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Critiques de Bruno Doucey (160)
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Ne pleure pas sur la Grèce

Il est tellement important de ne pas oublier et surtout de rappeler ces événements terribles qui se sont produits en Europe, près de chez nous, en Grèce, il n’y a pas si longtemps, en 1967. Avec Ne pleure pas sur la Grèce, Bruno Doucey le fait en mettant d’abord l’accent sur la poésie sans négliger le tragique.

Avec un immense talent, Bruno Doucey fait donc revivre l’instauration d’une dictature, celle des Colonels, le 21 avril 1967. Il faudra attendre 1974 pour que cesse le cauchemar.

En quelques jours, des milliers de personnes sont arrêtées, emprisonnées, torturées, éliminées pour une part d’entre elles, parce qu’elles sont communistes, socialistes ou simplement favorables aux idées prônant la liberté, le partage des richesses et un égal accès pour tous à la culture.

Au même moment, à Paris, un jeune homme originaire de Lyon, Antoine, est recruté par Claude Durand, éditeur, pour travailler avec Aris Fakinos et Clément Lépides, à l’élaboration de ce qui sera Le Livre noir de la dictature en Grèce.

Antoine est amoureux de Fotini qu’il a connue lors de vacances en Crète, l’année précédente. Elle lui a parlé de Yannis Ritsos (1909-1990), un poète dont elle étudie l’œuvre. Avec ces éléments, plus un subtil lien avec tous ces réfugiés qui se retrouvent aujourd’hui sur l’île de Leros, au large des côtes turques, Bruno Doucey m’a captivé et sérieusement bouleversé en faisant partager le sort de ces hommes et de ces femmes brutalement arrêtés puis traités de façon ignoble.

Les gouvernements européens sont restés apathiques devant un tel déferlement bafouant tous les droits de l’Homme. L’OTAN n’avait pas réagi non plus. Tant d’hommes et de femmes ont souffert une fois de plus à cause d’une dictature militaire qui enferme, déporte sur des îles rocailleuses sans la moindre hygiène. Des vies sont brisées, d’immenses souffrances sont causées et les dégâts sont irréparables.

Pour ne pas sombrer totalement, il y a donc la poésie, même si papier et crayons sont confisqués. Le texte est jalonné de vers signés Yannis Ritsos. L’auteur parle aussi de Mikis Théodorakis, le fameux compositeur de la musique de Zorba le Grec, lui aussi incarcéré, pour qui Yannis Ritsos va écrire « Dix-huit petites chansons de patrie amère. 1968. »

Antoine, parti en mission pour la Croix-Rouge internationale, parviendra-t-il à rencontrer Yannis Ritsos, retrouvera-t-il Fotini, son amoureuse ? Je laisse à chacun le plaisir ou la douleur de le découvrir.



Un petit peuple qui lutte

sans les sabres ni les balles

pour le pain du monde entier,

pour la lumière et la chanson. Yannis Ritsos



Prisons, pénitenciers, camps de détention, effrayante psychiatrie grecque, avec des touches pleines de force et de douceur, Bruno Doucey m’a plongé dans une atmosphère si douloureuse dont émergent heureusement les poèmes de Yannis Ritsos et de son ami Nâzim Hikmet, le poète turc.

C’est avec beaucoup d’émotion que je remercie Babelio (Masse Critique) et les éditions Bruno Doucey pour ce livre unique et tellement fort.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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La bataille du rail : Cheminots en grève, écriv..

36 auteurs pour autant de nouvelles, illustrés par les dessins de Mako.

36 auteurs engagés, car cet ouvrage polyphonique n'a qu'une seule ligne éditoriale : celle de défendre les services publics, un certain « idéal de solidarité »

concrétisé ici par le train dans la tourmente de cette nouvelle « bataille du rail ».



36 pierres apportées à l'édifice d'une lutte, puisque les droits d'auteurs sont entièrement reversées aux caisses des grévistes contre cette réforme ferroviaire 2018.

À chacun d'en juger la nécessité bien sûr, mais il fallait le préciser, car il ne s'agit pas ici d'un don seulement caritatif, mais profondément politique.



Bien sûr, ces nouvelles sont très différentes, et parfois inégales, mais toutes réussissent la gageure de parler à nous tous, qui avons en commun cet « imaginaire du rail».

Comme Didier Daenincks dont « le sang noir du monde ferroviaire coule dans [s]es veines. »



Lu en juillet 2018.
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L'éphémère : 88 plaisirs fugaces

88 plaisirs fugaces parce que ce recueil renferme 88 textes ou poèmes de l’éphémère et se termine par un article sur Ernest Pignon-Ernest, artiste du fugace avec ses images apposées sur les murs des cités.

