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Critiques de Anne-Catherine Blanc (43)
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Moana blues

Moana Blues. Quel écrin doux et limpide pour accueillir le deuil bleu nuit de cette famille tahitienne. le titre annonce déjà toutes les nuances de bleu contenues dans cette lecture. « Moana, c'est le bleu absolu que prend l'océan quand le regard plonge vers les profondeurs sans se rassurer sur l'élan pailleté d'un banc de poissons (…). Moana désigne aussi l'abysse. Moana, c'est la matière bleue, à la fois aussi présente au plongeur que sa conscience et aussi désespérément fuyante, aérienne et douloureuse. (…) Moana se mérite par l'angoisse qu'il distille. Plonger dans le bleu angoisse et fascine. (…) Des ondes dans l'onde. Des sons que l'on entend aussi avec les yeux. »





Des sons comme celui d'un prénom. Parce que Moana est aussi un prénom. Celui du fils que Paulot a adopté en se mariant à une tahitienne de cette île qui l'a adopté lui, l'enfant du Maroc. Son (beau-)fils surfer dont il s'est appliqué à mériter la confiance chaque jour, y compris en lui apprenant à plonger. Ce fils qu'il pleure aujourd'hui jusqu'à la nausée. Car aujourd'hui, Moana est bleu, lui aussi. Bleu comme l'eau qui l'a recraché, alors que Paulot ne peut s'empêcher de penser : « J'aurais voulu que la mer ne rende jamais ton corps. J'aurais voulu te revoir à jamais libre et beau, souriant de toutes tes dents très blanches dans ton visage coloré par le soleil, sous la broussaille de ta chevelure, toujours tempérée de sel. Au lieu de ça, j'aurais toute ma vie sous les paupière l'image de ta chair éclatée, de ta figure bleuie, meurtrie, et pourtant affreusement reconnaissable ».





Alors Moana blues, c'est le chagrin qui envahit Paulot et la famille à la mort de ce fils, qu'il pleure à l'intérieur pour ne pas paraître faible. Et pour ne pas craquer il se parle, une litanie de mots et de souvenirs qui le submergent par vagues, et qu'il s'applique à enfiler comme des perles de larmes sur un fil de logique raisonnable. Pour ne pas perdre le fil de sa vie, de cette journée d'enterrement interminable, tenter de retrouver le sens de ce qui est arrivé. Y a-t-il jamais un sens à la mort ? Il se parle pour s'encourager, mais en réalité il parle aussi à Moana comme s'il pouvait l'entendre, pour l'accompagner dans sa mort ou la nier encore un peu ; Il lui confie ce qu'il n'a jamais osé de son vivant, s'appuie sur ce dialogue avec un mort, lui qui n'est pas croyant, pour supporter la terrible journée qui l'attend. Et les suivantes, emplies d'un vide nouveau, qu'il tente de combler avec difficulté tant il se sent par moment comme étranger à ce à quoi il assiste, comme si son âme flottait hors de son corps pour ne plus vivre ce deuil, ne plus souffrir, ne pas se noyer dans son chagrin.





La narration extrêmement sensible mise en place par Anne-Catherine Blanc reprend ce mouvement que l'on peut ressentir dans ces instants de deuil : Un narrateur extérieur prend le relai quand Paulot ne peut plus raconter, mais très vite on repasse au tutoiement, comme si le narrateur était un ami plein d'empathie pour Paulot et qu'il le soutenait, jusqu'à se fondre ensuite avec le tutoiement par lequel Paulot se parle à lui-même pour tenir le coup, puis devenir enfin le tutoiement qu'il adresse à son fils. le lecteur se laisse porter par ce courant puissant, comme pris dans les mailles d'un filet dont il ne peut plus, ne veut plus se dépêtrer. A l'aide de tous ces points de vue, on reconstitue l'ensemble des faits qui ont mené à cette tragédie. C'est avec beaucoup de psychologie et une infinie douceur que l'auteur amène le lecteur et son personnage à détricoter cette sensation de culpabilité que l'on ressent dès le départ, et qui justifie d'entendre le beau-père plutôt que la mère, à laquelle on aurait pu s'attendre. C'est beau, c'est fort et surtout bourré d'amour, de maladresses, de petites victoires, de vérités inavouées. de cette luminosité des îles, aussi, qui se réverbère sur le blanc pur et immaculé de leur deuil et en éclaire les circonstances. de bleues.





« Moana, mon fils, j'aurais aimé qu'on t'immerge en face de notre maison, au-delà du récif, dans le bleu, pour que l'océan puisse achever son oeuvre. J'aurais aimé, chaque matin, saluer le miroir pour te saluer, toi, avant de le traverser pour te rendre visite. Chaque frisson de ma peau au contact de l'eau amicale aurait été de ta part comme une caresse lointaine, un signe très doux de présente fugitive, mais toujours renouvelée. Au lieu de cela, il y aura la tombe, le cimetière. »





Moana blues, une gemme saphir dans un écrin de turquoise et de corail blanc.





« La vérité gît là-bas, à l'échancrure de la mer ».
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Moana blues

J'ai beaucoup aimé ce roman, qui s'apparente davantage à une introspection de la part de son protagoniste, Paulot. Paulot et ses pensées intarissables, qui surgissent comme un cri aussi assourdissant que les paroles qu'il n'arrive pas à prononcer. Car Paulot est en deuil. Il pleure silencieusement Moana, son fils, son passionné de surf, son amoureux de la mer. Il pleure intérieurement, avec décence et un peu de distance aussi, car il n'est pas facile de clamer son amour pour un fils qui est un beau-fils. Il redoute que le monde lui hurle son illégitimité au visage, lui le “père d'élection”. Comme si être père n'était qu'une histoire de biologie, de lien du sang.

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C'est un commencement dans le chagrin, dans la douleur. Celui de se lever le jour de l'enterrement et d'affronter la réalité. Moana n'est plus. L'envie de se recoucher et d'oublier, surtout la vision de ce corps bleui sous la bâche. Mais sa famille d'adoption, celle de sa femme Malinda, est là pour les soutenir. Une famille d'insulaires chère à son coeur, qui l'a adopté et qu'il a adoptée, lui le popa' vieillissant, l'ancien prof venu de la métropole.

