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Critiques de Assia Djebar (94)
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Nulle part dans la maison de mon père

Voilà un roman autobiographique qui de l'aveu de l'auteur n'en est pas un ...

"Ce livre n’est pas une autobiographie, parce que pour moi une autobiographie est une accumulation de multiples notations sur le passé à partir desquelles l’écrivain peut relater ce que fut sa vie. Pour ma part, j’ai tiré de mon enfance et de mon adolescence uniquement les éléments qui me permettent de comprendre le sens de cette pulsion de mort qui a fondé ma vie d’adulte. Il s’agit plutôt d’une auto-analyse.

Voilà ce qui s’était passé. Mon fiancé m’avait humiliée. Il avait tenu des propos déplacés, insultants. Je n’étais pas habituée à recevoir des ordres, ni de mon père ni de quiconque. C’est pourquoi j’ai vécu l’attitude tyrannique de mon fiancé comme une agression. J’ai alors couru comme une folle à travers les rues d’Alger. Je voulais m’anéantir là où la mer rencontre le ciel…"

Nous sommes donc invités à suivre le cheminement périlleux et courageux d'une femme, qui à 70 ans tente de percer l'ultime secret qui l'a propulsée dans l'écriture.

Et nous sommes sidérés devant cette révélation qui semble venir au lecteur en même temps qu'à l'auteur : ce chemin de femme auteur, professeur, académicienne, cinéaste, est la route tracée par une pulsion de mort, qui fut mise en acte à seize ans, pour tout de suite être occultée et enfouie et n'accepter de ressurgir qu'au seuil de la vieillesse, afin de devenir soudain objet d'écriture où enfin, le "je" se livre.

Je n'ai qu'une pensée après la lecture de ce texte dense, fort, poétique et extrêmement travaillé : j'ose croire que cette quête de vérité sur soi, menée avec une belle intransigeance, et qui a produit tant de larmes et de sanglots au travail a fini par consoler Assia (Celle qui console), Djebar (l'intransigeante).

Je ne peux m'empêcher de me demander si cet exercice n'est pas finalement un nouveau jeu en forme de pari de Fatima-Zohra Imalayène, écrivant une "autobiographie" comme pour mieux donner chair, sang et larmes à son pseudonyme, son double.

La littérature est définitivement matière à mystère, où jeu, mensonges, rêves et fantasmes s'entremêlent pour nous donner le loisir de rêver que nous allons enfin comprendre et maîtriser quelque chose de cette vie qui s'échappe sans qu'on ait l'impression de la vivre.

Malgré ce titre dont je n'arrive pas à percer l'énigme, ce "nulle part" dans un lieu tellement défini et omniprésent, "la maison de mon père", Assia Djebar a trouvé sa terre, et y a planté son drapeau : j'aime à l'imaginer blanc comme le voile qui recouvrait sa jeune mère quand toute petite fille, elle l'accompagnait dans le rues du village. Cet étendard de voile de satin blanc flotte bien ancré dans un espace où le ciel rejoint la mer, une île de mots choisis en quête de vérité, et qui appartient au continent littéraire.

http://sylvie-lectures.blogspot.com/2008/06/nulle-part-dans-la-maison-de-mon-pre.html
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Nulle part dans la maison de mon père

Un roman, une autobiographie, une chronique de l'Algérie quand elle était française, c'est tout cela à la fois.

Zohra, fillette de Cherchell, qui redevient ici la Fière Césarée romaine , qui n'est pas encore Assia mais qui est déjà « l'esquisse d'un moi effacé » dévoile ce qu'elle aurait pu être , ce qu'elle aurait voulu être, celle qu'elle devint enfin, une femme qui ne sera jamais, quoiqu'elle ait pu dire ou penser , totalement libérée de l'emprise des traditions intégristes , des préjugés, du poids du carcan familial , écartelée, déchirée entre deux sociétés, deux cultures , deux mondes celui des interdits paternels - "père gardien, père-censeur, père intransigeant", du puritanisme religieux, des pressions exacerbées par la société traditionaliste où déjà les toutes petites filles ne peuvent pas dévoiler leurs gambettes , et celui qu'offre la culture occidentale, le collège , le lycée ...