Le grand avantage d’une anthologie, c’est la diversité qu’elle nous offre en nous révélant les textes de nombreux poètes, chanteurs écrivains de France et du monde que nous n’aurions peut-être jamais découverts.

Chaque chapitre constitue une strophe de l’acrostiche du mot EPHEMERE. Et chaque poète donne sa voix à l’instant, l’envol, l’humanité ou encore le rêve ou l’énigme.

Pour Arnaud Savoye, l’éphémère est « Né naïade / Cruelle et sans pitié » tandis que Mireille Fargier Caruso dit de lui qu’il « donne plus de saveur à la durée »

« Que dit le temps ? /Que dit la neige ? » interroge Brigitte Broc tandis que Jeanne Benameur écrit « Les mots nous habitent /Nous sommes leur logis éphémère »

Mais qui est cet éphémère ?

L’eau qui coule et sur laquelle Katerina Apostolopoulou ne veut pas pleurer ?

Ou cet enfant qui vient de naitre dont Elizabeth Grech dit

« Tu es sorti de moi/Mais tu n’es pas à moi /Tu es toi »

Pour Hermann Hesse, les mots « semblent très vieux et sont quand même tellement remplis d’éphémère.

Chaque poète nous donne sa version de l’éphémère et ces instants fugaces de lecture sont de vrais bonheurs. Les thèmes traités sont éphémères mais le livre, lui, ne l’est pas, heureusement pour nous lecteurs qui pouvons tout à loisir picorer cette ribambelle de poèmes.

A la fin du recueil, une biographie des auteurs est bienvenue.

Un joli recueil à lire…sans attendre !

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Ne pleure pas sur la Grèce

« Ce matin-là les enfants ont rendez-vous avec le vent »



Sur une petite île grecque, ils font ce que tous les enfants du monde font : ils explorent, avant que les années et les désillusions les fassent abandonner leur quête vagabonde. Et pourtant le voyage ne fut pas sans péril. Sur l'île, un bâtiment abandonné est le dernier rempart de l'aventure, mais faut-il s'y risquer ?



Flash-back : avril 1967, les militaires s'emparent du pouvoir à Athènes.



Le narrateur revient de Crête, séduit par l'île et surtout par une jolie crétoise férue de poésie. Pour son premier job à Paris, il est chargé de collecter des articles pour la revue de presse d'une maison d'édition. le tri très sélectif qui en résulte est remarqué par un de ses employeurs qui en soupçonne l'origine. Et qui l'envoie sur place avec un prétexte humanitaire, pour qu'il tente de retrouver sa belle qui a disparu après quelques messages laconiques.





C'est ainsi que l'auteur nous remet en mémoire les heures sombres et pas si lointaines qui ont vu la Grèce sombrer sous le joug d'une dictature immonde, alors que tout était prétexte à enfermer toute personne suspecte de s'acoquiner avec les gauchistes.



L'enquête menée nous entraine sur les traces de la belle mais aussi de son poète élu, Yannis Ritsos lui aussi prisonnier.



Très belle évocation historique doublée d'une histoire émouvante et portée par les mots du poète.

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Des voix pour la Terre

"...

And on the day the last bird dies

There won’t be a drop from their big square eyes

An old man with his eyes just like glass

Kisses the last blade of grass

(...)

No respect for anyone

Why would they after what we done

What an example we have set, what a planet we have left

..." **





Ces quelques paroles interprétées par Rosie Bones me sont revenues en mémoire comme une évidence en ouvrant les premières pages de ce petit livre et m’auront accompagnée durant toute la lecture, en permanence, répétant l’inéluctable, scandant l’avertissement : un jour vient où un vieil homme embrassera le dernier brin d’herbe…





Que ferons-nous, ensuite ?

Nos larmes seront taries, auront cessé de couler alors que nous ne contemplerons que le désastre. Nous ne pourrons qu’essayer de nous rappeler le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles à la cime des arbres, le bourdonnement des abeilles ou encore le galop du chevreuil qui traverse la forêt…

Nous évoquerons l’image de l’ours blanc perdu sur sa banquise errante, lui que nous avons noyé en faisant rétrécir ses terres, l’image des migrations des grues cendrées et le bruit sonore de leur passage, la vue de celles-ci qui ramenaient dans leurs plumes les balbutiements du printemps, l’image des océans limpides et de leurs contenus chatoyants, le souffle des baleines et les cris des dauphins…



Il n’y aura que notre mémoire pour faire revivre faune et flore que nous aurons méprisées et détruites sans réellement de remords : il ne nous restera que des regrets…

Et ce petit livre pour se rappeler que des artistes, poètes, écrivains, chansonniers nous avaient prévenus, avaient sonné l’alarme, eux, dont les sens sont souvent prémonitions, nous avaient encouragés à être vigilants, à prendre soin…

Lisons, partageons, distribuons, faisons circuler, lire et relire ces pages, lourdes de mises en garde et cependant encore porteuses d’espérances, suivons les regards posés par ces hommes et ces femmes sensibles et amoureux de leur terre avant qu’il ne soit trop tard…



C’est peut-être déjà le cas..



