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EAN : 9782367344829
144 pages
Au Vent des Iles (20/01/2023)
4.38/5   26 notes
Résumé :
Moana, c'est le bleu absolu que prend l'océan quand le regard plonge vers l'abysse, vers le vertige sans fond qui s'ouvre au-delà du lagon, passé le récif-barrière. Moana, c'est la matière bleue, à la fois aussi présente au plongeur que sa conscience et aussi désespérément fuyante, aérienne et douloureuse.

Plonger dans le bleu, c'est la petite mort, le renoncement à l'être. C'est devenir soi-même, pour quelques instants d'éternité, onde traversée d'on... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Moana Blues. Quel écrin doux et limpide pour accueillir le deuil bleu nuit de cette famille tahitienne. le titre annonce déjà toutes les nuances de bleu contenues dans cette lecture. « Moana, c'est le bleu absolu que prend l'océan quand le regard plonge vers les profondeurs sans se rassurer sur l'élan pailleté d'un banc de poissons (…). Moana désigne aussi l'abysse. Moana, c'est la matière bleue, à la fois aussi présente au plongeur que sa conscience et aussi désespérément fuyante, aérienne et douloureuse. (…) Moana se mérite par l'angoisse qu'il distille. Plonger dans le bleu angoisse et fascine. (…) Des ondes dans l'onde. Des sons que l'on entend aussi avec les yeux. »


Des sons comme celui d'un prénom. Parce que Moana est aussi un prénom. Celui du fils que Paulot a adopté en se mariant à une tahitienne de cette île qui l'a adopté lui, l'enfant du Maroc. Son (beau-)fils surfer dont il s'est appliqué à mériter la confiance chaque jour, y compris en lui apprenant à plonger. Ce fils qu'il pleure aujourd'hui jusqu'à la nausée. Car aujourd'hui, Moana est bleu, lui aussi. Bleu comme l'eau qui l'a recraché, alors que Paulot ne peut s'empêcher de penser : « J'aurais voulu que la mer ne rende jamais ton corps. J'aurais voulu te revoir à jamais libre et beau, souriant de toutes tes dents très blanches dans ton visage coloré par le soleil, sous la broussaille de ta chevelure, toujours tempérée de sel. Au lieu de ça, j'aurais toute ma vie sous les paupière l'image de ta chair éclatée, de ta figure bleuie, meurtrie, et pourtant affreusement reconnaissable ».


Alors Moana blues, c'est le chagrin qui envahit Paulot et la famille à la mort de ce fils, qu'il pleure à l'intérieur pour ne pas paraître faible. Et pour ne pas craquer il se parle, une litanie de mots et de souvenirs qui le submergent par vagues, et qu'il s'applique à enfiler comme des perles de larmes sur un fil de logique raisonnable. Pour ne pas perdre le fil de sa vie, de cette journée d'enterrement interminable, tenter de retrouver le sens de ce qui est arrivé. Y a-t-il jamais un sens à la mort ? Il se parle pour s'encourager, mais en réalité il parle aussi à Moana comme s'il pouvait l'entendre, pour l'accompagner dans sa mort ou la nier encore un peu ; Il lui confie ce qu'il n'a jamais osé de son vivant, s'appuie sur ce dialogue avec un mort, lui qui n'est pas croyant, pour supporter la terrible journée qui l'attend. Et les suivantes, emplies d'un vide nouveau, qu'il tente de combler avec difficulté tant il se sent par moment comme étranger à ce à quoi il assiste, comme si son âme flottait hors de son corps pour ne plus vivre ce deuil, ne plus souffrir, ne pas se noyer dans son chagrin.


