AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Benjamin Whitmer (363)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Évasion

« Y en a un qui s'est chié dessus. Mopar Horn ignore s'il s'agit d'un maton ou d'un détenu, mais l'air du salon pulse en alerte rouge pour cause d'odeur de merde. »



La première phrase te gifle d'emblée et tout le reste du roman est au diapason : noir, très noir, brut. Hiver 1968, Colorado, le soir du Réveillon. Une chasse aux douze détenus qui se sont évadés dans un blizzard qui exacerbe les tensions. A leur trousse, toute une ville, des gardiens de prison vicelards menés par un directeur impitoyable, un traqueur professionnel, limier mais pas viandard, des journalistes en quête de scoop et des habitants armés jusqu'aux dents et gavés d'amphétamines.



L'intrigue est resserrée au plus simple autour de cette chasse à l'homme désespérée pour permettre à l'auteur de développer mille nuances de noir dans une palette monochrome riche de quelques saillies lumineuses. La traque s'exacerbe avec le blizzard qui s'abat sur la ville, la neige claustrophobique créant un quasi huis clos obsédant et inquiétant tant la folie guette chacun, tant

ressurgissent les blessures et rancoeurs de chacun.



Benjamin Whitmer est presque moraliste lorsqu'il décrypte au couteau les affres de la condition humaine, fouillant au scalpel les entrailles pourries de l'Amérique profonde : racisme, déterminisme social, ultra violence, drogue. Le tableau est sans concession, la fatalité dénuée d'espoir. Dans ce Far West contemporain chaotique, seuls les uniformes distinguent les chasseurs des proies.



Et pourtant, dans cette descente aux enfers, il parvient à donner de l'épaisseur à chaque personnage, tout particulièrement au duo de cousins : Mopar le fugitif acculé et Dayton la veuve dealeuse, bien décidée à le retrouver avant qu'on ne l'abatte. le parcours de vie de ces personnages qui vrillent est dépecé à l'os par de brillants flash back qui éclairent juste ce qu'il faut sans faire dans le lourdement psychologique. Ce ne sont pas des personnages qu'on aime, clairement on n'est pas dans l'empathie, ce sont des personnages dont on finit par comprendre le terrible destin. L'auteur capte la mélancolie des marginaux.



Et puis il y a cette écriture, sèche, nerveuse. Benjamin est un orfèvre du noir. Ses dialogues percutent jusqu'au trash et au grossier sans que cela soit gratuit. On est happée, on suffoque par la violence qui suinte de chaque phrase. Evasion est un roman que l'on lit comme on prend une cuite en mode binge drinking. Magistralement féroce.
Commenter  J’apprécie          12915
Évasion

1968, le soir du réveillon. Trois matons à genoux, les mains menottées derrière le dos. Face à eux, quatre détenus de la prison de Old Lonesome qui ont décidé de se faire la belle. Huit autres courent dans la nature. Mais, les conditions climatiques épouvantables, des températures glaciales, une neige qui tombe dru, empêchent Mopar, Mitch, Wesley et Bad News d'aller plus loin que cette maison où ils se sont réfugiés. Ils n'auront d'autre choix malheureusement que de la fuir car, bientôt, les gardiens de prison, le directeur Jugg à leur tête, vont les prendre en chasse. Bientôt rejoints par Stanley, un journaliste local, et Garrett, le photographe ainsi que par Dayton Horn, la cousine de Mopar. Une chasse à l'homme sanglante dans cette nuit noire et ouateuse...



Benjamin Whitmer nous offre un roman d'une noirceur implacable, désespérante et d'une force saisissante. Au cours de cette nuit du réveillon, une traque pour attraper les douze détenus qui ont pris la fuite va ébranler toute cette petite ville du Colorado. Fuyards, matons, journalistes en quête d'un scoop et quelques habitants vont se livrer une bataille sans merci. Un scénario de prime abord sans surprise si ce n'était cette violence, omniprésente, qui s'en dégage, cette noirceur étouffante, ces personnages taillés à la serpe, imperturbables, brutaux et immoraux, ce climat, oppressant et étreignant, ce tourbillon d'événements qui s'enchainent. Et que dire de cette écriture lyrique et intense, de cette narration efficiente qui donne voix aux différents personnages, de ces dialogues percutants... Dans cette nuit où seules les silhouettes se devinent, le climat hivernal, véritable personnage à part entière, engourdit les corps et gèle les cœurs. Après Pike et Cry father, Benjamin Whitmer signe là un roman brut, d'une force rare.

Époustouflant !
Commenter  J’apprécie          1077
Cry Father

Depuis qu'il a perdu son fils, Patterson Wells traine sa misère. Un brin dépressif, solitaire, un léger penchant pour la bouteille, il vit seul dans sa cabane de la mesa, sur les hauteurs de Denver. Pour seule compagnie, son chien, Sancho. Inlassablement, il parcourt les routes américaines afin de se rendre sur des chantiers en zones sinistrées. Il aspire à des jours tranquilles, loin des tumultes de la vie. A contrario, Junior, le fils de son ami, Henry, brûle la sienne. Fâché contre son père, violent et bagarreur, son petit business le mène souvent au Mexique où il écoule sa meth. La rencontre aussi improbable qu'électrisante entre ces deux âmes errantes et blessées risque fort de faire des étincelles...



Benjamin Whitmer nous plonge dans une ambiance d'une noirceur collante... Dans ce roman, l'on croise Patterson et Junior, deux écorchés de la vie qui semblent, justement, ne plus rien attendre d'elle. Deux âmes errantes et incomprises dont les chemins tortueux et boueux vont se croiser. L'auteur décrit parfaitement cette relation entre les deux hommes ô combien ambiguë et fatalement vouée à l'échec. Tout comme il décrit ces moments tantôt paisibles et évocateurs tantôt crus et tempétueux. Un monde de violence, de désillusions et d'espoirs déchus dans lequel s'engloutissent des hommes rugueux et crapuleux, des femmes désappointées et des enfants à l'abandon. Un roman poisseux, brut, terriblement sombre, servi par une plume lyrique, âpre et percutante.

Une plongée saisissante dans une Amérique chaotique...
Commenter  J’apprécie          770
Les Dynamiteurs

Denver, 1895. Sam, âgé de 14 ans, est orphelin. Avec d'autres comme lui, des laissés-pour-compte soumis aux lois de la ville, il se débrouille comme il peut pour trouver de quoi manger. C'est dans l'Usine métallurgique désaffectée que tous ont élu domicile, dans les Bottoms, sous la protection de Cora. Mais, un soir, ils se font attaquer par des Crânes de Nœud. Cora et Sam tentent de protéger, comme ils le peuvent, les plus petits qui sont obligés de se cacher dans le tunnel. Ils ne devront leur salut qu'à un géant qui a réussi à faire fuir tous les vagabonds. Ce dernier blessé, Sam et Cora décident de le soigner. Ce n'est que plus tard qu'ils se rendent compte qu'il est muet et ne communique que par des phrases écrites sur un carnet. Un carnet que seul Sam est autorisé à lire. Par le biais de ce géant, l'adolescent va être mis en relation avec Cole, un mafieux...