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“Aucun père, qu'il soit père biologique ou père d'élection, ne maîtrise la mort de son fils.” Alors, comme pour panser sa blessure, Paulot déroule le film de sa vie sur l'île, ses rencontres, Malinda, sa paternité, ses projets et Moana, toujours. Peut-être qu'à force d'y penser, la peine se tarira. Comme un refrain lancinant auquel on finirait inévitablement par s'habituer, avant de se résoudre à l'accepter. Mais pour l'instant, la douleur est profonde, déchirante, physique aussi. Son corps, si fiable d'ordinaire, est en train de lâcher prise. Peut-être le signe que certains cris doivent impérativement jaillir.

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Ce monologue intérieur est comme un chemin de croix, qui nous plonge également dans les coutumes et traditions tahitiennes. L'écriture, superbe, authentique, suscite une empathie immédiate. En cette journée de deuil, on suit Paulot qui se laisse porter, un pas après l'autre, vers l'adieu au fils. J'ai visualisé sans peine sa carcasse, le regard lointain, le poids du chagrin sur ses épaules, l'obstruction de sa trachée. Je l'ai imaginé prendre part à cette journée sans y prendre part vraiment, comme envahi par un vague à l'âme, le “Moana Blues”. Un récit que j'ai trouvé aussi captivant qu'émouvant, essentiel et poétique, jamais larmoyant.

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Une chose est sûre, après mes lectures saisissantes de “Bones Bay” et “Moana Blues”, je vais suivre de près les éditions “Au vent des îles” et continuer à découvrir leurs publications.

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Roman lu dans le cadre d'une Masse Critique Babelio. Je remercie Babelio et la maison d'édition pour l'envoi de ce roman.

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Ma chronique est sur le blog.

Caroline - le murmure des âmes livres
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L'Astronome Aveugle

Lassés des romans de rentrée, des introspections et autres autobiographies, vous cherchez à vous évader dans d’autres temps, d’autres mœurs ? Ce conte est pour vous, et outre l’évasion, il vous permettra aussi de découvrir une très belle écriture imagée et poétique. Je vous ai laissé telle quelle la quatrième de couverture, qui dit juste ce qu’il faut, ni trop, ni trop peu. Un astronome au service d’un roi, devenu aveugle, tombe peu à peu en disgrâce et finit par préférer partir par les chemins que rester au service d’un roi qui ne le considère pas plus que le dernier de ses palefreniers. Le bord de la mer les voit passer, lui et son chat fidèle, cheminant ensemble et faisant étape dans les ports où l’astronome rend de menus services. L’hiver arrivant, il va lui falloir trouver un abri, et c’est le chat qui le guide vers une haute tour rappelant son observatoire.

Un des atouts de ce conte est son écriture, je l’ai déjà dit, qui rend vraiment bien les odeurs, les bruits, les sensations perçus par notre astronome, mais c’est aussi sa façon de lier le contemplatif et le dramatique qui est une réussite. Car l’action n’est pas monotone et vous trouverez ainsi un gardien de phare, une belle esseulée, une galère royale, une tempête, un roi qui veut se marier, une menace mortelle, et tous ces éléments vous mèneront à une fin tout à fait émouvante et réussie.
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Les chiens de l'aube

La Chiquitita, c’est son nom. Celui du personnage qui m’a interpellée à l’instant même où je l’ai rencontré/vu/lu. Je suis de suite tombée amoureuse de l’avant-dernière factionnaire de la maison clause où travaille Hip Hop le narrateur des Chiens de l’aube.



La Chiquitita n’est pourtant qu’un moindre élément, un personnage secondaire parmi d’autres. Elle n’est pas le narrateur, ce vieil intendant de bordel issu d’une quelconque favela d’Amérique latine, elle n’est pas non plus cette « mère supérieure », proxénète en chef et propriétaire des lieux, elle n’est rien de ses consoeurs prostituées amères et acâriatres et non moins femmes, ni de la dernière embauchée fragile et faussement innocente. Elle n’a rien à voir non plus avec la brute épaisse, garde du corps de ces dames, et persécuteur de première ligne du brave concierge.



Les chiens de l’aube est un roman riche en personnages attachants et rebutants. Le comportement anormal de La Faena, la dernière recrue de cette maison clause latino-américaine, est le prétexte assumé pour une immersion dans les souvenirs et dans le quotidien de l’étrange tenancier au surnom instable cité précédemment, ce brave Hip Hop embrigadé (presque) malgré lui dans une enquête des plus cocasses.




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Les chiens de l'aube

AC Blanc est une styliste hors paire. Quelle langue mes amis, quelle langue ! Riche. Métissée de mots de différents niveaux de langage. Unique, tiens, le tout début : "Chez nous, les rues de la nuit appartiennent aux furtifs, aux baveux, aux électriques. Elles appartiennent aux chats pelés qui bondissent des poubelles, crachoteurs d'injures chuintantes, griffes et dents jaillies du fourreau pour défendre la pauvre arête ou la tripaille fétide qui alimentera en eux jusqu'au lendemain la petite braise de vie, étique et obstinée. Elles appartiennent aux ligues de chiens galeux, mangés de tiques, mais forts de leur nombre : masse protéiforme et grondante, capable d'attaquer l'ivrogne branlant ou de faire reculer le jouisseur clandestin filant à son plaisir, feutré, circonspect, concentré dans son effort pour noyer l'ombre qui le talonne dans l'ombre caressante des murs, un ton plus noire." (p.7) Poétique : "La Faena a un petit sexe humide et souriant, un petit coquillage rose corail, niché dans sa pelote d'algues douces. La Faena a des yeux d'obsidienne, des lacs volcaniques sans mémoire dans un visage de lave épuré, mais rigide, infiniment lointain, comme ignorant de sa propre histoire." (p.26) En plus de la beauté du texte, j'ai dû recourir avec bonheur une petite dizaine de fois au dictionnaire pour des mots rares, désuets ou recherchés ("mascaret", "purotins", "camard", ...) qui ne sont pas là pour épater la galerie, mais pour ajouter du plaisir de lecture.

