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Critiques de Annie Ernaux (2610)
La place

Marie ernaux nous raconte dans La place la mémoire de son père.

Depuis toujours, elle s'est sentie étrangère à ce monde rural, de son esprit, de sa manière de vivre, de parler, de penser.

Mais c'est à travers ce sentiment de différence, d'indifférence, qu'elle a su se construire. Elle exprime avec singularité ses souvenirs, sans porter de jugement sur les comportements extérieurs, mais sur ses réactions et sur ce qu'elle a pu penser.

L'image de son père était à la fois pour elle l'image d'un homme simple d'esprit, d'un homme de la campagne qu'elle traitait autrefois avec mépris ; mais aussi celle de quelqu'un de sincère, de gentil qui s'est laissé manger par la vie.

Elle ne porte aujourd'hui plus aucun mauvais jugement sur lui: il était quelqu'un de différent d'elle, ils ne vivaient pas dans le même monde et elle n'a pas su l'accepter en temps voulu. Mais à sa manière, il lui a apporté ce dont elle avait besoin.



J'interprète le titre "La Place" pour l'espace ambigüe qu'occupe son père en elle. Le roman d'Annie Ernaux, rédigé après la mort de son père, tente d'éclairer la place qu'occupe son père dans son coeur.
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La place

A la mort de son père, la narratrice se remémore la vie qui a été la sienne, et surtout l'évolution sociale qui a marquée son enfance et sa vie familiale. Dès le début, elle annonce son intention: décrire la vie de son père de la manière la plus froide possible, la plus neutre, la plus blanche. D'ouvrier, ses parents sont devenus commerçants, une première réussite sociale. Pour autant, ils n'ont jamais cessé de "faire attention", au cas où l'argent manquerait. Et très vite, l'écart va se creuser entre ceux qui ont tout fait pour ne pas "faire ouvrier" et celle qui peut aller au lycée, fréquenter la bourgeoisie et abandonner peu à peu son patois natal.

Difficile de résumer ce court roman. Il y a peu à en dire, sinon que cette histoire familiale est très émouvante par sa neutralité même. Bien écrit et facile à lire, il confronte en permanence la vie simple et presque archaïque aujourd'hui des parents, et la point de vue de leur fille, tantôt l'adolescente plongée dans ses livres de l'époque, tantôt la professeure de lettres qui rédige. C'est cette volonté de rester simple à la manière des parents eux-mêmes qui rend l'entreprise autobiographique si touchante: il s'agit moins de se raconter soi-même que de raconter ceux grâce à qui on est devenu ce que l'on est, jusque dans leurs faiblesses contre lesquelles on s'est construit. Ce roman a obtenu le prix Renaudot en 1984, et pour une fois, j'approuve.
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Passion simple

Si l'autobiographie est considérée comme le parent pauvre de la littérature Annie Ernaux entend bien lui donner ses lettres de noblesse"... Ainsi pourrait être résumée cette oeuvre simple et poétique tout en finesse et en soupirs...

Parce qu'il s'agit bien d'évoquer la solitude et la souffrance dans ces courtes pages, comme une tranche de vie arrachée à son quotidien. Le lecteur devient témoin et partie intégrante de cette douloureuse attente et se surprend à compatir de solitude...

Un pur moment de simplicité.
Lien : http://art-enciel.over-blog...
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Une Femme

Une histoire qui pourra certainement plaire, mais à laquelle je n'ai pas vraiment accroché.



En effet, on découvre la vie de la mère d'Annie qui fut plutôt difficile jusqu'à la mort de celle-ci qui sur la fin sera frappé par la maladie d'Alzheimer. Annie semble avoir écrit ce livre dans le seul but de pouvoir réussir à faire le deuil de la mort de sa mère.

Le style est simple et se livre se lit très facilement.

Pour moi c'est une histoire banale et si tous le monde se mettait à vouloir écrire un livre sur sa vie et bien, et bien c'est ce résultat que l'on obtiendrait. Il vous reste donc deux possibilités dans ce cas :



Un, vous accrocher et trouvé ce livre émouvant, sensible, avec des témoignage d'amour d'une fille à sa mère qui se remémore tous les sacrifices que sa mère à du faire pour pouvoir lui donner la chance de réussir et de changer de condition sociale.



