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Critiques de Antonio Muñoz Molina (234)
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Tes pas dans l'escalier

Comment dire ? J'ai lu toutes les critiques et je comprends le point de vue de chacun des lecteurs... C'est un livre écrit au présent, en des phrases simples et claires qui s'enchaînent facilement. Elles sont le plus souvent déclaratives ou descriptives. C'est très bien écrit et j'y ai trouvé du plaisir.

Mais ce présent perpétuel finit par clocher et la répétition des faits, pensées et propos par lasser. Pourtant, le passé est bien présent lui aussi, peut-être même trop, puisque l'on ne parvient pas toujours à discerner le moment où se situe le discours du narrateur. Le futur est lui aussi évoqué à maintes reprises, mais sans offrir davantage d'ouvertures à la pensée et de perspectives à la vie. À côté du temps et de l'attente,

j'ai le sentiment qu'une autre thématique importante est celle de la confusion, confusion des perceptions, en lien avec les propos scientifiques sur le fonctionnement du cerveau humain, et de la fragilité de ce que nous prenons pour des réalités intangibles. Faut-il y voir une critique de nos temps présents ?

Je referme le livre sans aucune certitude par rapport à l'histoire elle-même. Le narrateur nous a-t-il menés en bateau depuis le début ? Peut-être que oui, peut-être que non, est ce simportant de le savoir ? Qui sort de la voiture et monte l'escalier à la dernière page ? Que celui qui a compris me le dise !
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Tes pas dans l'escalier

Je ne connaissais pas cet auteur, pourtant un écrivain majeur espagnol mais ce n’est pas ce roman qui me conduira à lire d’autres livres de lui. Et encore une fois, méfiez-vous des jugements que l’on trouve sur la quatrième de couverture :



Un thriller psychologique impressionnant



La Vanguardia



on est loin d’un thriller ! Même si une angoisse se diffuse dès les premières lignes du roman.



Un homme raconte par le détail son installation à Lisbonne, dans un appartement dans lequel il attend son épouse, Cécilia. Dès les début, on sent que son souci de créer une appartement exactement à l’identique de celui qu’ils habitaient à New-York est bizarre et puis, ce personnage d’Alexis l’ouvrier parfait semble étonnant aussi. On sent bien qu’on ira vers une révélation finale qui contredira tout ce bel agencement autour d’une femme trop parfaite.



Donc nous sommes avec ce « je » nous ne découvrirons qu’à la fin son prénom, Bruno, qui a vécu l’effondrement des tours jumelles le septembre 2001, c’est sans doute le déclencheur du roman en tout cas cela occupe une grande place dans ses réflexions. Cecilia qu’il attend travaille dans un laboratoire et étudie le cerveau des rats qu’elle a d’abord traumatisés, elle étudie, en effet, les traces de la peur dans le cerveau. La belle image de Cécilia perd un peu de son lustre quand le narrateur raconte les singes enfermés dans des cages dans son laboratoire. Une seule échappée vers l’extérieur de l’immeuble dans un palais racheté par un homme très riche et un peu fou mais sinon nous sommes tout le temps avec Bruno et sa chienne et on attend … Godot ? non Cécilia qui ne viendra pas, elle non plus. Cela nous donne des réflexions sur le temps qui ne m’ont que très peu intéressée.



On sent que le cerveau de cet homme est malade qu’il est en quelque sorte comme les rats du laboratoire de Cécilia mais cela ne fait ni un thriller ni un roman, en tout cas pour moi, je suis certainement complètement passée à côté de cet écrivain pourtant si connu et à qui je reconnais un très beau style bien servi par une traduction de qualité.
Lien : https://luocine.fr/?p=17823
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Tes pas dans l'escalier

Un auteur que je découvre avec ce livre que j'hésite à critiquer car il me laisse un sentiment un peu flou.

Une impression d'être un peu passée à côté d'une grande œuvre.

D'avoir lu un texte magnifique et profond mais de n'avoir pas su l'apprécier à sa juste valeur.



Si vous voulez de l'action, ce livre n'est pas pour vous. C'est un livre sur l'attente, une description des pensées du narrateur qui s'est installé à Lisbonne et attend que Cécilia, sa femme, le rejoigne.

Il a emménagé l'appartement de façon presque identique à celui dans lequel ils vivaient à New-York.



Le début à été un peu laborieux pour moi car malgré une belle écriture, je ne ressentais pas ce petit quelque chose qui fait que l'attention est aiguisée, je ne me sentais dans l'attente de rien...Le narrateur me semblait plutôt commun.



Et puis l'intérêt est venu quand j'ai commencé à me poser des questions sur sa santé mentale. Je me suis même demandé si sa femme existait vraiment.

Et finalement j'ai globalement bien plus apprécié la fin que le début.



Mais j'ai quand même le sentiment d'être passée à côté de quelque-chose et d'être restée un peu en dehors du roman.
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Pleine lune

Il me tardait de graviter dans l’univers d’Antonio Munoz Molina.

Je m’attendais à un coup de coeur, inévitable, inexorable.



Déboussolant: voici l’adjectif qui s’impose à la lecture de Pleine lune!

Ce roman noir d’ébène tient toutes ses promesses.