Nous ne sommes que locataires d’une terre que l’on nous a confiée en nous demandant d’en prendre soin. En naviguant au fil des parties constituant cet ouvrage, nous sera-t-il donné de conjurer la marche en avant de notre indifférence et de notre insouciance qui nous mènent directement vers le dessèchement du dernier brin d’herbe ?



Un livre tout en poésie à glisser dans la poche à ouvrir comme un remède à la désinvolture, comme un gardien de mémoires dont les mots résonnent et nous enjoignent tous de la même façon : prenez-garde et agissez !



Merci Monsieur Doucey pour les choix de vos éditions et ce petit livre reçu comme un messager précieux !









** Traduction des paroles du titre « Scared for the Children »



"...

Et vient le jour où le dernier oiseau meurt

Il n'y aura pas une goutte de leurs grands yeux carrés

Un vieil homme avec ses yeux comme du verre

Embrasse le dernier brin d'herbe



Aucun respect pour personne

Pourquoi en auraient-ils après ce que nous avons fait

Quel exemple avons -nous donné, quelle planète avons-nous laissée

..."
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Des voix pour la Terre

Des voix pour la planète, voilà une idée magnifique et qui ne manque pas d’ambition. Pollution de la mer et de l’air, disparition de nombreuses espèces vivantes, réchauffement climatique, déforestation mais aussi consommation à outrance et gaspillage, tout cela pris à bras le corps par 40 poètes, chanteurs, anonymes, de plusieurs pays. Leurs textes engagés, polémiques, racontent.

« N’enlève pas à la Terre son dernier souffle » murmure Rita Mestokosho issue du peuple Innu, proche de la nature. La Terre, avec une majuscule, car elle mérite notre respect et notre admiration et la sauver est une urgence car ça chauffe.



Et cette urgence brûlante se concrétise avec une page rouge pour introduire chacun des huit chapitre de l’ouvrage.



Écosystème : « J’ai mal à la terre/ Mal aux océans/ Mal à mes artères/ Aux poissons dedans/ Mon ventre n’est plus qu’un cratère/ Géant/Béant/ J’ai mal à la terre » chante Gilles Vigneault, icône de la chanson québécoise.



Climat : « J’ai les poumons comme deux banquises » clame Florentine Rey tandis que Victor Hernandez Cruz questionne : » Atteindrons-nous le moment / Où notre chair va se ramollir/ Et cuire lentement dans l’atmosphère » Le réchauffement climatique est en marche.



Océans : Michel Baglin constate avec amertume les dégâts des eaux : « Maintenant que les fleuves n’atteignent plus la mer, que les îles sombrent à leur tour / et qu’au centre de l’océan naît un continent de plastiques à la dérive… » Car, hélas, les océans sont un vaste dépotoir et les poètes dénoncent ce plastique, qui pullule, comme Antjie Krog poétesse d’Afrique du Sud « Ô mille morceaux de coquillages bruissant autour de nos chevilles / tandis que nous ramassons des morceaux de plastique »



Dans Locataires, les poètes nous parlent de cette terre qui nous est prêtée le temps d’une vie.

« J’ai peur

De n’être pas enfant de la terre

Mais juste là, sur terre » avoue Aurélia Lassaque, poétesse occitane.



Après Écosystèmes, Climat, Océans et Locataires sont déclinés Oiseaux, Gaspillage, Idiotie et Engagement, le tout formant le mot ÉCOLOGIE.



Ce plaidoyer pour une autre planète se clôt sur le poème qui remercie la vie tout en dénonçant les méfaits de l’homme de Michel Baglin.

« Merci aux pierres, aux herbes, aux bêtes d’exister dans le silence picoré d’oiseaux »

Oui, remercions la vie sur terre et préservons la pour les générations futures.

Une lecture coup de poing à lire d’urgence et à faire lire à nos ados afin qu’ils poursuivent ce cri de révolte.





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L'éphémère : 88 plaisirs fugaces

Quel beau cadeau ! Merci beaucoup à Babelio et aux éditions Bruno Doucey pour l'envoi de ce livre, qui préfigure le thème de cette année du Printemps des poètes: l'éphémère," ce chant de l'érosion des jours", " cette fragilité consentie d'où l'on tire le meilleur de la vie", comme l'écrit si justement Bruno Doucey, dans le prologue.



