AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Brigitte Giraud (906)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Vivre vite

Écrire, c'est être mené à ce lieu qu'on voudrait éviter. » Patrick Autréaux



C'est par cette très belle citation que la romancière Brigitte Giraud nous entraîne dans son dernier livre, Vivre vite.

C'est la figure de l'homme disparu, l'être aimé, qui surgit dans ces pages, une vie broyée dans l'espace infime d'un instant, Claude, celui qui était son compagnon, s'est tué dans un accident de la route en moto un 22 juin 1999.

Il y a toujours un avant et un après, cette frontière qui se pose dans nos existences, qui trace un trait comme une lame de feu, tranche, coupe en deux la vie et balaie d'un geste ses folles illusions.

Un instant qui creuse une béance pour y poser des pourquoi. Errer dans cette erreur...

Brigitte Giraud connaît ce chemin de l'errance depuis vingt ans, sans larmes, avec l'acceptation du désespoir qu'on porte en silence, en retenue plutôt, détachée désormais de la tristesse qui ferait s'effondrer les digues, seul le chagrin est demeuré entier dans ce trou béant au milieu du ventre. On voudrait l'enterrer, le couvrir de terre pour de bon.

Mais à la faveur de la vente d'une maison, - une maison qui sera détruite pour tracer une route à la place, quelle ironie ! elle revient sur les pas de cette errance, refaire le chemin en sens inverse. Car c'est cette maison achetée il y a vingt ans qui est peut-être l'élément déclencheur...

Et si...

Elle questionne alors le destin, l'irréparable enchaînement des faits qui sont venus s'agréger comme un jeu de dominos jusqu'à cette moto lancée inexorablement dans sa dernière trajectoire sur cette avenue de Lyon...

Alors, sans tristesse, avec parfois même une ironie tendre, elle réécrit une autre tragédie, celle plus douloureuse peut-être encore qu'un deuil, la succession des petits événements qui ont tracé un chemin souterrain dans ce destin sournois...

Cette seconde tragédie, c'est pour moi cette inconsolable révolte devant la mort qui ne peut trouver de voix pour réparer le malheur.

« Si je n'avais pas voulu vendre l'appartement », « si nous n'avions pas demandé les clefs de la maison à l'avance », « si mon frère n'y avait pas garé sa moto pendant ses vacances », «si je n'avais pas téléphoné à ma mère ?», si…, si…

Hasard ou déterminisme ?

L'autrice remonte à rebours le cours des choses depuis cette avenue de Lyon jusqu'au jour où ils ont eu tous deux un coup de coeur pour cette maison à vendre... Tordre la réalité, modifier le cours des choses avec cela à chaque croisée des chemins qu'elle rencontre. Se dire, si...

Comment réparer cela, après coup...?

Comment arrêter la course de l'homme à la moto ? Inexorablement...

Comment effacer du paysage de l'amour cette horrible moto qui n'a rien à faire ici, pourtant elle est là, une Honda 900 CBR Fireblade surpuissante, conçue pour la compétition en circuit et non pour circuler sur une avenue lyonnaise en cette fin d'après-midi du 22 juin 1999 ? Si dangereuse que même les Japonais l'avaient interdite sur leurs routes...

Remonter le fil du temps dans cette musicalité des si...

Derrière ce procédé rhétorique qu'on pourrait trouver froid et absurde, -mécanique même, Brigitte Giraud enchaîne les kilomètres elle aussi, Vivre vite c'est aussi ce chemin à l'envers comme pour se faire du mal une dernière fois à chaque intersection, guetter l'effet papillon...

Dans ces microévénements cueillis dans la mémoire encore vive, Brigitte Giraud tente une dernière fois de les assembler comme une toile d'araignée capable de piéger le sort inéluctable survenu ce 22 juin 1999... Mais au final, c'est un fil invisible tendu en travers d'une route qui aura sectionné la vie...

Elle aussi va de plus en plus vite dans le chaos de la douleur souterraine, sur cette trajectoire vertigineuse lancée à folle allure...

C'est une lutte vaine bien sûr, quoique ce travail n'aura peut-être pas été vain dans le processus du deuil.

On voudrait parfois nous aussi fatiguer le destin... Combien de si ne nous sommes-nous pas posé ?

Je me souviens de mon père évoquant cet accident de la route où un chauffard ivre avait percuté notre véhicule à la sortie d'un virage... J'avais onze ans. Nous avions eu la vie sauve et j'ai toujours une cicatrice en travers du visage qui me rappelle ce souvenir comme si c'était hier. « Et si je ne m'étais pas arrêté un quart d'heure auparavant pour enlever mon pull parce qu'il faisait chaud », disait souvent mon père... Ma mère un brin plus philosophe disait que nos existences étaient peuplées de plein de petits événements comme cela et qui nous avaient sauvé la vie plusieurs fois et on ne le saurait jamais...

Par-delà l'idée de relier cette histoire intime au thème universel de la mort, le travail romanesque de Brigitte Giraud aura permis de fouiller tous les interstices de sa douleur et de son chagrin, ne rien laisser en suspens. Et c'est une écriture délicate, pudique, sans pathos, qui nous est délivrée ici et qui m'aura touché en définitive, pour différentes raisons...

Ironie du sort, je découvre un des chapitres du récit qui s'intitule : « Si Stephen King était mort dans le terrible accident qu'il avait eu trois jours avant Claude. » Car Claude était passionné par les livres du grand auteur américain... Alors j'ai souri car je venais de terminer quelques jours plus tôt une lecture prodigieuse, immense, 22/11/63, où un des personnages du livre s'immerge dans une faille spatio temporelle pour venir dans le passé, cinquante ans plus tôt afin de tenter d'inverser le cours des choses... Bien sûr dans ce chapitre Brigitte Giraud demeure toujours sur la frange épaisse de la réalité, mais je l'ai imaginée alors rêvant d'ouvrir dans la béance de son chagrin une de ses failles où elle aurait pu s'engouffrer, revenir au 22 juin 1999 ou peut-être un peu plus tôt d'ailleurs, quelques jours auparavant, se saisir de ce maudit compromis de vente posé sur le bord d'un bureau et le déchirer d'un geste sec, d'un coup, comme cela, comme on tranche une vie en deux...