Le monde des Crânes de Nœud, autrement dit les adultes, n'est pas pour eux. Entre laissés-pour-compte, ils survivent tant bien que mal à l'Usine. Un lieu qui leur est propre et au cœur duquel ils se sentent en sécurité. Mais l'irruption de ce géant, John Henry Goodnight, va bouleverser leur équilibre pourtant précaire en entraînant loin des siens le jeune Sam vers un monde fait de violence, de meurtres, de corruption, d'explosions, de règlements de compte. Ce roman initiatique nous entraîne dans les entrailles de Denver, ville ravagée par la violence et la crise économique. le jeune Sam, témoin et narrateur, assiste, tout aussi impuissant que volontaire, à tous ces déchaînements de violence, lui qui, maintenant, se trouve sous la coupe de Cole. L'auteur aborde avec intensité et noirceur la perte de l'innocence mais également une histoire d'amour déchirante.



Commenter  J’apprécie          765
Évasion

Je la sentais pas cette opération porte ouverte à la prison d'Old Lonesome.

Bilan, douze détenus évaporés dans la nature.

Et une chasse à l'homme, dans les Rocheuses, par ce froid de gueux, c'est pas vraiment fait pour développer le côté bon samaritain de tout traqueur irascible qui se respecte.

Mais le respect, c'est p'us c'que c'était, ma pôv' dame.

Désormais, on fait dans l'efficacité primale, le rendement efficient.

Il manque douze très bons clients à cet établissement de prestige, il nous faut les retrouver, morts ou morts.



Est-ce qu'Évasion vaut le détour, assurément.

Est-ce qu'Évasion nécessite une concentration de tous les instants, indubitablement.

C'est pourtant pas faute d'avoir été prévenu en amont.

Vu le nombre de protagonistes, Évasion tu torcheras en moins de temps qu'il n'en faut pour te demander toutes les deux pages "la vache mais qui est donc ce satané loustic, évadé ou maton ?".

J'ai morcelé le bestiau, séquencé ma lecture, surestimé ma capacité mémorielle au point de me poser encore et encore cette satanée question et donc de casser un rythme qui ne demandait qu'à s'emballer et biaiser un ressenti final certainement pas en adéquation avec la qualité avérée d'un tel récit.



Roman noir de chez noir, Évasion tape fort.

Brut de décoffrage stylistiquement et narrativement, il fait la part belle à l'humain dans ce qu'il a de plus sombre et de plus bestial.

Bien sûr, quelques petites lucioles d'espoir viennent de-ci de-là tenter vainement de percer cette longue nuit sans lune.

L'homme est un loup pour l'homme.

Un animal carnivore qui possède une mémoire collective.

Un prédateur incapable de réfréner ses plus bas instincts.

Aussi, lorsqu'il lui est permis de laisser libre cours à sa férocité naturelle, je vous laisse imaginer le festin de roi.



Évasion est une course contre la mort.

De celles dont on espère fébrilement sortir indemne tout en connaissant pourtant le fin mot de l'histoire.

Évasion est une onde de choc violente, perdurable, qui mérite une attention soutenue sous peine de déconvenue sévère.

J'fais comme Marcel, j'aime instruire en amont...
Commenter  J’apprécie          767
Pike

Les Editions Gallmeister nous avaient jusque là habitué à des très bons romans ayant pour cadre les grands espaces américains comme Sukwann Island de David Vann, ou encore les très bons polars de Craig Johnson. Changement de décor, avec Pike, de Benjamin Whitmer, elles nous offrent un remarquable polar urbain où l’on patauge dans la neige noire au milieu de gaz d’échappement… Une couverture noire, pour un vrai roman noir, très noir !



Dans une ancienne vie, Douglas Pike a été tour à tour homme de main pour la mafia locale, toxicomane, videur de boîte de nuit, alcoolique ou encore passeur de clandestins à la frontière mexicaine. Aujourd’hui, il répare des maisons dans un coin reculé des Appalaches accompagné de Rory, un jeune homme à peine sorti de l’enfance et qui rêve de devenir boxeur professionnel. Tous les deux sont poursuivis par un passé qu’ils tentent d’oublier mais qui va brutalement les rattraper de la plus inattendue des façons. Lorsque Sarah la fille de Pike est retrouvée morte des suites d’une overdose, ce dernier se retrouve responsable de Wendy, une fillette de douze ans, dont il ignorait l’existence. Pike a oublié pendant de longues années sa fille mais il n’accepte pas son décès. La thèse de l’overdose lui semblant plus que suspecte, il décide de se rendre à Cincinnati. Accompagné de son acolyte, il va écumer les bas-fonds de cette ville, de bars glauques en squats de junkie et lieux de prostitution, à la recherche d’une réponse. Quand Derrick Krieger, flic violent et pourri jusqu’à la moelle commence à tourner autour de Wendy, les vieux démons se réveillent.



Ce premier roman est une redoutable excursion dans les entrailles de l’Amérique urbaine des années Reagan dans ce qu’elle a de plus violent et sordide. Pas un personnage ne rachète l’autre. Un ramassis de brutes alcooliques, de pervers violents, d’êtres corrompus ou estropiés. Ils ont en commun une incapacité chronique à éprouver le moindre regret ou sentiment. La notion de rédemption, d’amour ou de pardon leur est étrangère. Accablés par une multitude de démons, survivre d’un jour à l’autre est leur unique préoccupation. Ce premier roman dont chaque mot suinte la noirceur et la violence sans complaisance, est construit avec intelligence, mêlant habilement lyrisme et réalisme. Une très sombre et tragique histoire qui se dévore en quelques jours et qui ne laisse pas intact. Elle semble annoncer un grand auteur. A suivre.
Commenter  J’apprécie          751
Les Dynamiteurs

Le lecture de ce roman très noir de Benjamin Whitmer, écrivain capable d'installer ses lecteurs au coeur des sentiments et actes de ses personnages, m'a amené à reprendre quelque peu celle d'un autre de ses romans, Evasion, au point d'en réécrire la critique afin d'essayer de mettre ces deux ouvrages sur un même plan situationnel.



Il y a pourtant des différences très marquées entre les deux livres, ne serait-ce que par les époques, les modes de vies qui leur correspondent et la nature même des deux intrigues.



