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Critiques de Annie Proulx (176)
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Noeuds et dénouements

Dans la vie il y a des nœuds et des dénouements .

Au fil des nœuds qui étranglent son bonheur, Quoyle, balourd au grand cœur, vogue sur la vie balloté par les flots. Sa barque prend souvent l'eau, sa maison arrimée au rocher de Terre-Neuve, tout comme les souvenirs de ses ancêtres, s'accroche contre vents et marées.



Et puis un jour, ce journaliste du hasard, papa poule à la dérive, s'accroche à une bouée, celle du bonheur simple.



Un voyage à Terre-Neuve à la rencontre des pêcheurs qui perdent parfois le nord mais savent récolter dans leurs filets l'essentiel de la vie. On déguste les homards et la morue, on se serre les coudes, on passe du rire aux larmes, comme du soleil à la tempête de neige. Les hommes et les femmes de là-bas sont bruts et entiers, ils parlent la poésie de la mer ; salée, sauvage, grise, lumineuse, imprévisible et farceuse.



Une lecture qui fait parfois sourire, pleine de tendresse et de poésie. Des mots comme de jolis galets, des dentelles de nuages et de vagues qui nous font prendre le large.

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Brokeback Mountain

Cette nouvelle est une claque magistrale, bouleversante.

Est-ce sous la plume cinglante et rêche d’Annie Proulx , ou parce que le cadre grandiose et hostile des montagnes du Wyoming donne une emphase tragique à l’histoire ? Toujours est-il que je n’avais encore jamais ressenti dans un livre avec une telle force la souffrance d’un amour contrarié.

Brodeback Mountain, c’est l’histoire d’une passion brute et désespérée, belle à pleurer, entre deux jeunes gars du grand Ouest, qui s’enflamment comme des torches l’un pour l’autre à l’aube de leurs vingt ans, se rentrant dans la peau l’un de l’autre sans rien y pouvoir, et ne se reverront qu’à peine au cours de leurs vies au pays des cow-boys, passées à brûler de douleur et du désir de l’un de l’autre.



Cette histoire pire que l’enfer m’a fait un mal de chien. Une nouvelle magnifique, plus forte que le film.

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Brokeback Mountain

Un jour dans un cadre professionnel , je lisais un recueil sur les cas chroniques , véritablement récurrents de dissuasions violentes , mortelles et très scénarisées contre des personnes sociologiquement variées pour le panel , tentant de vivre leur identité gays dans le Wyoming , ceci après avoir examiné les modes de vie clandestins de minorités plus ou moins clandestines, au travers des âges , mais également celle de communautés très contemporaines, ceci , dans le cadre d'une formation professionnelle. Je tombe ensuite sur ce bouquin après avoir vu le film et ce fut pour moi, une émouvante leçon sur l'identité et la mémoire.

C'est avant tout un récit de qualité ( qui se passe au début des années 70) avec de bons exemples variés et de toutes natures . Un récit assez bref mais définitivement émouvant et éloquent , sur les affects des personnages et sur leur univers aussi splendide que potentiellement tragique. le lecteur est sans cesse balloté et il va sans arrêt de la beauté des paysages à de celle des sentiments avec la beauté émouvante de certains souvenirs , à quelque chose de mortifère et de pathétique du passé ou du présent situé dans la vie de ces mêmes personnages .Une vie de naufrage nuancée et marquée par un souvenir de persécution redoutable et traumatique mais fondateur qui s'égrène et génère du réel au fil du temps qui passe , sur une base de souvenirs éblouissants et flamboyants ,aussi nourrissants que les haricots en sauce sur les feux des camp en forêt bivouac de bergers ou de campeurs nostalgiques.

Le malheur prend sa source dans le passé comme le présent et le passé alimentent le futur . C'est selon moi le sujet universel sous-jacent de ce court roman flamboyant d'affects scintillants au soleil du printemps et du dégel du ciel immense du Wyoming , un cycle saisonnier cyclique où s'enracine une mémoire où le temps est linéaire tourné vers le futur et où le passé est donc perdu ou révolu , du moins le croit-on , par erreur et illusion d'optique !

Ce texte est dans la thématique de la clandestinité et de la survivance de l'être , de même que sur la vie dans isolement absolu et sclérosant, du replis total et impérieux sur soi ,de même que sur la force de la mémoire et des souvenirs , qui sont aussi une nourriture créatrice inépuisable.

