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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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Carlota Fainberg

Deux personnages importants dans cette histoire. Ou plutot trois: deux hommes en chair et en os, et une femme revee, inventee, et pourtant omnipresente. Trio romantique s'il en fut, et triplet (reussi?) pour Munoz Molina.





Mais commencons par le commencement. Un espagnol americanise (de la tous les anglicismes qui enervent certains lecteurs), prof de litterature dans une minable universite US, doit se rendre a Buenos Aires y donner une conference. A l'aeroport il est happe et accapare par un autre espagnol qui a flaire son origine. Ils n'ont rien en commun. Claudio, le prof, est reserve, solitaire, presque timore. Marcelo est un homme d'affaires extraverti qui le force a ecouter ses souvenirs de Buenos Aires, la merveilleuse aventure qu'il y a vecu quatre ans avant avec une femme, le prototype de la tueuse d'hommes, Carlota Fainberg. Assez enerve au debut, excede par le sans-gene et le machisme de son interlocuteur, passif, notre prof se trouve peu a peu interesse par l'histoire. Fin de la premiere partie.





Une fois a Buenos Aires, Claudio se prend a visiter l'hotel ou s'est deroulee l'aventure de Marcelo, un hotel decrepit, au charme decadent. Il apprend que ladite Carlota a vraiment existe, habitant l'hotel qui appartenait a son mari, mais qu'elle est morte depuis une vingtaine d'annees. Il croit apercevoir son ombre, qui s'estompte des qu'il s'approche. Est-ce un fantome que Marcelo avait aime? Ou tout n'etait que pure affabulation de sa part? Comment lui, specialiste des artifices litteraires, est tombe dans les pieges d'un hableur?





En fait Munoz Molina veut nous faire partager son admiration pour l'art du conteur. Pour lui la "litterature orale" n'est pas forcement un parent pauvre, elle peut etre aussi sophistiquee que l'ecrite. Toutes deux ont pour vocation premiere de tenir l'auditeur/lecteur en haleine, condition sine qua non pour faire passer un quelconque message. Au passage il egratigne les critiques specialises, qui cryptent autant qu'ils decryptent les textes qu'ils etudient, ainsi que les abus du "politically correct", et les surencheres des "gender wars" a l'americaine. Tres rejouissant, tout ca.





Mais je ne place pas ce livre parmi les grandes oeuvres de Munoz Molina, et pas seulement parce qu'il est court. Peut-etre parce qu'il se disperse. Comme s'il contenait deux nouvelles differentes, de deux genres differents. D'un cote la rencontre des deux espagnols, ou l'ambiance de l'aeroport est tres bien rendue, ses bruits, sa musique qui te poursuit, les rumeurs de centaines de passants, et la communication entre eux, impossible mais qui aboutit a une sorte de communion disparate. de l'autre Buenos Aires, le decrepit hotel art-deco, ses longs couloirs obscurs, ses chambres rances de moisissure ou il s'est peut-etre passé quelque chose d'inquietant dans le passé, ou Munoz Molina flirte avec le fantastique. Chaque partie est interessante en soi mais le tout m'a laisse une impression d'ebauche, de piece qu'il aurait du plus limer.





Je reste avec la sensation bizarre que je n'ai eu droit qu'a l'ombre de Munoz Molina. Je retiens quand meme l'hommage a la literature orale, a l'art du conteur. Meme si sur ce theme il vaut mieux lire L'homme qui parle, de Mario Vargas Llosa. Beaucoup plus abouti.

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Carlota Fainberg

Dans son introduction Antonio Munoz Molina dit avoir écrit un roman court. Moi je pense que c'est une nouvelle dont le sujet m'a paru plus que brouillon, un condensé de beaucoup de frasques en peu de pages.



Et puis tous ces termes américains glissés dans le récit détruit le style même si l'écriture est relativement captivante. Franchement, des termes anglais quasiment dans chaque phrase devient énervant. C'est bien beau vouloir faire « cool » mais quand même …



Vite lu vite oublié, j'ai rien trouvé de transcendant dans cette histoire ...
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Carlota Fainberg

Que dire ? Si ce n'est que c'est une oeuvre de Muñoz Molina à côté de laquelle on peut passer sans remords.