Pourtant, j'ai retrouvé avec Les Dynamiteurs la même richesse des dialogues d'Evasion, dialogues qui me semblent la première force de ces romans. Les dynamiteurs sont presque aussi paumés que les évadés, ils se croient parfois surpuissants, se dissimulent derrière un orgueil et une indifférence feinte, alors qu'ils souffrent, chacun de manière différente, qu'ils espèrent, surtout le jeune Sam, entrevoyant la vanité de leurs espérances et le caractère inexorable de leurs destinées.



Sam est partagé tout au long du roman entre l'amour qu'il ressent pour Cora, une adolescente protectrice de quelques malheureux enfants dans le sombre Denver de 1895, et son implication de plus en plus avancée, sans retour paraissant possible, dans les actes des dynamiteurs.



La dynamite, ce n'est pas ici un outil pour chercher l'or, c'est un outil de combat humain qui, lorsqu'il détruit, ne tient aucun compte des dommages collatéraux. L'un des protagonistes, Goodnight, le sait bien, déjà défiguré et abîmé par une explosion malheureuse, il ira au bout jusqu'à l'explosion finale.



Dans cette fange où évoluent voyous de différents niveaux, flics corrompus, détectives opiniâtres, prostituées bien fragiles, Benjamin Whitner place quelques méditations sur l'humain, la vie, la mort, l'amour avec une très belle dernière page, laissant ses lecteurs se débattre en évitant de marcher dans le sang répandu et en assumant comme ils le peuvent une violence très souvent subite, brève mais irrémédiable.



Encore un très beau roman noir de Benjamin Whitmer.
Commenter  J’apprécie          744
Évasion

Première incursion dans l'univers de Benjamin Whitmer, et manifestement l'américain fait partie de ces auteurs qui aiment balancer une fiole de nitroglycérine contre le mur qui porte le rêve américain en trompe l’œil.

Une ville qui a laissé se dresser des cloisons autres que celles de la prison, n'offrant aucune échappatoire à la médiocrité qui use et abîme. Des personnages écrasés par le destin lorsqu'ils n'agissent pas comme des grenades dégoupillées, prêtes à exploser n'importe quand. Et une neige incessante qui, au cœur de la nuit, ne laisse entrevoir aux évadés aucune direction possible dans ces montagnes du Colorado.

Tous les éléments du récit concourent à sculpter l'intrigue dans un bloc de haine glacée, et faire de la traque des évadés le réceptacle des rancœurs et espoirs abandonnés de chacun. Tout se mélange avec une ignominie crasse, les gardiens de prison, les évadés, les habitants...pas la peine de chercher les héros, il n'y a que des gens pas bien nés ou revenus cabossés du Vietnam qui recourent à la violence comme antidote aux imperfections du ciel.

Une histoire simple et d'une absolue noirceur en somme mais baignée d'un feu particulier, de ceux qu'on alimente avec une langue chargée d'un acide pénétrant. Une écriture franche et sans inhibition, quelques phrases bien balancées, B. Whitmer possède une sacrée voix pour montrer la violence qui construit les personnalités et les choix qui détruisent. Il a cette manière de raconter sans un mot de trop car les mots ont tendance à mettre une distance anesthésiante entre ce qui se passe et notre conscience. Et sous cette neige omniprésente qui dilue la réalité et fait s'étirer le temps, Whitmer parvient à modifier nos propres perceptions. On progresse dans le récit à pas lents face aux images floues et zones d'ombre montrées du doigt et laissées à plus tard. C'est redoutablement efficace.



Pour autant, Évasion est le genre de lecture pour laquelle je suis incapable de dire avec certitude si j'ai aimé ou pas tellement la réalité décrite est tenace et puissante. Elle a laissé un goût de rouille dans la bouche. Avec un certain recul, s'impose la conviction d'avoir découvert un auteur talentueux qui a une aisance à planter ses ongles dans un décor sans ambiguïté ni bons sentiments.

Et avec encore plus de recul, j'ai adoré.
Commenter  J’apprécie          7012
Pike

Pike est ce qu'il convient d'appeler un garçon un brin caractériel.

Enfin était, car il semble s'être rangé des bagnoles.

Vivotant de petits boulots occasionnels, cet ancien truand tente de gérer ses anciens démons du mieux qu'il le peut.

Pourtant, il suffirait de pas grand-chose pour que la lave qui coule dans ses veines n'explose une nouvelle fois car comme le disait si talentueusement le poète :

♫On a vu souvent

Rejaillir le feu 

De l´ancien volcan 

Qu'on croyait trop vieux♪

(AC/DC, live at La Chapelle-sur-Erdre, 1824).

Une fille overdosée et une petite-fille fraichement découverte sur les bras plus tard, c'est un Pike limite sous pression que nous retrouvons, fin prêt à en découdre avec cette pourriture qui semble tourner dangereusement autour de Wendy, la seule famille lui restant désormais.



Décidement, j'aime énormément cette collection NeoNoir de chez Gallmeister.

Elle s'affirme, au gré des parutions, comme étant un gage de qualité persistant .

Pike justifie pleinement cette nouvelle réputation.

Outre l'histoire crasseuse au possible, Pike, c'est avant tout une galerie de personnages truculente.

Whitmer vous balance les pires saloperies avec un tel détachement, une telle maestria, qu'à l'annonce d'une énième hausse d'impôts assortie de la parution imminente du dernier Céline Dion, vous lui diriez encore merci en lui baisant les pieds. C'est dire la faculté du mec à faire passer une pilule basiquement imbouffable.



Le bonhomme fait dans le sordide avec la grâce et l'élégance d'une danseuse étoile gavée au Nutella et au saindoux. On a fait l'impasse sur les tripes, trop gras pour l'entrechat...

Une plume acide à l'ironie mordante, il n'en faut pas plus pour prendre son pied, enfin son genou vu la souplesse qui me caractérise, et dévorer cette petite perle immorale de chez NeoNoir le grand.



Encore !
Commenter  J’apprécie          673
Les Dynamiteurs

Whitmer, l'amer, est de retour.



Parfait opposé du romancier feel-good, l'auteur n'aime rien moins que vous plomber un moral déjà bien entamé en cette année si particulière.



Et quoi de plus déstabilisant que de confronter une enfance peu enviable à un monde rugueux où la loi du plus fort prévaudrait.



Benjamin Whitmer, faisant fi de ce désir prégnant de douceur et de sérénité retrouvée, vous balance ses dynamiteurs comme le ferait un Ventura à un Blier en guise de cadeau d'anniversaire sur-priiiiiise.



Ils s'appellent Cora, Sam, Watson ou bien encore Lottie.

Tous issus de la même fange, celle des laissé-pour compte et des impécunieux.

Une usine désaffectée en guise de refuge qu'ils défendent bec et ongle face aux clochards alentours.

Un quotidien rôdé, soudainement dynamité par la présence de Goodnight. Sorte de Lennie mutique au visage remarquable susceptible de faire passer Michel Simon pour un premier prix de beauté.