Et puis il y a aussi la bande-son des années 90. Et cette chanson que j'ai follement aimé, le courage des oiseaux de Dominique A., - que j'ai eu le plaisir de voir en concert à Brest, elle était leur hymne à eux deux. Cette chanson ressemble un peu à ce récit, avec une émotion souterraine, je n'écouterai plus jamais cette chanson de la même manière...

Ce livre ne sera peut-être pas une grosse cylindrée du Prix Goncourt. Qu'importe, la douleur intime d'un deuil n'est d'aucun prix.

Et n'en déplaise à quelque sotte critique misogyne dérapant et se vautrant en sortie de route, je me suis alors demandé : « Et si Brigitte Giraud avait été un homme... » Ce récit est grand parce qu'il touche au coeur dans nos parcours intimes...

En cela, il y a un côté presque intouchable qui protège ce livre des bruits dérisoires du monde.

Pourquoi ceux qu'on aime traversent parfois nos existences comme des comètes ou des bolides ?

Si on pouvait les arrêter dans leurs courses, qu'adviendrait-il de nos propres vies ?



♫ Dieu que cette histoire finit mal

On imagine jamais très bien ♬

♫ Qu'une histoire puisse finir si mal

Quand elle a commence si bien ♩ ♩ ♩

Commenter  J’apprécie          5916
Vivre vite

Brigitte Giraud revient sur l'affreux évènement de sa vie qui lui a enlevé son mari, Claude dans un accident de moto. Une moto trop puissante qu'il avait empruntée dans un coup de folie, de désir de liberté. Elle était à ce moment à Paris pour mettre au point l'édition de son futur livre, au mois de juin 1999. Il sortirait en automne.

Ce roman-ci sera une longue liste de SI..., une remise en question d'évènements qui auraient pu se passer et éviter le drame.

D'abord, elle se culpabilise en ayant entraîné son mari dans trop d'obligations pour la maison qu'ils avaient achetée , elle se culpabilise beaucoup trop pour d'autres raisons qui devraient rester anodines comme celle d'avoir laissé son frère emprunter son garage pour y ranger cette moto trop puissante.

Ensuite, elle enchaîne sur des motifs plus éloignés comme la responsabilité du constructeur de la moto, un industriel japonais.

Elle ira même jusqu'à évoquer l'accident de Stephen King survenu la veille. Elle cherchera tous les petits points minimes qui auraient pu éviter la perte de cet homme qu'elle aimait tant.

Le passage que j'ai le plus apprécié, c'est quand elle décrit la joie de vivre de celui-ci avec son fils, son métier à responsabilité mais sans prise de tête.

Oui, un personnage bien sympathique, Claude : mort comme s'il glissait sur une peau de banane. C'est une expression qu'elle emploie.

Elle termine son récit , pas plus sereinement mais plus réalistement, en se culpabilisant beaucoup moins, en voyant l'évènement comme il s'était passé.

Un motard qui voulait essayer une grosse machine dans un moment de sensation de liberté et même pas étant donné qu'il est mort sur un wheeling non voulu en démarrant à un feu rouge.

Ce qui m'a beaucoup plu dans le roman de Brigitte Giraud, c'est qu'on peut s'approprier la lecture à notre façon, suivant ce qu'on ressent.

Une histoire simple à lire mais bien difficile à vivre.

Personne ne mérite de vivre un tel arrachement et si elle en parle encore aujourd'hui, c'est certainement qu'elle le voit d'une autre façon, que le mal évolue avec elle.

Guérit-on jamais d'un tel choc ?

Commenter  J’apprécie          595
Vivre vite

L'auteure se trouve dans l'obligation de vendre sa maison. Obligée de changer de lieu, de tourner la page, elle souhaite revenir une dernière fois sur la mort de son compagnon Claude, il y a vingt ans. Ils venaient d'acheter la maison qui devait être celle du bonheur, leur offrant un bout de campagne en pleine ville. Une maison restée longtemps inhabitée qu'il fallait rénover. Claude a eu un accident de moto en allant chercher leur fils à l'école. Brigitte et leur fils ont emménagé sans lui. Elle nous explique le chaos d'après mais aussi le bonheur d'avant, leur vie simple mais savoureuse, leurs origines sociales. Brigitte explore, dissèque cette journée fatale. A coups de “si” elle tente de savoir si cette journée aurait pu être différente.



Le premier ressenti est la culpabilité que porte cette femme depuis des décennies. Elle voulait le meilleur pour les siens, gérant, maîtrisant, aidant. Rendre service aux uns et provoquer une peine de mort pour l'autre ?