Un professeur espagnol d'une université américaine en partance pour Buenos Aires est bloqué à l'aéroport de Pittsburg par une tempête de neige et se fait harponner par un compatriote qui veut absolument lui raconter ses aventures dans la capitale argentine.



L'histoire en elle-même n'est pas à jeter, mais il est insupportable que le personnage du professeur ponctue toutes ses phrases de termes d'anglais pour faire bien. C'est véritablement désagréable et enlève tout plaisir à la lecture. Et bon, l'histoire n'est pas rocambolesque non plus. On dirait une première oeuvre de jeunesse, mais mal conçue. Heureusement qu'il y a mieux, nettement mieux chez cet auteur.
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Carlota Fainberg

Claudio est coincé dans l’aéroport de Pittsburgh en raison d’une tempête de neige. Il doit se rendre à Buenos Aires pour un congrès. Abordé par Marcelo, qui reconnait qu’il est espagnol grâce au journal dans sa poche, Claudio se voir obligé d’écouter pourquoi Marcelo n’ira plus jamais à Buenos Aires. À cause d’une femme, Carlota, qu’il a rencontré dans un hôtel en ruine et avec qui il a eu une relation torride de deux jours. La tempête se calme, les deux hommes se séparent. Claudio arrive à Buenos Aires, suit son congrès plus ou moins assidûment, se promène dans la ville et tombe sur l’hôtel dont Marcelo lui a parlé. Il y entre, l’hôtel est encore plus décrépi, ferme à jamais le lendemain. Claudio croit y voir Carlota, puis elle disparaît, et tout doucement la réalité se confond avec le rêve. Un peu agaçant parfois de lire un livre où se mêlent trois langues, français, anglais, espagnol, mais une belle histoire.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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Carlota Fainberg

Ce fut un peu les montagnes russes avec ce roman, heureusement d'ailleurs qu'il est court.



Je l'avais choisi, pour découvrir la plume d'Antonio Munoz Molina, parce que le sujet de départ, ce qui est vendu dans la quatrième de couverture, m'intriguait beaucoup. Deux hommes, deux compatriotes espagnols qui ne se connaissent pas, se retrouvent dans un aéroport américain, à attendre leur avion respectif. L'un d'eux commencera à raconter son histoire argentine au narrateur, ce dernier attendant en effet de s'envoler vers Buenos Aires.



Ne me demandez pas pourquoi mais, au démarrage de cette histoire, je croyais que j'allais lire une sorte de roman noir. Vous savez, deux hommes qui ne se connaissent pas, qui se racontent leurs galères, et qui décident de s'aider mutuellement, l'un en tuant la femme de l'autre, ce dernier se chargeant d'assassiner le patron du premier. Quelque chose dans le genre.

Il n'en est rien.



Je dois bien avouer que j'ai trouvé au début que c'était long, mais long. D'autant que les anglicismes qu'on retrouve au détour de chaque page commençaient furieusement à m'agacer (ce qui est fait exprès, au final). Puis, soudain, j'y ai trouvé un moment de grâce, je revoyais une scène du roman La chute d'Albert Camus, récit qui m'avait fortement marquée à l'adolescence. Et, de nouveau l'ennui... jusqu'aux cinquante dernières pages qui m'ont pour le coup emballée.



Je ne saurais pas vraiment vous dire, au final, de quoi parlait réellement ce bouquin, ni expliquer pourquoi certains passages m'ont plu. La plume m'a charmée à certains endroits, m'a ennuyée à d'autres. Par contre, ce roman, cette écriture ont à coup sûr une identité. Me plaît-elle? Cela est une bonne question, je n'en sais rien.



En bref, un roman qui m'a déroutée et sur lequel je ne saurais donner un avis tranché. Je n'ai peut-être aussi pas fait le meilleur des choix pour découvrir cet auteur.
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Carlota Fainberg

"C'est à cause d'une femme et d'un hôtel que je ne peux pas retourner à Buenos Aires" confie Marcelo, un "homme d'affaires madrilène" à Claudio.

Ce dernier, universitaire d'origine espagnole mais exerçant en Pennsylvanie, se rend dans cette même capitale argentine pour faire un exposé (lors d'un colloque) sur un poème de Jorge Luis Borges.