Deux, vous passez au travers, et ressortez du livre, comme vous y étiez rentré sans avoir été enrichi par cette lecture. (c'est mon cas)



A mon avis c'est un livre que les femmes devraient plus apprécier que les hommes.

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La place

Ecrit avant "Une femme" ce livre décrit cette fois non pas la vie de sa mère jusqu'à sa mort, mais celui du père jusqu'à sa mort. On y retrouve l'opposition ville campagne et cette quête de réussite sociale pour leur fille.



Le style est simple, la structure entrecoupée de paragraphe.

C'est à nouveau un beau témoignage d'amour envers son père et j'ai un peu plus apprécié la lecture cette fois.

"Une femme" est presque en tout points identique à ce livre et donc si un jour vous lisez l'un des deux vous serez probablement intéressé par l'autre. D'un point de vue sociologique l'étude de se livre sera sûrement très intéressante.



En ce qui me concerne je n'arrive pas à être touché par cette lutte des classes sociales et le fait d'avoir honte de ce que l'on est.

Le regard des autres est-il une chose si importante ?

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Les années

J'ai beaucoup aimé cette description des années 50 à 2007, cette litanie des années, des évènements, des marques, des slogans, des nouveautés, des cataclysmes ... cette mémoire collective, et surtout l'analyse qu'elle fait de cette surenchère de choses et d'évènements qui gavent nos mémoires et nous évitent de penser.

Un livre qui finalement laisse rêveur sur l'inanité des convictions politiques, de nos espoirs, de nos illusions...
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La place

J'avoue avoir eu quelques préjugés au départ, dans la mesure où, dans les manuels scolaires, on nous donne toujours les deux mêmes passages (celui où elle décrit sa rébellion lorsqu'elle était adolescente et celui où elle parle de la peur de ses parents face aux croix de feu). Par ailleurs, je trouve absurde de donner ces deux extraits car ils sont tirés de leur contexte et on leur fait dire n'importe quoi.





J'ai vraiment aimé ce livre à caractère autobiographique. le point de départ est la mort du père. Annie Ernaux va ainsi retracer la vie de ses parents à travers ses souvenirs. Il n'y a rien de larmoyant (ce que j'appréhendais). L'auteur décrit tout ceci avec une pudeur touchante. L'écriture est fluide.



Lorsqu'on commence ce livre (peu épais, certes, mais à quoi bon s'étaler lorsque tout est dit?), on ne s'arrête plus. On le lit d'un trait.



La Place a obtenu le Prix Renaudot en 1984.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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La place

Un livre tout en pudeur où Annie Ernaux parle de son père. Après son décès, elle a voulu relater sa vie sans chercher à provoquer chez le lecteur de la pitié ou un autre sentiment. Juste raconter les faits, les événements et dire que oui, elle a eu honte de son père.

Son père travaillait aux champs puis il est devenu ouvrier. Une rencontre et le mariage mais toujours faire attention à l’argent, économiser « au cas où ». Ses parents ont pu ouvrir un café-épicerie comme il en florissait à l’époque. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont changé leurs habitudes. Toujours la peur au ventre de perdre le commerce et de se retrouver sur la paille. A l’âge de l’adolescence, Annie Ernaux a commencé à fréquenter des amies issues de milieux sociaux plus aisés. Poussée par ses parents à réussir dans ses études, le sentiment de honte a germé vis-à-vis de ce père qui n’avait pas d’instruction. C’était un français modeste qui faisait partie de cette classe des « braves gens ». On ne se mélangeait pas ou très peu, chacun à sa place …

Avec les années, le respect remplacera la honte. Comme dans « la femme gelée », j’ai retrouvé ce style épuré sans fioritures inutiles et où les sentiments apparaissent en toute simplicité. Un livre intemporel où elle rend hommage à son père en toute franchise. Accepter ses origines et ses parents tels qu’ils sont permet de se construire.


Lien : http://fibromaman.blogspot.c..
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La femme gelée

Il a des livres autobiographiques qui vous bouleversent, des livres qui une fois commencés, s’invitent dans vos nuits, s’y glissent parce que les mots sont sincères et que le sujet vous touche.