Ne rien laisser paraitre et la rigidité rigoureuse exigeante avec la rigueur ontologique qui l'anime , est un ressort principale qui bande l'être clandestin . Il y a une réplique dans le livre où dans le film je ne sais plus , un souvenir d'une phrase forte pour moi mais indéterminée , qui perdure entre le livre et le film , que je citerais ici comme je le fais régulièrement ailleurs : « quand t-y peut rien ,faut-y faire « , se dit un des deux personnages principaux devant les concrètes reliques / tangibles de sa mémoire encore ,vive , vivace et à vif . Malgré tout le temps qui passe , celui-ci n'apaise rien , mais il régule néanmoins et fait donc une œuvre élaboratrice de mémoire incarnée dans le tangible .

Peut-on contrarier l'amour sans brimer et déformer profondément l'être qui l'anime ? Pour moi la réponse est non et elle se tient dans la nature qui nous environne , regardez les arbres tordus par le vent , dans l'observation de leurs formes variées se tient la réponse . En même temps c'est un processus naturel et nos expériences sont le souffle qui nous façonnent et qui génèrent aussi de l'identité individuelle et culturelle ainsi que des lois secrètes qui perdurent en héritage, au travers de la clandestinité codée , ritualisée souvent et de processus initiatiques variés et structurés enracinés dans une mémoire aussi inviolable que agissante . Ce court roman est au cœur de tous ces processus et de toutes ces problématiques des identités contrariées et minoritaires façonnées par le danger et les ruses. Il est également, aussi riche que émouvant , percutant et éloquent tout en dressant les codes qui autorisent la perpétuation de l'identité homosexuelle, dans l'ouest américain impitoyable et pour ceux qui existent sans être visibles. .

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Brokeback Mountain



Annie Proulx nous offre un texte très court. Elle va droit à l'essentiel, ses personnages sont peu bavards, l'histoire une succession d'ellipses qui renforcent les non-dits. Nous oblige à lire entre les lignes. le texte est brut, à l'image de ces deux hommes rustres qui se sont rencontrés durant un été à Brokeback Mountain, vont se revoir de loin en loin et ne jamais cesser de s'aimer. Rien de romantique ici. Mais les histoires d'amour le sont-elles toujours. Comment s'aimer lorsqu'on est deux hommes dans l'Amérique puritaine de l'Ouest, et que tout pousse à se conformer rapidement aux normes en usage si l'on ne veut pas finir assassiné à coups de démonte-pneu. Une grande histoire d'amour bouleversante.





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Noeuds et dénouements

Attablé au bar du Gros Temps, j'ai commandé une salade de homard en guise de dîner. La serveuse, une fille qui n'a vu de ses yeux gris que l'horizon proposé du rivage de Terre-Neuve, m’amène ma bière, bien fraîche. Les portes claquent, les volets cognent, la lumière s'affaiblit par instant, une énième tempête. Je n'ose même pas proposé mon regard à la vitre, je sais que je n'y verrais rien. Que de la brume sur cette terre abandonnée où autrefois vécurent des vikings et des inuits. Une brume de lait. Alors autant regarder le fond de mon verre, et ainsi ne plus penser à la vie. Putain de blizzard qui se lève aux aurores et qui semble jamais ne se fatiguer sur cette lande entre terre et mer. Dans le temps, les voyageurs pouvaient s'émerveiller de voir une baleine au loin, un soupir de désespoir ou d'exaspération qui s'élève de l'océan, ou un phoque allongé sur un morceau de glace qui dérive lentement, le long de l'horizon, une virgule noire sur un banc blanc. Je feuillette le journal local, L'Eider Cancaneur, savourant ainsi ces cancans éloignés.



A la une, les accidents de voiture. Le rédac' en chef semble avoir un point d'honneur à mettre à l'honneur les accidents de la route, photos à l'appui. A défaut les accidents de bateaux, ou de motos-neige. Difficile à supporter, j'ai envie de tourner la page rapidement, mes doigts fébriles devant l'horreur d'une carcasse en feu tentent d'attraper mon verre de bière, sans en renverser la moindre goutte. Mission accomplie. J'ose tourner la page, d'autres carcasses en photos, des phoques chassés, des baleines échouées. C'est la vie et la mort en territoire hostile. Bien sûr, des tas d'annonces, signe d'un journal en pleine expansion, alors que la vie semble s'éteindre à petits feux ici. En dernière page le bulletin météorologique. Primordial, pour les pécheurs, ou simplement pour aller au boulot. Savoir si l'on prend la route ou la mer, ou si l'on reste calfeutré chez soi, avec sa bouteille de rhum, pendant que les vents remuent terre et cieux. Puis le mouvements des bateaux, ceux qui sont arrivés dans la baie, ceux qui en partent, ceux qui échouent, avaries matérielles, comme moi ici.