Les deux hommes sont de parfaits inconnus. Seuls les relient leur pays natal et le temps à tuer dans l'aéroport de Pittsburgh où les bloque une tempête de neige. Claudio raconte, ici, l'incroyable aventure, passionnée et passionnelle, de son compagnon de transit avec Carlota Fainberg (d'où le titre) femme blonde "à tomber raide" occupant la suite nuptiale d'un hôtel argentin au bord de la ruine alors qu'en 1989, suite à l'hyperinflation, le pays était "foutu" et que Marcelo "cadre international" venait espionner pour le compte de la chaine "Worldwide resorts".

Bien que l'intrigue soit longue à se mettre en place (page 62 sur 182 pages) et que Antonio Munoz ponctue chaque phrase de mots d'anglais professionnels et fatigants (sans doute pour mieux baigner le lecteur dans le monde caricaturé des affaires), ce roman, fort bien écrit, dévoile plusieurs pistes intéressantes:

-L'époque où se déroule l'action et son contexte (marasme) économique (1989 puis 1993).

-La sensualité des Argentines dont le physique est comparé à celui des Espagnoles (courtes sur pattes!!! mais prêtes aussi, dans certaines circonstances...).

-Le caractère machiste des Espagnols: avec donjuanisme, fantasmant sur des femmes fatales mais intimidés et craintifs de ne pas être à la hauteur.

-La peur des hommes en général vis à vis de femmes "trop femmes".

-L'image et le paraître: car Claudio, intellectuel, juge au départ vulgaire cet individu qui étale ses frasques puis s'intéresse à l'homme d'affaires autoritaire qu'il entrevoit entre deux phrases.

-La lâcheté des hommes infidèles en général car l'aventure tourne au vaudeville.

-L'image caricaturale de "conquistador" et de "gallito" (petit coq) de l'Espagnol perçue en Argentine car Claudio, lui aussi va croiser une femme fatale. Son impardonnable faute à citer du Borges, poète argentin alors qu'il n'est pas d'origine latino-américaine.

-Le côté fantastique de ce récit car cette Carlota Fainberg, que rencontrera Claudio dans ce même hôtel, est-elle fantôme, femme ou fantasme? A lire!

A signaler que l'auteur, Antonio Munoz Molina (comparé à Henry James, Thomas Mann ou Juan Carlos Onetti), a publié de nombreux romans primés: Un hiver à Lisbonne (prix de la Critique et prix National de littérature 1987), Le Royaume des voix (prix Planeta 1991 et prix national de la littérature 1992), Pleine Lune (prix Fémina étranger 1998).
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Comme l'ombre qui s'en va



Ecrire une biographie de l'assassin de Martin Luther King en la vivant de l'intérieur. Réfléchir sur sa vie d'écrivain. Deux vies qui se rencontrent à travers l'écriture mais aussi à travers une ville Lisbonne.

Il faut se laisser entraîner dans l'écriture de A.Munoz Molina. De longues phrases, le sens du détail, un rythme musical pour servir une pensée profonde. Un grand écrivain.
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Comme l'ombre qui s'en va

A la fois roman et récit, ce livre de Antonio Muñoz Molina est inclassable, passionnant, pas très facile à lire, car l'écriture est très dense, foisonnante . Il alterne des chapitres autobiographiques et une enquête sur James Earl Ray, l'homme qui tira le 4 avril 1968, sur Martin Luther King à Memphis, car celui-ci lors de sa cavale a atterri à Lisbonne ou il espérait obtenir un visa pour aller se cacher en Angola. Muñoz Molina se rend à Lisbonne pour mettre ses pas dans ceux de Ray et profite de ce voyage pour retracer les précédents qu'il a fait dans cette ville notamment le premier lorsqu'il a écrit son premier best-seller, " L'hiver à Lisbonne ", mais également un autre lorsqu'il avait été invité pour rendre hommage à Adolfo Bioy Casares. Il profite de ses déambulations pour mettre en évidence le charme parfois désuet de cette capitale.

A travers ses souvenirs, il nous fait partager ses sources d'inspirations, la littérature, ses modèles, la musique, le jazz en particulier dont il est un passionné. Il montre comment il a décortiqué la construction littéraire de ses modèles pour construire son propre style, comment il observe les lieux pour les décrire dans ses textes, comment il construit ses personnages. Mais aussi ses interrogations lorsqu'il était un jeune écrivain, travaillant encore dans l'administration de la ville de Grenade. Il évoque sa vie familiale, la naissance de ses enfants. Il montre le bouleversement que crée pour un écrivain, la sortie d'un roman qui devient best-seller. Il aborde l'alcoolisme en littérature notamment le sien avec un témoignage saisissant et ses difficultés pour en sortir.