Mais ce roman n'est pas qu'un exercice de style et s'il ne s'y passe pas beaucoup d'action pendant les deux cents premières pages il n'est est pas moins passionnant. Hip Hop observe les filles, les autres employés (barman et videur), dresse les portraits des personnalités les plus marquantes, leurs rapports, les jeux de pouvoir, de violence. Il passe inaperçu, fait partie des meubles et peut donc écouter et entendre et suit quasiment tout ce qui se passe dans la maison. Et lorsqu'il ne sait pas, il enquête, notamment pour savoir qui est le protecteur de la Mafalda la Prieure qui voudrait être cheffe et l'identité de l'amateur de jeune vierge qui menace la tranquillité des lieux. Car la Faena n'est plus vierge et la Mama fait tout pour le faire croire, si l'homme puissant qui la désire l'apprend, le pire peut arriver à l’établissement et à ceux qui l'occupent.

AC Blanc décrit également la vie sordide, la pauvreté dans une dictature qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Ce qu'iceux sont obligés de faire pour survivre, le plus souvent la prostitution d'eux-mêmes et de leurs propres enfants (d'où l'absence de jeunes femmes vierges) : un chapitre est consacré à la manière dont la Mama a construit sa notoriété en exploitant cette misère avant d'en arriver à ce bordel miteux. Même si le roman est un quasi huis-clos, l'extérieur est présent dans les odeurs, les bruits, les chiens de l'aube qui fouillent les poubelles, les chats errants, le vent est là aussi, très présent, le vent purificateur, celui qui nettoie les odeurs et en rapporte d'autres.

Osez prendre le risque de lire un roman dont on ne parle pas dans les médias, un livre qui vous fera découvrir une plume sensible, précise, magnifique et des personnages forts qui résonneront longtemps en vous. Un coup de cœur pour moi !
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Passagers de l’archipel

6 Perles à découvrir, admirer, dans la transparence de l’océan, la beauté des ïles, et la douceur de vivre, surgissentt les travers d’une civilisation frappée de plein fouet par l’ambigüité de la modernité. Le long de ces nouvelles, nous sommes subjugués par la plume délicate de Anne-Catherine Blanc et à la fois chagrinés par la douleur et la souffrance avilissantes d’une population.



Six nouvelles pour six tableaux différents mais pourtant un fil conducteur commun, hormis le pacifique, le regard d’une civilisation sur un monde devenu carte postale pour les uns, devenus l’envers du décor pour les autres.



"billet entrecoupé par des citations voir sur le blog pour son intégrailité"

Je ne peux vous livrer la suite, vous laissant découvrir la fin de cette superbe nouvelle, malgré la tragédie et l’absurdité de l’homme qui se laisse piéger et avaliser par l’alcool, devenant plus qu’une bête sans coeur ni âme ; Poevara a subi, en silence, puis Poevara a mis un terme à cette souffrance, se laissant couler dans l’abyme d’un autre ailleurs sans doute meilleur que la réalité.

Lignes de vie, deuxième destination, à la découverte de deux personnages peints avec beaucoup de sagesse et de justesse, l’art et la manière une fois encore dont fait preuve l’auteur pour cette description, me laisse en admiration. Le vieux tinito qui calligraphie à longueur de journée sur de vieux annuaires, et le tatoueur, deux arts qui requièrent de la patience et l’harmonie du geste.

Raerae, troisième nouvelle, troublante, prenante, émouvante, j’ai appris par ce récit que l’homosexualité ou les travestis, dans les temps lointains dans cette partie du monde n’était pas le tabou d’aujourd'hui, mais faisait partie de la nature, personne s’en offusqué, sans doute parce qu’à cette époque, les choses nées d’elles-même devaient vivre à la lumière comme toute chose sur cette terre et non cachées et salies par une éducation absurde au nom de la morale et de la bêtise humaine.

Une fois encore, l’auteur aborde un sujet délicat avec poésie et tendresse, par un personnage attachant qui fait encore ici les frais de ces hommes qui se croient plus homme qu’un Raerae, mais au final ne sont que des épaves de notre civilisation blindée de préjugée, aveugle de l’essentiel, refusant la différence, mais profitant de la faiblesse et la naïveté d’un être autre, pourtant humain :



Passons à la suivante : Sa place au soleil , quelque peu différente des autres, puisque Colette européenne en est la protagoniste. Cette histoire pourrait être la nôtre, une envie de briser le quotidien, de voyager, mais voyager est-il suffisant pour tout changer ? Colette aime le soleil, participe à des jeux, et la chance lui sourit : elle gagne un voyage de rêve ! Ce rêve sera-t-il à la hauteur de ses espérances ? Que se cache derrière cette envie d’évasion, qui est réellement Colette ? Peinture d’aujourd’hui sur fond de destin commun, devons-nous attendre l’heure fatidique où tout peut basculer pour profiter de la vie ? La fin nous surprend, comme un coup de poing dans notre réflexion, sans doute le voyage est à notre porte et notre destinée dans le bonheur de tous les jours à déguster sans modération, sans soleil ni îles juste savoir apprécier la douceur de vivre.



Les deux dernières nouvelles, m’ont moins impressionnée, moins transportée : le sauvetage de tonton Philibert et la fourgonnette. Malgré tout, j’ai apprécié les pointes d’humour, et découvrir à travers ces histoires le quotidien de ces îliens.



Pour résumé, je me suis délectée à la lecture de ce recueil, j’avais adoré Moana blue et je viens d’acquérir “l’astronome aveugle” qui rejoint ma PAL. Une auteure qui sait nous offrir le dépaysement toute en poésie et couleur sans pourtant nous cacher la triste réalité de ces îles contaminées par notre civilisation.















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Moana blues

J'ai immédiatement adhéré au résumé de Moana Blues, beau, poétique et énigmatique qui donne envie d'en lire plus ! Il consiste en un extrait du prologue, et révèle la plume si particulière d'Anne-Catherine Blanc. Percutante et empreinte de poésie, sans pour avoir rien de guindé, loin de là.