Le Bar du Gros temps ferme ses portes, ses volets, ses lumières. Il est donc l'heure de rentrer chez soi, mais où est-ce chez moi, dans quelle cabane je vis, oublié par les bières de Terre-Neuve mon refuge. J'erre sur cette terre, de blanc glacée, une dernière danse dans le ciel semblent chanter albatros et lagopèdes à queue blanche. Guidée par la lune d'un bleu immaculée, j'échoue sur le rivage comme une grosse baleine en mal d'amour, ou un ivrogne en mal de caniveaux. En quelques pages, j'ai senti que cette terre était pour moi, belle et silencieuse, comme je les aime. Une ode à Terre-Neuve, brumeuse et enneigée. Des récifs sous l'eau ridée, une terre pour s'y abandonner.
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Noeuds et dénouements

C'est peut-être à cause de son menton proéminent que Quoyle a du mal à entrer dans sa vie. Bringuebalé de petits boulots en petits boulots, père de deux fillettes turbulentes, cocufié plus que de raison par une femme pour le moins frivole, Quoyle a l'allure du anti-héros parfait. Mais un accident de voiture va accélérer les choses. Sa femme y succombe avec son amant du jour, et voilà Quoyle sur les pas de sa tante, de retour sur les terres tempétueuses de leurs ancêtres à Terre-Neuve. Une baie surnommée la « baie du Balourd » par les autochtones y porte même son nom. Bienvenue chez lui.

Petit à petit, notre anti-héros va cependant prendre de l'épaisseur, et naître enfin à la vie.



Il flotte dans ce roman un air d'optimisme et de possible, agrémenté de drôlerie. L'écriture minimaliste d'Annie Proulx m'a accroché sans en avoir l'air, pour ne plus me lâcher. L'ambiance tumultueuse de Terre-Neuve y est décrite à merveille, les personnages (surtout ceux de l'Eider cancaneur », journal local où Quoyle travaille) sont truculents. C'est le sourire aux lèvres et les yeux rougis par la fatigue que j'ai quitté ce petit monde page 482, la dernière.



(prix pullitzer 94)
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Brokeback Mountain

Les challenges me mènent pour la deuxième fois vers le western, alors que mes inclinations ne m'y poussent pas naturellement. J'avais choisi True Grit la première fois, western "classique" et reconnu même si assez moderne. C'est vers un autre livre adapté au cinéma que je me suis dirigé, pour un livre beaucoup moins classique dans le genre, la romance entre deux cow-boys.



Au delà de la provocation qui consiste à jouer d'un symbole ultime de virilité comme le cow-boy et en y instillant l'homosexualité, le choix de l'auteure est particulièrement judicieux. Comment mieux rendre la difficulté de vivre une identité que dans des Etats où assumer ses penchants, c'est risquer tout simplement sa vie ? Annie Proulx parvient parfaitement à rendre l'élan premier de l'attirance, rapide, fugace, qui se poursuit ensuite par des longues périodes d'éloignement car cet amour ne peut pas être vécu pleinement. Et pourtant, comme deux aimants aux pôles opposés, les deux héros ne peuvent lutter contre ce qui les soude, au point de prendre certains risques inconsidérés.



Cette romance contrariée est touchante dans ses maladresses, dans un effet "Romeo et Juliette" de l'amour impossible à vivre à cause du contexte sociétal. La forme raccourcie de la nouvelle est forcément un peu frustrante quand on en a vu l'adaptation en long métrage, mais l'auteure parvient à tirer partie de la brièveté du récit en ne s’embarrassant pas d'atermoiements de romantismes, ce qui permet de mieux rendre cette homosexualité virile qui refuse de se dire tel le premier dialogue d'après l'étreinte entre les deux costauds " - Suis pas pédé - Moi non plus. C'est parti comme un boulet. Regarde personne que nous."



On ne peut se détacher des incarnations d'Heath Ledger et Jake Gyllenhall mais cette lecture est au moins un rappel nostalgique agréable de ce film touchant et utile pour faire avancer les mentalités dans une Amérique refusant trop facilement de voir certaines réalités.
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Brokeback Mountain

Après avoir revu "le secret de Brokeback Mountain", j'ai eu envie de relire la nouvelle qui a inspiré Ang Lee.