Naître fille, des parents qu’on considère comme modèles parce qu’on est enfant et puis, on grandit. On se rend compte que chez les autres ce n’est pas pareil : des mères qui sont de vraies fées du logis, des pères qui partent travailler le matin, qui rentrent le soir, qui s’assoient dans le fauteuil pour lire « Le monde ». Votre mère vous a répété que les études vous donneront un statut, une liberté. Celle de ne pas se retrouver à passer vos journées à préparer des repas pour votre famille, à astiquer votre intérieur et à élever votre progéniture.



La suite sur : http://fibromaman.blogspot.com/2010/01/annie-ernaux-la-femme-gelee.html
Lien : http://fibromaman.blogspot.c..
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L'usage de la photo

un livre qui procède d'un rituel entre amants- une passion forte marqué cependant par cette contrainte artistique de la photo
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L'événement

J'ai lu ce livre car la prof de français nous en a parlé et que le sujet m'interessait. J'ai lu cette petite autobiographie d'une seule traite ( je dis petite car l'auteur nous raconte qu'un moment de sa vie ). Le style est un peu "froid" car l'auteur décrit les événements tels qui se sont passés sans vraiment parler des sentiments qu'elle aurait pu ressentir. Cependant, le livre est très facil à lire et je le conseille vraiment.

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Les années

Comment toucher un lectorat qui n'appartiendrait pas à la génération que "Les Années" s'emploie si bien à décrire ?



Annie Ernaux pallie à ce problème avec une méthode d'une simplicité élégante : par le "on". En se détachant d'elle-même, plus prétexte que sujet de cette "fausse autobiographie", elle parvient à écrire un ressenti du temps qui passe touchant finalement à l'universel.



On voit donc passer ces Années, que je n'ai pour ma part pas vécues (les dernières mises à part) avec une rapidité et une délicatesse mêlées qui font toute la force du livre. Cela évoque ces scènes des films où l'on regarde une portion du monde traverser le temps en accéléré, les villes bâties et réduites en poussières sur quelques secondes, où l'on observe le monde, le temps se construire et se déconstruire.



Sauf que c'est en s'attachant aux détails qu'Annie Ernaux dépeint sa vue d'ensemble. Loin de détailler le monde à la façon d'un livre d'Histoire, elle décrit le quotidien : là une réclame télé, ici un repas en famille, en un kaléidoscope de souvenirs qui appartiennent à tous. Certes les grands bouleversements de ces années ne sont pas absents (mai 68, la pillule, la libération sexuelle, la guerre froide) mais toujours évoqués par les yeux de personnes, l'impersonnalité de la narration n'en faisant pas un point de vue omniscient.





(suite : http://letagere.online.fr/bookreviews.php?id_livre=13)
Lien : http://letagere.online.fr/bo..
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Les années

De la fin de la Deuxième Guerre mondiale à 2007, Annie Ernaux revisite sa vie : son enfance, son adolescence, ses relations avec ses parents petits commerçants et ses études de philosophie qui l’éloignent irrémédiablement de son milieu, ses premières expériences avec les hommes, son travail, son militantisme de gauche, ses enfants, son divorce, ses aspirations d’écriture… Cette autobiographie impersonnelle saisit le changement ininterrompu des choses et des représentations, idées, croyances, lieux communs en circulation dans la société.
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"Je ne suis pas sortie de ma nuit" : ce sont les derniers mots écrits par la mère de l'auteure atteinte de la maladie d'Alzeimer. Annie Ernaux, presque 10 ans après la mort de sa mère nous fait partagé les notes qu'elle a prises sur les derniers instants qu'elle a vécus avec sa mère lors de ses visites à l'hôpital.(clickez sur le lien pour lire la suite).
Lien : http://aufildeslivres.over-b..
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Une Femme

L'auteur vient de perdre sa mère. Afin de combattre la douleur que cet événement fait naître en elle, elle décide de se souvenir. Se souvenir de ce que sa mère était avant la maladie et comment elle est devenue ce qu'elle était au moment de sa mort.(Clickez sur le lien pour lire la suite).
Lien : http://aufildeslivres.over-b..
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L'Occupation

La narratrice, soit Annie Ernaux en personne, a quitté W. Quelques mois après leur séparation, W. lui annonce qu’il s’est installé avec une nouvelle compagne. Alors que rien ne le laissait présager, la narratrice sombre dans un accès de jalousie qui va imprégner ses gestes et ses pensées pendant plusieurs semaines.