L’auteur espagnol sème chez le lecteur une angoisse qui s’infiltre comme un vent polaire, distillant avec beaucoup de doigté les informations sur les événements.

Les descriptions crues, parfois insoutenables, laissent une sorte de crasse et de souillure dont on aimerait pouvoir s’en débarrasser, cependant l’on ne peut s’empêcher de tourner les pages.



Dans ce roman choral l’on se retrouve tour à tour dans la peau de la victime et de celle du bourreau, de quoi déstabiliser les âmes sensibles.

Une sorte d’anxiété malsaine nous envahit petit à petit à force de revivre et de repasser les événements, décortiqués sur tous les angles à plusieurs reprises.



La langue du roman, simple en apparence, est travaillée au souffle près, chaque mot, chaque description est pesée pour alimenter un rythme de feu, une urgence à dire.

La psychologie des personnages est admirablement exploitée ainsi que les nombreux questionnements sur l’origine de la violence.



Les points de vue et les perspectives sont multiples, parfois harmonieuses, parfois dissonantes, mais toujours complémentaires.







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Tes pas dans l'escalier

Aujourd’hui je vais évoquer Tes pas dans l'escalier roman lisboète hypnotique du romancier espagnol Antonio Muñoz Molina.

L’histoire de Tes pas dans l'escalier est assez simple : le récit énamouré d’un homme qui attend la femme qu’il aime. Le narrateur, tardivement nommé Bruno, est arrivé récemment au Portugal. Dès l’incipit il précise : « je me suis installé dans cette ville pour y attendre la fin du monde. Les conditions y sont inégalables. L’appartement se trouve dans une rue silencieuse. Du balcon on voit le fleuve au loin. (...). Au bout de la rue, au-delà du fleuve, s’étend la ligne des collines de l’autre berge et le Christ aux bras ouverts qui semble vouloir prendre son envol. » La ville dont il est question est Lisbonne qui est systématiquement opposée et comparée à New York d’où il a décidé de partir. Il était sur place le 11 septembre 2001, a recueilli et hébergé sa future compagne alors traumatisée. L’attente est donc double dans cette histoire : celle de la femme aimée Cecilia et celle impliquant toute l’humanité de la probable fin du monde. L’intrigue n’est pas précisément datée dans cette dystopie futuriste. Trump est au pouvoir aux Etats-Unis, la menace climatique est à son acmé : sécheresse draconienne, phénomènes météorologiques extrêmes, incendies gigantesques. Lisbonne semble un peu préservée. L’homme s’installe seul dans un premier temps dans la ville où sa femme doit le rejoindre prochainement. A l’aide notamment d’un employé polyvalent local Alexis et d’une femme de ménage il aménage l’appartement, attentif au moindre détail pour installer un cocon où le couple se sentira bien. Il reconstitue au Portugal l’intérieur américain. L’environnement n’est pas le même, depuis la terrasse il assiste fasciné au ballet incessant des avions. Il sait que bientôt Cecilia sera à bord de l’une des carlingues. Elle est une chercheuse en neurologie, voyage beaucoup et est en pleine activité professionnelle. Elle partage avec son époux le résultat de ses recherches notamment sur la mémoire. Le narrateur a été licencié et mis à la retraite ce qui l’a poussé à partir de l’autre côté de l’Atlantique. Il est accompagné de sa fidèle chienne Luria qui elle aussi attend à ses côtés, docile et indolente. Tes pas dans l'escalier est un roman de l’attente, de la solitude, de l’amour à distance. Le sentiment qui domine est celui de la saudade lusitanienne, difficilement définissable, mélange de nostalgie, de mélancolie et de douceur. Le narrateur tourne parfois à l’obsession, sa mémoire défaille, il mélange les temps et les époques. Progressivement il devient inquiétant, le lecteur se demande s’il dispose de toutes ses facultés et s’il ne réinvente pas sa réalité. Au-delà de la petite musique de l’attente s’établit une partition plus angoissante.

Tes pas dans l'escalier est un joli roman poétique et en même temps un peu triste. Cette dystopie intègre des préoccupations contemporaines et à travers le personnage du narrateur propose une réflexion très intéressante sur le devenir du monde, probablement plus vivable malgré ses hordes de touristes et d’investisseurs à Lisbonne qu’ailleurs.

Voilà, je vous ai donc parlé de Tes pas dans l'escalier d’Antonio Muñoz Molina paru aux éditions du Seuil.
Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Tes pas dans l'escalier

waouh ! j’ai pas l’habitude d’être tranchée comme ça mais là… c’est écouter un homme se plaindre pendant 250 pages ce qui n’est, soyons clairs, pas du tout ma came. j’ai hésité à l’arrêter avant la fin mais je me suis dit qu’il fallait quand même aller au bout. et pourtant même la fin m’a laissé de marbre.

bref, je ne recommande pas du tout, sauf si vous aimez écouter un homme parler de sa vie et de sa femme parfaite pendant qu’il attend.
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Tes pas dans l'escalier



Ah, Antonio Munoz Molina ! Il y a entre cet auteur et moi une longue histoire, une très longue histoire, une interminable histoire... De procrastination. Depuis combien de temps je me suis promis de le lire, et surtout « Dans la grande nuit des temps » ? Le canyon abyssal que représente ma pal en terme de temps de lecture n'en garde aucune trace sédimentaire. Par contre il y a eu récemment une résolution de début d'année aux vapeurs optimistes sur un fil de Florence, comme quoi il serait bon de mon côté d'ouvrir enfin un livre de l'aficionado du temps, pourquoi pas justement le 29 février de cette année à rallonge quotidienne. C'est chose faite, même si j'ai pas attendu le supplément de temps à notre calendrier pour ouvrir « tes pas dans l'escalier ».