Le motif qui l'a conduit à nouveau à Lisbonne c'est donc d'enquêter sur la présence dans la capitale portugaise en mai 1968 de Ray. Après avoir consulté tout ce qui s'est écrit sur l'assassinat de Martin Luther King, les autobiographies de James Earl Ray, il retrace sa cavale notamment son séjour à Lisbonne. Il nous fait partager les lieux, hôtels, bars, que le meurtrier a fréquenté, les démarches qu'il a faites sous plusieurs noms. Il retrouve des témoins. Dans des chapitres passionnants, il revient sur les derniers jours avant le coup de feu qui coûta la vie au Dr King. Il montre le processus qui fait d'un petit délinquant, qui adhère aux idées de Mac Carthy, qui croît à la théorie du complot communiste, un meurtrier pour l'histoire. Il retraçe le climat qui régnait aux Etats-Unis dans les années 50/60, en évoquant ce qu'a été le combat du Mouvement pour les droits civils. Au delà de Lisbonne, il se rend à Memphis et visite le musée élaboré autour de la chambre 306 du Lorraine Motel ou Luther King a été tué, au cours de cette visite il rappelle ce que fût l'horreur de la ségrégation dans cette période, les actes et les marches des noirs pour faire respecter leurs droits. Il décrit les dernières heures du leader, il aborde son épuisement devant son impuissance à faire bouger les choses.

Intéressé par l'histoire contemporaine, fasciné par le processus de construction littéraire, j'ai été emballé par ce roman ambitieux.
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Comme l'ombre qui s'en va

Troisième roman étranger de cette rentrée littéraire, avant d'attaquer quelques français (Del Amo, Tuil, Sylvain Prudhomme et Céline Minard, dont j'avais adoré 'Faillir être flingué'). Je ne connaissais pas Antonio Munoz Molina, même si j'avais lu ici ou là quelques articles particulièrement enthousiastes sur 'Dans la grande nuit des temps'. J'ai été séduite par cette longue enquête consacrée à l'assassin de Martin Luther King, James Earl Ray. A travers le portrait de cet homme discret et solitaire, Molina brosse un magnifique tableau de Lisbonne, au printemps 1968. La langue est superbe, d'une impressionnante richesse, servie par une traduction de grande qualité. J'ai tout particulièrement apprécié la construction du roman: les chapitres alternent entre l'aspect strictement biographique et l'intime, la description de la cavale de Ray après son forfait et la naissance de la vocation d'écrivain chez Molina. Une lecture que je recommande.
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Comme l'ombre qui s'en va

Le récit de la cavale de l'homme qui a tué Martin Luther King. Etouffant.
Lien : http://www.lexpress.fr/cultu..
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Comme l'ombre qui s'en va





Intéressant, mais long, parfois fastidieux. Chapitres alternés par la cavale de l’assassin de Martin Luther King, avec l’écrivain qui se met en scène. Une bonne partie se passe à Lisbonne où James Earl Ray a séjourné plusieurs mois. L’auteur se rendra également à Memphis où eut lieu l’assassinat et particulièrement à la chambre 306. Un bel hommage aux musiciens de jazz. Nombreux détails de vêtements et d’ingrédients alimentaires, mais peu de réponse aux motivations, pas de psychologie, peu de détails d’enquête, etc. Plaisir et agacement en même temps, qui me laisse sur une difficulté d’opinion.







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Comme l'ombre qui s'en va

L'idée du livre est superbe : suivre le tueur de Martin Luther King et se questionner sur la littérature dans le même temps.