A ma connaissance il n'existe encore pas de biographie complète sur Fatima-Zohra Imalayène qui choisit le pseudonyme d' Assia Djebar. Un travail sérieux sur cette écrivaine talentueuse laisserait apparaître de nombreuses contradictions tout au long de sa vie, étayant cette fracture

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La disparition de la langue française

Après un long exil, 20 ans, pardi !... en France, c'est le retour au pays. Une retraite anticipée, même pas la cinquantaine. Il a tout laissé abandonner. Un travail bien rémunéré, et même une belle et bonne amante, pourtant bien-aimée. C'est tout dire de la soif du pays. A partir de son refuge, sur la côte ouest, du côté de Douaouda, au-dessus d'une plage automnale désertée, sauf par les pêcheurs et les joueurs de dominos, c'est la (re-) découverte des lieux de l'enfance et de la jeunesse : Alger, le vieil Alger, la Casbah, celle des humbles, des héros mythiques ou mythifiés, connus ou anonymes, la plupart oubliés malgré des plaques portant leurs noms…sans plus... Souvenirs, souvenirs !



Mais, un retour raté. Car, c'est, aussi la re-découverte de l'autre face, pas cachée du tout, du paysage : La Casbah, entre autres, «s'est présentée souillée»... et les «lieux de vie d'origine sont retrouvés dégradés, délabrés, avilis»...«Un laisser-aller collectif, une citadelle où chacun n'est plus que chacun, et jamais le membre d'une communauté, d'un ensemble bruyant, mais vivant,cette ville-village, de montagne et de mer, devenue (pour Berkane, le héros) désert du fait de son état de dépérissement misérable». Il y a, aussi, et surtout,... la disparition de la langue française , remplacée par une langue (sic !) qui n'est ni de l'arabe dit classique, ni de l'arabe dialectal tel qu'utilisé si bien auparavant pour communiquer entre soi (même au lit, en couple) et contre le colonisateur. Il y a, aussi, la montée de l'islamisme politique et l'arrivée, comme moyen d'action politique (re-sic !), du terrorisme. Heureusement qu'il y a l'amour. Mais que peut faire ce dernier face aux semeurs d'ignorance, de désespoir et de mort ? Des solutions ! Accepter son sort ? La vie clandestine ? l'exil ?

Avis : Un roman qui tient beaucoup de l'essai (La société d'hier, celle de la lutte contre l'oppression coloniale, celle de la répression, celle des tortures et des camps... et , celle de l'islamisme qui monte, qui monte…).A (re-) lire toujours avec plaisir... Certes, pour apprécier l'histoire, mais surtout l'écriture. Le titre tel que présenté, lu au premier degré, peut prêter à équivoque. En fait, c'est l'Algérie qui «bascule» dans un «autre monde» ! Assez incompréhensible pour une si longue absence. Visionnaire, l'auteure ! Une écrivaine à l'immense talent auquel il faut ajouter une part de de génie. Fierté de la nation. Monument de la littérature... universelle. De plus, elle (l'auteure) est (était) belle …et pas prétentieuse pour un sou.

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Loin de Médine

C'est la première fois que, lors d'une lecture, je me laisse entraîner à l'époque de l'Hégire, en Arabie Saoudite, dans l'entourage du Prophète Mohammed. Et ce voyage a été très dépaysant, décapant, passionnant et instructif.

Que de femmes passionnantes ! Que de liens familiaux, politiques ou religieux entre ces hommes et ces femmes en effervescence à La Mecque, à Médine ou dans d'autres contrées musulmanes !

Un vrai livre d'histoires ou d'Histoire à la portée de toute personne intéressée par les destins de femmes ou par les premières années de la religion musulmane.

On est bien loin des revendications, des prédications et de l'expression de certaines lectures et interprétations du Coran et de la foi musulmane actuelles.

Un livre d'une ouverture bienfaisante !

Seul bémol : le nombre de personnage, les noms arabes complexes pour nous francophones, les nombreux mariages polygames nous embrouillent. On se perd au fil des relations, mélangeant les épouses, les fils, les guerriers ou les enfants. La concentration est mise à rude épreuve. La lecture n'est pas reposante. Elle reste toutefois passionnante.

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Loin de Médine

Ce livre est train bien écrit, les histoires et anecdotes sont passionnantes. Il permet de faire revivre l'époque du Prophète à travers ses protagonistes féminins et de donner une autre vision de cette période.