Le narrateur quant à lui est un spécialiste de l'attente, et s'est installé dans une bulle temporelle du côté de Lisbonne, en emménageant le futur appartement que Cécilia et lui devraient habiter dès qu'elle sera arrivée. Son présent est ainsi une vie de transition en attendant Cecilia, même s'il paraît osé de parler ici de vie à part peut-être celle d'objets, qu'il dispose à l'identique de leur logement à New-York, et qui réactivent sa mémoire d'un passé américain. Une non-vie plutôt, une existence en léthargie comme une quête de refuge hors du temps en attendant Cecilia avec sa chienne Luria, pour attendre en couple la fin du monde. Les souvenirs new-yorkais assiègent ses pensées, trauma apocalyptique du 11 septembre qui résonne avec l'angoisse généralisée d'un monde perclus de catastrophes et d'incendies notamment, vie amoureuse avec Cécilia et vie professionnelle, la sienne dont il semble soulagé d'en avoir été mis dehors et celle de Cecilia, neuro-scientifique que l'on suivra dans ses travaux laborantins. Il sera ainsi question de mémoire et en particulier celle de la peur, une mémoire qui pourra se faire le réceptacle amnésique de dates voire de l'absolution du temps, tout cela pouvant aboutir au mirage dans la conscience du temps qui passe.

Roman d'une littérature de la nuance, de l'attente, de la mémoire, de l'illusion et d'une sorte de mélancolie angoissée, on pourrait croire qu'il ne s'y passe pas grand chose, si ce n'est justement ce pas grand chose qui peut prendre de la place dans le désert de l'attente. La serrure du nouvel appartement coince comme un symbole et c'est le doute qui s'insinue assez tôt dans l'esprit du lecteur, avant que des aspérités dans la fin du récit ne viennent érafler pour de bon la quiétude lisboète de cette attente polissée.

J'ai bien aimé, mais de là à dire que j'ai été passionné... Ce roman m'en a rappelé d'autres que ma mémoire capricieuse m'empêche de saisir avec précision, des livres aux souvenirs incertains coincés quelque part entre « un homme qui dort » de Pérec, « les gommes » de Robbe-Grillet ou plus récemment « Oh canada » de Russel Banks sur la mémoire. Je pense avoir fait une erreur à vouloir le lire en février, en cette fin d'hiver frissonnant de signes d'un printemps précoce, dérèglement climatique oblige. Mauvais timing, c'est plutôt un livre d'automne à mon avis. J'aurais peut-être dû attendre un peu plus.



(merci en tout cas Florence, je continuerai je pense avec Molina)
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Tes pas dans l'escalier

Parce que Prix Médicis étranger 2020, parce que Lisbonne que je connais un peu et les 4T de Télérama. Déroutant, les lieux m’ont bien aidée à patauger dans ce marasme cérébral. J’étais agacée par un début très répétitif d’un quotidien tellement banal et d’un décor répété comme un vibrato. Je me suis laissée manipuler par l’auteur avec des questions permanentes, il est fou, il est où, c’est inventé, c’est vrai, c’est qui, c’est Alzheimer? Mais ces questions sans vraies réponses créent de l’angoisse sur la santé mentale de cet homme qui se barricade dans du concret, du répétitif. Le temps devient prioritaire, secondaire et impalpable. En parallèle, il y a les expériences scientifiques sur le cerveau qui n’allègent pas l’ambiance, un licenciement brutal, injuste sans parler de la fin du monde qui se rapproche. Le dénouement semble lointain tellement on voudrait que cesse l’attente de la femme adulée, inventée, morte dans l’attentat des tours jumelles, quittée ou en voyage? La fin expédiée comme un château de cartes qui s’écroule ne soulage pas le mal-être et la tension dominante. Etrange ce livre qui me retient, j’aimerais justement qu’il sorte de mon cerveau malmené. Et je sais pourtant qu’il va rester dans ma mémoire comme un certain Dino Buzzati.
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Tes pas dans l'escalier

J'ai tout d'abord été très séduite par le style de ce livre et très vite intriguée par le mystère qui hante cette histoire . J'ai imaginé divers scénarios pour expliquer l'absence de Cécilia. J'ai espéré trouver des clés au fil de la lecture , mais j'ai fini par me lasser d'attendre et de ne rien voir venir . Au final , la lecture de ce livre m'a mise plutôt mal à l'aise et j'avais hâte de le terminer . J'ai eu beaucoup de mal à suivre les méandres de la pensée du narrateur, à comprendre les raisons de sa solitude dans cette ville où il avait rêvé de commencer une nouvelle vie en compagnie de la femme qu'il aime et qui n'arrive jamais ...
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L'hiver à Lisbonne

Je modifie cette critique le 30 janvier 2024. En effet, au vu des commentaires, et après avoir laissé passer quelques jours, je me rends compte que j'ai donné l'impression de ne pas avoir aimé L'hiver à Lisbonne, alors que c'est le contraire. J'ai agi maladroitement en donnant une version chronologique de ma lecture - le fait est que j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le texte -, ce qui est un gage de qualité. J'ai voulu dire que c'était un livre intimiste, onirique, lent avec un brouillage spatio-temporel. L'hiver à Lisbonne se passe dans le monde du jazz, musique que je n'affectionne pas particulièrement.