Ce résumé nous fait comprendre, si on n'avait pas deviné avec la couverture et le titre (moana signifie entre autres significations la mer, l'océan, le bleu. Mais Anne-Catherine en parle bien mieux que moi), que le livre tourne autour de la mer, on comprend aussi qu'un drame s'est passé ou se passera, et c'est tout.



C'est donc pour ça que j'ai été étonnée par la tournure du roman. Je n'ai pas envie d'en dire plus, parce que j'estime qu'il vaut mieux le découvrir soi-même en lisant le roman. Sachez juste qu'on aborde les thématiques de la mort et du deuil. L'autrice dénonce aussi les violences conjugales, le viol sur mineures... Vous l'avez compris, ce n'est pas un roman gai.



Mais il est tellement bien écrit, j'ai adoré la plume de l'autrice qui m'a prise aux tripes. Au début j'ai eu un peu de mal avec la narration, car on oscille entre présent et passé d'un paragraphe à l'autre, sans prévenir. Parfois on est dans la tête du personnage principal, qui se parle à la deuxième personne, parfois on suit un point de vue externe à la troisième personne. C'est un peu déroutant, mais j'ai fini par m'y faire pour me laisser bercer par les mots de l'autrice.

J'ai aussi apprécié le point de vue adopté par le personnage principal sur la société tahitienne des années 2000 (et qui n'a pas beaucoup changé depuis). C'est celui de Paulo, un métropolitain installé depuis une quinzaine d'années à Tahiti, celui d'un étranger qui découvre une autre culture sans mépris ni fascination. Il la prend comme elle vient, car comme Paulo le dit si bien "c'est comme ça ici, suffit de savoir". Ça m'a bien fait sourire, car ayant quitté Tahiti pour la métropole, je comprends bien le désarroi des étrangers face à certaines habitudes typiquement tahitiennes et au parler local.



Paulo, c'est un personnage gris qui a des choses à reprocher, dont une absolument abjecte. Et malgré ça, malgré le fait que ce soit un grand ronchon cynique, il a du bon en lui, ce qui permet de s'attacher à lui malgré tout.



Je recommande fortement ce roman, que vous soyez sensibles ou curieux vis-à-vis de la culture populaire tahitienne. Si vous avez peur que ce soit trop axé sur le monde maritime, n'ayez crainte, il n'est qu'en arrière-plan. Ici ce qui domine c'est le deuil, la perte brutale d'un être cher. Le roman est court, à peine 170 pages pour relater une journée, le tout raconté avec des mots percutants. Lisez-le, parce que c'est beau, tout simplement.
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L'Astronome Aveugle

3ème livre que j’ai le plaisir de lire de cette auteure, et 3ème fois que je succombe à sa plume. Bien que ce titre soit assez différent des 2 autres “Moana blue” et Passagers de l’archipel, j’ai apprécié ce petit conte philosophique aux airs moyenâgeux. Comme tout conte, une morale se dessine de page en page, faisant sa place au fil du récit pour nous bousculer et nous enchanter jusqu’à l’ultime point final. Empli de sagesse et d’humilité, nos deux compères ont soudé une forte amitié, entre eux, ce chat et une confiance hors pair.



Encore une fois je fus charmée par la plume poétique de AC Blanc, une fois encore, je me suis régalée à découvrir cette histoire inattendue. Toute la simplicité offrant l’espace démesuré d’un chemin à explorer, découvrir une lecture agréable et douce, apaisante et réconfortante.



Merci à l’auteure de nous offrir à chaque livre, une perle dans un écrin de poésie.



Dans l’ambiance particulière du phare, on frémit, on apprécie, on angoisse, on se régale d’une autre époque, d’une langue aux assonances révolues et pourtant ça chantonne, ça fleure bon le paysage marin, dans l’immensité du cosmos, chevauchant les récifs, ou bien les étoiles, le ciel et la mer ont rendez-vous au doux ronron du chat témoin d’une paix retrouvée.



Des aventures ou mésaventures, périples et dangers, font opposition au confinement du phare et de la chaleur de l’amitié de l’astronome et du gardien, un juste équilibre.



Un petit livre qui ne serait vous laisser indifférent au charme d’Anne-Catherine Blanc, une lecture qui pourrait être une belle occasion de renouer avec une langue oubliée, une aubaine à scruter les cieux là où le noir règne la lumière nous éblouit d’un rien. Le chaos devient vite une douce brise, alors que les vagues se fracassent avec cruauté sur les récifs de nos destins, quelque part croire au calme qui règnera à nouveau. Bercés d’une force intérieure, les protagonistes affrontent leurs maux comme de preux chevaliers tout en respectant leur dignité.



Une histoire éblouissante à la plume douce et chantante, nous transportant dans une autre époque une autre dimension.



Les amoureux de nos amis à quatre pattes dotés d’une certaine intelligence difficilement acceptée par nos animaux à deux pattes, seront comblés

La lecture est très sensorielle, la cécité ouvre avec amplitude les sens, les descriptions tout en finesse abondent sans démesure mais avec justesse permettant au lecteur d’être acteur, ressentir, sentir, toucher , deviner ce paysage , ces embruns, ce chemin…



Un bon conseil, si vous ne connaissez pas encore cette auteure, ne loupez votre chance de lire une plume ô combien délicieuse, ne perdez pas votre temps avec des livres terriblement communs, offrez-vous des lectures tout à fait hors normes, voyagez, sentez, laissez-vous abandonnez dans l’encre majestueuse de Anne-Catherine BLANC.




Lien : http://lesmotsdepascale.cana..
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Passagers de l’archipel

Recueil de nouvelles d'Anne-Catherine Blanc.