Et j'ai été sidérée par le style sec et direct d'Annie Proulx, son extrême dénuement qui extrait de façon brutale l'essence pure de l'amour et du désir qui animent ces deux ranchers. J'ai beaucoup aimé l'absence de circonvolutions autour de cette passion ; inutile de perdre du temps en noyant cette histoire sous la chantilly et la guimauve.

Car on est dans un contexte aride, en plein Wyoming rural et conservateur, où il vaut mieux garder secret ce type de liaison -d'ailleurs, "ça regarde personne que nous" dit Jack, et il a bien raison. Ce que j'ai adoré, c'est la façon dont ces deux hommes acceptent ce qu'ils ressentent l'un envers l'autre : pas de tergiversations, ni d'états d'âme. Leur passion s'impose à eux, alors autant l'accueillir en eux. Reste la douleur des rencontres sporadiques et finalement frustrantes, entre obligations familiales et professionnelles, et les rêves de fuite avortés -car où aller quand on est un cow-boy fauché, un plouc qui n'a jamais quitté son coin perdu ?

Annie Proulx dresse le portrait incisif de deux rednecks auxquels l'existence n'a pas fait de cadeaux, hormis cette passion magnifique et démesurée qu'ils peinent à vivre au Pays de la Liberté. Et ça m'émeut fortement.
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Noeuds et dénouements

Terre-Neuve, un lieu de pêche depuis le temps des Vikings, un roman de dépaysement, mais surtout un roman très humain.



C’est l’histoire d’un antihéros, Quoyle, un gros homme pas très beau, qui s’est laissé manipuler par le grand amour de sa vie qui est morte avec son amant en lui laissant deux filles. Quoyle quitte la Nouvelle-Angleterre pour Terre-Neuve d’où proviennent ses ancêtres. Il y gagnera sa vie en écrivant dans le journal local et il apprendra tout sur les bateaux, la pêche traditionnelle et un peu de l’histoire de l’île.



Terre-Neuve, c’est une très grande île, au large du Labrador, une terre de roche, aride, battue par les vents. C’est un lieu aussi peu paradisiaque qu’il peut l’être, mais où des gens se sont accrochés, des pêcheurs têtus qui ont survécu malgré tout, mais dont le mode de vie est menacé.



Écrit en 1993 par une Américaine aux racines francophones, ce livre a gagné le Prix Pulitzer et le National Book Award. Il a aussi été adapté au cinéma.



Pour moi, un bon roman, c’est un récit qui m’emporte ailleurs et là, lorsque j’ai levé les yeux de mon livre, j’ai été désorientée, surprise de ne pas voir la mer et ses embruns glacés.



Une bien belle lecture!

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Les pieds dans la boue

Par curiosité, je désirais lire la nouvelle dont est issu le film Brokeback Mountain.

C'est chose faite...

J'avoue, j'ai préféré le film à la nouvelle.

Je pense que l'écriture d'Annie Proulx peut plaire à de nombreux lecteurs.

Quant à moi, je me suis arrêtée à la 3ème histoire...

Beaucoup de détails sur la vie dans le Wyoming, je n'ai pas accroché au style d'écriture... J'ai commencé à sauter des passages... Je lisais sans plaisir, j'ai donc stoppé cette lecture...
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C'est très bien comme ça

Wyoming : rien que le nom vous emmène vers tout un imaginaire fait de nature âpre et grandiose, de pionniers à la peine, de cowboys taciturnes et de stations essence au milieu de nulle part.



Ils sont durs au mal, les personnages d'Annie Proulx, qui les aime autant qu'elle les malmène au gré de vies faites de travail acharné, de pauvreté sans horizon et de relations familiales réduites à leur plus simple expression.



En une dizaine de nouvelles, l'immersion est totale et multidimensionnelle dans cet état du grand ouest américain où l'on rencontre un vieillard en maison de retraite ruminant un secret familial, des pionniers valeureux brisés par la brutalité du 19ème siècle finissant, un jeune couple épris de liberté dans une nature trop grande pour eux, et même le Diable lui-même que l'auteure met facétieusement en scène pour suggérer que si l'enfer est sur terre, c'est bien dans le Wyoming dévasté par les compagnies pétrolières et confis dans le conservatisme obtus de ses habitants qui, sous les coups du sort, continuent d'affirmer que "c'est très bien comme ça".



