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Citations de Anna Akhmatova (316)


TOUT AU BORD DE LA MER
1.
Les baies découpaient la côte basse,
Toutes les voiles s'enfuyaient vers la mer;
Moi, je faisais sécher ma tresse,
Chargée de sel, sur une pierre plate
À plus d'une verste de la terre.
Un poisson vert s'approchait de moi,
Une mouette blanche me rendait visite,
Et j'étais hardie, méchante et gaie.
Et je ne savais pas que c'est là le bonheur.
J'enfouissais ma robe jaune dans le sable
Pour que ne puissent l'emporter
Ni le souffle du vent, ni un vagabond.
Et je nageais jusqu'à la haute mer,
J'y restais, bercée par les sombres vagues chaudes.
Quand je revenais, un phare, à l'est,
Faisait déjà briller sa lumière changeante.
Un moine me disait, aux portes de Chersonèse :
"Pourquoi vas-tu vagabonder la nuit ?"
[...]
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Anna Akhmatova
J’ai appris aux femmes à parler. Mais, Seigneur, comment les obliger à se taire ?
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À l'aube être réveillée
Par une joie qui t’étouffe
Et voir derrière un hublot
Ondoyer la vague verte,
Ou par grand vent sur le pont,
Emmitouflée de fourrure,
Écouter vibrer les soutes
Et ne penser à rien d’autre,
Mais pressentant la rencontre
Avec ma nouvelle étoile,
D’heure en heure rajeunir
Sous le fouet d’embruns salés.

1917
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Anna Akhmatova
L'amour

C'est parfois un serpent magicien,
Lové près de ton coeur.
C'est parfois un pigeon qui roucoule,
Sur la fenêtre blanche.

C'est parfois sous le givre qui brille
La vision d'une fleur.
Mais il mène, en secret, à coup sûr,
Loin de la joie tranquille.

Il sait pleurer si doucement
Dans la prière du violon,
Il fait peur quand on le devine
Sur une lèvre encore inconnue.
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... et je me suis retirée ici de tout,
De toute espèce de bien terrestre,
C'est une souche dans la forêt
Qui est l'esprit, le protecteur de "ces lieux".

Dans cette vie nous sommes tous en visite ;
Vivre, c'est tout juste une habitude...
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Pardonne-moi d’avoir vécu dans la tristesse,
Et de m’être si peu réjouie du soleil.
Pardonne-moi, pardonne-moi
D’avoir pris tant d’autres pour toi.
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Notre temps sur terre passe vite,
Étroit est le cercle qui nous est dévolu.
Mais lui, il est immuable, éternel,
Du poète il est l'ami inconnu et secret.


("5. Le lecteur", dans 'Les secrets du métier', 11juillet 1959)
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J'ai été, tel un fleuve,
Détournée de mon cours par un temps sans pitié.
On a remplacé ma vie par une autre. Elle a coulé
Dans un autre lit, auprès d'un autre,
Et mes propres rives me sont inconnues.
Oh, que de spectacles j'ai manqués,
Et le rideau sans moi se levait
Et sans moi retombait. Que d'amis
Je n'ai jamais rencontrés de ma vie,
Oh, que de villes dont les contours
Auraient pu faire jaillir mes larmes,
Mais je n'en connais qu'une seule,
Même en rêve, à tâtons, je saurais la trouver.
Oh, que de poèmes jamais écrits,
Leur chœur en secret autour de moi rôde
Et il se pourrait bien qu'un jour
Ils finissent par m'étouffer...

(Extrait de "Cinquième", dans "Élégies du Nord")
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La conscience.
A-t-elle un sens ? Existe-t-elle ?

Deuxième partie, strophe 7.
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Anna Akhmatova
  
L'aube du soir et sur le ciel bleu sombre
Où naguère luisaient dans leur mystère
Les ors du temple de Jérusalem,
Ne restent plus dans le fouillis des branches
Que deux étoiles et la neige vole,
Allez savoir, non pas de haut en bas
Mais comme en remontant depuis l'asphalte,
Précautionneuse, tendre, paresseuse.
Étrange aura été ma promenade.
Un reflet transparent sur les visages
Et sur les choses m'a comme aveuglée
Dès que je suis sortie, on pouvait croire
Qu'ils étaient tous cachés sous les pétales
Jaune flammé de ces petites roses
Dont je ne me souviens jamais du nom.
L'air, sec, glacé, sans un souffle de vent,
Portait, tel un trésor, le moindre bruit
Et j'ai compris : rien ne se tait jamais.
Puis à travers les rambardes rouillées
Du pont tendant leurs petites mitaines,
Des enfants nourrissaient quelques canards
Avides qui jouaient sur une eau d'encre.
Je me suis dit qu'il n'était pas possible
Que cela, je l'oublie. S'il m'est échu
Un dur chemin, cette charge sans poids,
Je saurai la porter quoiqu'il arrive,
Et, dans la maladie, dans la vieillesse,
La misère, qui sait ? je sentirai
Ce couchant frénétique, et cette force
En moi, – la vie, que j'aime, oui, si fort.
  