Poerava - "Poerava était née au temps de la mémoire perdue. Comme tous ceux de sa génération, elle n'était plus que l'héritière d'une amnésie." (p. 8) Poerava s'invente des rituels magiques pour se protéger et se venger. Face à la brutalité de l'existence, elle investit les perles d'un pouvoir sacré : création de l'homme dans les fermes perlières, ces agglomérats de nacre noire et dure sont comme Poerava, inaliénables. Poerava n'appartient qu'à elle-même et à l'océan."Elle savait désormais que l'atoll, son anneau de corail, son anneau de noces, la vouait sans faille au bleu mortel dont elle était née. Elle ne pouvait plus compter, pour se sauver, que sur ses rituels magiques." (p. 17)



Lignes de vie - Entre un vieil homme qui trace inlassablement des lignes de calligraphie sur de vieux annuaires et un tatoueur qui orne les peaux de bijoux indélébiles, il y a le même amour du dessin. "Seul compte le geste en cours d'accomplissement, le tracé en devenir." (p. 31 & 32) Quelle que soit l'encre ou le support, "la calligraphie, c'est comme la vie : on ne peut pas remonter le courant." (p. 32) La calligraphie et le tatouage sont deux arts tahitiens, issus de traditions métisses et symboliques. Qu'il marque la peau ou qu'il couvre la feuille, celui qui les pratique est "à la fois artiste graphique et écrivain public. Écrivain à fleur de peau." (p. 41)



Raerae - "Herenui était gaucher, métis et raerae." (p. 49) Beaucoup de défauts pour un seul homme. Est raerae l'homme qui choisit d'être une femme, d'exprimer et de vivre sa féminité. Dans l'ancienne Tahiti, c'était une pratique fréquente. Encore aujourd'hui, "sa culture lui offrait un biais pour l'exprimer sans déshonneur." (p. 57) Mais les temps changent. Herenui, si heureuse et innocente, s'attire les moqueries et les désapprobations d'une société qui oublie ses traditions. "Qu'elle existe, soit, mais au moins, qu'elle souffre d'exister sous cette forme au lieu de s'épanouir en toute sérénité !" (p. 62) Pauvre raerae qui fera l'expérience d'une brutalité gratuite et mesquine.



Sa place au soleil - Colette vit dans un pays gris, éloigné de l'océan et du soleil. Mais justement, le soleil, Colette en rêve et elle projette des séjours fabuleux dans des terres gorgées de lumière chaude et brûlante. "Pour tout le bourg, elle est la brave papetière un peu timbrée, l'aventurière en pantoufles dont on peut sourire sans méchanceté." (p. 92) Mais Colette n'ose prendre l'avion et découvrir enfin les mondes dont elle rêve. "Enclos dans ces routines gigognes, le temps de Colette tourne en rond comme un hamster dans sa roue." (p. 93) Mais voilà qu'un jour, Colette gagne un voyage à Tahiti. Enfin, elle peut passer derrière la carte postale et goûter au soleil. Mais ce qu'elle découvre là-bas est plus précieux que cette chaleur céleste : elle goûte à la vraie chaleur, celle dont elle a tant manqué.



Le sauvetage de Tonton Philibert - Tonton Philibert aime, le week-end, boire plus que de raison et vider les canettes en pêchant. Il se réveille alors les lundis matins et flotte entre amnésie et migraine. Connu sur l'ïle pour conduire une antique 404 plateau rafistolée, il mène ces jours-là sa guimbarde avec l'assurance optimiste des gens ivres morts. Un lundi matin, l'ivresse est plus tenace qu'à l'accoutumée et Tonton Philibert ne peut pas dire comment il a rejoint son lit.



La fourgonnette - Georges-Temoe est un fils de riche pourri gâté dont la maman est toujours disposée à couvrir les incartades. Mais quand Georges-Temoe envoie dans le fossé le pauvre Rodrigue Titi et son vieux scooter et qu'il tente d'échapper aux policiers présents, il commet une boulette d'une telle envergure que même sa mère, au plus fort de sa mauvaise foi légendaire, ne peut pas ignorer. Boire ou conduire, il faut choisir. Mais il faut également choisir que conduire.



L'auteure nous emmène en Polynésie française. Mais de la multitude d'îles, elle ne retient que Tahiti,"le caillou des mille fantasmes" (p. 104) et s'emploie à gommer les toiles de Gauguin pour faire apparaître une autre réalité, pas moins colorée mais certainement moins idyllique. Si l'île fantasmatique est protégée par sa barrière de corail, elle en est aussi prisonnière. "Le récif de corail avait déployé autour de l'île haute son anneau vermiculé, foisonnant, d'une persévérance de pierre vive, isolant et protégeant peu à peu le microcosme d'un lagon." (p. 7)



Anne-Catherine Blanc trace avec talent, finesse, émotion et nostalgie les nouvelles lignes d'un univers dont on a trop rêvé. Tahiti, la douce terre des fantasmes, n'est plus. Touchée voire tachée par la modernité, elle sent toujours peser le lourd tribut de l'exotisme imposé par des continentaux en mal de frissons d'ailleurs."Depuis longtemps, elle avait disparu, la bienheureuse autarcie du passé, offerte à des habitants sans convoitise par un pays luxuriant et généreux. La modernité avait créé des besoins et, même, elle avait fait naître chez certains une soif de consommation insatiable."(p. 54) Devant le constat mélancolique d'une innocence perdue, l'auteure déploie des personnages qui sont les héros de destinées minuscules aux accents d'épopée.



J'avais déjà particulièrement apprécié L'astronome aveugle de la même auteure. Deuxième lecture réussie avec un voyage dans le Pacifique émouvant, à la rencontre des nouvelles légendes de l'archipel.
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Moana blues

« Moana, faute d'un meilleur synonyme, les Polynésiens interrogés traduisent le mot par bleu.

Grand bleu s'efforce de traduire moana, mais moana est intraduisible.

Moana, c'est aussi le bleu du ciel dans sa plus grande profondeur quand l'abîme et le zénith se regardent dans les yeux. »

Moana, c'est aussi un prénom.

Ce texte de renom, doux comme de la soie est d'une beauté inouïe. Litanie, choralité intrinsèque, la poésie est à l'instar du sable qui s'écoule entre les mains subrepticement. La langue dévore les pages, sublime et attentive, altière et sans pathos. La puissance innée d'un génie littéraire.

Avant de pénétrer ce récit, de lire, il se passe l'heure de la connivence entre un chef-d'oeuvre d'excellence et ce qui va advenir d'une trame bouleversante, pure et merveilleuse.

La rencontre avec Paulot, le beau-père de Moana, endormi à jamais dans l'antre familial.