Très bon moment de lecture que cette plongée dans un ailleurs transcrit avec justesse et tendresse par l'une des voix les plus fines de la littérature américaine contemporaine.
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Brokeback Mountain

Je ne connaissais pas cette autrice avant d'attaquer cette nouvelle et je ne suis pas fan des nouvelles non plus, celle-ci s'est retrouvée dans ma PAL suite à la lecture d'une entrevue avec Philippe Besson qui l'avait citée dans ses livres incontournables. Il s'agit d'une histoire d'amour impossible entre deux cow-boys dans le rude Wyoming des années 1960. Je suis impressionnée du talent avec lequel Annie Proulx réussit en aussi peu de pages (94!), avec une langue parfois très directe, âpre même, mais aussi pleine de finesse, d'allusions en ellipses, à dérouler un drame aussi puissant, qui nous laisse bouche bée et le coeur en miettes.

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Noeuds et dénouements

Des noeuds, encore des noeuds, et des dénouements. C'est bien de cela dont il s'agit dans ce roman qui déroule la vie de Quoyle, un colosse malhabile et peu doué pour la vie que l'on rencontre noué de partout – ligoté dans son corps prison, son infirmité sociale, sa douleur d'amant abandonné – et qui peu à peu se délie, se défait des liens qui doucement, à chaque petit événement positif de sa nouvelle vie à Terre-Neuve, se desserrent et tombent un à un.

Voilà un de ces romans qui, bien qu'on l'aborde la gorge serrée tant les premières pages baignent dans un désespoir glauque, donne envie de changer de vie. Ou à tout le moins redonne le sourire et l'espoir que tout est possible pour redémarrer une vie nouvelle après et malgré l'adversité.

Cette sensation lumineuse et paisible est pourtant en contraste avec l'environnement hostile de Tette-Neuve où Quoyle, poussé par sa tante, vient s'établir, l'histoire lourde et violente du lieu (avec en point d'orgue l'épisode vrai et terrible des petits orphelins anglais envoyés en esclavage dans les fermes canadiennes), la déliquescence économique avec les destructions de l'industrie pétrolière comme seul horizon.

Mais c'est tout le talent magique de l'auteure que de montrer qu'à mesure que Quoyle prend vie et se raffermit, l'hostilité du lieu disparait au profit de paysages impétueux et vivifiants, de visages amis attablés devant un «calamburger » dans un rade un peu cradingue mais chaleureux, celui enfin d'une femme qui peut-être, pourrait…

Une petite merveille que ce livre, fragile comme un roc et brûlante comme un iceberg, doublement couronnée du Pulitzer et du National Book Award, à déguster un soir d'hiver pour retrouver la lumière.



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Brokeback Mountain

C'est le cinéma qui a fait connaitre cette nouvelle d'Annie Proulx et j'ai bien fait de ne pas avoir vu le film que j'imagine plutôt mélodramatique, pour mieux apprécier le texte.

"Brokeback Mountain" c'est d'abord un lieu où se focalise des souvenirs heureux pour deux hommes, Jack et Ennis.

Ils ont passé un été sur cette montagne du Wyoming à travailler ensemble pour protéger un troupeau de moutons mais ils ont vite été attirés physiquement l'un par l'autre. Quand on a vingt ans et que l'on est un cow-boy de l'ouest des États-Unis on n'est pas pédé comme ils disent surtout quand on vit dans un pays homophobe. Un amour interdit et pourtant intense et qui le restera au fil des années.

Ils vont donc se quitter et, chacun de leur côté, se marier avec une femme et avoir des enfants sans pour autant s'oublier. Ils s'arrangeront pour se voir occasionnellement et leurs retrouvailles resteront toujours inoubliables même si leur passion frustrée bouleverse leurs vies.

L'histoire est poignante bien qu'un peu courte car on a parfois du mal à cerner ces deux hommes passés à côté du bonheur.





Challenge Plumes féminines 2022

Challenge Coeur d'artichaut 2022

Challenge Riquiqui 2022

Challenge XXème siècle 2022

Challenge Multi-défis 2022

Challenge ABC 2021-2022

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C'est très bien comme ça

Il y a deux ans tout juste, je découvrais Annie Proulx.

Une rencontre fortuite, un livre pioché au hasard. Ce n'était pas Brokeback Mountain ni Noeuds et dénouements (ses deux plus grands succès, toujours pas lus à ce jour...), mais un petit recueil de nouvelles moins connu, intitulé "Mélodies du coeur".

Et j'avais vraiment aimé ça.



Alors deux ans plus tard, rebelotte ! Même déambulation dans la même médiathèque, et voilà que mes yeux s'arrêtent sur une belle couverture (deux magnifiques bisons) : c'est reparti pour un tour !