Cole est dans la place.

Pote de Goodnight et propriétaire de moult tripots, il enjoint le jeune Sam de venir bosser pour lui.

Ce dernier venait, à l'insu de son plein gré, de signer un pacte avec le Diable.



Whitmer fait toujours dans la sombritude, dixit Ségo, exacerbée.

Une ambiance sépulcrale portée par une plume âpre, ombreuse et spontanée.



Une guerre de territoire en toile de fond.

L'implosion d'une enfance miséreuse au profit d'une violence chronique comme mur porteur.

De ceux qui vous métamorphosent à tout jamais, vous éloignent doucettement de tout ce qui vous est cher sans espoir de retour, ni de rédemption.



Whitmer est au burlesque ce que de Funès était au polar noir.

Funambule averti virevoltant sur la corde d'un tragique destin pressenti, l'auteur déroule une dramatique au cordeau sans jamais verser dans le grand-guignolesque ostentatoire.



Chacun y est à sa juste place, jouant sa partition avec les armes qui lui sont propres.

Il flotte comme une désespérance flamboyante avec ces dynamiteurs.

Y aller en sachant la cause vaine mais le faire avec panache.



J'ai aimé côtoyer ces losers magnifiques.

J'ai été de tous leurs combats.

J'ai finalement déposé les armes, vaincu par cette spirale mortifère éternellement promise aux loqueteux et aux sans-grades.



Grand moment.



Merci à Babelio et aux éditions Gallmeister pour cette conséquente tranche de désolation et d'infortune.
Commenter  J’apprécie          634
Les Dynamiteurs

Je viens à peine de refermer ce roman de Benjamin Whitmer, Les dynamiteurs, laissez-moi reprendre un peu mon souffle...

Ce livre, c'est de la nitroglycérine, une déflagration, une grenade dégoupillée et qui met en effroi nos mains, nos coeurs, les pages brûlent les doigts à chaque effleurement.

Nous sommes ici à la fois dans l'humanité et dans l'envers de cette humanité. Je dirai même l'enfer...

Nous sommes à la fin du XIXème siècle, précisément en 1895, à Denver, capitale du Colorado. La ville est réputée pour être à cette époque la ville la plus brutale de tout l'Ouest des États-Unis. On le comprendra bien réellement dans ce livre. Denver est déjà une cité rongée par la pauvreté, la violence et la corruption.

Sam et Cora, deux jeunes orphelins, tout juste quatorze ans chacun, s'occupent d'une bande d'enfants orphelins comme eux, plus jeunes qu'eux, pour la plupart ce sont des tout petits, abandonnés, ils défendent farouchement leur territoire, une usine désaffectée. Ils appellent ce territoire l'Usine.

Ici les aubes ressemblent à des convulsions et le monde n'est peut-être rien d'autre qu'un territoire disjoint, sans rêve, vide... L'avenir, n'en parlons pas... le rêve américain est ailleurs, pas pour eux, leur rêve à eux, c'est seulement de survivre.

Puis tout d'un coup, dans cette communauté d'enfants, un géant muet, abimé, démoli, surgit, il ne sait communiquer qu'avec un carnet et un crayon et seul Sam ici sait lire... Alors ce sera le début d'une intrigue sans repos, ni pour les personnages, ni pour le lecteur.

Ici, nous plongeons dans les bas-fonds de Denver, là où il n'est peut-être pas possible d'en revenir. Benjamin Whitmer a un talent époustouflant pour dire, à coup de hache, les émotions, les espérances meurtries, les rêves piétinés, l'enfance dont on ne revient peut-être pas indemne.

Mais nous, qu'allons-nous faire de cette histoire qui date déjà de cent-vingt-ans ? Peut-être est-elle universelle ? Peut-être est-elle tout simplement actuelle... Et si ce n'était pas Denver, et si ce n'était pas 1895, l'univers que nous décrit Benjamin Whitmer ?

J'ai vu ici une manière de nouer non seulement un lien à l'enfance, mais à d'autres choses aussi.

Dans cette enfance orpheline qui avance et se construit à chaque pas, j'ai entraperçu l'univers de Dickens...

La violence est présente dans les bas-fonds de ces pages, mais dit simplement ce qui est. Ici des enfants au quotidien sucent un os de poulet à longueur de journée en attendant que la faim s'en aille à n'importe quel prix...

Oui, ce livre fait mal, le texte est âpre, abrupt, certaines scènes sont totalement insupportables, comme la vie d'ailleurs, mais comme la vie aussi il y a des soubresauts de tendresse infinie et Benjamin Whitmer a un talent inouï pour nous livrer des phrases fulgurantes taillées comme des pépites dans le tréfonds des nuits sordides...

Les personnages de Sam et de Cora sont beaux, ils portent le roman. Cora se donne coeur et âme, sans concession, pour protéger les petits, elle est comme une sœur, comme une mère pour eux. Sam est à ses côtés, il devient un homme, transi d'amour pour Cora, posant parfois sa tête sur l'épaule de l'adolescente, regardant tous deux les éclairages de la ville en bas, ou bien peut-être les étoiles en haut. Qui pourra dire quelle lumière est l'écho de l'autre ?

Sam devient homme, mais devenant homme c'est comme si brutalement il s'éloignait aussi d'elle, entrant dans l'univers des hommes de Denver, la jungle, l'envers, l'enfer... Car il faut vivre, rapporter de l'argent pour nourrir les petits, il faut passer de l'autre côté du versant, là où c'est sordide, les bas-fonds, les tripots, les prostituées, les riches, les lynchages, les flics aussi voyous que les gangsters... Entre l'amour et la brutalité d'une ville, Sam oscille dans cette ambivalence et c'est sans doute ici la puissance du récit, dans cette fascinante oscillation entre deux mondes incompréhensibles et qui se côtoient sans cesse, couturés l'un avec l'autre.

Ce livre est une hymne à l'enfance, aux laissés-pour-compte, aux déchirements qui pèsent dans nos vies...

On lit et puis brusquement Benjamin Whitmer déchire les pages, surgit entre les lignes, nous saisit à la gorge, nous prend au col, ne nous lâche plus, nous entraîne dans la fracture qu'il vient d'ouvrir entre les mots... On est juste essoré et on se dit même, une fois la lecture finie, que cette histoire va nous hanter dans le sang jusqu'au bout de la nuit...

Il y a ici comme un récit initiatique, cruel comme le passage de l'enfance à l'âge adulte. Déjà en temps ordinaire, cette transition n'est pas toujours sans douleur, mais imaginez un peu ce cheminement dans les bas-fonds de Denver, en 1895, et sous la plume de Benjamin Whitmer. Décoiffant !