J'ai aimé l'écriture fluide d'une bonne moitié de ce récit, même avec les hypothèses d'un destin différent. J'ai eu l'impression d'assister à une longue agonie quand l'auteure essaie de retracer la dernière journée de son compagnon. Les mots, l'histoire sont posés. La nuit est profonde.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
Commenter  J’apprécie          572
Vivre vite

"Nous avions oublié que vivre était dangereux". Certes. Voici un livre qui m'a profondément ennuyé et surtout, ne m'a procuré aucun plaisir émotionnel ou intellectuel et n'a provoqué aucune réflexion. La narratrice réfléchit à la mort accidentelle de son mari et se demande, durant tout le roman la cause de ce décès, interrogeant sa propre responsabilité à travers plusieurs chapitres portant la condition "SI" : "Si je n'avais pas visité cette maison" ; "Si mon frère n'avait pas garé sa nouvelle moto dans le garage" ; "Si l'heure des mamans n'avait pas aussi été celle des papas"... La mort d'un proche provoque le plus souvent un profond chagrin et bouleverse les vies mais si Annie Ernaux a su écrire, à travers l'ensemble de son oeuvre, les difficultés de la vie de façon factuelle, favorisant en cela un écho chez le lecteur par la place qu'elle lui laisse, Brigitte Giraud nous raconte sa vie (ou celle d'une narratrice) sans laisser cette place si nécessaire à la réflexion du lecteur ; au bout de 200 pages, j'ai trouvé tout cela fort ennuyant.
Commenter  J’apprécie          576
Vivre vite

Vingt ans après l’accident de la route qui lui a ravi son mari, Brigitte Giraud ne parvient pas à cesser de ressasser l’enchaînement de circonstances à l’origine du drame. Son enquête rembobine inlassablement le fil des événements, en sonde les rouages les plus imperceptibles, décortique, une à une, chacune des séquences qui ont contribué à placer Claude sur la route au mauvais moment et sur la mauvaise machine. Les chapitres composent un récit hypnotique, tendu comme un compte à rebours. Car on sait d’emblée que l’histoire se termine mal.



J’ai été touchée par le désarroi de Brigitte Giraud, son obsession des scénarios alternatifs dont la réalité a bifurqué, son impuissance à conjurer l’engrenage tragique en réécrivant l’histoire. La méthode, la précision compulsive avec laquelle procède l’autrice a quelque chose de poignant.



Je me suis attendue à ce que cet acharnement contrefactuel donne un sens aux choses, contribue à décanter des causalités, voire des responsabilités. Pourquoi est-on aussi pressé de vivre, d’acheter une maison, de déménager, de céder aux demandes de son éditeur ou de son amie ? Comment une moto jugée trop dangereuse pour être commercialisée au Japon a-t-elle pu être exportée vers l’Europe ? En réalité, les spirales de pensée qui se referment inexorablement sur Claude dessinent moins un fil conducteur qu’un entremêlement chaotique de hasards, de décisions apparemment anodines, de choix de vie et de société.



Les mots de Vivre vite retiennent aussi et surtout un temps révolu, ravivent un homme mélomane et passionné, un amour dont l’autrice peine à faire le deuil.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
Commenter  J’apprécie          563
L'amour est très surestimé

Onze voix, onze histoires d'amour et de désamour...

C'est la fin de notre histoire d'amour. Quand cette fin a-t-elle commencé ? On se pose la question de savoir si cet amour a réellement commencé...

Une femme regarde son mari avachi sur le fauteuil, elle lui dit qu'elle le quitte mais ses paroles, il ne les écoute pas, elles l'endorment...

Un couple se sépare et toute la vie familiale s'en trouve bouleversée. Comment et quand l'annoncer aux enfants que papa et maman ne s'aiment plus mais qu'ils les aimeront toujours ?

La femme d'un grand écrivain se remet en question. N'a-t-elle jamais été à la hauteur de ce que lui attendait d'elle ? N'était-elle là que pour lire et approuver ses manuscrits ?

Une autre femme se pomponne pour un rendez-vous galant. La mise en scène de la rencontre est bien huilée mais au final, ce sera un fiasco...

Une belle histoire d'amour qui se finit, il est l'heure de faire les comptes. le mari est dans le salon, venu récupérer les vestiges de cet amour...

La fin de l'amour, c'est aussi quand l'autre n'est plus et sans lequel on trouve difficilement sa place...



Brigitte Giraud nous raconte ces quelques histoires avec une certaine lucidité et porte un regard parfois triste, dramatique ou plus léger. Tout en douceur et parfois dans la douleur, l'amour se volatilise, se perd dans les baisers furtifs, voudrait renaître dans des baisers volés. Ces onze histoires nous ramènent à notre propre conception de l'amour. L'amour est-il surestimé ou mal estimé ? D'une écriture fine, doucereuse, mélancolique et poétique, Brigitte Giraud fait un constat parfois amer et frappe là où ça fait mal. Elle décrit sans pudeur la perte du désir, l'échec du couple ou l'inévitable reconstruction. Immanquablement, une part de nous-mêmes se retrouvera dans une de ces histoires.



L'amour est très surestimé... ou mal estimé ?
Commenter  J’apprécie          560
Vivre vite

« Je n'étais obsédée que par une chose que je tenais secrète pour ne pas effrayer mon entourage. Je n'en parlais pas, ou plutôt je n'en parlais plus, parce qu'au-delà de deux ou trois ans, cela aurait semblé suspect que je m'entête à vouloir comprendre comment était arrivé l'accident. Un accident dont on n'a jamais expliqué la cause, ce qui fait que mon cerveau n'en a jamais fini de galoper. « (p. 18)



Si Brigitte Giraud n'avait pas eu le Goncourt, je n'aurais probablement pas lu son livre. Je l'avais eu en main plusieurs fois à la médiathèque, et à chaque fois je l'avais reposé. Il me paraissait trop sombre, trop douloureux, trop dans le deuil.

Si mes amis babéliotes ne m'en avaient pas dit beaucoup de bien, j'en serais restée là.

Si j'ai fini par me décider à sauter le pas, c'est aussi en entendant une chronique radiophonique disant que c'était un hymne à la vie. Alors effectivement, ma crainte était infondée, pas de pathos ni de ton larmoyant dans ce récit. Beaucoup de patience, de douceur, de délicatesse dans cette incroyable histoire d'amour entre Brigitte et Claude. Une histoire d'amour telle qu'il semble que l'accident de moto qui a tué Claude s'est déroulé quelques jours avant à peine, tant sa présence est encore vivante dans le coeur de l'autrice. Pourtant, cet accident a eu lieu il y a maintenant plus de vingt ans.