Cependant, et comme le précise l'auteur, certaines histoires sont imaginaires, là pour comblées le vide créé par les historiens arabes musulmans concernant les femmes de cette époque.
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L'amour, la fantasia

Le premier livre que j'ai lu de cette femme incroyable.

Un mélange de poésie et d'histoire.

Son écriture est fine. Elle mêle son histoire personnelle, sa chance d'avoir pu bénéficier d'une instruction, à celle des guerres d'Algérie.

Elle se dévoile avec une pudeur extrême.

A lire et à relire.
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La femme sans sépulture

Personnage merveilleux de femme libre, vis-à-vis de l’occupant français malgré les relations entre enfants des deux "communautés", et parfois dans le travail entre artisans, petits commerçants (et retrouvé ce mot « les maltais »), et libre aussi vis-à-vis de la bourgeoisie musulmane – souvenir de mes petites amies en 7ème à l’école qui selon le plan devait être dans une petite rue proche de l’avenue du 1er novembre.

Zoulikha enfant allant en jupe écossaise à l’école, dans un village près de Marengo.

Zoulikha s’installant à Césarée avec son troisième mari, et prenant le voile, ce voile auquel petite fille je trouvais un charme qui me fascinait, le voile en belle étoffe et la pointe des citadines - ou plus simple comme celui de Zoulikha quand elle part dans la montagne et fait, avec son voile de paysanne, précieux pour ne pas être reconnue, des allers et venues pour organiser la résistance des femmes et le ravitaillement de son groupe de combattants en matériel et médicaments.

Zoulikha femme mure devient cette héroïne, qui fait peur aux bourgeois craignant les représailles, qui est arrêtée, torturée et dont on ne sait où est le corps,

Sa geste est nourrie de la vie des femmes algériennes, dans le passé, et du sort de ses filles dans la société actuelle – un beau lyrisme – de belles notations
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La soif

Le premier serait-il donc le meilleur ? Le premier roman pardi (c'est assez différent pour l'essai ou le livre universitaire et documentaire qui peuvent être produits au « kilo ») ! Certainement parce qu'il est celui dans lequel s'investit le plus un auteur..... en herbe, pensant qu'il n'y en aura pas, peut-être, d'autres. Certainement celui où les règles élémentaires d'un récit fictionnel réussi sont respectées à la lettre. Certainement , aussi, parce qu'il y a encore de la fraîcheur et de la sincérité.



C'est, peut-être, ce qui a valu à Assia Djebar une reconnaissance immédiate (qui gagnera en ampleur par la suite).Il est vrai que le moment.... en Europe, s'y prêtait. Le début des années 50, au sortir de la Seconde Guerre mondiale et l'arrivée sur scène d'une jeunesse hédoniste, mélancolique, cherchant la voie du bonheur, le confondant, bien souvent, avec le plaisir... Entre « Bonjour tristesse » et « Aimez-vous Brahms ? » de F.Sagan. Les guerres d'indépendance et les luttes anti-coloniales avaient, certes, commencé mais beaucoup n'avaient pas, encore, saisi, totalement, leur force . . L'auteure, plus tard , désavouera (quelque peu) son œuvre... tout en précisant qu'il s'agissait d'un « exercice de style » et tout en avouant que « La Soif » est « un roman que j'aime encore et assume. Je ne lui vois pas une ride » et d 'ajouter : « Vous ne pouvez m'empêcher d'avoir préféré, lors de mes débuts d'écrivain, un air de flûte à tous vos tambours » . Et pan !



C'est donc l'histoire d'une jeune fille (?) , issue d'une famille aisée, vivant dans un milieu aisé, assez sûre de son charme, qui s'ennuie ferme.... partagé sentimentalement entre l'époux de son amie (une jeune femme pas du tout sûre- plus du tout car ne pouvant enfanter - de son charme), un journaliste et son ami (son amoureux), un avocat.... Elle se livre à un jeu compliqué – presque enfantin - pour satisfaire son amour propre et son désœuvrement . Il est vrai que l'amie en question « ferme les yeux », allant même jusqu'à encourager le jeu. Un jeu qui finira mal ... sauf pour notre héroïne.....qui , le «jeu» terminé, retrouvera son amoureux.... mais plongera aussi dans le remords. Bonjour déprime ... petite bourgeoise!