Encore l'Amérique profonde (cette fois principalement le Wyoming, ses vastes plateaux et ses montagnes Rocheuses, ses petites bourgades poussiéreuses et ses buissons d'armoise piqués aux versants des canyons).

Encore cette fluidité dans l'écriture, cette atmosphère si particulière, cette plume ciselée et ces paysages ruraux superbement décrits.

Encore des personnages nombreux, atypiques et terriblement romanesques, encore une collection de portraits criants de vérité. Des gens simples aux vies arides (cow-boys et chercheurs d'or, ranchers et pionniers, serveuses et randonneurs-vagabonds), animés des mêmes rêves d'avenir meilleur, soumis à des époques diverses aux mêmes entraves et aux mêmes aléas du destin, mais qui tous aspirent au bonheur.



Fainéant comme je suis, j'ai donc exhumé ma vieille critique sur "Mélodies du coeur", et j'ai lu qu'il y était déjà question de "textes bruts, âpres, sauvages", "d'histoires à la fois banales et tragiques", de "campagnes rudes où il ne se passe pas forcément grand chose [...] mais où des femmes et des hommes vivent, tout simplement". (Rha v'là que le mec s'auto-cite maintenant, on aura tout vu !)

Je me suis dit que ça collait pas mal et, l'époque étant au recyclage, que j'allais pouvoir gratter un paragraphe supplémentaire à peu de frais !



Tout ça pour dire que les fans d'Annie Proulx ne seront pas dépaysés avec le présent recueil. Une prodigieuse chasse au bison, des couples infortuné qui se déchirent, d'autres qui bâtissent des cabanes de leurs mains, un vieil amateur de rodéo révélant à sa petite fille des secrets anciens, des rêves de fortune déçus et des chansons de cow-boys, des puits de forage qui se multiplient dans les plaines tandis que disparaissent peu à peu les chevaux sauvages : autant de récits qui fleurent bon l'Amérique !



À l'exception de deux textes complètement loufoques (on y découvre le Diable himself réaménageant l'enfer pour le remettre au goût du jour, ou imaginant des farces à l'intention des mortels) qui pour moi font ici figure d'intrus, l'auteur nous immerge avec brio dans des histoires de famille pleines d'authenticité.

Toutes auraient pu sans nul doute déboucher sur des récits de plus grande ampleur, et je ne peux que souscrire aux propos d'un journaliste rapportés en quatrième de couverture : "Annie Proulx a le don pour condenser en quelques pages la matière de tout un roman".

Elle a pourtant choisi un format plus court, celui de la nouvelle ... et après tout c'est très bien comme ça !
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Brokeback Mountain

Lorsque j’avais vu le film, il y a un sacré bout de temps, j’avais trouvé que c’était une belle histoire d’amour entre deux hommes.



Deux hommes qui ne peuvent vivre ensemble, parce que dans les années 80, on tabasse les homosexuels à coup de démonte-pneu…



La discrétion est donc de mise lorsque deux hommes ressentent des penchants l’un pour l’autre et veulent les assouvir.



Pourtant, dans ce court roman, j’ai dû chercher les émotions, l’amour, tant ça ressemblait plus à du sexe entre deux mecs qui se disent l’un à l’autre qu’ils ne sont pas des pédés.



Effectivement, le terme est barbare, mais les gars, faut pas vous leurrer, vous êtes attiré l’un par l’autre et si au départ, il n’y avait que du cul entre vous (et de la bite), on dirait bien qu’ensuite, l’amour s’est déclaré, mais que vous ne vouliez pas vous l’avouer.



Rien à déclarer, messieurs ? Si, moi, Jack Twist, j’ai aimé Ennis Del Mar, même si je me suis marié et que j’ai un enfant. Ne pas le voir aussi souvent que j’aurais voulu me détruisait à petit feu. Sans doute n’a-t-il jamais compris à quel point je l’aimais…



Quant à moi, Ennis Del Mar, je ne veux pas le dire, mais Jack m’a manqué durant les 4 années où je ne l’ai pas revu et malgré mon mariage, mes deux gamines que j’aimais plus que tout, je n’ai pas hésité à les abandonner sans trop de remords, mais je n’ai jamais osé avouer à Jack mon amour pour lui. Il aurait dû lire entre les lignes, comme vous, chères lectrices.



Effectivement, il faut lire entre les lignes pour voir l’histoire d’amour derrière celle du sexe brutal. Il faut se mettre dans leur peau, dans leur tête, dans l’époque afin de ressentir la peur que pouvait éprouver les hommes qui étaient homosexuels.