Si, discrètement, à la fin du livre, Brigitte Giraud indique avoir rencontré un nouvel amour, on peine à la croire, tant sa déclaration d'amour à Claude est belle, et son amour intact.

Si ce récit m'a parlé, c'est que ce texte simple porte en lui, fort malheureusement, une part d'universel. Combien de familles dévastées tous les ans par un accident de la route ? Ces familles nous en avons toutes en tête, parfois tout simplement la nôtre… La scie des si, chacun a fait de même avec des phrases pas tellement différentes et beaucoup moins d'imagination quand l'accident survient sans crier gare.

Si j'ai apprécié ce livre dont la lecture a été facile, ça ne sera pas cependant un coup de coeur, il m'a manqué de l'émotion, des mots marquants, il s'oubliera je pense assez vite …

Si vous le permettez, je dédicace ce billet à tous les fantômes auxquels je pense très régulièrement. Avec des si, …. iIs seraient encore là.

Commenter  J’apprécie          548
Vivre vite

♫ Y a quelqu'un qui m a dit ♫ :

- "Lis-le ; tu verras, c'est magnifique ! A partir d'un drame personnel ( la mort en moto, de son mari , il y a vingt ans), elle en fait un truc universel."



L'appartement qu'on achéte, parce que la pierre , c'est un bon investissement.

Puis l'appartement qu'on revend parce qu'il est trop petit, qu'on veut un jardin, qu'on s'embourgeoise. ♫Madame rêve♫, de travaux d'embellissement, de déco, de murs à repeindre, de trucs à décaper. Mais madame culpabilise encore vingt ans après et nous livre l'enchainement des circonstances qui ont causées la mort de son époux bien-aimé , en égrainant les "si" et en déroulant les faits chronologiquement , implacablement , dans toute leur horrible banalité.





SI, elle n'avait pas voulu déménager, si elle n'avait pas réussi à avoir les clefs plus tôt. Si son frère n'avait pas mis la moto dans leur garage. Si la France avait interdit ce modèle de moto... Si son mari n'avait pas enfourché la moto...

( Là, j'avoue, Brigitte, sur le chapitre de la "moto -interdite- mais-pas-chez-nous", j'ai sauté des lignes.

(Vois -tu , aux motos, je préfére Babelio...)



Mais bon, je continue, Brigitte, vaillamment. Ton mari , ça avait l'air de quelqu'un de bien. Toi aussi. On a les mêmes références, tu sais et ça aide à entrer en empathie...

Ta douleur (vingt après...) est palpable. Tu es touchante Brigitte.

Très .

( Chez moi, on dirait que "tu me fends le coeur." ).

Et tous tes " SI", dans les dernières pages m'ont mis de l'eau plein les yeux...

Tu avais déjà écrit un roman sur la mort de ton mari, mais tu as éprouvé le besoin, de recommencer.

Parce que " La Maison" est encore une fois d'actualité.

Un promoteur gourmand menace de grignoter le soleil de ton jardin, alors le roman commence avec la vente de cette fameuse maison, celle que vous aviez acheté à deux, mais que tu as habité seule avec votre fils, la faute au destin, ou à pas de chance.



Et du coup , cela donne une construction remarquable au roman : la boucle est bouclée. le roman commence là où tout s' était fini... Une p... de bonne idée de plan !

La maison sera détruite, comme si ces vingt ans n'avaient pas existé. Pffffft... C'est dérisoire, parfois, le matériel...



Presque un journal, presque un portrait du disparu, presque un cadeau pour ce fils qui ne grandira pas avec son père. Un roman, presque comme un héritage, un album photo. Ce roman est un roman sur un disparu. Un roman, dont tu ne savais pas en le commençant, qu'il t'apporterait le Goncourt, la reconnaissance, une visibilité.



Car l'histoire des "SI" n'est pas finie, Brigitte...

SI ton Claude n'était pas mort, tu ne l'aurais pas écrit, tu n'aurais peut-être pas eu ce prix.( Mais tu aurais sûrement préféré...)

Mais s'il n'était pas mort, tu aurais écrit autre chose, tu aurais peut-être eu un prix etc...

SI, si , si...

On ne saura jamais.





Est-ce que ça méritait le Goncourt ? Je ne sais pas. C'est dur de juger, j'ai l'impression de juger ton chagrin...

Certains passages sont "chiants", certains sont plats, factuels, d'autres sont pleins de grace...



Certains lecteurs préféreront des auteurs capables de bâtir un monde imaginaire, trouveront que cela nécessite davantage de travail, d'imagination, de talent. Je crois que je fais partie de ceux-là. Mais après tout ce chagrin étalé ( palpable encore 20 ans après, même s'il est si digne), je me sens un peu minable de penser ça...



















Commenter  J’apprécie          5417
Vivre vite

L'expropriation que va subir l'auteure va l'amener à se souvenir des conditions de l'achat de la maison , 20 ans plus tôt et des circonstances qui ont coïncidé à la mort de son mari.

Dans une quête intime , elle va égrainer tous les faits qui eurent lieu et qui auraient pu changer la face du destin si au moins l'un d'eux ne s'était pas déroulé.



Vivre vite , lire vite et sans doute oublier vite. L'idée est intéressante, la quête attendrissante et comme tous les individus qui ont été frappés par l'injustice de la mort autour d'eux , se demander si quelque chose aurait pu dévier la course du malheur est légitime.

Voilà, il y a de bons moments , notamment cette analyse d'une chanson de Death in Vegas (ah, s'il ne l'avait pas écouté) qui est vraiment rayonnante. Quelques souvenirs aussi qui sont remontés , comme ce groupe Marc Seberg qui a bercé mes 20 ans et dont je ne me souvenais plus.Rien que pour ça , j'ai eu raison d'ouvrir ce livre.