L’occupation est un des jalons de l’œuvre littéraire d’Annie Ernaux, dans laquelle elle utilise les événements de sa vie, et en fait des écrits qui dépassent la seule dimension personnelle. Ici, l’événement en question ne la concerne pas elle directement, puisqu’il s’agit de son ex-ami, beaucoup plus jeune qu’elle, qui a décidé de s’installer avec une femme du même âge qu’elle. Premier affront narcissique : elle découvre que l’intérêt que W. portait à une femme de son age n’est pas un privilège qui lui est fait. Lors de ses rencontres avec W., celui-ci laisse des indices sur sa nouvelle compagne : lieu d’habitation, profession,… Alors qu’elle tente de se réfréner, de raisonner ses pulsions de jalousie, elle cède à plusieurs reprises, fouillant sur le Minitel ou utilisant une connaissance qui fréquente la même université que la femme en question.



A partir d’un fait banal, Annie Ernaux décrypte la montée de la jalousie, ses conséquences concrètes et son apaisement. On plonge avec elle dans les méandres de ce sentiment étrange, et on se demande avec elle comment une femme sensée peut céder aussi facilement à un sentiment qui la pousse à effectuer des actions qu'elle regrette par la suite. Dans ce très court ouvrage, on retrouve les réflexions permanentes d’Annie Ernaux sur sa relation à l’écriture, son besoin de raconter cette histoire et les doutes inhérents. Ce n’est bien évidemment pas l’ouvrage majeur d’Annie Ernaux, mais il est dans la lignée de sa production antérieure (son père, sa mère, un avortement, …), et est une pièce du puzzle qui amène à ce magnifique ouvrage en forme d’épilogue, Les années.
Lien : http://livres-et-cin.over-bl..
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Les années

remarquable livre qui pourrait être la biographie de toute une génération.Peut-être faut-il avoir vécu cette 2ème partie du 20ème siécle en tant que femme pour en apprécier toute la saveur.
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Une Femme

Après La place, où l'auteur évoquait la disparition de son père, Annie Ernaux prend la plume pour faire face à l' inéluctable, prévisible, et pourtant très douloureuse mort de sa mère. Tout comme l'a fait Simone de Beauvoir avant elle, dans Une mort très douce, Annie Ernaux relate ce triste passage de sa vie où elle perd celle qui l'a mise au monde, du moment où elle disparaît jusqu'au moment où il ne reste plus trace d'elle.

Elle se met d'emblée à la place qui est la sienne, dans son rôle de fille, mais avec cette distance objective et froide nécessaire avant tout pour pouvoir guérir, et se protéger de la douleur et de ce qu'elle pourrait emporter avec elle : ainsi, l'auteur garde toute sa dignité, sa lucidité.

Elle écrit ce constat, celui de la disparition pure et simple de sa mère, durant plusieurs mois après le décès. De ses sentiments, au fond, elle ne dit rien. Et lorsqu'elle évoque la dernière tenue de la défunte, c'est en ces termes : « J'ai voulu lui passer la chemise de nuit blanche, bordée de croquet, qu'elle avait achetée autrefois pour son enterrement. L'infirmier m'a dit qu'une femme du service s'en chargerait, elle mettrait aussi sur elle le crucifix, qui était dans le tiroir de la table de chevet. » (p. 12) Ainsi, sans rien dire de son souhait, de ses besoins d'alors, Annie Ernaux fait le récit de ses gestes, de ses requêtes sans jamais tomber dans la plainte.