Dans ce recueil, l'éphémère est décliné en acrostiche, e comme envol, p comme passion, h comme humanité, e comme enfance, m comme mémoire, e comme énigme, r comme rêve, e comme éternité. Des poètes contemporains ( et de nombreuses femmes, ce qui me réjouit!) ou pas brodent sur le thème, réinvestissent l'instant fugace, font entendre un chant fragile mais si intense. On y lit Jeanne Benameur, Yannis Ritsos, Hélène Cadou, mais aussi, moins connus, Dimitri Porcu, Brigitte Broc et tant d'autres. Un vivier réjouissant de voix poétiques.



J'ai particulièrement aimé l'association de l'éphémère avec l'envol .Ces insectes qui ne vivent que quelques jours ou semaines , libellules, papillons évoquent tellement , par-delà leur beauté délicate, un effacement programmé en écho à l'impermanence humaine. le poème de Louis -Philippe Dalembert l'illustre magnifiquement, en voici la fin:



" le papillon s'agite

volubile et fugace

pareil à ceux

de l'enfance abolie



qui lui dira

qu'au bout de tant éclaboussures

de tant d'élytres et d'antennes lustrés



qui lui dira qu'au bout du jour

à l'heure où l'air retrouve

calme et douceur

l'attend

la mort

implacable et brutale"



L'ensemble est inspiré, varié, et questionne l'ici et maintenant. En bonus, la fin du recueil nous offre quelques collages de l'éphémère d'Ernest Pignon-Ernest, qui explique aussi son travail.



" Saisir l'éphémère qui est là et s'évade " et paradoxalement céder au " dur désir de durer" d'Eluard, tel est le défi humain, son espoir absolu...



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La vie est belle

J’ai laissé, quelque temps après l’avoir lu, ce petit livre sur le canapé du salon et j’ai constaté que tout ceux qui y prenaient place le regardaient, ne pouvaient s’empêcher de l’ouvrir, et en lisaient plusieurs pages

Il est court, le beau dessin en couverture attire le regard, les poèmes de Bruno Doucey nous font rever, les illustrations de Nathalie Novi sont superbes, la mise en page est soignée

J’ai envie de m’acheter d’autres livres de cette collection Poes’histoires pour voir s’ils sont aussi réussis
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La Résistance en poésie : Des poèmes pour résister

La résistance en poésie….



J’ai une 5 ème source d’approvisionnement, celle du CDI du lycée où je travaille, en plus de ma médiathèque…,.les « achats » que je tente de circonscrire, les « surprises » de Masse Critique … et mes réserves d’écureuil dans ma bibliothèque où j’ai oublié quelques orphelins… que je re-découvre....



Ainsi, j’ai emprunté au CDI ce volume thématique de poésie, « La Résistance en poésie », édité par Magnard, pour les classes de collège et de lycée, des classes de troisième à la première…. Et surtout, pas de « moue », en lisant que c’est une édition dite « Jeunesse »… car je trouve à chaque fois une tonne d’informations, et de « pépites » inconnues !.





Ce recueil, par exemple, propose un florilège étonnant mêlant faits historiques et écriture, à travers des poèmes de grands auteurs forts connus (Neruda, Aragon, Desnos, Eluard, Prévert, Primo Levi, etc), mais les noms moins médiatiques ou carrément inconnus sont majoritaires (Jean Rousselot, Lise Deharme, Jean Malrieu, Gabriel Audisio, Madeleine Riffaud, Anne-Marie Bauer, etc)….



Nous ne pouvons que remercier abondamment ce choix très éclectique réalisé par un écrivain, Bruno Doucet et un professeur de lettres, Josiane Grinfas… Ce petit volume, très dense offre pour chaque poésie une présentation biographique succinte mais très précise du poète, avec des notes en bas de page (pour commenter, expliquer des noms propres, des étymologies…du vocabulaire).



les poésies se divisent en trois grands axes:

1.Terres de souffrances (1936-1940)

2. La résistance et ses poètes (1939-1945)

3.Poèmes pour se souvenir



In-fine, une partie d’explications, de questions pour travailler avec les élèves, ainsi qu’ une bibliographie, filmographie, CD, Internet, visites, proposés pour approfondir le sujet….



Je viens de découvrir qu’il existe le "pendant » de ce volume pour « la prose », « La Résistance en prose »… que l’on peut étudier ou lire en parallèle…



je reviens à mon simple « œil de lecteur adulte »… je souhaitais mettre en avant, parmi plusieurs « trésors », une femme infiniment courageuse,découverte lors de cette lecture . Elle s'est battue pour mettre à l'abri des enfants juifs, et elle est morte à 22 ans. Elle a défendu ses convictions et son idéal d'humanité. Le poème que je transcris ci-dessous, n'en possède que plus de force et d'émotion... devant une si jeune destinée "fauchée" en plein vol ... par la barbarie !