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L'hiver à Lisbonne est une succession de chapitres courts, présentés dans un ordre linéaire, qui avancent par bonds et intercalent les confidences de Biralbo, les propos du narrateur, le récit de faits juxtaposés, le tout dans des temps présents, passés, futurs ou imaginaires.



Le fil directeur est la passion amoureuse de Biralbo et Lucrecia sur fond de musique de jazz.



Mais c'est loin d'être une romance, c'est surtout un cocktail dissonant, sulfureux et mélancolique comme le jazz, un mélange de violence meurtrière, de désir, d'alcool, de drogue… avec en toile de fond « la montagne sainte Victoire » de Cézanne… dans une mise en scène en demies teintes où les contours sont flous.



Antonio Muñoz Molina entretient une relation curieuse avec Lisbonne. Je dirais qu'il personnifie une ambiance, une sensation, un fantasme – je ne sais pas s'il y a un terme adéquat pour signifier cet état d'esprit.



L'hiver à Lisbonne se passe essentiellement à Madrid. Santiago Biralbo, - qui a changé son nom en Giacomo Dolphin -, pianiste noir de jazz émérite, raconte au narrateur son amour pérenne pour Lucrecia.



« Lisbonne » est une chanson que Biralbo a composé alors qu'il n'a jamais mis les pieds dans cette ville. Elle symbolise Lucrecia qui s'est enfouie là-bas.



« Il s'est souvenu d'une chose qu'un jour Lucrecia lui avait dite : arriver à Lisbonne serait comme arriver au bout du monde ». (p.165)



Biralbo ne songe pas à aller à Lisbonne, il l'évite même, comme si la pensée de son amour se suffisait à elle-même, sauf qu'il est contraint de s'y rendre dans l'urgence au chevet de Billy Swann.



Trois ans se sont écoulés depuis le départ de Lucrecia.



Est-ce vraiment l'hiver à Lisbonne ou l'hiver dans le coeur de Biralba ?



Va-t-il la revoir ?



Quels mystères se cachent derrière cette femme ?



Pourquoi Biralbo et Lucrecia ont des pistolets ?



L'hiver à Lisbonne commence ainsi :



« À peu près deux ans s'étaient écoulés depuis la dernière fois que j'avais vu Santiago Biralbo, mais quand je l'ai retrouvé, à minuit, au comptoir du Metropolitano, il y a eu dans notre salut la même absence de solennité que si nous avions bu ensemble le soir précédent, non pas à Madrid mais à Saint-Sébastien, au bar de Floro Bloom, là où il avait joué pendant une longue période ».



Les personnages sont juste esquissés, leurs relations entre eux et avec le narrateur ne sont pas explicites. le récitant ne nous dit pas pourquoi il est si proche de Biralbo, au point que ce dernier se confie à lui.



C'est un livre bien étrange, je dirais même mystique, qui m'a fait un drôle d'effet, un effet paradoxal. Je l'ai ouvert avec curiosité et gourmandise, ensorcelée encore une fois par la plume de Chrystèle (@Hordeducontrevent), et au bout de trente pages, j'ai abandonné, je me sentais comme une mouche qui cherchait à se libérer, en plein cagna, de la bande adhésive qui l'avait piégée.



Je me sentais engluée dans cette ambiance de cave de jazz, cette musique déchirante qui me remémorait l'esclavage. J'avais le tournis dans le Bourbon et les volutes de fumée qui contribuaient au brouillage spatio-temporel.



Et pour rajouter à ma peine, l'écriture était trop petite pour mes yeux défaillants.



Pour échapper à ce malaise, je me suis embarquée dans En or, magnifique beau livre photo de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, deux patineurs artistiques sur glace hors du commun. Je me suis laissée bercée par leur glisse, leur musique, dans les paillettes des championnats européens et olympiques.



Puis, persévérante, j'ai repris à zéro L'hiver à Lisbonne. Peu à peu, je me suis acclimatée, je me suis souvenue de ma jeunesse au quartier latin, de caves de jazz confidentielles, et j'ai été happée par certains passages fascinants – cette écriture éthylique ou onirique envoutante -, sauf que je ne pouvais pas lire longtemps car je n'arrivais pas à bien m'accrocher dans ce récit lent, fragmenté et elliptique. J'avais du mal à appréhender l'idiosyncrasie singulière d'Antonio Muñoz Molina.



J'ai mis un temps fou à lire ce petit bouquin car je devais m'arrêter souvent, et pourtant je ne cessais d'y penser et d'être impatiente de le reprendre.



L'hiver à Lisbonne est une oeuvre poétique qui me semble assez difficile d'accès, se prêtant à plusieurs interprétations, qui s'adresse à un certain type de lecteurs.