La narration extrêmement sensible mise en place par Anne-Catherine Blanc reprend ce mouvement que l'on peut ressentir dans ces instants de deuil : Un narrateur extérieur prend le relai quand Paulot ne peut plus raconter, mais très vite on repasse au tutoiement, comme si le narrateur était un ami plein d'empathie pour Paulot et qu'il le soutenait, jusqu'à se fondre ensuite avec le tutoiement par lequel Paulot se parle à lui-même pour tenir le coup, puis devenir enfin le tutoiement qu'il adresse à son fils. le lecteur se laisse porter par ce courant puissant, comme pris dans les mailles d'un filet dont il ne peut plus, ne veut plus se dépêtrer. A l'aide de tous ces points de vue, on reconstitue l'ensemble des faits qui ont mené à cette tragédie. C'est avec beaucoup de psychologie et une infinie douceur que l'auteur amène le lecteur et son personnage à détricoter cette sensation de culpabilité que l'on ressent dès le départ, et qui justifie d'entendre le beau-père plutôt que la mère, à laquelle on aurait pu s'attendre. C'est beau, c'est fort et surtout bourré d'amour, de maladresses, de petites victoires, de vérités inavouées. de cette luminosité des îles, aussi, qui se réverbère sur le blanc pur et immaculé de leur deuil et en éclaire les circonstances. de bleues.


« Moana, mon fils, j'aurais aimé qu'on t'immerge en face de notre maison, au-delà du récif, dans le bleu, pour que l'océan puisse achever son oeuvre. J'aurais aimé, chaque matin, saluer le miroir pour te saluer, toi, avant de le traverser pour te rendre visite. Chaque frisson de ma peau au contact de l'eau amicale aurait été de ta part comme une caresse lointaine, un signe très doux de présente fugitive, mais toujours renouvelée. Au lieu de cela, il y aura la tombe, le cimetière. »


Moana blues, une gemme saphir dans un écrin de turquoise et de corail blanc.