Il s’agit de Marianne Cohn (1922-1944)

« Marianne Cohn est allemande. Elle fait partie de ces juifs résistants, membres de l’OSE (Oeuvre de secours aux enfants), qui essaient de sauver un maximum d’enfants en les faisant passer en Espagne ou en Suisse. C’est au cours d’une telle mission qu’elle est arrêtée, en mai 1944. Elle est torturée puis fusillée le 8 juillet de la même année. «



Je vous joins ce poème bouleversant, « Je trahirai demain »



Je trahirai demain pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,

Je ne trahirai pas.



Vous ne savez pas le bout de mon courage.

Moi je sais.

Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.

Vous avez aux pieds des chaussures

Avec des clous.



Je trahirai demain, pas aujourd’hui,

Demain.

Il me faut la nuit pour me résoudre,

Il ne me faut pas moins d’une nuit

Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,

Pour abjurer le pain et le vin,

Pour trahir la vie,

Pour mourir.



Je trahirai demain, pas aujourd’hui.

La lime est sous le carreau,

La lime n’est pas pour le barreau,

La lime n’est pas pour le bourreau,

La lime est pour mon poignet.



Aujourd’hui je n’ai rien à dire,

Je trahirai demain.

(p.37-38)



Novembre 1943- Cité dans « La résistance et ses poètes », Seghers, 1974.









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Passagers d'exil

Passagers d'exil, combien de temps encore?

Impossible de dire que j'aime ce livre.

Je ne peux pas aimer ces désespérances qui hurlent, je ne peux pas apprécier ces textes comme si ce n'était que quelques poèmes jetés ici ou là comme quelques balises, quelques bouées, quelques témoignages, quelques appels de détresse.

Ces textes ce sont avant tout de la poésie, de la Grande poésie, de celle qui vient du plus profond de l'humain, de celle qui vient du dernier espoir avant que le vital ne redevienne poussière.

Poussières, celles des ruines, celles des bombes.

Des bris de rêves encore chauds mêlés aux poussières d'étoiles artificielles, semées par tous les vendeurs de larmes de la planète, viennent mourir au plus haut de la courbe d'un cil. Comme une dernière goutte de vie avant la sécheresse.

Poussières, celles de la terre. Cette terre qui ne nourrit plus, épuisée par les hommes, sèche comme leur conscience.

Débris d'enfances sur lesquels le temps n'aura pas eu le temps d'oeuvrer.

Guerres, famines, religion, pollution, économie, argent, banquiers parasites, égoïsme, pouvoir, ignorance, bêtise, que le meilleur gagne…

Je ne peux pas aimer ce livre, c'est bien plus fort que ça.

C'est un rappel toujours douloureux de la fragilité de la vie, cette vie qui ne tient à rien, cette vie dont les maîtres du monde se sont emparés. Ces enfoirés de barbus de tout poil, ces cravatés des places de marché, ces manipulateurs aux crocs acérés, ces assoiffés de toujours plus, ces exploiteurs de la misère, se sont octroyés le droit de vie et de mort sur leurs semblables.

C'est un livre que je ne peux pas aimer, je ne peux que le ressentir.

C'est un état des lieux de plus, malheureusement un peu plus nécessaire jour après jour.

C'est l'écho du rien qui vient se heurter au mur du superflu.

Passagers d'exil, comme des passagers clandestins de la vie.

Migrant, comme l'on met son avenir sous ses pas, comme l'on met son histoire dans un baluchon, comme on mendie un droit de vivre, comme si on entrait par effraction dans l'humanité.

Je ne peux pas aimer ce livre qui ne devrait pas avoir besoin d'exister, je le vénère.

Tous les cris qui s'ancrent dans les plis du papier, dans les replis de nos sociétés, me jettent à la gueule mon impuissance, ma passivité.

Un espoir tout de même.

Toutes les portes qui se ferment, tous les murs qui se dressent, tous les barbelés qui écorchent, toutes les frontières dessinées cèderont un jour quoi qu'il arrive. Le brin d'herbe arrivera toujours à bout de la dalle de béton. Il mettra le temps qu'il faudra mais la vie prendra toujours le dessus. Le fluide s'infiltrera toujours dans la fissure, pas une barrière pas un bouchon n'empêchera l'eau de couler.



Passagers d'exil c'est un recueil de poésie, l'essence même de ce qu'est la poésie. Une poésie qui rime à tout, qui rime à être libre. Liberté, égalité, fraternité, si ce n'est pas de la poésie que de vouloir y croire…

Nous sommes si fragiles…

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Frontières : Petit atlas poétique

Pour passer les frontières sans difficulté, quoi de mieux qu’une anthologie poétique ! Ce recueil, façonné par Thierry Renard et Bruno Doucey, « nous invite à lire les lignes de partage du monde comme on regarde les lignes d’une main. Avec un souci de ne pas séparer l’âme et le corps Une liberté d’interprétation. Une attention chiromancienne. »

Comme le dit la poétesse et chanteuse Sapho, « le monde est vaste » et ce recueil nous en offre un échantillonnage d’une grande richesse et variété.