Cela permet aussi de comprendre leur mensonge, leurs non-dits, leur virilité affichée, leur déni, leur cachoterie et leur mariage, dans le but de montrer à tout le monde qu’ils étaient "normaux" (attention, je ne dis pas que l’homosexualité est anormale, je parle de la vision que la majorité des gens avaient de l’homosexualité, à cette époque-là).



Maintenant, dans nos sociétés, dans nos pays, il est plus facile de vivre avec une personne du même sexe que vous, qu’ailleurs, à d’autres époques.



Il est donc facile, de nos jours, de les traiter de couards, de dire qu’Ennis a manqué de courage en ne voulant pas s’installer dans un ranch avec Jack, mais en fait, il avait tout simplement trop à perdre. Ne jugeons pas.



Les dialogues entre nos deux hommes sont comme eux, assez bruts, des courtes phrases, avec peu de mots, peu d’adverbes, bref, limités au strict minimum, ce qui donne parfois l’impression d’être avec des cow-boys bouseux de chez bouseux. C’est assez âpre.



De plus, dans le film, nos deux hommes sont sexy, dans la nouvelle, ils puent, ont les jambes arquées, les dents de travers, bref, ils sont plus réalistes, mais moins glamour.



Malgré tout, le film est plus émouvant que le roman et, pour une fois, j’ose dire que l’adaptation est mieux réussie que le support littéraire (ce qui est très rare).


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Brokeback Mountain

Si j'ai voulu lire cette nouvelle, c'est parce que j'ai adoré le film. Cette belle histoire d'amour pleine de sensualité qui a surpris et uni les deux cow-boys m'a bouleversée.



Dans ce court récit sans fioritures, l'auteure a su transmettre toute la force et la profondeur d'une passion, d'un amour sans avenir dans un milieu hostile et sans pitié.

"La vieille Brokeback nous a accrochés pour de bon et c'est sûr que c'est pas fini".

Le livre m'a moins émue mais la prose d'Annie Proulx m'a forcément rappelé certaines scènes et les beaux paysages du film qui m'a beaucoup marquée.


Lien : http://edytalectures.blogspo..
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Brokeback Mountain

Amour interdit.



Ennis et Jack sont deux jeunes saisonniers qui n'ont même pas vingt ans. Brokeback Mountain sera le lieu qui verra la naissance de leur amour.



J'avais vu l'adaptation en film voilà des années. Ce film m'avait bouleversé. Il en va de même pour la novella. Je suis habituellement totalement hermétique aux romances, mais ici j'ai été totalement immergée dans cette passion amoureuse. En seulement 94 pages l'autrice va droit à l'essentiel, sans pour autant renoncer à rendre profondément humain nos deux héros.



Dans le milieu viril des ranchs, situés dans les virils Etats-Unis, il est impossible d'être gay. Il faut être un "homme, un vrai" et non un "pédé" sous peine à minima d'ostracisme et dans le pire des cas de meurtre. Ces éléments sont profondément révoltants et contribuent à rendre cet amour "malgré tout" bouleversant.



Cet environnement hostile contraint nos deux protagonistes à la clandestinité. L'histoire d'amour se transforme en tragédie, en vie manquée où le seul moment de bonheur véritable fût cet été à Brokeback Mountain. Tout cela tout simplement car le fait d'aimer un autre homme est vu comme un crime.



Au final, cette novella est magnifique. Un magnifique hymne à l'amour sous toute ses formes.
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Nouvelles histoires du Wyoming

Le Wyoming, un ex-paradis. C’est du moins ainsi que je le vois après la lecture de ces onze nouvelles.

Auparavant de grands espaces verdoyant parcourus par les antilopes, le bétail et les cow-boys. Et aujourd’hui quelques rares ranchs qui vivotent ; les autres, abandonnés, étant rachetés pour être divisés en plus petites parcelles pour les urbains en mal de nature. Des marginaux qui vivent dans des caravanes mal tenues. Des villages où seuls les bars survivent. La pollution due à l’exploitation du méthane… Et la poussière, celle des petites routes, celles des terres victimes de la sécheresse.