Après c'est bien écrit mais tous ces si n'ont aucune raison d'être, un accident est un accident. Il s sont sans doute plus prétexte à une thérapie de l'auteur, phénomène qui me semble récurrent dans cette sélection du Goncourt. Devers écrit peut être mal mais au moins il a de l'imagination.

Voilà lecture facile , agréable et oubliable.
Commenter  J’apprécie          546
Jour de courage

Nous sommes dans une banlieue lyonnaise de 'classe moyenne', en Terminale ES (Eco-Socio). L'année scolaire touche à sa fin. Ce vendredi matin, Livio a une heure pour présenter son exposé en cours d'Histoire. Il a choisi le thème de la censure nazie et des autodafés. A ce titre, il évoque l'oeuvre de Magnus Hirschfeld (médecin juif et homosexuel), et la destruction en 1933 de ses textes sur la sexualité - textes à 'l'esprit non allemand' (sic).



Jeune Livio, je salue ton travail de recherche, tes idées, et ton courage.

Le sujet que tu as choisi était casse-gueule, il t'impliquait, et comme tes camarades ne semblent pas très ouverts ni curieux pour des lycéens de filière littéraire, tu as pris des risques en te dévoilant ainsi.

Ton exposé n'était pas toujours passionnant, tu as trop digressé, d'ailleurs la prof était aussi intéressée qu'inquiète ; certains élèves ont trouvé le temps long, perdu le fil par moments - moi aussi, parfois.

J'ai eu d'autant plus de mal à t'écouter que cette intervention publique ne te ressemble pas : « C'était étonnant de voir Livio dans ce rôle, lui qui était du genre silencieux. » Alors je n'y croyais pas vraiment.

Mais, jeune homme, tes questionnements et ta souffrance m'ont quand même émue, et j'ai mal compris que tes parents ne les aient pas perçus. Même si je sais que plus les difficultés sont proches, moins on est clairvoyant.



Lecture fastidieuse, voire ch!ante comme un exposé scolaire maladroit. Est-ce la force de ce texte, de nous rendre palpables le malaise de Livio, de Camille, de la prof, et l'ennui de certains élèves avachis ?

L'intention de l'auteur est louable, Br. Giraud soulève des questions importantes, surtout pour cet âge charnière - minorité indésirable à guérir/emprisonner/éliminer, homosexualité, liberté d'expression, intégration familiale & sociale, exil contraint : « Il se rendit compte en le disant que l'homosexualité était la seule minorité qui ne trouve pas forcément de réconfort auprès des siens. C'est la seule communauté qui se construit la plupart du temps hors de la famille. Et parfois contre. Tout le monde [dans la classe], ou presque, hochait la tête face à cette idée d'exil, tout le monde mesurait la violence d'être mis dehors, d'être chassé ou de devoir se chasser soi-même. »

Bref, le sujet est intéressant, rien à redire, mais le ton est pesant - volontairement ? comme la lourdeur qui précède un orage ?



De cette auteur, j'avais beaucoup aimé 'Marée noire', 'Nico', 'Une année étrangère', 'Un loup pour l'homme'.

___



PS : encore des coquilles chez cet éditeur !

Flammarion serait mauvais élève en syntaxe ?
Commenter  J’apprécie          541
Un loup pour l'homme

Comme beaucoup de jeunes hommes de sa génération, Antoine doit tout quitter pour aller en Algérie. Nous sommes en 1960, il a une vingtaine d'années, sa femme attend leur premier bébé et lorsqu'elle a exprimé son refus de mettre cet enfant au monde seule, le médecin suisse consulté n'a pas voulu pratiquer une IVG : « Si toutes les femmes de soldats avaient avorté, la terre serait dépeuplée ». Et puis « l'Algérie, ce n'est pas la même chose qu'une guerre », assure-t-il.



De guerre, il n'est en effet pas question officiellement, on parle seulement de ‘maintenir l'ordre', de 'pacifier'. Antoine part, laissant à Lyon sa femme et le bébé à naître. Il a choisi d'être infirmier : « Il n'était pas d'un tempérament guerrier, il préférait soigner ».

En effet, on ne lui demande pas de prendre les armes. Il travaille dans un hôpital de guerre, et est parfois envoyé sur le terrain pour soigner des blessés ou ramasser des cadavres. Mais ces corps abîmés ou détruits ne mentent pas et lui parlent bien d'une guerre sauvage, eux, pas d'un simple ‘maintien de l'ordre'.



❤ Superbe livre ! le plus beau que j'ai pu lire jusqu'alors sur cette guerre d'Algérie encore taboue, ‘faite' par mon père bien malgré lui, et dont il ne parlait pas, sauf pour justifier son aversion pour les oranges – je comprends pourquoi en suivant Antoine, cet homme si jeune, doux, bienveillant et sensible, immergé dans l'horreur.



--- « Il y a ceux qui auront fait l'Algérie, et les autres. Il y a ceux qui auront vu, et ceux qui auront perçu les événements en lisant les journaux, en écoutant les conversations sur le zinc, en se contentant de parcourir leurs lettres mensongères. »

--- « Les mois qu'ils viennent de vivre seront comme un secret, une expérience embarrassante qu'ils tairont instinctivement. […] Ils sont priés de ne plus y penser. De chasser le mauvais rêve d'un revers de la main. La guerre d'Algérie n'a pas eu lieu. »



On voit le flou dans lequel l'armée maintient ces appelés pour les apaiser ou les manipuler. Ils sont moins informés que leurs proches restés en France, la réalité leur apparaît progressivement - attentats en Algérie et à Paris, représailles, 'ratonnades', torture...