On y suit les frontières tracées par l’homme, celles rendues mouvantes par la guerre. On croise des exilés, des maquisards et des passeurs, On oscille sur la ligne fragile entre vie et mort. Les frontières dressent aussi leurs murs dans l’imaginaire. On y rencontre l’autre et on y trouve aussi la liberté.



Chez Ange Alexandre Oho Bambe, « à l’intersection du réel et du rêve se trouve l’horizon, simple et délicieux »

Huh Su-kyung, poète coréen, nous parle de la tragédie de la guerre

« La guerre a éclaté

Des gens passent la frontière

Des tanks creusent des routes et des avions barrent les routes »

L’Ukraine, bien-sûr, est dans les poèmes et l’on ne peut être qu’ému en lisant les poètes ukrainiens comme Elia Yevtouchenko qui murmure : « Toute l’Ukraine est maison, et là pour chacun sa propre demeure est le cœur de la maison. »

La frontière peut-être aussi en nous, comme le clame Laura Lutard :

« Je suis une frontière et cela me plait

De me savoir abolie par les lois de l’attraction

Et leur indépendance. »



Bien pratique en fin d’ouvrage, une notice biographique de tous les auteurs cités.



Pas besoin de passeport pour franchir ces frontières-là, alors, mettez vos pas dans ceux des cent douze poètes de cette anthologie et … passez la ligne de partage en poésie.









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La Beauté : Éphéméride poétique pour chanter la vie

Dès la réception de ce livre , j'ai abandonné toutes mes autres lectures en cours... Tourbillon d'émotions, feu d'artifice de mots! Quelle merveille!



" Chaque jour, il faut repartir de la feuille blanche, plonger en soi, se mettre en quête de vérité et de beauté..." François Cheng.



La Beauté, thème universel du printemps des poètes de cette année... Déclinée mois par mois, à travers les mots d'auteurs de tous les pays, surtout contemporains. Une anthologie inspirée et foisonnante, révélatrice de talents, illustrée en noir et blanc par Robert Lobet et ponctuée par des citations très justes.



La beauté du paysage redessiné par le regard, des petits riens délicats et précieux :



" J'ai l'idée d'un poème

qui changerait l'abord

du jour qui commence

qui te ferait sentir

le rayon de lumière

frappant la feuille tombée

Qui te rappellerait

d'une suspension de l'air

la beauté qui se cache

dans ce tumulte-là "



Stéphane Bataillon



La Beauté du corps, de l'amour exultant :



" Je suis né de toi de tes vertus combustibles

Dans mon coeur je porte tes lèvres

Comme des pierreries

Au large de ta beauté "



René Depestre



La Beauté rebelle, semblant anéantie, mais toujours renaissante:



" Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps(...)

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir"



Louis Aragon



Toute cette lumière, cet embrasement d'images m'a fait tant de bien, à un moment si gris de ma vie! Merci pour cet envoi à Babelio et aux éditions Bruno Doucet , qui ont eu la délicatesse de joindre un joli marque-pages où est inscrit un acrostiche sur la beauté, et une superbe carte-poème de Maram al-Masri. Vraiment, merci!











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Des voix pour la Terre

" Gracias a la vida, merci à la vie, à la douceur des peaux émues, aux remous des eaux du coeur,

à la fleur qui s'ouvre et s'offre à l'envi, aux ivresses de jasmin, à la goutte qui perle au feuillage du matin.

Mais qui nous dira comment chanter la mer qu'on asphyxie, la forêt qu'on déboise, la rivière qui pue? "



Voilà un extrait d'un poème de Michel Baglin, l'un des derniers qu'il ait écrit, hymne à la vie mais aussi angoisse face aux méfaits humains envers la nature.



Ce recueil faisant entendre des voix de poètes pour chanter la Terre, tout en montrant les menaces qui pèsent sur elle , fait partie d'une collection riche, diversifiée, vraiment peu chère, engagée, dont j'ai déjà parlé:" Poés' ideal". Une magnifique initiative.



L'anthologie présente huit parties formant l'acrostiche du mot écologie. Des textes de tous horizons déclinent donc, par exemple le thème du climat, des océans, du locataire. Les textes en écho, souvent en prose, enrichissent le propos. On lit des auteurs aussi variés qu' Hélène Dorion, Mickey 3D, Alain Damasio, Margaret Atwood.