« La vérité gît là-bas, à l'échancrure de la mer ».
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J'ai beaucoup aimé ce roman, qui s'apparente davantage à une introspection de la part de son protagoniste, Paulot. Paulot et ses pensées intarissables, qui surgissent comme un cri aussi assourdissant que les paroles qu'il n'arrive pas à prononcer. Car Paulot est en deuil. Il pleure silencieusement Moana, son fils, son passionné de surf, son amoureux de la mer. Il pleure intérieurement, avec décence et un peu de distance aussi, car il n'est pas facile de clamer son amour pour un fils qui est un beau-fils. Il redoute que le monde lui hurle son illégitimité au visage, lui le “père d'élection”. Comme si être père n'était qu'une histoire de biologie, de lien du sang.
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C'est un commencement dans le chagrin, dans la douleur. Celui de se lever le jour de l'enterrement et d'affronter la réalité. Moana n'est plus. L'envie de se recoucher et d'oublier, surtout la vision de ce corps bleui sous la bâche. Mais sa famille d'adoption, celle de sa femme Malinda, est là pour les soutenir. Une famille d'insulaires chère à son coeur, qui l'a adopté et qu'il a adoptée, lui le popa' vieillissant, l'ancien prof venu de la métropole.
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“Aucun père, qu'il soit père biologique ou père d'élection, ne maîtrise la mort de son fils.” Alors, comme pour panser sa blessure, Paulot déroule le film de sa vie sur l'île, ses rencontres, Malinda, sa paternité, ses projets et Moana, toujours. Peut-être qu'à force d'y penser, la peine se tarira. Comme un refrain lancinant auquel on finirait inévitablement par s'habituer, avant de se résoudre à l'accepter. Mais pour l'instant, la douleur est profonde, déchirante, physique aussi. Son corps, si fiable d'ordinaire, est en train de lâcher prise. Peut-être le signe que certains cris doivent impérativement jaillir.
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Ce monologue intérieur est comme un chemin de croix, qui nous plonge également dans les coutumes et traditions tahitiennes. L'écriture, superbe, authentique, suscite une empathie immédiate. En cette journée de deuil, on suit Paulot qui se laisse porter, un pas après l'autre, vers l'adieu au fils. J'ai visualisé sans peine sa carcasse, le regard lointain, le poids du chagrin sur ses épaules, l'obstruction de sa trachée. Je l'ai imaginé prendre part à cette journée sans y prendre part vraiment, comme envahi par un vague à l'âme, le “Moana Blues”. Un récit que j'ai trouvé aussi captivant qu'émouvant, essentiel et poétique, jamais larmoyant.
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Une chose est sûre, après mes lectures saisissantes de “Bones Bay” et “Moana Blues”, je vais suivre de près les éditions “Au vent des îles” et continuer à découvrir leurs publications.
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Roman lu dans le cadre d'une Masse Critique Babelio. Je remercie Babelio et la maison d'édition pour l'envoi de ce roman.
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Ma chronique est sur le blog.
Caroline - le murmure des âmes livres
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« Moana, faute d'un meilleur synonyme, les Polynésiens interrogés traduisent le mot par bleu.
Grand bleu s'efforce de traduire moana, mais moana est intraduisible.
Moana, c'est aussi le bleu du ciel dans sa plus grande profondeur quand l'abîme et le zénith se regardent dans les yeux. »
Moana, c'est aussi un prénom.
Ce texte de renom, doux comme de la soie est d'une beauté inouïe. Litanie, choralité intrinsèque, la poésie est à l'instar du sable qui s'écoule entre les mains subrepticement. La langue dévore les pages, sublime et attentive, altière et sans pathos. La puissance innée d'un génie littéraire.
Avant de pénétrer ce récit, de lire, il se passe l'heure de la connivence entre un chef-d'oeuvre d'excellence et ce qui va advenir d'une trame bouleversante, pure et merveilleuse.
La rencontre avec Paulot, le beau-père de Moana, endormi à jamais dans l'antre familial.
Il y a si peu encore, ce jeune homme de 16 ans virevoltait dans la vie. Complice avec Paulot, lui, qui lui a offert une paire de palmes pour noël, juste trois jours avant sa noyade.
Paulot qui a su rassembler la fratrie. Malinda et ses poulbots, enfants de pères différents. Seule, la petite dernière Urahei, est la sienne aux yeux du monde. Sauf que Paulot va les adopter, les éduquer, les pousser entre vagues et terre, contraintes et devoirs, et l'amour à pleines brassées.
Le récit se situe sur une journée. Séquence après séquence, heure sourde contre heure pleine de larmes, nous sommes en plongée dans cette torpeur où l'enterrement de Moana clôturera le rituel de l'avant, avec ses habitus, son voile blanc et ses fleurs d'hibiscus.
Dans les mouvements des aiguilles au cadran des souffrances intestines, des rappels et des attitudes dignes et pudiques. L'écriture admirable de Anne-Catherine Blanc fusionne et étincelle, dans une intégrité touchante et digne.
« Peut-être qu'elle tient ça d'un de mes gênes à moi, qui sait ? Dès qu'elle aura les pieds assez grands, je lui achèterai des palmes. Et je lui collerai le masque sur la tronche dès qu'elle saura nager. Et je la ferai plonger. Comme Moana, bon Dieu, comme Moana. Y a pas de raison pour que l'histoire bégaie. »
« Moana, mon fils, j'aurais voulu que la mer ne rende jamais ton corps. Moana, mon fils, j'aurais aimé qu'on t'immerge en face de notre maison, au-delà du récif, dans le bleu, pour que l'océan puisse achever son oeuvre. »
Paulot, fragile et aimant, qui connaît de l'amour toute sa glorification. Dans son quotidien où l'importance est dans les petits riens, les actes de magnanimité. Paulo est un altruiste, un homme qui affronte la mort, le regard perdu vers l'horizon. Un être égaré dans les limbes d'un chagrin infini.
« Le seul avantage de ce grand gâchis aura été de ventiler un peu les gènes de l'espèce humaine : à regarder Moana, ton fils, ce demi, si beau, on ne pouvait que militer pour le grand métissage universel. »
S'il est un livre olympien, théologal, dans cette orée où le bleu étale son céleste pouvoir, c'est celui-ci. On est en transmutation dans cette famille océane où Moana apaise ses silences et les douleurs. Ce texte d'une journée, d'une vie, d'un drame et de ses brûlures est tragique et touchant.
« J'attends la fin de cette journée qui n'en finit pas. Moana, pour pouvoir te retrouver dans cet univers où notre filiation s'est éprouvée et reconnue. »
Un livre d'amour, magistral. Un hymne à la filiation. Une merveille de complétude dont chaque crépitement est Moana. Inoubliable. le plus bel éloge pour Moana.
Publié par les majeures éditions Au vent des îles.
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J'ai immédiatement adhéré au résumé de Moana Blues, beau, poétique et énigmatique qui donne envie d'en lire plus ! Il consiste en un extrait du prologue, et révèle la plume si particulière d'Anne-Catherine Blanc. Percutante et empreinte de poésie, sans pour avoir rien de guindé, loin de là.