Brigitte Giraud évoque joliment l'amitié, les confidences, l'amour, les lâchetés, les remords, le désespoir et l'autodestruction. Les détails du quotidien et les sentiments plus ou moins avouables donnent au récit une grande justesse : la jalousie envers les chanceux restés en France, le besoin soudain d'un fils d'échanger avec son père, parce que lui aussi a connu la guerre ; les lettres qu'on envoie, dans lesquelles on ne dit pas tout, où l'on rassure, et celles qu'on reçoit : « Le bonheur devant la phrase d'une mère, qui pour la première fois laisse deviner son amour, et à qui en retour ils tentent d'exprimer, sans trop s'épancher, l'attachement qu'ils n'ont jamais eu l'occasion de nommer. »



Une lecture à partager, notamment avec nos grands enfants. Contrairement aux deux ou trois précédentes, leur génération et celle de leur père ont été jusqu'alors épargnées par la mobilisation de civils. Une chance inouïe...



■ L'écriture et la sensibilité de Brigitte Giraud m'avaient déjà beaucoup touchée dans 'Nico' et 'Une année étrangère' (autres thèmes, autres blessures).



♪♫ la guerre selon Rimbaud, Vian, Reggiani : https://www.youtube.com/watch?v=xTMCWN2WrsA
Commenter  J’apprécie          540
Avoir un corps

Avoir un corps, en prendre conscience, savoir l'accepter voire l'aimer, se plier aux dures lois de la nature qui font que celui-ci se transforme, qu'on ne se reconnaît plus parfois. La narratrice nous raconte la trajectoire de ce corps, de son corps d'enfant qui change immanquablement. Enfant étriquée dans ses robes de princesse alors qu'elle ne rêve que d'un simple short, adolescente mal dans sa peau qui apprend bien vite que ne plus manger permet de le maîtriser, jeune fille qui découvre les toutes premières fois avec un jeune homme, qui se dévoile peu à peu, qui laisse les mains de l'autre le caresser et en prendre possession, jeu dangereux parfois lorsqu'on le connaît à peine. Puis vient le temps de l'apprivoisement, de l'acceptation, du garçon qui entre dans sa vie, qui l'accepte entièrement.



D'une écriture élégante, Brigitte Giraud nous livre son histoire, intimement et sans complexe. Ce corps mis à nu, dépouillé, presque analysé lui permettra par petites touches de le ressentir et se rendre compte à quel point le corps et l'esprit sont étroitement liés. Tel un journal intime, elle se livre délicatement, sans voyeurisme, avec un certain recul pour nous faire partager ses craintes passées, ses questionnements et l'apprentissage de ce corps. Avec des mots doux, une écriture raffinée, ce roman permet à tout lecteur de se reconnaître dans cet écrit et de faire son propre bilan quant aux relations qu'il entretient avec son propre corps.



Avoir un corps... et une âme...
Commenter  J’apprécie          540
Vivre vite

J’ai écouté mille fois des mélodies lancinantes, des guitares saturées et des voix de femmes qui ânonnent : fa-mi-ré-fa-do-ré, pendant que des cœurs font : la-la-la-la-la-la mais jamais, jamais, je n’avais lu de roman nourri de : si-si-si-si-si-si… 23 « Si » dont un seul aurait pu empêcher une horrible tragédie et laisser se jouer la mélodie du bonheur.

Ce roman est le questionnement inéluctable de Brigitte Giraud pour repousser la responsabilité sournoise qui s’immisce dans chaque phase qui précède l’accident d’un proche.

Claude, son mari, s’est tué en moto. Wheeling fatal en 900 CBR Fireblade.



20 ans plus tard, elle partage sa tristesse et son émoi, cherche les causes du drame et recommence sans fin les épisodes où les « si » auraient pu faire plier le destin.

Ce roman fait également revivre l’année 99 en musique, Claude était responsable de la discothèque de Lyon : Blur ou Oasis, PJ Harvey ou Dominique A, Iggy Pop ou Death in Vegas. Toute une époque imprégnée de New Wave où Chirac croquait encore des pommes et s’enfilait des « Corona », où Elie Kakou me faisait mourir de rire avec Mme Sarfati pendant qu’il mourrait du Sida et où Paco Rabanne prévoyait que pendant l’éclipse, si la station Mir s’écrasait sur la terre, ce serait la fin du monde.

Brigitte Giraud l’a réellement souhaité tellement sa douleur fut forte.

Finalement : « Noël au balcon, Paco Rabanne », j’adorais…

Il n’y a pas de « si », juste le livre de la rédemption de cette femme à la solide détermination mais de là à recevoir le « Goncourt » …

« On ne sait jamais ce qui serait arrivé si ce qui est arrivé n’était pas arrivé. »











Commenter  J’apprécie          511
Vivre vite

Je me souviens avoir lu un précédent livre de Brigitte G. ( dont j'ai lu déjà beaucoup d'oeuvres ) où elle évoquait ce drame , la mort accidentelle de son mari Claude le 22 juin 1999, d'une brutalité inouïe , c'était «  À présent » .



Un récit de deuil qui disait sa rage et sa détresse , je crois en 2001.



Une dernière fois, elle tente ——-dans ce récit tendu comme un arc ,——-en faisant pour ainsi dire le tour du propriétaire , de comprendre les événements qui y ont conduits .



Vingt ans après , une fois le désastre consommé , ces événements se transforment en «  SI » destin, hasard , coïncidences ? , une multitude de «  SI » comme un genre de litanie tout à fait obsédante , entêtante , pour les survivants , une réalité au conditionnel passé .



Signature de l'acte de vente,accident, déménagement , Obsèques .Chaos résume t- elle aujourd'hui …



Et si il avait pris sa moto, et pas le bolide rangé dans son garage par le frère de Brigitte G? .