Un texte court mais d'une rare beauté. Art déjà consommé de la création et des nuances, très bel exercice de style indissociable de la maîtrise corporelle. Et, un grand bravo pour sa réédition... car le livre était devenu introuvable sinon oublié.
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Les enfants du nouveau monde

Assia Djebar a vingt-cinq ans lorsqu'elle écrit, avant l'indépendance, Les enfants du nouveau monde. Le roman parait en 1962 et se situe dans une ville anonyme algérienne, en 1956, soit deux ans après les débuts de l'insurrection. Roman choral où une vingtaine de personnages se côtoient, il aborde les espoirs et les luttes des algériens, en particulier du point de vue des femmes, que la guerre n'épargne pas -bien au contraire.



Que font-elles de leurs journées, ces femmes ? Elles attendent. Inquiètes, résignées ou rêveuses, elles attendent l'époux ou le frère qui est partit au maquis, dans la montagne. Elles attendent les ennuis ; elles savent qu'il faut s'y attendre en tout cas, car la police française rôde et le terrible commissaire adjoint Martinez, chantre de la torture, n'est jamais très loin des familles "suspectes". Elles attendent l'amour aussi ; qu'elles soient mal mariées, ou mères par fatalité et non par désir, ou de celles qui sont prêtes à tout, comme Touma la "traîtresse", pour s'enivrer, se sentir libre, vibrer. Elles sont souvent vieilles avant d'avoir été jeunes -mères trop tôt, ou épuisées par les difficultés. Et quand elles sont particulièrement jeunes, seize ans à peine pour certaines, la guerre se charge de les rendre bien vite matures en les emportant dans son sillage. Elles sont souvent belles, ces femmes... et seules. Seules dans l'adversité, seules dans leurs maisons qu'elles ne quittent presque jamais, la rue leur étant presque interdite. En revanche, elles ont compris la sororité dont parle si bien Benoîte Groult ; elles ont compris qu'entre femmes, elles devaient s'entraider pour s'en sortir. Alors elles sont amies et se consolent entre elles, mentent à leur mari pour protéger le mari de l'autre, comme Lila et Suzanne ou Chérifa et Amna. Quant aux hommes, ils paraissent bien seuls eux aussi, dans leurs luttes et leurs peurs, dans la clandestinité que leur impose leur combat. Par honneur, orgueil ou défi, ils veulent souvent se battre ; la guerre est en arrière-plan du récit et eux aussi, finalement...



J'ai acheté ce roman il y a déjà quelques années, bien avant d'apprendre l'importance d'Assia Djebar dans la littérature maghrébine. Puis, en février 2015, à l'annonce de son décès, je me suis dit qu'il était grand temps de la lire. Les enfants du nouveau monde est un classique de sa bibliographie, un témoignage précieux sur l'Algérie coloniale. Il donne à penser sur les conditions dans lesquels les gens vivaient, l'état d'esprit dans lequel ils étaient. J'ai particulièrement aimé son point de vue féministe, la manière subtile d'aborder la présence des femmes dans cette guerre. Le roman fait la part belle aux algériens -seuls trois personnages français apparaissent (les deux commissaires et Suzanne) ; ce qui n'est pas toujours le cas dans les livres écrits par des pieds-noirs, par exemple. En revanche, j'ai parfois trouvé l'écriture un peu trop froide et distanciée, les émotions retenues, ce qui n'aide pas à s'attacher aux personnages. Leur nombre non plus : ils sont vingt, dont on suit à chaque fois une petite tranche de vie. Et il n'est pas toujours aisé, pour le lecteur, de suivre leur chassé-croisé permanent...



Si j'ai eu le sentiment de lire ce roman d'une manière un peu scolaire, comme on lit des écrivains d'un siècle passé, avec beaucoup de sérieux et de concentration, je ne regrette pas pour autant de m'être initiée à ce classique de la littérature algérienne !



http://manoulivres.canalblog.com/


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Die Ungeduldigen

Assia djebbar y campe, , un personnage, Dalila, dix-huit ans, étudiante, entière et lucide... une révoltée totale... jusqu'à la méchanceté presque gratuite, parfois sans raison sinon celle d'un violent désir de «création de soi» en étant encore peu attentive aux grandes mutations sociales et politiques du moment (la guerre de Libération, entre autres, qui avait commencé mais qui n'était que légèrement abordée à travers l'arrestation du grand frère)



Assia djebbar porte sur la société traditionnelle et petite bourgeoisie des villes de l'époque et ses codes (faits de mensonges et de dissimulation auxquels il faut presque toujours se soumettre), un regard rebelle acéré.