Merci infiniment à Babelio et à la maison d'éditions Gallmeister pour m'avoir fait rencontrer ce magnifique livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Commenter  J’apprécie          6313
Les Dynamiteurs

Denver Colorado, 1895, ils sont une bande d’orphelins qui ont investi une usine désaffectée. C’est leur refuge. Ils survivent de menus larcins et de débrouillardise. Cora et Sam sont les meneurs de cette troupe à la dérive. Un soir, un groupe de clochards les attaquent afin de prendre possession de leur abri. L’intervention d’un géant au faciès pour moitié défiguré les sauvera d’une déroute certaine, il s’appelle Goodnight, est muet et traine lui aussi une histoire tragique. Il entrainera involontairement Sam dans une suite d’aventures toutes plus féroces les unes que les autres et vers son destin.

Ils sont les raclures d’une société dévoyée. Leur ensauvagement n’est que le fruit de leur marginalisation par la communauté parce qu’ils ne sont pas les enfants d’un modèle social conventionnel, parce qu’ils ne remplissent pas les critères de l’Amérique blanche, parce qu’ils ne sont pas nés au bon endroit. Analphabètes, récalcitrant aux lois de la collectivité, ils vivent animés par la haine des autres mais aussi avec un farouche instinct de survie. Ils ont atteint le point de non-retour à tel point que la notion d’intégration provoque en eux un rejet violent. Ils foncent vers un avenir qu’ils ignorent, mais ce dont ils sont sûr c’est qu’il ne leur fera pas de cadeau. Ces laissés pour compte sont les héros du roman de Benjamin Whitmer, ce sont les « white-trash », ceux pour qui le rêve américain n’existera jamais. Ce sont les « racailles » de nos banlieues, ceux dont notre société occidentale a craché sur leurs parents et grands-parents, pour leurs origines, ou tout simplement par la peur ancestrale de l’étranger, de l’inconnu. Alors, pour toutes ces raisons, la bestialité de leur comportement s’explique, confrontés qu’ils sont à une société de consommation embourgeoisée, corrompue et ignorante, qui leur crache dessus quand elle ne les ignore pas, confrontés au monde adulte des « Crânes de Nœud » ainsi qu’ils les nomment.

Ils se sont réfugiés dans une micro société au sein de laquelle ils trouvent la sécurité, l’entraide et le pain nourricier, et où personne ne les juge.

Lorsque l’on a plus rien à perdre, la moindre parcelle d’humanité, un regard, une main tendue est un bien inestimable, mais il y a aussi ce vide abyssal qui attire vers des intentions malfaisantes et les actes les plus vils.

« Les dynamiteurs » est un roman d’une violence exquise, où la tendresse des sentiments est ensevelie sous une épaisse couche de haine et d’instinct de survie.

Traduction de Jacques Mailhos.

Editions Gallmeister, 388 pages.

Commenter  J’apprécie          626
Les Dynamiteurs

Auteur de romans noirs comme l’ébène, à l’image du très réussi « Pike », Benjamin Whitmer situe l’intrigue de son dernier opus, « Les Dynamiteurs » à Denver en 1895. Une ville gangrenée par le vice, rongée par la violence et la pauvreté, dominée par les puissants et les gangsters. Un enfer à ciel ouvert. Un tableau de Jérôme Bosch.



« Mon Denver regorgeait de bars, de putes et d’arènes de combat de coqs. Les trapézistes du Bowling de Blake Street, les phénomènes du musée des Monstres, à Eureka Hall, les avaleurs de sable du Diana. Un Denver de cow-boys et de catins et de gangsters du demi-monde. »



Une poignée d’enfants abandonnés se sont réfugiés dans une usine désaffectée. Cora, quinze ans, les protège avec l’aide de Sam, quatorze ans à peine, qui brûle d’un amour fou pour celle qui recueille inlassablement les orphelins promis à une destinée tragique. Lorsque Goodnight, un géant muet au visage défiguré par la dynamite, échoue dans l’antre de Cora, celle-ci entreprend de le soigner et de le remettre sur pied.



Cette générosité changera à jamais la destinée de Sam, le narrateur de ce récit qui nous est conté à hauteur d’adolescent, dans lequel les adultes sont nommés « les Crânes de Nœud ». Si la présence de Goodnight dissuade un temps les clochards de venir s’en prendre aux enfants réfugiés dans l’usine, elle va conduire Sam, qui est le seul à savoir lire, à devenir son interprète.



Lorsque le géant est remis sur pied et reprend son activité d’homme de main de Cole, un gangster local qui boit du whisky comme certains boivent de l’eau, ce dernier propose à Sam de les accompagner en échange d’un salaire de 10 $ hebdomadaire. Pensant aider sa bien-aimée et les innocents qu’elle tente de protéger d’un monde à la violence absurde, le jeune héros accepte la proposition.



Les activités illicites du gangster alcoolique sont menacées par les puissants de Denver qui entendent garder le monopole du vice. Pire encore, les célèbres Pinkerton ont un vieux compte à régler avec Cole et son acolyte monstrueux. En accompagnant les deux hommes, Sam va découvrir l’envers du décor, ces orgies mondaines où la haute société masquée commet les pires exactions. Il ne le sait pas encore, mais il vient de signer un pacte faustien qui le plongera au cœur des ténèbres.



Lynchages, expéditions punitives, violences gratuites et explosions à coup de dynamite vont marquer la fin définitive de l’adolescence de Sam et le précipiter dans un lieu très sombre, ce lieu sans foi ni loi où évoluent les adultes de l’acabit de Cole.



« Il était rare de croiser quelqu’un de plus de vingt ans qui n’ait pas perdu quelque chose. Le monde tordait les corps aussi salement qu’il tordait les esprits. »



« Les Dynamiteurs » pousse les curseurs du roman « noir » à un niveau rarement atteint. En situant son intrigue à une époque qui évoque davantage la fin du Far West que le début de l’ère civilisée, l’auteur confronte son héros à une violence inouïe. L’horreur qu’il a connue enfant en défendant les innocents recueillis par Cora, n’est qu’un écho lointain du déferlement de haine, de fureur et de sévices que découvre, effaré, le jeune adolescent.



Les coups portés par Goodnight brisent les os et les crânes, tandis que Cole n’hésite pas à tirer sur quiconque représente une menace. Le vortex de violence alcoolisée dans lequel évoluent les deux hommes emporte Sam dans un endroit dont on ne revient jamais, enfin jamais vraiment.



Benjamin Whitmer dynamite les codes du western en nous proposant un récit à la noirceur insondable. Une noirceur à laquelle nul n’échappe, pas même les enfants innocents que Cora, Sam et le père Tom tentent de sauver d’un monde dont la cruauté ne semble pas connaître de limites.