Mais, les chapitres qui portent sur le tueur sont bordéliques et le récit n'avance pas. Quant aux réflexions littéraires de l'auteur, elles sont malheureusement diluées à l'extrême dans ce livre. Résultat : je me suis ennuyé ferme et j'ai laissé tomber ce livre au bout de 110 pages.
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Comme l'ombre qui s'en va

Un voyage à Lisbonne pour trouver l'inspiration met les pas de l'écrivain dans les traces du meurtrier de Martin Luther King. Une plongée dans le mental du tueur caché une dizaine de jours à Lisbonne lors de sa cavale, ses origines, son parcours de délinquant, ses obsessions, sa solitude. Mais l'écrivain aussi une réflexion sur sa carrière d'écrivain, ses débuts de père de famille, ses fuites, ses propres errances dans cette même ville.
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Comme l'ombre qui s'en va

Voici ma première incursion dans l'univers d'Antonio Munoz Molina et je peux vous dire que cela a été un régal !



Je ne lis pas assez de littérature hispanique mais j'essaye de rattraper cette lacune, ce livre a deux temps est vraiment une très belle surprise, une très belle découverte, une lecture fascinante ! Nous sommes en 1968 et l'assassin de Martin Luther King prend la fuite. Nous sommes en 2013 et l'auteur Molina chemine sur les pas du meurtrier. Deux hommes qui vont se livrer, un roman autobiographique et biographique à la fois. Une mise en parallèle de deux existences qui n'avaient pourtant rien en commun...



Qui est cet homme qui a pu tuer l'un des hommes les plus importants du XXème siècle ? Qu'a t-il ressenti pendant et après cet acte odieux ? Qu'a t-il fait ? Qu'a t-il pensé ? Ce sont de nombreuses questions, des interrogations posées par l'écrivain qui va entrer dans la tête de ce personnage, lui donner une voix, une conscience. Bien sûr qu'il s'agit d'une œuvre de fiction mais on voit tout le travail d'Antonio Munoz Molina pour suivre les traces de James Earl Ray... L'idée même de se raconter en racontant la vie d'un autre est aussi très ingénieuse, car elle mêle les sentiments et donne encore plus de profondeur à l'ensemble.



Comme dans tout mystère historique, l'auteur décide de faire un choix. Le complot ou le meurtrier solitaire ? Il choisit le second pour mieux impacter sur le lecteur. Peu importe que ce soit la vérité, c'est sa vérité et la nôtre pendant le temps de cette lecture. On y croit, on se met dans la peau de chacun, l'Histoire se mélange à l'histoire et nous sommes embarqués. J'ai eu grand plaisir à lire ce récit car il est à la fois extrêmement intéressant dans son contenu et émouvant dans son introspection des pensées de Ray et Molina.



En définitive, je vous recommande chaudement cette très belle lecture !


Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Comme l'ombre qui s'en va

James Earl Ray, délinquant de droit commun et ségrégationiste, a avoué l'assassinat de Martin Luther King lorsqu'il a été arrêté à Londres, alors qu'il s'apprêtait à prendre un avion pour Bruxelles, pour se rétracter ensuite, définitivement. Toujours très mauvais signe de fuir. Pourquoi quitter Memphis et le continent américain s'il n'était pas coupable ? Alors qu'au jour d'aujourd'hui, on ne sait toujours pas très bien ce qui s'est passé. James Earl Ray est-il innocent ? Peu probable, mais a-t-il agi seul ? Un des fils de King l'a aidé dans ses procédures en révision. Etait-ce un complot comme semble l'attester le procès d'autres personnes qui a suivi la mort de James Earl Ray ? Ou était-ce plus compliqué et l'Etat américain a-t-il lui-même commandité le meurtre de l'élément dérangeant qu'était Martin Luther King ? Aucune réponse.



Muñoz Molina, lui, a choisi l'option de James Earl Ray coupable solitaire. Et cela n'est finalement pas très important.



Car l'auteur nous emmène dans la fuite de cet homme qui passera quelques jours à Lisbonne et n'est-ce pas là pour l'auteur un merveilleux prétexte, pardon, une très belle occasion, de nous parler de l'élaboration de son ouvrage, Un hiver à Lisbonne, il y a trente ans déjà. Et de là, à nous parler de création littéraire et de sa vie à lui.



Seul bémol, dans la relation des faits et de la psychologie de Ray, Muñoz Molina tourne parfois en rond. On peut y voir d'innombrables variations sur un même thème ou des répétitions un peu fastidieuses. Cela a ralenti ma lecture mais ne m'a pas empêchée de prendre plaisir à lire ce nouvel opus.

Mon trio de tête reste toutefois inchangé et on y trouve Un hiver à Lisbonne (l'original) avec Dans la Grande nuit des temps et Pleine lune.