Amoureuse folle de Salim, un «Don Juan» des villes, elle va prendre le risque d'être celle par qui le scandale arrive. Intransigeante, n'écoutant que son cœur et son corps (sans pourtant franchir le pas permis seulement par le mariage... c'est du moins ce que laisse croire l'auteure), elle le rejoint à Paris... tout en s'ennuyant très rapidement avec un compagnon qu'elle découvre encore enfermé dans un certain machisme... allant jusqu'à la gifler par jalousie mal placée.



Tout cela finira bien mal, non pour la société qui, ça et là , ruait dans les brancards des traditions dépassées, mettant à mal les usages sociétaux, les mœurs en cours, la famille, le couple et son intimité, la liberté... , mais pour les individus chacun payant, à sa manière, la note.

Une littérature téméraire et moderne. Signe de l'autre révolution... celle qui se préparait - à travers des révoltes individuelles - au sein même des familles alors conservatrices, mais devant faire face aux nouveaux comportements sociétaux, modernes et ouvertes sur le monde.
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Ombre sultane

Ecrit en 1987

Le roman d’Assia Djebar, Ombre sultane , poursuit la recherche entamée avec l’Amour fantasia, cette fois-ci plus du côté des femmes du quotidien que de l’histoire.Roman de la “sororité”, Ombre sultane et par bien des aspects déroutant. Isma a choisi une autre femme à son mari, dont elle est séparée, Hadjila-Meriem sa fille va vivre avec sa mère, mais Nazim né d’une Française a adopté Hadjila. L’homme, le mari n’est jamais nommé. Il est l’amant pour lequel la femme retrouve gestes d’amour et de tendresse mais surtout le maître, celui qui soumet la femme à ses exigences. Cette soumission engendre une révolte intérieure toute contenue en apparence. Une problématique du dedans et du dehors se déploie avec subtilité autour de ces deux femmes. La sororité est bien difficile à éclore, “arrivée à ce point du récit, une violence me saisit de mélanger ma vie à celle d’une autre. Tout corps masculin sert-il à signaler, le carrefour vers lequel aveuglées, nous patinons, bras tendus l’une vers l’autre”. Le thème de la “nudité” revient encore une fois organisé autour des sorties qu’Hadjila fait à l’insu du mari. Pourtant cette complexité des femmes existe depuis les temps les plus anciens, transmise par la culture. Dans Les mille et Une nuits, Assia Djebar, cette fois, invitée à une autre lecture, c’est Dinarzade qui prend le pas sur Sherazade,celle qui écoute et qui veille car elle ne peut partager l’homme, elle ne peut être rivale. Pour que s’accomplisse cette sororité, il faut un relais de femmes, porteuses de voix, un récit intimiste avec ses murmures et sa violence : la narratrice s’implique totalement, nous invitant parfois à la confusion entre Isma et l’auteur, par bribes autobiographiques. C’est du dedans que les femmes sont vues, sans idéalisation avec leurs élans, mais aussi leurs soumissions et leurs résignations. Dans l’Amour, fantasia, dans Femmes d’Alger, la narratrice essayait d’éveiller dans les récits historiques ou dans les tableaux orientalistes la signification, de la gestuelle féminine. Ici, elle se fait geste elle-même;, pénétrant d’une degré de plus dans la chaîne féminine. Le texte se termine par l’angoisse de ne pas parvenir à être : “Ô ma sœur, j’ai peur moi qui ai crue te réveiller, j’ai peur que toutes deux que toutes trois, que toutes excepté les accoucheuses, les mères gardiennes, les aïeules nécrophores nous nous retrouvions de l’Orient”, ce lieu de la terre où si lentement l’aurore a brillé pour nous que déjà, de toute part, le crépuscule vient nous cerner”.

En perspective un passionnant Roman.

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Femmes d'Alger dans leur appartement

Très beau livre de Assia Djebar, première auteure nord-africaine à avoir été élue à l'Académie Française en 2005 (et première algérienne à avoir intégré Normale Sup en 1955).