Car là n'est pas l'objet de son récit. La douleur de perdre une mère, elle est inévitable sans doute. Mais ce qui fera avancer l'auteur sur le chemin du deuil, ce n'est pas parler de sa douleur, mais belle et bien de la défunte, de celle qui fut. Même lorsqu'elle évoque le moment où elle revoit sa mère morte, dans son cercueil, ce n'est pas autrement qu'avec ces mots simples, relégués sur le plan de la description unilatérale et sobre « Ma mère était dans le cercueil, elle avait la tête en arrière, les mains jointes sur le crucifix. On lui avait enlevé son bandeau et passé la chemise de nuit avec du croquet. La couverture de satin lui montait jusqu'à la poitrine. C'était dans une grande salle nue, en béton. Je ne sais pas d'où venait le peu de jour. (p. 16)». L'auteur s'attache aux détails qui entourent la mort, le corps, le visage... aucunement au visage, au corps, ou à la mort.

L'écriture fonctionne comme une gomme, qui atténuerait un peu les caractères trop acidulés d'un crayon de papier sur une feuille trop fine : peu à peu, les traits s'estompent et l'image devient légèrement plus floue, comme jaunirait un vieux polaroïd. Alors l'image devient plus supportable. Et la photo doit être regardée de manière objective, car c'est encore ce qui fait le moins souffrir : se rappeler les bons mais aussi les mauvais moments. Trop souvent, lorsqu'un être cher disparaît, on se torture de bons moments, de souvenirs joyeux qui deviennent peu à peu source de douleur. Ce n'est pas le cas d'Annie Ernaux : « En écrivant, je vois tantôt la « bonne » mère, tantôt la « mauvaise ». Pour échapper à ce balancement venu du plus loin de l'enfance, j'essaie de décrire et d'expliquer comme s'il s'agissait d'une autre mère et d'une fille qui ne serait pas moi. Ainsi, j'écris de la manière la plus neutre possible (…). Au moment où je me les rappelle, j'ai la même sensation de découragement qu'à seize ans, et, fugitivement, je confonds la femme qui a le plus marqué ma vie avec ces mères africaines serrant les bras de leur petite fille derrière son dos, pendant que la matrone exciseuse coupe le clitoris. » (p. 62).

Mère modèle, mère encombrante, mère besogneuse, récalcitrante, aimante ou navrante : voilà la belle palette de cette défunte qu'Annie Ernaux fait revivre pour mieux la laisser mourir ensuite. « Il me semble maintenant que j'écris sur ma mère pour, à mon tour, la mettre au monde". (p. 43).

Ecrire sur ses défunts, sans contrainte de temps, afin de pouvoir mieux vivre son deuil, c'est bien sûr un luxe : elle l'avoue volontiers. Mais elle nous donne par là même un ouvrage extraordinaire, ni roman ni confession, une vraie leçon en tout cas : « Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire, pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée. ».

Quelque part, on ne peut s'empêcher de penser, enfin : mais combien de femmes en ce monde naissent réellement le jour de la mort de leur mère ?





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Ainsi je poursuis mon périple dans la littérature matricide. Je ne peux que vous reconseiller l'excellent Et qu'on m'emporte de Carole Zalberg, dont Nathalie Kuperman, que je découvre en ce moment (voir colonne de gauche), a fait l'éloge à son tour !
Lien : http://lethee.over-blog.com/..
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Les années

J'ai eu du mal à rentrer dedans puis je n'ai pas pu le lâcher...
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Les années

Le premier livre que j'ai lu d'Annie Ernaux est "La Place".

Cette lecture m'avait bouleversée, sans doute par quelque effet de miroir que les livres de cette auteur ne manquent jamais de nous tendre.

Pourtant, elle ne cherche pas à émouvoir son lecteur, au contraire, son travail se caractérise par une sorte de mise à plat des faits et des situations hors contexte affectif.

Écrivain, elle met l'émotion à distance, elle la bride, elle la tient tellement en respect qu'elle l'efface. Elle se force à dire la vie sans émois...

Et elle y va de sa magistrale "écriture blanche", "plate", "au couteau", et elle me bouleverse... et elle m'impressionne...

Parce que c'est sans concessions, sans faux fuyant, sans mensonges.

C'est un travail de forçat et d'ascète. Une ligne et une méthode tenue jusqu'au bout sans défaillir.