L’auteur pousse le lecteur dans ses retranchements en explorant la laideur infinie de l’âme humaine. Une laideur en comparaison de laquelle la laideur monstrueuse du malheureux Goodnight n’est qu’une plaisanterie. Une laideur qui ne serait pas supportable si la lueur de l’amour que porte le héros à Cora ne cessait de briller au cœur de la nuit.



« Voilà ce que je pense. Je ne pense pas que la plupart des gens tombent jamais vraiment amoureux, pas vraiment. Pour ceux à qui ça arrive, c’est comme de la dynamite dans un café. Ça souffle tout le reste de votre vie. Ça ne laisse qu’elle, assise à une table dans un coin, qui vous regarde, splendide, avec ses beaux yeux noirs. »



Commenter  J’apprécie          6131
Cry Father

«  Les enfances difficiles ne sont pas des mystères , ce sont des blocs de construction de la vie.... »



Dans ce livre l'auteur brosse le portrait noir, pétri de larmes et de douleur de deux anti- héros déchirés , à vif, magnifiques, ces vies de trois fois rien , du côté de la face sombre des USA, où losers, buveurs de bière , gens de peu flirtent avec l'illégalité entre le Colorado et le Mexique .



Il dresse un tableau concis, poétique et violent, cru , brutal et sec , tissé de dialogues justes, une narration explicite où la haine de soi et le dégoût vous poussent à boire jusqu'a plus soif lors de conversations saturées d'auto - apitoiement ....de bagarres et de choses qui vous déchirent ..

Tout d'abord Patterson , un homme rongé par la douleur, souvent abruti par l'alcool.



Marqué par le destin, il traîne sa chienne de vie depuis que son fils est mort...



Élagueur de métier, il est envoyé dans des missions d'urgence pour nettoyer les désastres naturels occasionnés lors de catastrophes naturelles diverses.

Il se réfugie dans sa cabane de la Mésa, sur les hauteurs de Denver avec pour seule compagnie , son vieux chien Sando...



Là , il boit , s'enivre pour oublier , écrit régulièrement des lettres poignantes à son fils mort où il lui raconte sa vie, ce sont les passages les plus douloureux du récit ...

Pourtant son ex- femme sait dépasser son chagrin, elle a un autre enfant d'une nouvelle union,...



Le fils de son meilleur ami , Junior , marqué par son enfance chaotique , imprégnée par l'alcoolisme de ses parents , hait son père.



Violent , bagarreur , aigri , incapable d'assumer son rôle de père, Junior, vit à l'écart de sa compagne et de sa fille ...dealer , cocaïnomane , borgne , il vend de la drogue ...se noie dans l'alcool, écoule sa meth au Mexique ..



La rencontre entre les deux va faire des étincelles , ils s'attirent comme des aimants...



L'auteur porte un regard acéré sur une société à la marge, décrit des âmes ravagées , rongées par des blessures , aborde la paternité et la perte, le deuil lors d'un tableau fascinant de douleur émotionnelle , de violence brute qui interpelle , émeut , heurte à la fois ....



Un livre percutant, sombre, à la noirceur et à la désespérance absolue ....



«  La plupart du temps, je vois ton visage, il ne me quitte pas. Et la plupart du temps , je fais en sorte que ce soit le cas. Je t'écris parce que ça me force à te hisser hors de ma mémoire pour te placer devant moi, c'est toi que je cherche ,...Je ne trouve plus ton visage nulle part ... »



Commenter  J’apprécie          596
Pike

Douglas Pike était de la mauvaise graine. Mais ne l'est plus aujourd'hui. Bien qu'il se soit rangé et ait abandonné son boulot de truand pour troquer un peu de tout et n'importe quoi, son passé le rattrape souvent. Dans cette ville enneigée et crasseuse de Cincinnati, dans ses quartiers mal famés où les prostituées et les dealers se côtoient, les nouvelles vont vite. Aussi, dès lors que sa fille Sarah, qu'il a abandonnée il y a des années et dont il est sans nouvelles, meurt d'une overdose, Dana, une pute et une amie de cette dernière, le retrouve bien vite. Accompagnée, qui plus est, de Wendy, sa petite-fille. Avec l'aide de son associé Rory, un boxeur qui rêve de gloire et de médailles, il va devoir s'improviser papy. Mais avant cela, il tient à comprendre la mort de sa fille et recherche alors les personnes qui l'ont côtoyée... Ce qui risque de déplaire à Derrick Krieger, flic corrompu jusqu'à la moelle, qui règle ses comptes à sa manière.



Des pervers, des putes, des drogués et des corrompus dans cette ville aux ruelles sombres et mal famées, aux squats fumeux et aux bars peu fréquentables. Bienvenue à Cincinnati ! Ville d'une noirceur implacable où ne luit aucune once d'espoir ou de rédemption. Benjamin Whitmer nous offre un roman noir à l'ambiance crasseuse, poisseuse et malsaine. Pike et Derrick, ces anti-héros rugueux, déchirés et malmenés par la vie, vont se livrer bataille sans merci dans ces ruelles enneigées. Gare à tous ceux qui oseraient se mettre sur leur route. De courts chapitres qui apportent un certain rythme, une écriture à la fois violente, poétique et noire et des personnages à couteaux tirés font de cette sombre histoire un roman redoutable et efficace.



Pike...Faut pas trop le chercher !
Commenter  J’apprécie          550
Évasion

C’est une bien maigre consolation de déverser son fiel d’une lecture qui fut une déception.



Je suis pourtant allé au bout de « La quintessence du noir dans la plus magnifique tradition américaine. » comme le déclare Pierre Lemaitre référence littéraire que je révère.

Je l’ai lu jusqu’à la lie, jusqu’à l’hallali, et si là est l’Amérique, je souhaite qu’il se « Trump ». J’aurai du mal à oublier que j’ai eu du mal à terminer.



L’histoire d’une traque, saturée de détraqués qui se transforme bien vite en une quintessence de l’ennui dans la plus pure tradition de grossièretés gratuites ou l’on se chie dessus à tout bout de champ tout autant que je me suis fait chier en le lisant.



Les chapitres oscillent entre Mopar le détenu amoureux, Jim le traqueur détesté, Stanley et Garrett les journalistes avides, Dayton la hors-la-loi sympa et Jugg l’adipeux directeur de prison, tous aussi empêtrés dans leur piteuse vie chaotique que dans la tempête qui sévit dans leur bourgade désespérante ou trône « Old Lonesome », la taule infame.

Je n’ai jamais vraiment réussi à m’attacher à aucun de ces personnages cabossés, frustrés, tarés. Individus stéréotypés d’une Amérique déliquescente et décadente ou les « enfoirés de négros » sont encore les cibles préférées mais pas seulement de putains de yankees sous acides.