C'est ainsi que A. Djebar présente son livre : ces nouvelles, quelques repères sur un trajet d'écoute, de 1958 à... à aujourd'hui, septembre 2001. Conversations fragmentées, remémorées, reconstituées... Récits fictifs ou frôlant la réalité - des autres femmes ou de la mienne -, visages et murmures d'un imaginaire proche, d'un passé-présent se cabrant sous l'intrusion d'un avenir incertain, informel." (premières lignes de l' "ouverture")

La construction du texte et l'écriture elle-même sont très poétiques et nous parlent du quotidien des femmes d'Alger. Deux parties dans ce recueil : "Aujourd'hui", histoires de femmes après l'indépendance de l'Algérie et "Hier" histoires de femmes avant la guerre d'indépendance.

"Récits d'hier et d'aujourd'hui" de femmes arabes, voilées, dominées par les hommes, leurs pères qui souvent les marient trop jeunes, leurs frères et leurs maris qui commandent et doivent être servis.

Voici ce que l'auteure dit de la première longue nouvelle, "La nuit du récit de Fatima" : " Ce récit le plus récent, placé juste après l'ouverture du recueil, je souhaiterais qu'il soit comme une lampe sur ce seuil, pour éclairer la solidarité de toute parole féminine, notre survie." Fatima y raconte sa vie et celle de ses parents à sa bru Anissa qui elle-même prend ensuite la parole : histoires d'enfants à donner ou à prêter, grande douleur de mère.

Dans les autres nouvelles, l'auteure évoque les femmes "enfermées", parlant peu ou pas sauf entre elles, femmes soumises et voilées, n'ayant le droit que d'être mère ; la violente nuit de noces, les bains publics où elles vont en groupe (souvent leur seule sortie), le ramadan...

Quelle identité réelle possible pour ces femmes ?

Et malgré leurs conduites courageuses pendant la guerre d'Algérie, leur déception quand le carcan de la tradition les paralyse à nouveau.



Assia Djebar, une femme qui parle, qui s'oppose au silence imposé à toutes les maghrébines.



Extrait (p 87) : " Les seules femmes libres de la ville sortent en files blanches, avant l'aube, pour les trois ou quatre heures de ménage à faire dans les bureaux vitrés des petits, des moyens, des hauts fonctionnaires qui arriveront plus tard. Elles pouffent de rire dans les escaliers, rangent les bidons l'air hautain, relevant lentement leurs coiffes superposées, tout en échangeant des remarques ironiques sur les chefs respectifs des étages, ceux qui, protecteurs, les questionnent sur les études des enfants, et ceux qui ne parlent pas, parce qu'on ne parle pas aux femmes, qu'elles travaillent dehors ou qu'elles soient, comme les leurs, objets de représentation..."
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Les nuits de Strasbourg

J'aime de plus en plus la plume de Djebar. Cette fois ci dans un style différent de ce que j'ai lu d'elle.

Elle nous fait valser dans Strasbourg au rythme des amours, des ébats sensuels, des confidences et des histoires de vie d'êtres torturés, souffrant chacun d'un déracinement, une quête d'identité, un amour perdu, un amour caché ou interdit.

Des histoires de vie liées par la grande histoire celle de la guerre d'Algérie, la déportation des strasbourgeois en 1939, la 2ème guerre mondiale.

Des personnages tout aussi attachants les uns que les autres.

Thelja cette femme déchirée, qui brûle, se consume.

Elle, l'orpheline avant sa naissance, la ''theldja'' neige qui ne fait qu'embraser, telle une bougie infiniment soufflée et renflammée, se cherche au rythme de ses nuits folles, torrides. Trompée par le mari, abondant fils et foyer pour une thèse en france. Theldja se venge. Elle erre, elle la passagère dans une ville chargée historiquement. Elle s'embrase dans son exil, se laisse aller...

Affront envers un père disparu trop tot, un mariage raté, une société qui l'a blessé, humiliée.

Exorciser son corps... chercher amours auprès de François de 20 ans son aîné.

Corps enlacés... Nuits torrides... Amours... Chaleur corporelle ...Jouissance.... Extase jusqu'à l'envol...

Battement d'aile puis chute dans le vide ou plutôt vers des cieux clément, vers la liberté.



Eve son amie d'enfance, la juive qui s'abandonne à l'ennemi, l'allemand Hans.

Un amour plus fort que les principes d'une vie, un désir triomphant, un plaisir ressussitant.