Ce résumé nous fait comprendre, si on n'avait pas deviné avec la couverture et le titre (moana signifie entre autres significations la mer, l'océan, le bleu. Mais Anne-Catherine en parle bien mieux que moi), que le livre tourne autour de la mer, on comprend aussi qu'un drame s'est passé ou se passera, et c'est tout.

C'est donc pour ça que j'ai été étonnée par la tournure du roman. Je n'ai pas envie d'en dire plus, parce que j'estime qu'il vaut mieux le découvrir soi-même en lisant le roman. Sachez juste qu'on aborde les thématiques de la mort et du deuil. L'autrice dénonce aussi les violences conjugales, le viol sur mineures... Vous l'avez compris, ce n'est pas un roman gai.

Mais il est tellement bien écrit, j'ai adoré la plume de l'autrice qui m'a prise aux tripes. Au début j'ai eu un peu de mal avec la narration, car on oscille entre présent et passé d'un paragraphe à l'autre, sans prévenir. Parfois on est dans la tête du personnage principal, qui se parle à la deuxième personne, parfois on suit un point de vue externe à la troisième personne. C'est un peu déroutant, mais j'ai fini par m'y faire pour me laisser bercer par les mots de l'autrice.
J'ai aussi apprécié le point de vue adopté par le personnage principal sur la société tahitienne des années 2000 (et qui n'a pas beaucoup changé depuis). C'est celui de Paulo, un métropolitain installé depuis une quinzaine d'années à Tahiti, celui d'un étranger qui découvre une autre culture sans mépris ni fascination. Il la prend comme elle vient, car comme Paulo le dit si bien "c'est comme ça ici, suffit de savoir". Ça m'a bien fait sourire, car ayant quitté Tahiti pour la métropole, je comprends bien le désarroi des étrangers face à certaines habitudes typiquement tahitiennes et au parler local.

Paulo, c'est un personnage gris qui a des choses à reprocher, dont une absolument abjecte. Et malgré ça, malgré le fait que ce soit un grand ronchon cynique, il a du bon en lui, ce qui permet de s'attacher à lui malgré tout.

Je recommande fortement ce roman, que vous soyez sensibles ou curieux vis-à-vis de la culture populaire tahitienne. Si vous avez peur que ce soit trop axé sur le monde maritime, n'ayez crainte, il n'est qu'en arrière-plan. Ici ce qui domine c'est le deuil, la perte brutale d'un être cher. le roman est court, à peine 170 pages pour relater une journée, le tout raconté avec des mots percutants. Lisez-le, parce que c'est beau, tout simplement.
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Pour ma première participation aux “Masses Critiques” de Babelio, je vous amène à la découverte de “Moana Blues” une magnifique nouvelle qui nous plonge au coeur même de la société tahitienne, écrite par Anne-Catherine Blanc, et paru aux éditions: Au vent des îles.


L'histoire prend place dans une sorte de huis clos introspectif, où Paulot un cinquantenaire métropolitain, fait face au décès tragique de son beau-fils adoptif ainé Moana, un adolescent de 16 ans, qui s'est mystérieusement noyé alors qu'il était pourtant un surfeur et plongeur aguerri. On va alors suivre le déroulement heure par heure de cette journée de rites funéraires Tahitiens via le regard de Paulot, qui se sent étranger aux coutumes et aux réactions des membres de cette famille recomposée.


Le choix d'ancrer le récit dans une famille tahitienne est intelligent, tant il est ancré dans l'inconscient collectif que les familles d'outre-mer fonctionne bien plus en “clan”, avec des liens souvent beaucoup plus forts que celles métropolitaines. le lecteur laisse donc tomber ses propres aprioris sur la famille au sens où il la connaît, pour se laisser porter par le dépaysement de la vie insulaire et ses codes, ce qui permet alors à l'auteur de nous amener habilement à la réflexion quant aux rapports familiaux, au rôle du père, qu'il soit biologique ou d'adoption, et aux liens du sang…


Mais plus encore l'auteur parvient habilement à aborder un tas de thèmes sensibles, grâce à un récit construit tout en dualité. Au récit poétique, alterne les passages plus triviaux ou rudes. La voix du personnage principal Paulot, qui laisse place à celle du narrateur quand celui-ci est trop submergé par l'émotion. Et face à la vie fantasmée sur une île tropicale aux jeunes vahinés offertes au premier métropolitain venu d'un âge mûr ayant un peu de statut social et d'argent…Se dévoile la réalité de la vie des femmes insulaires qui ont souvent dûes faire preuve de caractère pour affronter la dureté de leurs conditions ou les épreuves que la vie leur a asséné.