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Comme l'ombre qui s'en va

Retraçant la cavale hallucinée du meurtrier de Martin Luther King, l'auteur retrouve à Lisbonne les traces de sa propre jeunesse.
Lien : http://www.telerama.fr/criti..
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Comme l'ombre qui s'en va

Ce gros livre, dense et extrêmement riche s'articule autour de deux trajectoires qui, dans un espace-temps différent, se croisent à Lisbonne. L'une correspond à la cavale de James Earl Ray, l'assassin du Pasteur Martin King le 4 avril 1968 à Memphis (Tennessee), l'autre au séjour de l'auteur, Antonio Muñoz Molina, dans la capitale portugaise en 1987. L'un fuit, l'autre cherche à construire un roman qui deviendra son premier grand succès, « L'hiver à Lisbonne », thriller mené sur un rythme de jam-session.

L'auteur effectue un énorme travail d'enquêteur, de journaliste d'investigation, en se penchant sur une masse extraordinaire de documents qui restituent les faits et gestes de James E. Ray à Lisbonne. Documents qu'il intègre à l'histoire – presque- véridique du meurtrier auquel il prête sentiments, émotions et stratégies pour ne pas se faire repérer. Ainsi naît un « personnage » au sens littéraire du terme, très fouillé, nourri, qui finit par nous devenir familier. Nous savons (presque) tout de lui : son apparence, son histoire, sa haine des Noirs, le milieu pauvre dont il est issu, véritable terreau aux idées ultra-réactionnaires, sur la base du complot, de la duplicité (médias menteurs, politiques corrompus sauf Mc Carthy, pasteurs noirs à la solde des communistes infiltrés dans le FBI, etc.). Cela n'excuse rien de l'horreur du crime perpétré depuis la minable salle de bains d'un hôtel minable de Memphis.

D'un autre côté, Muñoz Molina engage une réflexion sur l'acte d'écrire, saisissant le rapprochement entre les quelques jours passés à Lisbonne par J.E.Ray et ceux que lui-même y a passés pour préparer son roman « Un hiver à Lisbonne ».

Enfin, il se glisse dans la peau du pasteur assassiné pour restituer ce que furent ses derniers moments. Et là, cela devient un peu excessif, on finit par se lasser du procédé.



Le livre est intéressant, dense, documenté mais à la fin passablement indigeste. C'est dommage car les réflexions et analyses, tant sur le plan de la création littéraire que sur le tragique fait divers en lui-même, méritent qu'on s'y attarde et qu'on y réfléchisse, le sujet du racisme et de l'intolérance étant malheureusement encore d'actualité aujourd'hui.

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Comme l'ombre qui s'en va

Tenter de reconstituer fidèlement le passé conduit parfois à s'en éloigner. S’émanciper des faits, prendre des chemins détournés, écrire une autre histoire dans l'histoire... Sous l'effet peut-être de « l'intoxication par les lectures et les recherches » qui donne cette sensation étrange de se remémorer le passé comme si on l'avait vécu, Antonio Munoz Molina avec Comme l'ombre qui s'en va s'est intéressé à l'assassin de Martin Luther King, James Earl Ray. La découverte fortuite de la fuite de ce dernier à Lisbonne a suscité au fond de l'auteur une résonance intérieure et la nécessité d'écrire non pas une mais deux histoires au cœur d'un même récit.



Il y a une histoire vraie romancée, celle de Ray qui a tenté de gagner l'Afrique via Lisbonne après avoir tiré sur une figure majeure de la lutte des droits civils, et une histoire intimiste, celle de l'auteur qui raconte la déliquescence de son premier mariage. La cavale d'un meurtrier et la fuite d'un écrivain plein d'ambition pris au piège d'une vie personnelle et professionnelle insatisfaisante. Et le lien entre les deux : a priori Lisbonne où chacun éprouve la nécessité de recourir à la fiction, soit pour se réinventer sans cesse sous une fausse identité, soit pour inventer et donner vie aux autres à travers un deuxième roman Un hiver à Lisbonne.