Des confidences de vie bercées aux rythmes et mélodies andaloux aux senteurs de thé à la menthe.



D'autres histoires celles d'Irma la déracinée, la sans attache.

De Karl le pied noir retournant en alsace après la guerre d'Algérie, lui qui ne garde de l'algérie que le souvenir de l'odeur de paille humide.

Jaqueline, Djamila, Touma et ses enfants...



Djebar nous charme de sa plume sensible, chavire nos coeurs, nos sens et nous fait balader à travers ces histoires dans la grande histoire de cette ville '' Strasbourg'' que j'aimerai visiter.
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Ces voix qui m'assiègent

C'est à Aouatef79 , babéliote de mes amis que je dois d'avoir fait la connaissance de cette écrivaine . Assia Djebar dont les essais sur l'engagement politique , sur les textes littéraires et sur la vision de l'Algérie chez Camus a permis en quelque sorte sa réhabilitation posthume dans l'esprit de quelques intellectuels algériens .

Cela n'est pas le sujet du livre en question mais méritait à mon sens d'être dit .

Assia Djebar a une belle écriture pleine de finesse et son propos assez biographique est d'une grande pudeur ( elle souligne qu'en tant que femme de culture musulmane , la difficulté de ne pas l'être lui est difficilement surmontable ) . Première femme originaire du Maghreb a avoir été élue à l'académie française , historienne , poétesse , essayiste , cinéaste , féministe lucide , elle nous montre à voir tout au long de ce livre le long chemin de sa libération personnelle permis par l'écriture dans une autre langue que celles de sa culture , le français dont elle dit qu'il fut le lieu de creusement de son travail , l'espace de sa méditation et de sa rêverie , cible de son utopie accessoirement et même tempo de sa respiration . C'est une grande découverte pour moi que la précision de ses ressentis , sa grande honnêteté , sa modestie qui me font penser aux textes d'un de ses compatriotes : Mouloud Ferraoun , mais apporte en plus la description de la condition faite aux femmes dans le monde musulman et cela sans renier sa culture ni l'amour de son pays . Une écrivaine , puisque c'est le terme qu'elle utilise , à découvrir pour s'ouvrir à d'autres auteur(e)s qu'elle met en scène et nous incite à lire .
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La femme sans sépulture

Elle s'appelle Zoulikha. Elle est Algérienne. Femme courageuse et affirmée, elle est cette combattante acharnée qui a voulu, contre les occupants français, s'émanciper. Ils ont fini par gagner, malheureusement. Ils ont fini par l'emporter. Ils l'ont capturée, torturée. Ils ont laissé son corps mutilé. Où? Personne, dans sa famille, ne le sait. Elle n'a pas de sépulture, pas de lieu où ils peuvent la pleurer et un peu se consoler. Qu'importe... Zoulikha, même morte, a triomphé. Elle continue d'exister, dans les cœurs et les esprits de celles et ceux qui reconnaissent la liberté quand elle est. Elle continue d'exister grâce à ce roman qui nous apprend qui elle est. En écrivant cette femme sans sépulture, Assia Djebar lui accorde en effet l'immortalité. Elle lui attribue un trophée hautement mérité mais jamais décerné. Elle lui offre ce que sa détermination et son courage valent: l'Estime.



Zoulikha est effectivement cette femme qui appelle l'exemple. Affirmée, au caractère trempé, elle se donne les moyens d'être ce qu'elle est: une femme indépendante qui refuse les chaines imposées par les traditions et les forces d'occupations. Elle est cette moudjahida qui affirme continuellement son existence. Et comme beaucoup, elle a payé le prix de son être. Planant au dessus de ces pages comme un fantôme - invisible mais omniprésent - Zoulikha m'émeut parce qu'elle me rappelle mes compatriotes kurdes qui ont décidé d'emprunter ce qu'elles pensent être la voix de leur émancipation. Elles sont combattantes, guérilleros. Elles espèrent, elles aussi, se débarrasser des chaines qui les brisent: traditions ou forces d'occupations. Elles ont, elles aussi, eu à connaitre ce que Zoulikha a vécu: tortures et mort. Elles sont, elles aussi, pour certaines, sans sépulture. Sauf qu'il n'y a personne pour écrire leur mémoire. Il n'y a personne pour leur offrir l'immortalité.