Au final, j'ai beaucoup aimé, c'est une oeuvre originale. Je reviendrai vers Antonio Munoz Molina, notamment pour « Tes pas dans l'escalier », qui résonne dans ma tête. Un homme attend une femme à Lisbonne…



Curieuse d'avoir des retours…
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Tes pas dans l'escalier

Un roman délicat d'un homme qui attend sa femme à Lisbonne après avoir quitté New-York. On trouve dans ce roman le passage d'une vie passée, la vie dans une mégapole, intense et riche à ce passage à une vie à l'abri du tumulte dans la quietude et le repos des rues anguleuses et rafraichissantes de Lisbonne. Mais un Lisbonne qui sonne creux sans Cécilia, l'amour attendu du narrateur qui n'existe que dans les souvenirs de cette vie de leur amour naissant à New-York. On échafaude des hypothèses. On pourrait être dans la peau d'Alain Delon dans soleil trompeur. Il y a quelque chose qui cloche dans cette douceur Lisboete. Il me reste quelques pages pour le découvrir. En espérant que l'attente vaudra cette mise en bouche.
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Tes pas dans l'escalier

Un homme attend sa femme Cécilia dans la ville de Lisbonne.



Et l'attente est l'un des thèmes principaux de « Tes pas dans l'escalier », l'histoire de ce narrateur qui attend sa femme, restée de l'autre côté de l'Atlantique à New York, tandis qu'il prépare l'appartement qui sera désormais leur foyer.



Ce narrateur vient de se faire licencier de son entreprise, un travail abêtifiant qui servait à enrichir quelques actionnaires inconnus. Il ne travaillera plus, c'est décidé. Et se consacrera uniquement à sa femme.

Elle est une brillante scientifique, spécialisée dans des travaux sur la mémoire. Elle mène des expériences avec tout un tas d'animaux, pour mieux comprendre le mécanisme de la mémoire humaine. Pour l'instant elle se remet d'un fort traumatisme : son appartement à Manhattan était situé non loin des fameuses Tours, et pendant plusieurs semaines après le 11 Septembre 2001, elle n'a pu accéder chez elle. Elle a donc cohabité avec notre narrateur qui était ravi de l'héberger.



Depuis ils ont décidé de s'installer à Lisbonne. Elle pourra sans difficulté travailler pour un laboratoire européen, et poursuivre ses recherches.

Mais pour l'instant, il l'attend.

C'est l'été, et il fait très chaud à Lisbonne. Un peu partout, d'ailleurs, sur la planète, des incendies font rage et déciment les forêts. le changement climatique est en marche, au Portugal comme ailleurs.



Il y a de fortes similarités entre New York et Lisbonne : villes de fleuves, le narrateur ne cesse de les comparer et de les rapprocher, comme il le fait entre l'appartement new yorkais et lisboète. Seule la chienne Luria lui rappelle qu'il est l'heure de sortir dans les rues, sinon notre narrateur va consacrer l'essentiel de son temps à la lecture de l'un des nombreux ouvrages qui constituent leur bibliothèque commune.



Le temps. On retrouve ici l'un des thèmes préférés du fameux auteur espagnol, celui qui nous a donné « Dans la grande nuit des temps » que j'ai tellement aimé. Il y est aussi question de mémoire, de traumatisme, et de ce temps dilaté que constitue l'essentiel de l'attente. Et nous, lecteurs, éprouvant comme une forme de langueur, nous attendons avec lui.



Il y a un côté hypnotisant dans « Tes pas dans l'escalier ». Les jours passent, il se passe très peu de choses, la chaleur s'installe, et Cécilia n'arrive pas. Et pourtant on reste accrochés aux pas du narrateur, lui-même guettant les pas dans l'escalier de celle qui n'en finit pas d'arriver. Un fond d'angoisse sourd également dans le roman, avec l'onde de choc du 11 Septembre qui n'en finit pas de faire des ravages pour tous ceux qui ont vécu l'évènement, mais aussi par cette menace sourde de cette chaleur et de ces incendies, sentinelles d'alarme d'un avenir angoissant.



Seule l'apparition d'une femme – sosie potentielle de Cécilia – rencontrée à l'occasion d'un happening culturel assez improbable, dont seuls les ultrariches ont le secret, va réveiller un peu notre narrateur, le temps d'une rencontre qui aurait pu devenir idylle.



Le style d'Antonio Munoz Molina est toujours là. L'auteur de « L'hiver à Lisbonne » glisse dans une forme de mélancolie ou de nostalgie d'un passé désormais révolu. « Comme l'ombre qui s'en va », un titre d'un autre livre de lui, est un peu son envers : ici l'ombre devrait venir, et, comme chez Buzzati, ne vient pas encore. Mais on l'attend.



Et nous, ses lecteurs, attendons déjà son prochain récit.


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En l'absence de Blanca

En l’absence de Blanca/ En ausencia de Blanca

Antonio Muñoz Molina

Roman

Traduit de l’espagnol par Philippe Bataillon

Seuil, 2004, 125p



C’est un livre court qui vaut et par sa construction et par l’idée. Il présente un personnage routinier, Mario, sans fantaisie, rentrant chez lui presque toujours à la même heure à deux minutes près, qui vivra par deux fois des événements incroyables.