Un beau partage de mots pour avertir, s'engager, espérer que l'homme prenne enfin conscience des enjeux actuels pour sauver la planète. Voici , pour terminer, un extrait de l'émouvant texte de Pomme:



" Quand j'ai marché dans l'allée des séquoias

J'ai respiré en entier pour une fois

Et envoyé deux mille prières au vent

Pour nous sauver de toutes les peines d'avant



Avant la rivière asséchée

Avant que tout soit emporté

Je veux retourner dans l'allée

Entendre les séquoias chanter...(...)



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Je est un autre

Une anthologie empruntée à ma médiathèque, comprenant " plaisir supplémentaire" un CD où 19 poètes évoquent "cet autre qui nous habite"....



Une appréhension pour le début d'un nouveau travail... la lecture d'un de ces poèmes , un matin, m'a redonné un grand souffle bienfaisant. Il s'agit d'un extraordinaire poème d'amour: "Hélène ou le règne végétal" de René Guy Cadou, que je prends plaisir à vous retranscrire.





"Tu es dans un jardin et tu es sur mes lèvres

Je ne sais quel oiseau t'imitera jamais

Ce soir je te confie mes mains pour que tu dises

A Dieu de s'en servir pour des besognes bleues



Car tu es écoutée de l'ange tes paroles

Ruissellent dans le vent comme un bouquet de blé

Et les enfants du ciel revenus de l'école

T'appréhendent avec des mines extasiées



Penche-toi à l'oreille un peu basse du trèfle

Avertis les chevaux que la terre est sauvée

Dis-leur que tout est bon des cigües et des ronces

Qu'il a suffi de ton amour pour tout changer



Je te vois mon Hélène au milieu des campagnes

Innocentant les crimes roses des vergers

Ouvrant les hauts battants du monde afin que l'homme

Atteigne les comptoirs lumineux du soleil



Quand tu es loin de moi tu es toujours présente

Tu demeures dans l'air comme une odeur de pain

Je t'attendrai cent ans mais tu es déjà mienne

Par toutes ces prairies que tu portes en toi. "

p. 76)







Une très belle préface de Bruno Doucey traduit très subtilement la spécificité, et la richesse de l'écriture en poésie...



Cette anthologie est divisée en différents thèmes dont ceux de la paternité, maternité, sur "cet autre qui viendra après soi"







Ce recueil m'a enchantée; il m'a fait découvrir un grand nombre de poètes et de poétesses:



- Gabrielle Althen, Ghislaine Amon,Luc Bérimont, Jean-Marie Berthier, André Dalmas ( fondateur en 1963 de la Revue "le Nouveau Commerce" avec Marcelle Fonfreide, puis des éditions du même nom, en 1976), Besnie Deswarte ( sociologue et cinéaste), Simone Durand, Habiba Djahnine (née en Kabylie en 1968, et réalisatrice en 2006 du documentaire "Lettre à ma sœur"), Marie Fougère, Béatrice Gauthier



Des notices biographiques pour chaque poète complètent précieusement cette très riche anthologie, autour de l'Altérité...de nos altérités multiples !



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L'insurrection poétique : Manifeste pour vivr..

Ceci n'est pas une critique, autant vous le dire d'emblée. Impossible de paraphrasouiller, soupeser, décortiquer cent dix poètes, essentiellement contemporains mais pas que, de tous lieux, unis par un même " feu pour vivre mieux " selon l'expression de Paul Eluard.



Ce livre, cette insurrection poétique, toute de noir vêtue est essentielle, totalement incandescente, malgré sa noirceur. Elle éclabousse les consciences, exposant sans fard les grands problèmes de l'humanité en les regroupant en vingt-deux parties aux titres courts et chocs comme : Combattre l'ignorance, La haine je la jette, Tous égaux, Sexisme injustice, Avant j'avais un métier, Que le corps exulte, Mal à la terre, Apartheid, Homos je vous aime, Liberté j'écris ton nom...Et fort heureusement, elle est aussi porteuse d'espoir : Tous ensemble, Cap Espérance, Et pourtant je vous dis que le bonheur existe...

Cinq, six textes par thèmes, pas plus ; des notices biographiques courtes sur chaque poète présentant l'essentiel de son parcours littéraire ; puis naturellement les références bibliographiques pour prolonger la découverte.



Ça sonne diablement juste et fort, ce concert de talents poétiques !



Réunis par cette anthologie publiée pour la 17ème édition du Printemps des Poètes, en cette année 2015 qui a commencé si sauvagement, tous ces poètes portent l'élan vital de la création, la parole libre et affirmée, enflammée et salvatrice. J'y ai trouvé des pépites de tous horizons et c'est ce que j'apprécie par dessus tout : tisser des liens invisibles entre individus qui ne se rencontreront jamais pour la plupart, mais témoignent de leur belle et vivante humanité.