Et s'ils n'avaient pas parié modestement sur leur avenir en achetant cette maison ?

Brigitte G rappelle que c'est ELLE surtout qui voulait bouger,….



Et si il avait su qu'il ne devait pas aller chercher son fils à l'école? Et si , et si ?

Ces «  Si » , sont une invitation au souvenir , une façon de retenir le temps encore un peu, comme si chercher des signes , des indices pouvaient donner un sens au drame .

Sans trahir et surtout sans oublier , cette enquête lui permet de tourner enfin la page, de tenter d'en finir avec la culpabilité , s'autoriser à être vivante et oser de nouveaux vertiges …



Dans ce récit pur , fascinant du mystère dont sont composées nos vies, l'auteure dépasse sans doute son histoire personnelle pour nous dire l'universalité de la perte, puis de la reconstruction .



C'est une déclaration. d'amour touchante, complice ,pudique, où chaque chapitre décrit une foule d'émotions à fleur de peau ,des bonheurs dans le souvenir , petites esquisses de sourire , invitation à retenir le temps avant l'irrémédiable , quand la vie va beaucoup trop vite ——-le couple pressé avait oublié que vivre était dangereux ——électrisé par la perspective du déménagement .

En phrases délicates elle écrit sobrement , comme à son habitude ,d'une façon moderne , complice , pudique toujours ……la puissance de l'écriture et sa vérité préservent le souvenir et mettent la mort derrière soi..



«  La maison était devenue le témoin de ma vie sans Claude » .



«  Comme si c'était un privilège ,comme si cette liberté marquait une nouvelle fois la supériorité du Français sur le monde entier. C'est eux qui les fabriquent ,mais c'est nous qui en mourons . Un peu comme les armes que l'industrie française envoie par - delà les océans » .



«  Ça fait vingt ans et ma mémoire est trouée.Il m'arrive de te perdre ,je te laisse sortir de moi…. »
Commenter  J’apprécie          515
Un loup pour l'homme

Tous les livres de Brigitte Giraud me touchent profondément. Entre nostalgie douce-amère et pensées , sentiments qui se devinent implicitement au creux des phrases , délicatesse de l'écriture, l' auteure nous emmène loin, émotionnellement et psychologiquement...



On retrouve tous ces aspects dans ce roman, consacré à la guerre d'Algérie, vue par trois personnages: deux appelés, Antoine, infirmier, Oscar, grand blessé, et Lila, la femme d'Antoine, enceinte de leur premier enfant, qui viendra le rejoindre pour un temps à Sidi-Bel-Abbès, où il est cantonné dans un hôpital militaire.



C'est la ville où est née l'auteure, et cela se sent. On peut d'ailleurs penser qu'elle s'inspire de la vie de ses parents, car le livre leur est dédié.L'atmosphère particulière des lieux, odeurs, sirrocco qui dessèche tout, boulangerie avec les meilleures montecao, garage pied-noir, tout sonne vrai. Antoine s'y rend après son travail, et y retrouvera Lila dans leur petit meublé.



La relation d'intense amitié qu'Oscar, amputé d'une jambe ,nouera peu à peu avec Antoine est très émouvante et subtilement décrite. Oscar qui souffre encore plus de ce qu'il a vécu, dans une embuscade de sa troupe contre des rebelles.



L'auteure montre bien, sans parti pris, combien cette guerre a été cruelle, dans un camp comme dans l'autre, les appelés ignoraient tout de ce qu'il se passait vraiment. Et que de sequelles dans les esprits et les corps de ces jeunes, lorsqu'ils sont rentrés en France! Personne ne pouvait comprendre leur détresse. C'est malheureusement le cas de toute guerre... Mon beau-père, appelé lui aussi, n'en parlait jamais...



Le personnage d'Antoine , spécialement, m'a émue. Il voulait soigner, aider. Son dévouement, au-delà de la fatigue , est magnifique. Et sa relation complexe mais empreinte de tendresse envers sa femme est bien rendue.



Un livre ardent et sombre à la fois, solaire et douloureux, qui laisse son empreinte en nous. Durablement. Comme cette image d'un loup protecteur, rêvé ou vrai?



Commenter  J’apprécie          5110
Un loup pour l'homme

Peut-on parler de catharsis collective sur la guerre d'Algérie par la profusion de romans dédiés à la période ?

Brigitte Giraud apporte sa pierre très personnelle à l'édifice de mémoire en évoquant une petite page d'histoire familiale: un père, jeune conscrit, une mère enceinte, une naissance à Sidi Bel-Abbès.



Le jeune appelé du contingent va faire ce qui n'est pas encore une guerre, dans une blouse blanche d'infirmier, aux plus près des blessés et des sacs mortuaires.

«Sauveur et fossoyeur».



L'auteur imagine, recompose, reconstitue quelques mois d'adaptation à un nouveau pays, à un climat, des paysages, une population multiple. La villégiature devient presque agréable, d'autant que la jeune épouse vient rejoindre son mari et accoucher sur place. Petite vie quotidienne bousculée peu à peu par une violence larvée d'attentats et de suspicions.



Ici s'évoque le bouleversement imposé par la conscription sur des gens ordinaires, peu informés du contexte politique.

Peu de combats dans ce récit, mise à part des interventions sanitaires de terrain. le quotidien est banal, répétitif, fait de compassion face aux douleurs. Des amitiés se créent, entre soldats, entre soignants et blessés. le temps semble même se traîner, dans un climat psychologique mutique et plombé.

La compréhension viendra insidieusement sur la notion de « pacification », accompagnant le mutisme des soldats, l'indicible des traumatismes, l'incapacité à partager un vécu qui les a parfois explosés en pleine jeunesse.