Ce sont les années 80, en Andalousie. Lui, un fils de paysan qui fut fiancé et qui aurait dû vivre un avenir prévisible, tombe par hasard sur une jeune femme ravagée par l’alcool et la drogue. Il tombe fou amoureux, l’aide à se reconstruire. Elle, est de famille bourgeoise et s’intéresse à l’art. Lui s’ennuie aux vernissages, à l’opéra, n’aime pas les artistes, d’autant moins que chacun d’eux, avec sa femme exaltée, est une menace pour lui, pour son couple.

Un jour, sa femme disparaît ; quand elle revient, ce n’est pas elle, il s’en aperçoit à plusieurs détails. Mais il finira par s’habituer à cette autre.

C’est l’histoire d’un grand amour impossible qui fut possible quelques années. L’amour était-il partagé ? Les deux personnages n’étaient-ils pas trop différents l’un de l’autre ? La fin est étrange et laisse planer un mystère, un doute, des doutes même au moins.

C’est un homme qu’on voit penser, qui se voit lucidement -un fonctionnaire mental- qui nourrit un amour passionnel pour sa femme, amour fragile qui menace de s’écrouler, et qui s’écroule presque fatalement.

Le récit se sert de flash-backs qui racontent le passé de Mario, le passé de l’amour, et qui débouche sur un après surprenant. On a affaire aux seules pensées de Mario, narrateur à la troisième personne, qui n’a peut-être pas tout vu, tout compris.

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Tes pas dans l'escalier

« Je me suis installé dans cette ville pour y attendre la fin du monde ». Ainsi commence le dernier roman de l'écrivain espagnol.

Pour fuir New York et sa folie de l'après-11 septembre Cecilia et Bruno décident de s'installer à Lisbonne pour y vivre la fin du monde « paisiblement ».

Cecilia étant accaparée par ses recherches tentant de supprimer les « souvenirs atroces de la mémoire de soldats souffrant de stress post-traumatique » et Bruno ayant été congédié d'un job qu'il détestait, c'est ce dernier, flanqué de sa chienne Luria, qui arrive en éclaireur et aménage leur nouvel appartement qui ressemble étrangement au précédent.

Commence alors l'attente de celle qu'il aime, attente qui tourne à l'obsession et glisse progressivement vers la folie.

« Tes pas dans l'escalier », à la fois récit apocalyptique, plongée dans l'intimité d'un homme dans le déni qui se détache de la réalité, immersion vertigineuse dans le fonctionnement de la mémoire, dégage un charme envoûtant qui enveloppe le lecteur dans un cocon empli de chimères et de faux-semblants.


Lien : https://papivore.net/littera..
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Tes pas dans l'escalier

Lisbonne. Le narrateur ("je") aménage son appartement à l'identique de celui de New York et attend que celle qu'il aime le rejoigne. Il se remémore leurs moments passés, raconte son quotidien dans cette nouvelle ville et se projette dans ce que pourrait être leur vie de couple.

C'est le livre de l'attente, du temps qui s'étire mais pas de l'ennui !

Découverte de cet auteur et de son style adapté au rythme du livre.

Et une rencontre très intéressante à maison de la poésie à laquelle j'ai pu assister...

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Tes pas dans l'escalier

Bruno, le narrateur, lassé du monde, lassé d'un travail qui n'a plus de sens, traumatisé par l'attaque des Twin Towers, quitte New-York et s'installe à Lisbonne. Il y attend l'arrivée de Cecilia sa compagne, retiré de la fureur du monde, seul avec sa chienne, dont nous est dressé un superbe portrait, celui d'un animal si vivant, si intelligent, si sensible.

C'est cette attente qui nous est comptée, meublée d'une réflexion sur la vie, sur un monde qui s'écroule et devient dangereux. Autant Bruno est immobile, contemplatif, rêveur, réfugié dans les livres, autant la Cécilia qu'il nous décrit est active et impliquée dans des recherches de haut niveau sur le cerveau et la mémoire.

Il y a beaucoup de charme dans la description de cette attente, dans cette exploration d'un esprit déstabilisé, en proie à l'angoisse mais sachant où se trouve son bonheur. Un roman sur pas grand' chose, d'une grande densité et d'une sacrée élégance !
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L'hiver à Lisbonne

C'est la deuxième fois que je me plonge dans un roman d'Antonio Muñoz Molina et, comme dans Pleine Lune, l'auteur créée une ambiance ouatée et se refuse à nous livrer un récit linéaire. On entre donc difficilement dans ce roman, d'autant plus que l'auteur est friand des longues phrases et d'analepses. Un narrateur sans nom et dont on ne saura rien nous parle de son ami Santiago Biralbo, un pianiste de jazz, et de son histoire d'amour avec l'énigmatique Lucrecia. Magnifique écriture très poétique, Molina sait merveilleusement décrire l'attente et l'amour.