N’ai-je pas perçu le second degré enfoui sous la tempête de neige collante tachée de vomis fétides et de giclées de jus de chique grasses piétinée par des forcenés fraichement revenus de Corée et de tout ce que ces fils de pute peuvent avoir vécu ?



« Un grand livre sur la condition humaine où, malgré le crime et la violence, il y a la beauté, la rédemption à découvrir, à chercher. » écrit François Busnel.

J’ai eu 419 pages pour chercher comme un chien enragé ces évadés damnés errant dans la forêt autant embrumée que leur crâne mais, je dois l’avouer, je n’ai à aucun moment trouvé la beauté et encore moins découvert une once de rédemption.



Je n’ai finalement décelé qu’une timide éclaircie dans ce blizzard de lecture :

« Comment se retrouve-t-on coincé dans une vie qu’on n’a jamais voulue ? Voilà la vraie question. Et elle n’a qu’une seule réponse. Personne ne vit la vie qu’il a voulue. »

Ce roman est une belle démonstration de ce qu’il peut y avoir de franchement tordu dans l’âme humaine.

Pas de « rédemption song » donc, mais une très légère « positive vibration ». Yeahhh.



Commenter  J’apprécie          5416
Évasion

Ça commence comme une histoire à plusieurs voix, des voix bien éraillées qui tentent de jouer le tout pour le tout : se faire la belle, histoire de bien finir… l’année. Il faut un peu de temps pour les entendre et les comprendre. Des paumés perdus dans le blizzard qui se livrent peu, au détour de brefs chapitres. C’est pas mal fait et on se laisse prendre par ces personnages coupables de vivre dans cette ville-prison du Colorado. Des sans-le-sou qui rampent à Old Lonesome Jailhouse, des pouilleux qui puent la merde, des malheureux de l’âme, ravagés par la haine, des triquards de la vie qu’ont jamais eu de bol, même pas celui de naître ailleurs, loin de cette taule. Et d’autres qu’ont juste pas pioché la bonne couleur à la loterie, noire-peau, rouge-sang et manque un père de vie. Et même un qu’est amoureux, dans ce trou à rats, tu le crois ?!



Ça se poursuit comme une cavale, une course à la mort à la vie dans la tempête de neige et le vent qui pénètre et transperce comme des coups de pic à glace. Ça vous lamine le cœur et la tête. Faut de l’aide, elle viendra pas forcément du cœur. C’est sans doute là que Benjamin Whitmer a fait la différence en me surprenant. Et d’un coup je me suis trouvée happée par ces personnages, tous plus fêlés les uns que les autres. Des blessés de guerre, des salopards, des blessures d’amour et des bleus de l’âme qui attendent le froid, qui n’attendent plus rien. Ouais, j’ai vraiment bien aimé Evasion. Dingue comme le titre sonne différemment quand t’as fini le bouquin…



" Personne ne s'échappe jamais de toute façon." p.269
Commenter  J’apprécie          530
Les Dynamiteurs

Un énorme coup de cœur et probablement LE coup de cœur de cette année 2021.



Whitehead nous emmène à Denver, Colorado, à la fin du XIXème siècle. Denver, ville industrielle en plein essor où champignonnent abattoirs, industries textiles et fonderies, est aussi riche en tripots, bordels et tables de jeux. Toute la pègre y gravite, dealers, malfrats, maquereaux, flics complétement pourris et politiciens véreux. En bordure de ce monde, végètent les laisser-pour-compte, clodos, estropiés et orphelins, sans oublier bien sûr, on est en Amérique, les communautés de prêcheurs qui arpentent les trottoirs et autres pasteurs avides de renforcer le rang de leurs ouailles avec ces brebis égarées.



Roman entre policier, western et critique sociale, avec certains dialogues dignes d’Audiard (je ne serai d’ailleurs pas étonnée qu’un jour ce roman soit adapté à l’écran, il est vraiment très cinématographique), notamment entre le chef des malfrats et les policiers locaux. Les personnages ont de la gueule et nous régalent à chaque instant, jusqu’à en devenir très touchants (encore un atout pour en faire un grand film. J’ai déjà des idées pour le casting tiens): Goodnight, avec sa gueule cassée dont on ne peut voir les deux côtés en même temps car le regard glisse naturellement d’un côté ou de l’autre comme une grenouille qui dérape d’un rocher ; Cole, le chef de la bande, minable entre tous ; Eat ‘Em Up Jake, un ancien boxeur professionnel dont les traits se mouvent avec une viscosité sirupeuse et Magpie Ned. Ces deux derniers, hommes de main du gang, tuent des hommes comme les petits garçons tuent des fourmis. Voilà pour la photo de groupe.



Vous y trouverez tous les ingrédients des grands romans noirs : misère, exploitation humaine, alcool, sexe et violence. Mais, et c’est là à nouveau un coup de maitre de cet auteur que décidement j’apprécie beaucoup, derrière toute cette noirceur pointe la lumière …

Commenter  J’apprécie          5115
Évasion

Ahurissant.

Je découvre Benjamin Whitmer pour la première fois avec ce roman qui ne nous laisse aucun répit ! C'est comme un "western" des temps modernes. Une affaire de règlements de comptes.



Hiver 1968. Colorado. Douze prisonniers s'échappent de la prison d'Old Lonesome. La plus longue nuit de l'année débutera pour tous ceux qui se trouveront dans leur sillage. Manque de bol, un terrible blizzard frappe la région, compliquant ainsi tant la sortie pour les fuyards que pour ceux qui partiront à leur recherche.



Cette histoire a pour décor principal l'extérieur. Les montagnes, le froid, la neige, la nuit, la faim, la souffrance, la nature dans ce qu'elle a de plus sauvage, dans ce qu'elle a de plus primitif. le blizzard séparera la plupart des évadés, chacun partant de son côté. Dans l'impossibilité d'avancer, les autres tenteront ensemble de trouver un abri temporaire en attendant que la tempête se calme, semant victimes sur leur passage. Ici, on est loin du "glamour" et de la bourgeoisie bien-pensante. Dans ce coin paumé des États-Unis où on vit à la dure et où les gens sont déjà blasés, l'atmosphère est loin d'être joyeuse. La guerre du Vietnam est toujours en cours et ses conséquences auront laissé des marques sur ses habitants. Ici, le rêve américain n'existe pas. On a perdu confiance en toute autorité et la seule justice qui compte est celle qu'on applique soi-même. La population est désillusionnée.



"Personne n'a jamais de chance dans ce putain de monde de merde. Personne, putain."



Drogue et armes font partie du quotidien. On ressent toute cette lourdeur, cette ambiance triste, colérique, négative et malgré tout, on réussit à la comprendre. Les personnages ne sont pas plaisants. Ils vivent dans un monde où l'espoir n'est pas tellement accessible.