Mais au fil des pages, ce sont les obsessions de l'auteur espagnol qui guident le récit ; la volonté de pénétrer la conscience d'un homme quelconque, presque invisible, qui a dû mener une vie clandestine. Partant à la recherche de détails, de sensations, de traces forcément fragiles et aléatoires, l'auteur trace des lignes de fuite à son travail d'archivage, il use de son pouvoir d'imagination pour réactiver toutes les dimensions d'un événement sur lequel le temps a passé et qu'aucune archive ni aucun fait ne saurait révéler. Biographie romancée ou exofiction, quelque soit le terme, l'auteur reconstitue le parcours du fugitif avec un phrasé mesuré, conscient de révéler un portrait arbitraire mais aussi convaincant. La réalité ayant parfois quelque chose d'insaisissable, l'auteur suggère que « jamais elle n'a dit le plus important de ce qu'elle aurait eu à dire »_ à charge de l'écrivain de faire le pont entre la réalité et la fiction pour rendre l'histoire intelligible. Méticuleux, l'auteur espagnol s'adonne à l'exercice avec la discipline et la rigueur qu'on lui connaît.



La démarche de A. Munoz Molina est d'autant plus intéressante qu'elle écarte le reproche récurrent de vouloir réécrire l'Histoire, ou de faire de James Earl Ray sa créature. S'il se sert de la fiction pour dessiner les contours de cette histoire, c'est pour mieux faire tomber les masques. Avec la maturité qu'est la sienne, l'auteur se met à nu, dévoilant ses secrets d'écriture dans un récit qui construit et déconstruit le processus littéraire. Déterminé ou est-ce le besoin d'anticiper les reproches propres à ce genre de roman, il démystifie les liaisons entre la vérité et la fiction, ou comment l'écriture peut s'entourer de manipulations, d'impostures, de subterfuges. Le roman a le mérite de la transparence narrative...



Et transparence narrative sans aucune limite puisque l'auteur se livre totalement, sans mesure, jusqu'à l'impudeur, jusqu'à l'ennui...ses ambitions d'écrivains étant intimement liées à sa vie familiale.

Malgré le talent de conteur de Molina, le pouvoir de séduction de sa plume élégante, la suavité de la langue si naturelle et sophistiquée à la fois,j'ai le sentiment d'avoir été un peu bernée : l'auteur impose un lien bien artificiel entre lui et Ray lorsqu'il décompose leur vie respective. Les correspondances sont à mon goût bien dérisoires. En refermant le livre, j'ai eu le sentiment que l'assassin n'était qu'un personnage secondaire, presque une excuse pour ventiler les obsessions personnelles de l'auteur, sa quête de reconnaissance sociale vampirise le texte. Au lieu de tenter de scruter les motivations de l'assassin, Molina laisse le récit « biographique » glissé vers le récit autobiographique, le texte-miroir devenant alors un subterfuge pour écrire sur soi et parler de ce que Lisbonne a fondamentalement changé dans sa vie.

Antonio Munoz Molina fait partie de ces auteurs qui m'ont toujours impressionnée par leur dextérité et leur intelligence émotionnelle. Si j'ai apprécié sa démarche didactique, j'ai été en revanche moins séduite par l'exercice d'équilibriste qu'il s'est imposé en mettant en parallèle sa vie et celle de James Earl Ray.
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Cordoue des Omeyyades

Avant d'écrire l'épopée des Omeyyades, Antonio Muñoz Molina s'est beaucoup promené dans Cordoue pour trouver la ville dans la ville, cette Cordoue capitale d'al-Andalus pendant trois siècles. Puis, il se plongea dans l'Histoire et lorsque la documentation fit défaut, il se servit de son imagination.



Au début du VIIIe siècle, après avoir éliminé les Wisigoths qui, eux-mêmes, avaient déboulonné les Romains, les Arabes envahissent une partie de l'Espagne, bien décidés à conquérir la France. Ils furent arrêtés à Poitiers et refluèrent sur les terres espagnoles.



Au mitan du siècle, la population de Damas, menée par les Abbassides, massacre la dynastie omeyyade dont quelques survivants finissent par échouer à Cordoue. Abd al-Rahman Ier, l'Omeyyade rescapé, prend le pouvoir par les armes et crée un émirat, s'émancipant bientôt de la tutelle du califat de l'Empire. Durant son long règne, ce ne furent que conquêtes et fureur mais il eut la présence d'esprit de fonder un hôtel des monnaies, une fabrique de tissus précieux, d'édifier des fortifications et de construire une flotte de guerre, de bâtir encore et encore, et d'entamer les travaux pharaoniques de la Grande Mosquée. Ses richesses considérables, issues de ses conquêtes et du commerce prolifique avec l'Orient, lui permirent de rivaliser avec le califat de Bagdad.