"Mais je ne peux pas imaginer quel était le visage qu'a vu Biralbo à cet instant, ni de quelle manière ils se sont retrouvés, ni comment s'est exprimée leur tendresse mutuelle, jamais je ne les ai vus ensemble et jamais je n'ai pu les imaginer ainsi ; ce qui les unissait, ce qui les unit peut-être encore aujourd'hui était un lien qui contenait en lui-même l'essence du secret. Jamais il n'y a eu de témoins, pas même quand l'obligation de se cacher ne les persécutait plus, et si quelqu'un que je ne connais pas s'est trouvé avec eux ou les a surpris un jour ou l'autre dans les cafés ou les hôtels discrets où ils se donnaient rendez-vous à Saint-Sébastien, je suis sûr qu'il n'aura rien pu découvrir de ce qui leur appartenait véritablement : une trame de mots et de gestes, de pudeur et d'avidité, parce que jamais ils n'avaient cru se mériter l'un l'autre et qu'ils n'avaient rien désiré ni possédé qui ne se trouvât qu'en eux-mêmes [...] En se regardant, ils s'appartenaient comme on sait qui on est quand on se regarde dans un miroir."
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Le royaume des voix

Un roman que j'ai bien cru abandonner!

Le début du récit et des souvenirs des deux personnages principaux, Manuel et Nadia, est particulièrement dense : riche en personnages, en lieux et en anecdotes diverses, il nous plonge sans préparation dans une famille sur une période d'un siècle environ (la famille de Manuel tout d'abord en Espagne, en commençant par ses grand-parents, oncles, ... mais aussi la ville de Magina, un personnage du roman à part entière).

Toute la première partie (soit 236 pages dans mon édition) a été, je dois l'avouer, une souffrance!

Et étrangement, après, quand j'ai enfin été acceptée par la ville de Magina et intégrée parmi les habitants, ce fut très plaisant!

Je termine donc ma lecture sur une opinion très positive de ce voyage dans le temps, dans les pensées et les amours des personnages, le tout présenté dans une langue très poétique, baignée de nostalgie, pour un temps révolu, pour des valeurs à l'ancienne et surtout pour une ville.
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Tes pas dans l'escalier

Lisbonne. Le narrateur, en retraite anticipée, a quitté New-York où il y réside avec sa femme Cécilia, grande neurologue. Ils ont prit la décision de quitter cette ville pour le Portugal. Il va donc s’intaller tout d’abord, et préparer l’appartement du mieux qu’il le peut afin d’accueillir sa femme dans un logement confortable.



Quel roman surprenant. J’ai été étonnée de tant l’apprécier d’autant plus qu’il ne s’y passe pas vraiment grand chose, et c’est là que réside le talent de conteur l’auteur.



En effet, pendant une bonne partie du roman, nous suivons l’attente du narrateur et les différentes étapes visant à aménager au mieux le logement pour sa femme. Leur histoire se dévoile par petites touches au travers des diverses introspections du narrateur.



Toute cette langueur installée au fil des pages est nécessaire afin d’amener un dénouement totalement inattendu et surprenant. L’auteur a su maîtriser la tension narrative et je n’ai absolument pas imaginé comment terminerait ce récit.



La plume de l’auteur est d’une grande élégance. Avec un sens du détail et beaucoup de digressions qui sont très intéressantes, l’ennui ne se ressent pas, même s’il ne se passe pas beaucoup de choses dans ce récit. Le roman est narré à la première personne sous le point de vue du narrateur, ce qui donne un récit tout en introspection.



Un roman original et surprenant à découvrir.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
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Tes pas dans l'escalier

L'attente de l'attente, latente et lente…



L'attente est le maitre mot de ce magnifique livre de l'espagnol Antonio Munoz Molina. le narrateur vient de quitter définitivement New York et d'aménager dans un appartement en plein coeur de Lisbonne. Il attend Cecilia, sa femme, éminente et active neurologue spécialiste dans les troubles de la mémoire et le traitement des traumatismes, retenue pour le moment par son travail.

En attendant qu'elle le rejoigne enfin dans leur nouveau logement, notre homme le transforme en petit cocon, attentif à ce que tout soit bien rangé et propre, fleuri et aéré, à son arrivée qui ne saurait tarder. Peut-être une question de jours ou de semaines, nous ne savons pas. le narrateur, dont nous connaitrons le prénom qu'à la toute fin, a tellement hâte d'entendre enfin ses pas dans l'escalier, lui qui semble fou amoureux de cette femme que nous découvrons au fur et à mesure qu'il en dresse le portrait sensible et délicat, lui qui semble vouer sa vie même à sa femme dont il est si fière. Leur chienne Luria attend également fidèlement aux côté de son maître. Il faut dire qu'ils ont quitté une ville bruyante, oppressante et dans laquelle ils ont vécu avec horreur les attentats du 11 septembre, les menaces à l'anthrax aussi.

Partir leur semblait nécessaire pour pouvoir oublier. Lisbonne, qu'ils connaissent un peu, Cécilia ayant parfois des congrès dans cette capitale, a été la ville choisie pour démarrer leur nouvelle vie. Une ville également océanique, où la présence d'un grand fleuve et d'immenses ponts ne les dépayse pas trop, mais une ville plus calme, plus lente, moins clinquante, plus douce.