Pourtant ces nouvelles ne sont pas à proprement parler tristes. On y trouve même de l’humour, et de la tendresse pour ces personnages en marge de la réussite sociale. J’ai particulièrement aimé la première où un garde-chasse découvre un moyen de punir les chasseurs sans permis en évitant toute paperasse inutile (non il n’utilise pas son fusil). Celle où pour échapper à l’ennui les hommes décident de faire un concours de barbes, le lieu de réunion étant le bar tenu par Amanda. Amanda la barmaid que l’on retrouve dans nombres de ces nouvelles. Une des femmes qui tiennent bon dans ce quasi désert où les villages comprennent quelques dizaines d’individus et où il faut rouler soixante-dix ou quatre-vingt kilomètre pour arriver à la ville qui de toute façon ne comprend guère qu’un ou deux magasins. Ici soit l’on produit soi-même, soit on s’en passe, ou on attend une visite à la famille dans un autre État pour faire le plein de produits « de luxe ».

Mais pourtant beaucoup, plutôt des hommes, ne voudraient pas vivre ailleurs, comme cet ex architecte qui s’installe dans un vieux ranch et parcourt les routes sans fin en écoutant de la musique classique tandis que sa femme restée dans la vieille ferme ne peut s’habituer à la solitude, aux ragots dont ils font l’objet, à l’animosité de leurs rares voisins.

Le Wyoming d’Annie Proulx est rude, loin du tourisme, mais attachant.

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Brokeback Mountain

J'ai lu la nouvelle il y a un bon bout de temps (en anglais, pêchée dans le New Yorker où elle avait été publiée en 1997) mais il a fallu attendre un certain nombre d'années avant que je ne me décide à voir l'adaptation d'Ang Lee. De ma lecture je gardais un souvenir mitigé. Un matériau intéressant, un sujet pouvant émouvoir mais une écriture toute en sécheresse et en dureté qui ne m'avait pas plu. La rencontre entre Jack et Ennis (Jake Gyllenhall et Heath Ledger, excellents et magnifiques) est simple, brutale. Pas un soupçon de douceur, pas d'artifices. Vous allez me rétorquer que l'attirance entre deux cowboys peut se passer de romantisme ou d'émotion. J'ai été sensible aussi au fait que les deux hommes sont très ordinaires, très frustres (langage grossier, brutalité de leurs rapports, vies ternes...) et que je ne ressentais guère d'empathie pour eux, malgré quelques beaux passages dans cette nouvelle.



Heureusement, Ang Lee est passé par là. Larry McMurtry (sa présence est un gage de qualité pour moi) et Diana Assana ont magnifié cette histoire d'amour dans le scénario et le résultat à l'écran est si lumineux, si évident, que je regrettais bien le prosaïsme d'Annie Proulx. Et puis une seconde lecture, récente, m'a permis de mieux savourer le texte, d'en gommer les aspérités. Ce n'est pas que je découvre enfin les qualités littéraires de la nouvelle, mais plutôt que je colle désormais les visages des deux acteurs sur ceux des personnages et j'ai encore en mémoire les paysages du Wyoming. Je garde donc ma préférence au somptueux film d'Ang Lee.



Cette histoire est d'autant plus émouvante qu'elle s'installe dans un milieu et une époque où l'homosexualité était plus que jamais un sujet tabou. 1963 dans l'Amérique rurale, deux cow-boys incarnant la quintessence de la virilité, et le poids des conventions et traditions. D'ailleurs, l'attitude des pères respectifs d'Ennis et de Jack en est la parfaite illustration.



Ennis est plus renfermé, moins démonstratif. tandis que Jack est passionné, impulsif, mais la peur du "châtiment" (la scène où Ennis se remémore la leçon de son père est édifiante...) l'empêche de braver les conventions et le regard des autres. Coincés dans leurs petites vies ordinaires, confrontés à des épouses qu'ils ne peuvent rendre que malheureuses, les deux hommes vont connaître de brefs mais intenses moments de bonheur, sur 20 ans, lorsque de leurs retrouvailles irrégulières à Brockeback Mountain, en pleine nature. Ces moments sont poignants, et ne peuvent compenser des années de frustration mais ils remplissent toute leur vie.



Au-delà de cette relation entre deux hommes, c'est l'histoire d'amour en elle-même qui m'a touchée. Le même problème se serait probablement posé si le couple avait été un Noir et une Blanche ou vice-versa. N'importe quel couple ne rentrant pas dans "les cases". Ce qui m'a donc intéressée, c'est cette impossibilité d'être heureux dès que l'ont vit sous le regard des autres, dès que la société, vos voisins, vos amis, la famille vous jugent et vous empêchent de vivre selon votre coeur.



Enfin un mot sur les dernières pages et les dernières images du film. Quoi de plus romantique, de plus émouvant, que cette histoire de chemise ? J'en ai les larmes aux yeux à chaque fois. (c'est mon côté fleur bleue qui ressurgit... :-))


Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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