"S'il y a le moindre truc qui risque de tourner mal, il tourne mal, toujours. Si t'as une toute petite chance dans ce putain de monde, elle t'échappe avant même que tu l'aies vue venir."



Ils naissent, grandissent et meurent dans un lieu qu'ils ont haï toute leur vie et qu'ils ne quitteront jamais. On est dans une Amérique déchirée par le malheur. Pourtant, il n'y a pas tant d'apitoiement, on ressent plus cela comme un état de fait.



"Peu importe combien d'amour il y a dans le monde, cela ne suffit pas. Pas pour la paix ni la lumière ni le soulagement de la douleur. Peu importe combien d'amour il y a dans le monde, cela ne suffit pour rien du tout."



Les évadés d'Old Lonesome ne sont pas des enfants de coeur mais ceux qui les traquent ne valent pas tellement mieux, sinon pires...n'ayant aucuns scrupules à passer au-dessus des lois pour arriver à leurs fins et les ramener, morts ou vifs. Chacun trouvera son compte dans la traque, chacun y participera pour des motifs personnels. Pour certains, il ne s'agit que de soif de pouvoir, indiquant bien qui dirige dans cette ville. Pour d'autres, il ne s'agira que de vengeance ou de voyeurisme. Ou tout simplement, ce sera un prétexte pour pouvoir défouler sa rage sur quelqu'un ou quelque chose. Juste pour se sentir mieux.



"Toutes les mauvaises choses qu'il a faites en Asie ou ici, ça a été à cause de moments comme ça. C'est la colère et l'ennui qui les déclenchent. Regarder les stupides fils de pute de la hiérarchie dire à des fils de pute qui s'ennuient à mourir d'aller faire des conneries qui ne serviront à aucun fils de pute. Vous vous retrouvez comme un chien laissé si longtemps attaché à sa chaîne que vous seriez prêt à vous trancher un membre à coups de dents juste pour sentir qu'il existe."



Chose certaine, personne n'en sortira indemne. On assiste à une chasse-à-l'homme des plus violentes. le langage est souvent très cru, très vulgaire mais qui colle parfaitement à la mentalité des gens du coin, à leur vécu, à leur éducation, à leur milieu et surtout, à comment ils se sentent au quotidien. Au début, j'ai eu un peu de mal à me repérer car il y a beaucoup de personnages, cela m'a pris un moment à réussir à trier tout le monde, je devais revenir en arrière souvent pendant le premier quart du livre. Il faut donc être concentré tout le long de la lecture pour ne pas perdre le fil. Certains passages ne sont pas très creusés mais je pense que l'auteur a laissé de côté ces aspects où justement il n'était pas si nécessaire de creuser, pour laisser toute la place aux éléments importants. En gros, il n'y a pas de pertes de temps.



Bien que d'une noirceur inégalable, pas une seconde je ne me suis ennuyée et c'est avec grand plaisir que j'aimerai lire les autres romans de Benjamin Whitmer. Accrochez-vous parce que dans tous les sens du terme, ça dérape ! Une lecture qui décoiffe où l'hiver et son climat prennent beaucoup de place, parfaite pour la thématique suggérée ce mois-ci.



LC THÉMATIQUE DE DÉCEMBRE : LE RETOUR DE L'HIVER
Commenter  J’apprécie          508
Évasion

Douze détenus se sont évadés de la prison de Old Lonesome, Colorado, en prenant quelques gardiens en otage. Parmi ces détenus, il y a Mopar, Howard, Bad News Dixon et Wesley Warrington, qui se sont réfugiés chez la vieille Pearl Greene, dont ils ont investi de force la maison, avec leurs otages. Les autres détenus, eux, se sont dispersés.



Le plan d'Howard - meneur et tête pensante du petit groupe - c'est de s'échapper de la ville et de prendre le large. Sauf qu'au fil du temps et des années, la ville de Old Lonesome s'est lentement fait dévorer par sa prison, au point d'en devenir elle-même une, que la tempête s'en mêle et que rien ne se passera comme prévu.



La sirène retentit pour avertir les habitants de l'évasion en cours et les inviter à se terrer chez eux. Et c'est le signal de la traque…



Menée par le directeur de la prison et ses gardiens, un pisteur professionnel, un journaliste en quête de scoop, un photographe et quelques habitants, elle durera une nuit entière. Une nuit de cauchemar dans le blizzard et le froid polaire de ce 31 décembre 1968, dans ce trou perdu blotti au pied des Montagnes Rocheuses. Une nuit de terreur, de violence et de cruauté durant laquelle sera mis à nu - chez les chasseurs comme chez leurs proies - tout ce que l'âme humaine peut avoir de plus vil, de plus bas, dans un déferlement de haine où s'exprimeront les rancoeurs, les frustrations et toute la malveillance fatiguée d'une poignée de personnages qui trouveront dans cette traque impitoyable un exutoire à leur médiocrité, à leurs petites vies insignifiantes et sans avenir, à leurs désillusions, à leur manque d'amour, à leurs rêves et à leurs coeurs brisés - tandis que nous sont racontées, à tour de rôle, les biographies minuscules de chacun d'entre eux.



A partir d'une intrigue tout ce qu'il y a de plus ténue - la cavale d'une poignée de détenus dans le trou du cul du monde, cette petite ville qui n'est rien d'autre qu' “un endroit où l'on échoue” - Benjamin Whitmer construit un récit d'une rare puissance auquel la nuit, le froid, la neige et la tempête où se croisent les différents protagonistes comme autant d'ombres indistinctes, apportent un surcroît d'angoisse, de malaise et d'effroi. L'écriture est somptueuse, flamboyante, d'une crudité et d'une violence sans concession, au service d'un récit totalement désespéré et d'une noirceur absolue.



Après “Pike” et “Cry Father”, Benjamin Whitmer confirme avec “Évasion”, son troisième roman, toute la maîtrise de son talent et installe encore davantage dans le paysage littéraire un univers singulier qui, livre après livre, porte la voix d'une Amérique dure, brutale, raciste et désenchantée - celle des armes, de la violence et de la haine, celle du désespoir quotidien des laissés pour compte du “rêve américain”, celle de l'alcool, du sexe sans amour et de la drogue.



Benjamin Whitmer est à mes yeux, sans conteste, l'un des grands noms de la littérature américaine contemporaine, ce que m'a confirmé ce dernier roman, “Évasion”, qui a été pour moi un énorme coup de coeur. A découvrir absolument !



[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]

Commenter  J’apprécie          503




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de Benjamin Whitmer (1205)Voir plus

Quiz Voir plus

Hearstopper tome 1/2/3/4

Qui est l'ex de Charlie ?

Ben
Harry
Tao

6 questions
3 lecteurs ont répondu
Thème : Heartstopper, tome 1 : Deux garçons. Une rencontre de Alice OsemanCréer un quiz sur cet auteur

{* *}