Il y a si peu encore, ce jeune homme de 16 ans virevoltait dans la vie. Complice avec Paulot, lui, qui lui a offert une paire de palmes pour noël, juste trois jours avant sa noyade.

Paulot qui a su rassembler la fratrie. Malinda et ses poulbots, enfants de pères différents. Seule, la petite dernière Urahei, est la sienne aux yeux du monde. Sauf que Paulot va les adopter, les éduquer, les pousser entre vagues et terre, contraintes et devoirs, et l'amour à pleines brassées.

Le récit se situe sur une journée. Séquence après séquence, heure sourde contre heure pleine de larmes, nous sommes en plongée dans cette torpeur où l'enterrement de Moana clôturera le rituel de l'avant, avec ses habitus, son voile blanc et ses fleurs d'hibiscus.

Dans les mouvements des aiguilles au cadran des souffrances intestines, des rappels et des attitudes dignes et pudiques. L'écriture admirable de Anne-Catherine Blanc fusionne et étincelle, dans une intégrité touchante et digne.

« Peut-être qu'elle tient ça d'un de mes gênes à moi, qui sait ? Dès qu'elle aura les pieds assez grands, je lui achèterai des palmes. Et je lui collerai le masque sur la tronche dès qu'elle saura nager. Et je la ferai plonger. Comme Moana, bon Dieu, comme Moana. Y a pas de raison pour que l'histoire bégaie. »

« Moana, mon fils, j'aurais voulu que la mer ne rende jamais ton corps. Moana, mon fils, j'aurais aimé qu'on t'immerge en face de notre maison, au-delà du récif, dans le bleu, pour que l'océan puisse achever son oeuvre. »

Paulot, fragile et aimant, qui connaît de l'amour toute sa glorification. Dans son quotidien où l'importance est dans les petits riens, les actes de magnanimité. Paulo est un altruiste, un homme qui affronte la mort, le regard perdu vers l'horizon. Un être égaré dans les limbes d'un chagrin infini.

« Le seul avantage de ce grand gâchis aura été de ventiler un peu les gènes de l'espèce humaine : à regarder Moana, ton fils, ce demi, si beau, on ne pouvait que militer pour le grand métissage universel. »

S'il est un livre olympien, théologal, dans cette orée où le bleu étale son céleste pouvoir, c'est celui-ci. On est en transmutation dans cette famille océane où Moana apaise ses silences et les douleurs. Ce texte d'une journée, d'une vie, d'un drame et de ses brûlures est tragique et touchant.

« J'attends la fin de cette journée qui n'en finit pas. Moana, pour pouvoir te retrouver dans cet univers où notre filiation s'est éprouvée et reconnue. »

Un livre d'amour, magistral. Un hymne à la filiation. Une merveille de complétude dont chaque crépitement est Moana. Inoubliable. Le plus bel éloge pour Moana.

Publié par les majeures éditions Au vent des îles.

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L'Astronome Aveugle

Un vieil astronome pétri de sagesse et de connaissances sert un roi désireux de connaître les secrets des étoiles et de son destin. Jusqu'au jour où il devient aveugle. Oublié peu à peu, il quitte la cour, accompagné de son chat, longeant la côte durant quelques saisons. Un gardien de phare lui ouvre sa porte, une belle amitié se noue. L'astronome pourra-t'il jouir de ce bonheur tranquille?







Un livre totalement magnifique, écrit dans une langue belle et berceuse, un peu désuète, déroulant une sorte de fable dans laquelle les humbles ont parfois plus de générosité que les grands, les amours sont joliment racontées, l'amitié fait chaud au coeur, les puissants abusant de leur pouvoir sont égratignés, et le chat est décrit dans toute sa félinité...



Une petite perle à découvrir!







"Car si d'obscures raisons mènent les rois comme les chats, le chat est supérieur au roi en cela que ses raisons, pour obscures qu'elles soient, suivent toujours le penchant de leur coeur. En outre, l'amitié des rois se peut acheter de paroles flatteuses et de billets à ordre tirés sur l'avenir, quand l'amour des chats ne se marchande pas, et par là même n'a pas de prix."
Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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Passagers de l’archipel

De prime abord, on dirait 6 nouvelles apportant chacune un regard

différent et complémentaire sur la Polynésie Française. Et puis, on s'aperçoit

que, au delà de personnages et de situations qui émeuvent ou font sourire,

ces facettes participent d'une même structure générale. On pense aux jours

d'une broderie. J'ai particulièrement aimé la nouvelle où l'écrivain juxtapose

un tatoueur polynésien et un calligraphe chinois. Elle est toute en transparence

et légèreté ; pourtant elle ouvre sur l'écriture et les signes des perspectives

inattendues.



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L'Astronome Aveugle

Deux textes brefs (qui s’apparentent un peu à des contes) sont rassemblés dans cet ouvrage : "L’astronome aveugle" raconte la fin de vie d’un observateur des astres reconnu devenu aveugle. "Le roi, le peintre et l’avocette" narre l’histoire d’un artiste produisant des toiles merveilleuses à tous points de vue. Les deux paraboles ont un aspect désuet dû à leur forme, maîtrisée mais aujourd’hui rare, et au style travaillé employé par l’auteure, qui n’hésite pas à utiliser des termes médiévaux (icelui…) ou des formulations peu courantes. Mais cela rend leur lecture plutôt agréable, nous transportant à des époques oubliées et nous rappelant l’importance de valeurs trop négligées, mais aussi en exaltant la beauté de la mer, très présente dans les deux textes. Une découverte étonnante à la couverture superbe (une aquarelle de Delacroix).
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Moana blues

Un petit roman superbe malgré la tragédie qui se joue comme fil d’Ariane du début à la fin par l’enterrement d’un adolescent mort accidentellement lors d’une plongée. Paulot, beau-père du défunt nous livre par le biais de ce drame, sa propre histoire, ce face à face avec son existence, il nous plonge non dans le grand bleu mais dans les profondeurs de l’être humain.



Nous parcourons ce jour d’enterrement de l’aube à l’adieu final, et l’émotion va crescendo à la mesure des mots de Paulot qui se livre au grand jour, ce jour est aussi le bilan de sa vie, la révélation tardive de cet amour paternel, sa vision de cette île, toute une panoplie de sentiments, de réflexions, un roman très riche et écrit magnifiquement.