Dans ce premier livre lu d'elle (et c'est un hasard bienvenu) cette forme de travail était déjà en marche pour aboutir semble-t-il à l'œuvre d'une vie qui s'appelle "Les Années".

Annie Ernaux est la reine du paradoxe et si elle était une figure de style, elle serait un Oxymoron.

Ce livre qui ne parle que d'elle est un miroir sans tain dans lequel elle s'efface comme pour mieux nous révéler à nous mêmes.

C'est une autobiographie impersonnelle, une forme donnée à une prochaine absence/disparition, un abîme mis à plat.

Il tente d'approcher la profondeur du temps dans la linéarité chronologique.

C'est un récit de vie sans "vécu" et qui fait abstraction de l'affect, ne se concentrant que sur la description des choses, du monde comme il va.

Ce texte a l'ambition de rendre palpable l'histoire sociale d'une époque en la passant au tamis d'un "je" omniprésent et qui semble pourtant constamment nié.

C'est une histoire individuelle écrite à la troisième personne du singulier et la première personne du pluriel.

Elle et nous sont Annie Ernaux.

Elle ,c'est celle qui est sur les douze photos décrites et soigneusement choisies pour nous faire passer de décennie en décennie.

Ce n'est déjà plus Annie Ernaux et ce ne le sera jamais plus.

C'est à partir d'objets qui produisent du paradoxe que ce texte est construit : des photographies du sujet qui est en train de s'écrire et qui d’un même mouvement en posent l’absence et la présence passée...

Rajoutons à cela que ces images ne nous sont pas montrées, mais dévoilées par le texte.

Consciencieusement et courageusement l'auteur les décrit en y cherchant sans relâche le "punctum "que Barthes explique dans "La chambre claire".

Elle traque la “blessure”, la “piqûre”, “la marque faite par un instrument pointu”. “Le punctum d’une photo c’est ce hasard en elle qui me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)”.

Par ce travail remarquable que j'imagine douloureux, s'ouvre la mémoire, les réminiscences, les images et les sons d'une époque et petit à petit, par le jeu de la lecture et de nos propres souvenirs, le ELLE se transforme en NOUS... C'est presque magique, toujours extrêmement troublant !

Chacune de ces photos sont comme des portes pour la mémoire individuelle de l'auteur qui trace le chemin. Ce passé singulier devient collectif à la lecture, parce c'est un fait, nous nous reconnaissons tous en passant par ces portes.

Suivant celle que nous prenons, en fonction de notre génération, nous plongeons dans des souvenirs virevoltants, et toutes les autres font échos à un passé proche ou lointain de gens connus, parents, grands parents ou autres, qui nous a été plus ou moins transmis...

L'image qui symbolise la quête d'une forme pour son travail, Annie Ernaux nous la propose, et voici ce qu'elle en dit :

"...le tableau de Dorothea Tanning, Anniversaire, qu'elle peignit juste après sa rencontre avec Max Ernst. Il est également en creux dans mon livre. Ce tableau représente une femme presque nue et, derrière elle, des portes à l'infini. Cette œuvre m'accompagne depuis que je l'ai vue lorsque je préparais mon diplôme sur «La femme et l'amour dans le surréalisme».

J'ai été prise dans les filets de ce récit époustouflant, qui en quelques 241 pages nous fait vivre par le menu soixante années en réussissant l'exploit de faire resurgir en nous des images qui sont les nôtres.

Assez brutalement, elle nous fait toucher du doigt notre grégarité et notre contingence.

Ce travail exceptionnel dans sa forme et courageux dans son engagement force l'admiration.

J'avais fini "La Place" la gorge nouée et les larmes aux yeux, j'ai terminé les "Années", admirative et envahie d'une grande tristesse.

Ce texte est nimbé d'une grande douleur qui ne se dit pas, les larmes sont ravalées, les rêves n'affleurent pas, l'amour ne s'y raconte pas, et du coup, la pilule est bien amère.

Annie Ernaux a l'art de toucher là où ça fait mal, et on ne lui en veut pas.

On a même envie de lui dire merci !

des liens et des images sur le blog
Lien : http://sylvie-lectures.blogs..
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