Mais La femme sans sépulture me les rappelle. Elle m'invite à les pleurer et les célébrer. En cela, je ne peux que remercier. Merci à Assia Djebar d'écrire - même avec quelques défauts, à travers Zoulikha, ces femmes qui ont décidé de lutter pour tout simplement exister.
Lien : http://mezelamin.blogspot.fr..
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Femmes d'Alger dans leur appartement

Femmes d'Alger dans leur appartement d'Assia Djebar est un bouquet de nouvelles qui tisse un chemin narratif racontant l'évolution de la femme algérienne. À travers deux parties intitulées «Aujourd'hui» et «Hier», l'auteure lève le rideau sur la vie quotidienne de la femme algérienne avant et après la guerre d'indépendance. Et dévoile, ainsi, sa condition de vie et son rôle dans une société typiquement traditionnelle.



En effet, les types de champs représentés dans les nouvelles sont parfois réels relatifs aux lieux tel un appartement, Hammam ou plutôt bain public, etc. Et parfois irréels relatifs aux rêves tel le rêve d'un personnage dans l'une des nouvelles racontées, Femme d'Alger. Comme on trouve quelquefois, aussi, des champs mémoriels dans lesquels réside le passé évoqué par les femmes.



À vrai dire, le cercle du souvenir a permet à l'auteure de créer une esthétique littéraire pour le cadre narratif de ses nouvelles. Et présenter, ainsi, un recueil bien situé dans l'espace et dans le temps.



Femmes d'Alger dans leur appartement est, donc, une invitation à la lecture d'un passé féminin vécu sous l'autorité d'une société réservée.

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Loin de Médine

Livre passionnant qui montre le courage des femmes à l'époque du prophète Mohamed Sala Laahou alaihi wa salam ainsi que leurs intelligence pour surpasser les difficultés qu'elles endurait , ainsi que tout l'amour qui leur était donné par notre prophète adoré.
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Vaste est la prison

Une oeuvre parfois difficile, tant par son tissage que par sa charge émotionnelle. La prison prend plusieurs formes, elle survit des générations de femmes qui souffrent. Par passion, par amour, par la perte … les barreaux planent. On y trouve l'Assia Djebar historienne, réalisatrice, mère, enfant, aimante, femme, écrivaine. Elle danse "dans sa tête" ; parfois on arrive à suivre ses pas, parfois on est à la traîne… mais on apprécie la chorégraphie.
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La disparition de la langue française

J'ai découvert Assia Djebar pendant les cours de littérature francophone à la fac. J'ai eu la curiosité d'en lire un peu plus d'elle.

J'ai tout de suite adoré son écriture: fluide, pudique et poétique.

La disparition de la langue française est un essai, et pourtant, je l'ai lu comme on lirait un roman. En évoquant la francophonie, elle nous raconte une histoire. Je n'ai jamais pris autant de plaisir à lire une analyse critique sur une problématique. J'aime apprendre, alors là avec cette manière d'écrire, j'ai pu savourer ce plaisir.
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Le blanc de l'Algérie

Le blanc de l'Algérie - Assia Djebar - 1996

Pas le blanc tapissant les murs, ni les haiks

pas le blanc des nuages qui couvrent le ciel azuré

Pas le blanc de l'écume de la mer

Le blanc du dueil

Pas le blanc de l'oubli que Djebar refuse obstinément mais

Le blanc inaltérable de leur présence - ceux qui sont parti trop tôt- qu'elle réussit à nous faire sentir au travers de cette oeuvre. 

Une oraison jaculatoire dans ce récit court de 245 pages ressuscitant de belles âmes, les belles plumes de l'Algérie.

Un cri du coeur, de la conscience, un déroulé historique du pays de la période coloniale,  post indépendante et de la décennie noire.

J'ai adoré ce récit, qui m'a chamboulée, attristée.

Qui a fait revivre une douleur au creux de mon être profondément tapie. Une saignée qu'on a vécu y a pas si longtemps.

Une plume engagée, rageuse en mémoire des disparus: Albert Camus, Abdelkader Alloula, Mahfoud Boucebci, Mhamed Boukhobza, jean Senac, Jean et Taous Amrouche, Tahar Djaout, Anna Greki, Said Mekbel ... et tant d'autres

Pour que nulle n'oublie...



Une lecture à faire et à refaire.

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