La structure est originale, ce dialogue avec Moana décédé et entre Paulot et lui c’est autre Paulot faisant son bilan sur cette île, c’est troublant et à la fois très intime, sensible, l’émotion devient de plus en plus intense jusqu’aux limites des larmes qui naissent bien malgré nous.



Quoiqu’on en dise, la chose la plus terrible dans une vie, c’est de perdre son enfant, tout s’écroule autour de vous, en vous, tout le reste devient dérisoire et absurde, on sait qu’il y aura un après mais que sera-t-il ?



Alors Paulot confie à ce fils ses douleurs, son amour, ses regrets peut-être, il se vide de ce trop plein qui le terrasse, jusqu’au bout il fait acte de présence mais dans sa tête il est ailleurs déjà loin très loin , perdu dans l’océan, dans les profondeurs, là où il sait qu’il retrouvera Moana…



Paulot nous mène vers le Moana, même au-delà quand le bleu devient noir, dans les profondeurs des ténèbres, on voyage entre ce bleu magnifique et ce noir qui nous glace le sang.



Entre le déroulement de l’enterrement et les confidences de Paulot, entre l’exposé des us et coutumes sur cette île, on ne ressort pas indemne de cette lecture qui m’a fortement émue.
Lien : http://lesmotsdepascale.cana..
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Le voyage de Jeanne

Pour faire un bon personnage de roman historique, une des solutions est d’aller puiser chez ceux qui ont eu une vie remarquable mais dont les sources manquent. C’est précisément ce qu’a fait l’auteure et grande voyageuse Anne-Catherine Blanc en signant le journal de bord fictif de Jeanne Barret aux éditions des Instants, Le voyage de Jeanne, préfacé, excusez du peu, par le navigateur et écrivain Titouan Lamazou.

De Jeanne Barret, on connaît surtout les fictions qui s’appuient sur les quelques informations solides ayant traversé les siècles. Probablement née en Bourgogne vers 1740, de parents pauvres, elle rencontre en 1764 Philibert Commerson, botaniste de son état.



La suite sur : www.actualitte.com


Lien : https://actualitte.com/artic..
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D'Exil et de Chair

Roman à trois voix, assez étonnant puisque soit elles ne se rencontrent que brièvement soit elles se parlent à 70 années d'écart. Étonnant également parce que l'auteure joue avec les retours en arrière, les avancées dans le temps, il faut bien lire les titres des chapitres qui indiquent le nom du narrateur, le lieu duquel il s'exprime et la date et tout coule parfaitement. Aucune difficulté dans ce roman qui prend aux tripes, qui résonne au plus profond du lecteur. Avec son écriture fluide et tellement belle, Anne-Catherine Blanc cisèle des personnages simples, d'une épaisseur et d'une humanité incroyables. De ceux qui restent longtemps en mémoire, qui laissent une trace indélébile. Ils racontent ce que furent les années trente/quarante et l'accueil que la France fit aux réfugiés, les enfermant dans des camps construits à la hâte et dans lesquels ils -enfants, femmes et hommes- mouraient de faim, de froid, ... La Retirada ou cet exode sans précédent de réfugiés espagnols hante les pages du livre, les charpente et les densifie de la même manière que le sort réservé aux tirailleurs sénégalais avant, pendant et après la guerre. La lecture est intense. La France ne sort pas très glorieuse de cette période ayant oublié ses valeurs d'accueil, de liberté, d'égalité et de fraternité.



Je sais qu'AC Blanc s'est documentée pendant trois ans pour étayer son histoire. Il m'a fallu quelques jours pour la lire, en passant par divers stades : la colère, le dégoût, la honte, l'interrogation (mais qu'aurais-je fait dans ces conditions ?), l'émotion, et le plaisir de lire des pages absolument splendides... C'est un livre puissant, prenant qui ne se lâche pas. Les chapitres se déroulant de nos jours avec les tentatives d'Issa pour venir en Europe ne sont pas les plus reposants, car plus près de nous il interrogent encore plus fortement. Tout ce que j'ai pu écrire plus haut à propos de Soledad et Mamadou est ici aussi d'actualité. Et je n'ai pu m'empêcher de penser à tous ces migrants quittant les conflits et cherchant à survivre que l'Europe ne veut pas accueillir et qui meurent par bateaux entiers.



AC Blanc s'empare d'un sujet fort et casse-gueule et s'en sort admirablement, comme l'avait fait Pascal Manoukian avec Les échoués. Elle y ajoute, au détour de scènes fortes, des phrases superbes, terribles, comme celles-ci racontant comment les tirailleurs sénégalais ont été recrutés : "Ils ont emmené des imbéciles consentants, pris comme moi aux rets d'une parole faussaire, des jeunes fiers de partir se battre, fiers de partir voir la France et le monde. Fiers des regards posés sur eux : les regards sincères des vieux et des femmes. Les regards admiratifs des enfants. Les regards des recruteurs, ces regards où dormait le mensonge." (p.26)



Ou encore celles-ci dans lesquelles elle sépare "le monde qui bouge" entre les voyageurs et les clandestins :



"Les voyageurs dessinent librement des réseaux d'amitié dans le temps et l'espace. La rencontre, puis la séparation, ouvrent des perspectives d'échanges, de messages, de photos et, à long terme, de retrouvailles joyeuses. Les clandestins esquissent furtivement des lignes de vie que le vent efface.



Les voyageurs suivent un trajet rectiligne pour partir, puis pour revenir au pays se construire un avenir. Les clandestins fuient le pays où ils n'ont pas d'avenir et se déplacent de biais, comme les crabes. Comme les crabes, ils fréquentent les trous discrets." (p.238)



Pff, je sors de ce roman tout chose, entre la sensation d'avoir lu un très grand roman et celle d'avoir lu un très très grand roman. Un coup de cœur, évidemment, sans doute le livre le plus fort que j'aie lu cette année. Attention, chef d'oeuvre à ne manquer sous aucun prétexte !
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L'Astronome Aveugle

Roman écrit dans une langue étonnante "enluminée de références médiévales". (4ème de couverture). Les tournures de phrases, la place des mots dans icelles et le choix des mots fleurent bon le vieux français et donnent à l'histoire une dimension unique. Ces choix l'ancrent dans une époque lointaine et un peu irréelle et lui donne un air de conte ou de fable. Très bel exercice de style.

