Le voyage de Jeanne

Quelle bonne surprise que ce récit de voyage imaginé par Anne-Catherine Blanc, mais à partir de la vie bien réelle de Jeanne Barret, servante et sans doute aussi la maîtresse d'un botaniste ayant décidé de faire partie de l'expédition de Bougainville. Jeanne pour le suivre embarque dans ce tour du monde, déguisée en homme. Nous avons donc là le journal de bord d'une expédition hors normes, tenu par une femme au caractère bien trempé, passionnée, indépendante, forte, en avance sur son siècle, le XVIIIème. Des conditions de vie épouvantables, sans traitement de faveur, bien au contraire, mais avec le dessein de décrire la flore des contrées lointaines. Malgré un quotidien éprouvant, l'humour et la lucidité de Jeanne, une finesse d'esprit et de plume, nous laissent pantois. Un régal, avec néanmoins des passages un peu répétitifs. Mais n'est-ce pas le propre de la vie sur un bateau ?

C'est un vrai travail d'historienne ce livre, sans pourtant jamais nous noyer, J'ai entrevu Jeanne sous vos mots, les gestes que vous lui avez donnés, ça devait être une sacrée personnalité, vous lui donnez chair et âme et c'est un livre qui embarque !!! Je l'ai lu et je l'ai vécu comme une découverte.

Anne-Catherine Blanc sait parfaitement de quoi elle parle quand ses bateaux s'embouquent ou que les marins font courir la bouline aux mousses. Deux mondes se croisent dans ce livre qui n'est ni documentaire, ni fiction mais un peu des deux. Ces mondes sont celui de la marine au 18ème siècle et celui d'une femme qui ne se doit qu'être un homme si elle veut seulement pouvoir embarquer. Un livre édifiant dans lequel se faufile le profil d'une femme exceptionnelle, Jeanne Barret. L'auteure n'a retrouvé que des bribes la concernant, les éminentes personnalités masculines de l'époque n'ayant pas daigné lui faire atteindre la postérité. Mais si "Jeanneton" était née homme, nous connaitrions tous au moins son nom...

Un autre texte “magique” d'Anne-Catherine Blanc. Ce n'est pas vraiment un “livre de bord imaginaire”, car le récit est si spontané et naturel qu'on embarque avec Jeanne sans même s'en apercevoir. Comme à son habitude, l'auteur reste invisible et son personnage principal n'en “fait pas des tonnes” pour forcer la sympathie ou l'admiration. La magie réside dans le voyage lui-même, ou plutôt le chemin qui s'accomplit sans redondance ni affèterie historique. La langue est belle, les rencontres et les images poétiques aussi sobres qu'émouvantes, jusqu'à la fin qui n'est pas sans rappeler celle d'Arthur Rimbaud. Un de mes livres préférés d'Anne-Catherine Blanc (avec Moana Blues, Passagers de l'archipel et Les chiens de l'aube).

En tant qu'homme, du 21ème siècle, ignorant des choses de la mer, j'avais a priori peu d'affinité avec le prétexte de ce roman. Mais j'étais curieux de lire le nouveau défi d'une auteure qui m'a plusieurs fois agréablement surpris. Pari gagné, ce livre sobre et bien écrit est un des récits de voyage les plus stimulants que j'ai pu lire. Une découverte !

Pour faire un bon personnage de roman historique, une des solutions est d'aller puiser chez ceux qui ont eu une vie remarquable mais dont les sources manquent. C'est précisément ce qu'a fait l'auteure et grande voyageuse Anne-Catherine Blanc en signant le journal de bord fictif de Jeanne Barret aux éditions des Instants, le voyage de Jeanne, préfacé, excusez du peu, par le navigateur et écrivain Titouan Lamazou.
De Jeanne Barret, on connaît surtout les fictions qui s'appuient sur les quelques informations solides ayant traversé les siècles. Probablement née en Bourgogne vers 1740, de parents pauvres, elle rencontre en 1764 Philibert Commerson, botaniste de son état.

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