Un roman au style fluide, sensible, descriptif, qui touche par sa simplicité de narration et une délicate distance qui permet de tout évoquer. Si les faits n'apparaissent pas nouveaux, c'est l'écriture qui donne toute sa densité au propos.

Commenter  J’apprécie          500
Vivre vite

Je suis sidérée d’apprendre que ce livre a reçu le prix Goncourt…!

Je l’ai lu après le Bouilliez (« Le cœur ne cède pas ») et je l’ai trouvé d’une platitude et d’un ennui mortel. 

A aucun moment je n’ai été touchée, ni par l’histoire , ni par le propos.

La plume est sans saveur, je tournais les pages en essayant de m’accrocher, pour finir par lire le dernier quart en diagonale.

Autant j’ai été conquise par le Goncourt de l’année dernière , autant celui-ci m’a beaucoup déçue….

Commenter  J’apprécie          494
Vivre vite

Voilà plusieurs jours que j’ai fini de lire ce Goncourt 22 et je n’arrive pas à donner un avis. Quand on me demande ce que j’en pense, je réponds : c’est bien, mais avec des si, si, si...

Le compagnon de l’écrivaine est décédé en 99 en moto. Retour arrière pour se dire que ce ne serait pas arrivé s’ils n’avaient pas eu plus tôt les clés de la maison achetée, si son frère n’y avait pas laissé sa moto, si, si, si.... De jolies phrases, attendrie d’apprendre que Jean-Marc Roberts, malgré son travail d’éditeur et écrivain, se faisait un devoir d’aller chercher ses enfants à la sortie de l’école, effarée de découvrir qu’une moto, dite dangereuse au Japon, est autorisée sur les routes françaises par le gouvernement, plaisir de me rappeler des groupes rock de l’époque, quand même quelques si trop poussés. Notre quotidien est rempli de si ainsi que le monde entier. Mais n’est-ce pas ce qui fait l’histoire et nos propres vies ? Si ce drame n’était pas arrivé, Brigitte Giraud n’aurait pas écrit ce livre et n’aurait pas eu le Goncourt. Et si je ne l’avais pas lu je n’aurais pas donné cet avis pas terrible. Si, si, si, si....
Commenter  J’apprécie          463
Jour de courage

«  Ils avaient bien cherché la punition qu’ils méritaient » .



«  Livio se rendit compte en le disant que l’homosexualité était la seule minorité qui ne trouve pas forcément de réconfort auprès des siens » .



«  Il sombrait dans un grand vide , une sorte de vertige sans fin , un genre de tristesse compliquée dont il était seul responsable » .

Trois extraits de ce roman instructif , à la fois pesant , douloureux mais efficace , concentré , au propos intéressant , au point de vue historique parfaitement étayé comme sait le faire Brigitte G dont j’ai lu déjà plusieurs ouvrages avec grand plaisir .

Où comment parler de l’homosexualité avec pudeur , sans excès d’émotion ?

Comment éviter le mensonge et la dissimulation , comment faire face à la famille et aux amis ?

Comment trouver le bon sens et le courage , l’audace même de parler sans se heurter à une condamnation ?

Livio commence un exposé en cours d’histoire, il a choisi le thème pas facile de la censure nazie et des autodafés , il évoque l’incroyable parcours de Magnus Hirschfeld , ce médecin juif célèbre, homosexuel connu pour ses études sur la sexualité , fondateur des mouvements de libération sexuelle , qui lutta pour l’égalité hommes - femmes dès le début du XX° siècle .

Mais sous le regard interdit des élèves de sa classe Livio accomplit alors ce qui ressemble à un coming- out.....

Pendant quarante minutes , sous les yeux de son amie Camille il dévoile sa fragilité et son impossibilité à trouver sa place , sa douleur même masquée , devant une classe aux réactions contrastées, entre désintérêt et rejet , découvre le pouvoir des mots et l’emprise qu’il peut avoir sur son auditoire

.

On apprend beaucoup , du point de vue historique : des milliers d’ouvrages dits «  décadents » ( ceux de Zweig , Brecht , Freud, Marx , Einstein Heine . etc... ) seront livrés aux flammes , balancés lors du grand autodafé du 10 mai 1933, sur la place de l’opéra à Berlin , les nazis y érigèrent un bûcher , cinquante mille personnes poursuivies , envoyées parfois en camp de concertation pour cause d’homosexualité.

La plume est très élégante , l’ouvrage engagé, percutant , sensible, émouvant et digne, l’auteure dissèque et observe les réactions des camarades, le passé permet de mettre le présent en lumière .



Un sujet délicat bien traité .



Une lecture édifiante, importante, qui touche et fait réfléchir, à l’image de bien des ouvrages de Brigitte G , dont le talent n’a pas fait défaut encore une fois , même si au début je la trouvais fastidieuse .

Un ouvrage que tous les parents et les ados devraient lire !

Mais ce n’est que mon avis , bien sûr !

J’ai peut être été un peu longue ou comment dire les choses à propos d’ un sujet aussi délicat ?

Merci à l’auteure pour son combat contre l’intolérance !

Commenter  J’apprécie          4616
Jour de courage

Un très beau roman dans lequel un jeune lycéen, Livio, profite d'un exposé sur Magnus Hirschfeld, célèbre médecin allemand connu pour ses études sur la sexualité et père fondateur des mouvements de libération homosexuelle, pour dévoiler sa propre homosexualité devant une classe aux réactions contrastées. Comme toujours chez Brigitte Giraud, la plume est élégante et le propos intéressant. Une belle découverte dans cette rentrée.
Commenter  J’apprécie          450




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Brigitte Giraud Voir plus

Quiz Voir plus

A présent

Comment s'appelle le mari de la narratrice ?

Jules
Claude
Sam

5 questions
13 lecteurs ont répondu
Thème : À présent de Brigitte GiraudCréer un quiz sur cet auteur

{* *}