Ce livre, outre la biographie des émirs puis des califes omeyyades jusqu'au XIe siècle, fait la part belle à la vie culturelle et scientifique des règnes les plus marquants ainsi que la vision enchanteresse d'une Cordoue déroulant sa vie fastueuse au bord du Guadalquivir. Les trois Abd al-Rahman concentrèrent les arts, les lettres et les sciences jusqu'à atteindre leur point d'orgue au Xe siècle sous le règne d'Abd al-Rahman al-Nasir (le Vainqueur) puis de son fils al-Hakam II.



Le chanteur et musicien Zyriab apporta de Bagdad le raffinement majeur dans l'art vestimentaire et celui des banquets, introduisit le jeu d'échecs, initia la fabrication du cristal, l'usage du ver à soie. Il y eut Euloge, ce théologien qui, malgré la tolérance des musulmans pour les religions chrétienne et juive, encouragea le blasphème du Prophète. Lui et beaucoup de ses coréligionnaires (Martyrs de Cordoue) appelaient la mort, cruelle de préférence, pour convaincre le peuple de la suprématie du Christ.



Hasday ibn Shaprut, médecin juif, retrouva par ses recherches assidues la formule perdue de la thériaque, ce contrepoison puissant qui lui permit tant et tant de guérisons largement rétribuées. Sans oublier Ibn ‘Abd Rabbih, polygraphe infatigable qui rédigea une véritable encyclopédie de vingt mille pages renfermant « tout le savoir du monde ». le calife se devait de posséder la plus belle et la plus riche bibliothèque d'Occident. Celle de Cordoue, au nombre incalculable de copistes, a disposé de plus de 400 000 ouvrages et devint le lieu de confluence des érudits du monde connu. Un très beau chapitre est consacré à la calligraphie, à la fabrication du papier et de l'encre, à l'emploi des couleurs, à l'achat de manuscrits précieux et au travail inlassable des gens cultivés, notamment de nombreuses femmes franques lettrées enfermées dans le harem du calife.



L'architecture et l'artisanat représentent un point fort du règne des Omeyyades. Des centaines de mosquées furent élevées à Cordoue et dans les grandes villes, dont la grande mosquée, la plus vaste après La Mecque, qui, bien que devenue église au XIIIe siècle, puis cathédrale, a gardé les traces de la splendeur mauresque. Les centaines de colonnes en marbre, les arcs outrepassés, les dentelles sculptées, l'alternance de brique et de pierre blanche font de cet édifice un joyau, heureusement sauvegardé de la démolition. Ce ne fut pas le cas de la ville palatiale construite par Abd al-Rahman III, Madinat al-Zahra, sa deuxième capitale, où se trouvait l'impressionnante bibliothèque. Des jalousies, des vengeances et de nouveaux assauts berbères vinrent à bout de cette édification kilométrique où se résumait toute la magnificence de l'al-Andalus. Il semble que l'Islam ne privilégie pas la vénération des ruines. Les Arabes n'avaient pas cette « intention d'éternité » comme les Romains et les Grecs qui croyaient en leur pérennité.



Même si deux califes furent pacifistes, ils durent comme tous les autres affronter les Francs, les royaumes du nord de l'Espagne et les luttes de pouvoir. Vers la fin du Xe siècle, al-Hakam II meurt en laissant l'Etat à son fils mineur. Muhammad ibn Abi ‘Amir, dit al-Mansur, écrivain public, puis calligraphe royal et, enfin, général des armées, devint l'intendant de l'héritier du trône sans intention de le lui restituer à sa majorité. L'ambition démesurée d'al-Mansur billah, le Victorieux d'Allah, précipita la fin de la dynastie omeyyade. En 1031, la disparition du califat de Cordoue est consommée.



Merci à Pecosa dont la liste sur al-Andalous a attisé ma curiosité. Merci à Antonio Muñoz Molina d'avoir prêté sa plume à cet épisode historique passionnant.



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Cordoue des Omeyyades

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