1914-1916    « Motifs épiques, III »

Traduction d'André Markowicz
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Le Saule
... le duvet fragile des arbres -- Pouchkine

J'ai grandi au milieu de calmes motifs
Dans une fraîche nursery du jeune siècle ;
Je n'aimais guère la voix des hommes,
Mais je comprenais celle du vent.
J'aimais la bardane et l'ortie,
Et plus que tout le saule d'argent.
En reconnaissance il a vécu
Avec moi toujours, ses branches en pleurs
Semaient des rêves sur mes insomnies.
C'est étrange ! Je lui ai survécu.
Voici la souche ; les autres saules
Parlent aujourd'hui avec d'autres voix
Sous notre ciel, sous d'autres cieux.
Je me tais ... On dirait que mon frère est mort.
Janvier 1940
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Les mots non-prononcés
Je ne vais plus les répéter.
Mais en mémoire de cette non-rencontre
Je planterai un églantier.
Comme il brillait là-bas et chantait
Le miracle de notre rencontre,
Je ne voulais plus revenir
De là-bas, plus jamais.
Il m'était amères délices
Ce bonheur au lieu du devoir,
Je parlais à celui qui m'était interdit,
J'ai parlé longtemps.
Que les amoureux brûlent de leur flamme,
Exigeant une réponse,
Nous ne sommes, nous, que des âmes
Aux confins du monde.

"Autre chanson"
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Anna Akhmatova
On m’oubliera ? Vous croyez m’étonner ?
On m’a oubliée cent fois,
Cent fois déjà je gisais dans la tombe,
Où, peut-être, je suis encore.
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Tes paroles tranchées, glaçantes…


Tes paroles tranchées, glaçantes
Et tes yeux comme fous…
L’aveu de ton amour avant
Le premier rendez-vous.

Mais je t’avais été promise
En un siècle lointain,
Vers toi je franchissais les mers,
Poussée par le destin.

Et sans savoir ton nom, ni même
À quoi tu ressemblais,
Comme l’aube surgie de la nuit
Je te reconnaîtrais.
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Mon époux est un bourreau, son toit une prison.

Pourtant, vois-tu, je suis venue moi-même…
Décembre naissait, les vents hurlaient dans la plaine,
Il faisait si bon dans tes chaînes,
Mais dehors guettaient les ténèbres.

Ainsi par une tempête d’hiver l’oiseau se jette
De tout son élan sur la vitre transparente
Et le sang tache son aile blanche.

Aujourd’hui calme et bonheur règnent en moi.
Adieu, mon doux ami, tu m’es cher à jamais
Pour avoir laissé entrer chez toi une vagabonde.
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Dès le début il m'avait semblé être
Le rêve de quelqu'un ou bien son délire,
Ou encore un reflet dans le miroir d'un autre,
Sans nom, sans chair, sans raison d'être.
Déjà je connaissais la longue liste de crimes
Que je devais commettre un jour.
C'est ainsi que, d'un pas de somnambule,
Je suis entrée dans la vie et je lui ai fait peur.
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Chaque matin je fais silence
Sur ce qu'un rêve m'a chanté.
Une rose pour le rayon,
Et pour moi un même destin.
La neige glisse des versants,
Mais je suis plus blanche que neige.
Des rivières en crue et troubles
Les rives avec volupté
Se découvrent.
Et le mouvement frais d'une sapinière,
Plus paisible qu'une pensée qui se lève.
  
-
  
Бывало я с утра молчу
О том, что сон мне пел.
Румяной розу и лучу
И мне — один удел.
С покатых гор ползут снега,
А я белей, чем снег,
Но сладко снятся берега
Разливных мутных рек,
Еловой рощи свежий шум
Покойнее рассветных дум.
  
1916
  
(Traduction de Christian Mouze)
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Sixième

Les souvenirs en nous vivent trois âges.
Le premier - il semble que c'était hier.
L'âme demeure sous leur voûte bénie,
Et le corps ravi à leur ombre repose.
Le rire vibre encore, les larmes coulent,
La tache d'encre est toute fraîche,
Et scellant notre cœur, l'empreinte
Du dernier baiser - unique, inoubliable...

Mais cela ne dure guère et bientôt,
Ce n'est plus une voûte au-dessus de nos têtes,
Mais au fond d'un faubourg une maison perdue,
Où il fait froid l'hiver et chaud l'été,
Habitée d'araignées, couverte de poussière,
Où moisissent nos lettres d'amour fou,
Où les portraits sournoisement s'altèrent,
Où l'on se rend comme sur une tombe,
Et au retour, on se lave les mains,
À ses paupières lourdes, et l'on soupire.
Et l'on essuie une larme furtive
Mais l'aiguille de l'horloge tourne, les printemps
Se succèdent, le ciel s'empourpre,
Les villes changent de nom, et déjà
Il n'y a plus de témoin, personne
Pour partager nos pleurs, nos souvenirs.
Et lentement s'éloignent de nous ces ombres
Que nous cessons désormais d'évoquer,
Dont le retour nous glacerait d'effroi.

Et voilà qu'un beau jour, nous avons oublié
Jusqu'au chemin menant à cette maison perdue
Et, suffoquant de honte et de colère,
Personne ne nous connaît, nous sommes des étrangers.
On s'est trompé d'adresse... Et c'est alors
Que sonne l'heure la plus amère : nous comprenons
Que ce passé ne saurait plus s'inscrire
Dans les limites de notre vie présente,
Qu'il nous est devenu presque aussi étranger
Qu'à notre voisin de palier, que les morts,
Nous ne pourrions les reconnaître, et que ceux
Dont Dieu nous a autrefois séparés
Se sont fort bien passés de nous et même,
Que tout est pour le mieux...


5 février 1945, Maison aux Fontaines
(extrait de "Élégies du Nord") pp. 27-29
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La musique

Il y a en elle un miracle qui brûle.
Sous nos yeux, elle forme un cristal.
C'est elle-même qui me parle.
Quand les autres ont peur de s'approcher.

Quand le dernier ami a détourné les yeux.
Elle est restée avec moi dans ma tombe.
Elle a chanté comme un premier orage,
Ou comme si les fleurs se mettaient toutes à parler.
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Anna Akhmatova
Mon silence s'entend partout
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