Cet avant, cette période transitoire est source de projections. « C'est l'attente qui est magnifique » selon Breton, elle distille un suspense qui se délecte de ce qui n'est pas encore arrivé et qui se fantasme. Il est bon de voir cet homme, en attendant, déambuler dans cette ville magnifique qu'est Lisbonne, y prendre ses repères, plonger dans sa sensorialité, bruits, lumières, couleurs, odeurs passés au tamis des sens en éveil par la nouveauté. Il est touchant de le voir prendre ses marques, aménager leur intérieur avec les meubles d'avant qu'ils ont fait parvenir, selon un agencement proche de leur appartement américain au point d'ailleurs de parfois confondre les deux logements. Ce moment transitoire de l'attente est source d'un nouveau quotidien dans un lieu qui doit ainsi répondre à l'attente, répondre aux espoirs. Ainsi imagine-t-il Cécilia dans cette ville nostalgique et dans cet appartement où il se voit déjà lui servir le petit déjeuner sur la table bleu indigo du petit balcon d'où l'on aperçoit la statue du Christ, faisant penser confusément au Brésil…Se projetant dans ce futur proche, le narrateur songe au passé, depuis les lieux importants de sa vie, les écrivains lus, les paysages aimés.



Cette attente nous plonge nous-même dans une situation d'attente, amplifiée par une écriture lente et magnifique, toute en retenue et délicatesse. Les jours semblent passer sans que Cécilia n'arrive. Et notre homme d'attendre, et nous avec. Nous lisons, quelque peu figés, tournant les pages avec un peu plus de fébrilité et de malaise. Car, chose surprenante, ce temps de l'attente suspend le temps. le temps est arrêté contrairement au temps de l'accompli et de l'action à venir, ici tout se fige à tel point que la chronologie du temps du narrateur se grippe. Il attend à la fois quelque chose, en l'occurrence quelqu'un, et n'attend rien. L'attente devient un objet sans mémoire, sans mouvement, sans accomplissement, une parenthèse qui se cesse d'appeler le passé et de supposer le futur. Cette attente est-elle fuite destinée à nier le réel ? N'est-elle pas une réponse à la perte de sens de la vie ?

Le surréaliste Maurice Blanchot a écrit que « l'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre, ni même la fin de l'attente. L'attente ignore et détruit ce qu'elle attend. L'attente n'attend rien ».



Avec ce temps figé, cette attente interminable, l'angoisse, le malaise monte peu à peu, nous le ressentons confusément, à l'aune de petites alertes de replis sur soi qui apparaissent, de ci de là, comme le ressent également Luria qui finit par se cacher dans les cartons loin de cet étrange maître. La fin du monde sans cesse évoquée pour justifier ce changement de vie, il est d'ailleurs totalement obsédé par les informations toutes plus angoissantes les unes que les autres qu'il peut lire ou entendre, semble être la fin de cet homme même, de son intégrité physique et psychique.

Se développe alors une autre forme d'attente vécue de manière plus incertaine, floue, aléatoire, angoissante dans laquelle des failles apparaissent. L'attente rendrait-elle fou ? Engluerait-elle notre homme habité par ses démons dans une certaine langueur ? Dans une anfractuosité du temps, au bord du grand fleuve, permettant de mieux se faire oublier ? L'attente est-elle un enfermement dans un mensonge ?

Dans cette montée progressive et subtile de l'angoisse, ce thriller psychologique m'a fait penser par moment au livre « Esprit d'hiver » de Laura Kasischke.



« La stricte répétition des tâches quotidiennes dans un lieu clos qui ne change jamais pétrifie le temps au point de le supprimer ».



Ce livre fait partie d'une littérature de l'attente mais aussi, soulignons-le, d'une attente de la littérature qui joue un rôle primordial durant cette période temporelle. A la fois élément d'aide mais aussi facteur d'isolement, la littérature est appréhendée en une mise en abyme passionnante, le narrateur multipliant les lectures amplifiant son état.

« Même si l'idée ne me séduit guère, il vaudrait mieux que j'arrête de lire pour le moment. La lecture a un effet excessif sur moi. La réalité est devenue un terrain trop fragile. Dès que je parcours un texte, je tombe dans un état hypnotique et deviens ce que je lis. La réalité tangible est usurpée par celle, imaginaire et bien plus puissante, des mots sur le papier ».



Voyage sur les méandres du temps, ce livre est également fascinant sur sa manière d'explorer les différentes facettes de la mémoire.

« Cela arrive une fois et de nombreuses autres fois. Les dates changent, de même que la lumière des saisons, les états d'âme, mais la scène est immuable. La fenêtre, la rue sous les arbres tantôt feuillus, tantôt nus, de jeunes feuilles ivres de chlorophylle ou jaunes en automne, le soleil couchant sur les façades et les corniches des immeubles d'en face, son déclin doré et rougeoyant, les fenêtres qui s'éclairent ensuite à mesure que la nuit tombe, et moi qui ne cesse de regarder les trottoirs, les feux d'un taxi, les voyants rouges, des braises dans le noir. La mémoire ne conserve guère les faits singuliers, elle privilégie des séquences réitérés, des patrons, des modèles, des concentrés d'expérience qui aident à prédire des répétitions à venir ».





Un huis-clos sur l'attente à l'immobilisme vertigineux, poignant et douloureux, subtil et profond, à la simplicité trompeuse, aussi dérangeant que brillant, aussi angoissant que méditatif, un livre que je ne suis pas prête d'oublier, dans lequel, cerise sur le gâteau, Lisbonne est mise à l'honneur comme le dévoile la superbe couverture du livre qui est en elle-même une invitation au voyage, un voyage vers la saudade ! Un grand merci à Sandrine, @HundredDreams, à qui je dois ce coup de coeur et la découverte de ce grand auteur espagnol.



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