn et bien d'autres personnages tout aussi dissemblables!

Difficile d' écrire une critique correcte sur un ouvrage aussi provocateur et

foisonnant, et les interrogations riches qu'il recèle!

Mais ce n'est que mon avis.



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Avec les pires intentions

Grandeur et décadence !

La société juive romaine dans toute sa splendeur.

Du grand-père, Casanova invétéré, flambeur, sans moralité, au petit-fils, Daniel, une famille d’où ressortent tous les excès du « mâle » italien et toutes les caractéristiques du comportement juif.

Les personnages, aux personnalités outrancières, sont presque caricaturaux.

La seconde partie est plus réservée à Daniel et ses amours malheureuses.

Voilà une famille passée au peigne fin.

Trois générations s’y succèdent, avec des sauts dans le temps, de telle façon que l’on s’y perd un peu.

Choquant parfois, excessif souvent, un peu brouillon, mais très intéressant.



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La faute

Mensonge, lâcheté, remords et culpabilité sont au menu de « La faute ».

La faute à qui ?

Qui est coupable ? Le narrateur, coupable d’avoir changé de vie, d’avoir oublié et renié ses parents, d’avoir adopté une nouvelle famille, d’avoir troqué les dettes et les huissiers de la première pour l’opulence et le luxe de la seconde ?

Les parents qui ne parlaient pas, se querellaient et ont mal fini ?

La nouvelle famille qui efface l’ancienne ?

En définitive, ce sont bien les mensonges du narrateur, ses accommodements avec la réalité qui constituent la faute principale et le sujet de ce roman d’apprentissage.

« Mentir m'avait troublé plus que prévu. C'était comme si un nouveau moi avait étouffé le petit garçon loyal et consciencieux de toujours. Un moi social, pour ainsi dire, doté de l'habileté suffisante pour deviner que dans le monde la sincérité, l'honnêteté intellectuelle et l'auto-ironie sont des qualités beaucoup moins utiles que le charme, la simulation et la possession de certains objets coûteux. »

Et de fil en aiguille,

« Comme faire de l'épate ne coûte pas cher, le risque est d'y prendre goût. Le mensonge devient alors un habitat qui n'est que trop confortable, et vous vous retrouvez l'otage de vos balivernes comme il arrive à trop de journalistes malhonnêtes et aux rares excellents romanciers encore en circulation. Alors oui vous pouvez vous exposer à des accidents fâcheux. »

Les pages se tournent vite, avides que nous sommes de découvrir « la faute ». Mais si, comme le narrateur, nous avons pris quelques arrangements avec la réalité de notre vie, impossible d’en sortir indemne. Les mensonges enfouis remontent, les remords suivent et nous voilà prêts à plaider coupables.

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