Belle réflexion aussi sur l'indépendance des hommes tant physique qu'intellectuelle. L'astronome, bien qu'il ait été au service du roi pendant très longtemps a gardé un esprit libre, ouvert, curieux et critique : il ne cède par exemple pas à la croyance en une religion -en ces temps de forte présence de l'Eglise- ni même en celle qui le faisait vivre pourtant : la divination par les astres, qu'il considère comme non exacte et tout juste bonne à rassurer le "client" pour peu que l'astronome soit assez intelligent pour enjoliver son propos. Un espèce d'anarchiste avant l'heure : l'image de l'astronome qui me venait au fur et à mesure de ma lecture, et qui me reste après se situe entre Léo Ferré -pour l'anarchie- et Panoramix -qui certes n'est pas astronome, mais druide. Mais que voulez-vous, on ne contrôle pas toujours les images !

Le livre donc est surprenant par son style, les situations et l'époque décrites et ses personnages : l'astronome certes, mais aussi son chat omniprésent, intelligent qui guide l'aveugle, le prévient des dangers et l'aide à sa réflexion personnelle. Pas mal pour un chat, qui, parfois, dans certains passages, m'a fait penser au Chat Botté. Je vous l'ai dit : un conte ou une fable !
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Moana blues

Moana c'est le prénom du fils de Malinda, épouse de Paulot. Paulot, le déraciné. Paulot, le métropolitain, pied-noir d'origine, débarqué un jour à Tahiti pour tenter de s'y enraciner justement. Il a épousé Malinda, maman de deux garçons, Moana et Félix. Ensemble, ils ont fait la petite Urahei, la petite soeur. Moana c'est l'adolescent fou du surf, qui sans accepter son beau-père Paulot, ne le rejette pas. Et puis, à force de patience et grâce à la plongée sous-marine, ces deux-là vont s'apprivoiser et s'apprécier et devenir inséparables. Aussi lorsque Moana meurt d'un accident de plongée et que toute sa famille est inconsolable, Paulot se sent étranger, père illégitime et a peur de se sentir rejeté.

Moana blues se passe le jour de l'enterrement de Moana et c'est le déroulement de la journée de Paulot, ses questions, ses pensées, ses réflexions qui nous expliquent son arrivée sur l'île, sa rencontre avec Malinda et avec ses enfants.

Roman intérieur, très fort. L'emploi alterné des deuxième et troisième personnes du singulier donne une proximité avec Paulot, avec son discours et ses émotions. Il est pudique envers les autres, mais dans ses réflexions intimes il se livre, se découvre. Un homme simple confronté à une douleur qu'il ne peut ni partager ni diminuer. Moana, était devenu son fils ; une vraie complicité et un vrai amour père-fils étaient nés. Trop vite arrêtés, puisqu'ils n'ont pu en profiter que quelques petites années, d'où une douleur encore plus vive.

L'écriture de Anne-Catherine Blanc provoque des sensations, elle prend au ventre. J'ai compati -ce que je pouvais faire de mieux- à la douleur de Paulot et des autres membres de la famille, je me suis senti concerné et me suis même revu dans des circonstance analogues, ayant des pensées identiques à lui, des moments de solitude et des instants où j'avais l'impression de ne pas être à ma place.

Un roman très beau, très fort sur les tourments d'un homme confronté au deuil de son récent-fils adolescent. Très différent du roman suivant d'A-C Blanc, L'astronome aveugle que j'avais également beaucoup aimé. Ce qui prouve que cette auteure a beaucoup de talent et qui me donne très envie de découvrir son prochain livre.
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L'Astronome Aveugle

Voici un roman qui raconte une histoire toute simple : un astronome, devenu aveugle, trouve refuge dans un phare, avec son chat.



Bon, il y a quelques péripéties, des personnages secondaires, mais l'essentiel est là.



Il y a surtout l'écriture de Anne-Catherine Blanc. Une écriture médiévale, pleine de mots et de syntaxe en ancien-françois, ce qui oblige à ralentir le rythme, à épouser l'errance de l'astronome aveugle. Ce qui nous oblige à goûter, comme lui, le vin (des mots).



Un personnage qui n'a logntemps vécu que par ses yeux, mais qui a sû développer ses autres sens et a ainsi donné un sens à sa vie, jusque dans son acte final. Car dans ce roman, c'est aussi la fête des sens : on voit, on sens, on touche, on hume énormément.



Non, je n'en dirai pas plus...



L'image que je retiendrai :



Celle du petit chemin de lande aux senteurs de printemps qui a vu arriver l'astronome et repartir son ami.
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L'Astronome Aveugle

Que voilà un livre rafraîchissant, j'ai eu l'impression de retourner à mes lectures d'enfant en plongeant dans ce conte philosophique ou le merveilleux cotoie le dangereux, ou l'on rivalise de bravoure et de générosité, sans oublier les noirceurs de l'âme humaine.



L'astronome qui était bien en cour, réfugié dans sa tour d'ivoire depuis de nombreuses années, est bien obligé de renoncer à sa charge lorsqu'il devient aveugle. Plein d'angoisse à l'idée de ne plus jamais voir la voûte céleste, il est soudain happé par l'appel du ressac, la rumeur de la mer, dont les vagues viennent lécher les remparts du royal château. Il prend sa canne sculptée, cadeau du roi et se met discrètement en route, accompagné de son précieux chat, fidèle compagnon aux réactions quasi-humaines.



Il va suivre toujours le bord de mer, dormir à la belle étoile, rendre des services à la mesure de ses moyens, travailler pour se nourrir, participer à la vie des villageois, et découvrir la nature, les éléments, humer toutes les odeurs, deviner ce qu'il ne voit pas, jusqu'à ce qu'il arrive à un phare au sommet d'une falaise, dominant un port.




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