Enfin l'un des parallèles qui m'a le plus touché, est bien entendu celui que l'on peut faire entre le “Moana” ce bleu profond des abysses, auquel l'adolescent doit son prénom, et la profondeur des sentiments que Paulot éprouve pour ce fils adoptif, dans une société où le rite funéraire et le jeu du paraître social qu'il ne comprend pas très bien, et qui l'empêche de laisser éclater au grand jour son chagrin. Alors pour survivre à cette journée qui semble se dérouler avec la lenteur d'une apnée sans fin, Paulot retient sa respiration et plonge au coeur de lui-même dans une sorte de monologue interne, où se côtoient souvenirs, démons du passée, remise en question et absolution.


Voici donc un livre qui se dévore d'une traite comme une bonne petite nouvelle, mais qui ouvre en nous une réflexion sur nos perceptions aussi vaste que les profondeures bleues de l'océan.
Lien : https://youtu.be/bw9jcYS9onU
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Nous y voilà, Moana, en face de la tombe où tu vas reposer, comme disent ceux qui croient, ceux qui s’appuient sur la religion pour se soutenir, comme disent aussi ceux qui font semblant de croire et ne s’appuient que sur l’imposture lénifiante des mots. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un simple trou dans la terre, où quatre hommes ont descendu ton cercueil avec des cordes. La vérité nue, enfin presque, disons à peine voilée. Plus tard viendront la dalle, les inscriptions, les fleurs. L’emballage, quoi. Rien n’est trop beau pour éviter de la regarder en face, la vérité.
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Ne regarde pas, n’écoute pas. Regarde l’océan. L’océan t’a toujours sauvé de la médiocrité, quand tu la sentais peser vraiment trop fort sur ta pauvre vie d pauvre petit Paulot paumé. C’est pourtant vrai qu’on voit l’océan, d’ici, les montagnes s’entrouvrent sur une belle échancrure verte de lagon, frangée de la ligne blanche et nette du récif qui la sépare du bleu profond, du moana …
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nous avons eu si peu de temps, Moana. Nous avons gaspillé à nous guetter mutuellement, à nous apprivoiser, à nous connaître. Mais dans le bleu, d’abord quand je t’apprenais à plonger et ensuite quand, devenu en peu de mois mon égal, tu t’amusais à me faire comprendre que bientôt l’élève dépasserait le maître, nous avons vécu ensemble des moments d’une telle intensité que leur souvenir vaut bien une vie.
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Il voudrait enfoncer la tête dans le coussin, le plaquer sur ses deux oreilles, mais il s'est lui-même tellement ficelé dans la saleté de drap qu'il ne peut plus dégager ses mains. Le temps d'y arriver, une porte s'est ouverte en grinçant, un murmure lui parvient à travers la cloison, quelqu'un est en train de calmer la gosse, de lui parler doucement, de l'aider à se rendormir. Pas à dire mon Paulot : les familles extensibles, c'est chiant la plupart du temps, mais ça a parfois du bon. T'imagines, nouveau père à Paris, dans un appart' de deux mètres carrés, t'aurais dû y aller toi-même.
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C’est quand il jardine ou qu’il débrousse qu’il imagine l’île avant que les hommes ne la civilisent, ou n’y apportent leur propre forme de sauvagerie, question de vocabulaire. Depuis plus de vingt ans qu’il est arrivé, il n’a jamais pu oublier son premier contact avec cette nature tropicale obscène, explosive. Ce jour-là, il a eu la vision originelle, fragment de magma dans l’infini marin, parcelle constituée au centre de la soupe primitive. Le magma bouillonne, fermente, les coulées s’épaississent, se figent en strates sillonnées par le réseau souterrain des lava tubes.
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