Comme je ne peux pas recopier tous les vers qui m'ont interpellée, je vous livre cette citation de Lawrence Ferlinghetti, mentionnée par l'éditeur Bruno Doucey dans sa préface :

" La poésie peut encore sauver le monde en transformant la conscience. "
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Ukraine : 24 poètes pour un pays

Je tiens à remercier l'opération Masse critique ainsi que les Editions Bruno Doucey pour l'envoi de ce livre. Merci à l'éditeur également pour son initiative de verser une partie des droits de ce livre au profit de l'association Aide médicale et caritative France-Ukraine.



J'ai la chance d'avoir quelques amies ukrainiennes et m'intéresse à ce pays depuis longtemps. S'il est depuis plus de sept mois sous le feu de l'actualité suite à l'invasion du pays par les forces russes, il était temps également que nous découvrions ses poètes, seul le nom de Taras Chevtchenko émergeant parmi eux.



Ce recueil s'ouvre avec un Journal à quatre mains, très intéressant, il nous fait revivre à travers les écrits d'Ella Yevtouchenko et Bruno Doucey la genèse de ce livre :



Février 2022, Ella : « Ces pensées, ces émotions, elles me déchirent, elles me hantent, et je ne trouve aucun soulagement, jusqu'à ce qu'une nuit je me souvienne que je suis poète…comme on se rend compte, au réveil en émergeant de ses cauchemars, qu'on vit et respire toujours. Et c'est comme cela qu'est né le poème par lequel ont commencé, malgré la guerre et l'horreur, beaucoup de bonnes choses dont la meilleure est cette anthologie. »



Mars 2022,Bruno Doucey : «Les mots ne suffisent plus. Il faudrait agir. Mais comment ? Que faire ? Comment se battre contre cette autre guerre qu'est le sentiment d'impuissance ? »



IL découvre alors une vidéo du Printemps de Lyon où l'on voit une jeune poétesse et traductrice ukrainienne de 26 ans, Ella Yevtouchenko, lire en français et en ukrainien un poème qu'elle écrit « au cinquième jour de la guerre », réussit à la joindre et, ensemble, ils décident de publier un recueil de poèmes ukrainiens.

Ces 24 poètes appartiennent à cinq périodes différentes :



La génération Maïdan composée de poètes qui ont grandi dans l'Ukraine indépendante après la chute de l'URSS. C'est la période la mieux représentée avec 12 poètes dont Ella Yevtouchenko elle-même qui l'ouvre avec le poème « au cinquième jour de la guerre », dans cette section, les références aux événements actuels sont évidemment nombreux avec ses moments sinistres

« nous sommes venus voir ces morts cloués à leurs tombeaux comme

des incurables à leurs lits d'hôpital »

« Je rêve parfois de cette journée d'août

et du silence

le silence déprimant de la guerre

qui dure réellement

et pas seulement en rêve »

L'on y trouve souvent des invectives à l'encore de l'ennemi « les Russes, ces salopards », avec exceptionnellement des sentiments plus doux

« le plus important, c'est l'amour

pour l'ennemi

qui vole ton histoire et ton pays »

Ne croyez cependant pas que la guerre soit le seul thème, la poésie ukrainienne contemporaine ne se cantonne pas à cela !



Les autres périodes sont antérieures ; « Au pied du mur » s'attache aux poètes nés avant l'indépendance, mais qui écrivent toujours, « Les voix de la dissidence » qui comprend certains des représentants les plus actifs du mouvement dissident ukrainien, pour passer ensuite à « la Renaissance fusillée »,avec des poètes envoyés dans des camps.

Le recueil s'achève avec « Les pionniers » consacré aux grandes figures tels Lessia Oukraïna et Taras Chevtchenko.



Le livre et agrémenté de belles illustrations d'Ilona Silvachi.



Ukraine 12 poètes pour un pays nous donne un éventail, succinct évidemment, il n'y a que 24 poètes représentant cette poésie ukrainienne si mal connue chez nous.

Tout ne m'a pas touché de la même façon, mais tous les poèmes méritaient d'être épinglés.

L'ensemble me paraît harmonieux et m'a' permis d'avoir une première approche de cette poésie, je n'en connaissais que Taras Chevtchenko.



C'est une édition bilingue, je ne connais hélas pas la langue ukrainienne mais mes connaissances de polonais et de russe m'ont permis d'y jeter un coup d'oeil.



Indépendamment de cette découverte et de ce plaisir, il était de mon devoir de m'intéresser à ce pays et à mes amies ukrainiennes.
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22

On connait surtout Bruno Doucey parce qu'il édite de la poésie. Il est aussi lui-même poète. Ce recueil sensuel et amoureux est dédié à sa compagne Muriel Szac, journaliste et réalisatrice de documentaires, revenue dans sa vie 22 ans après leur première rencontre.



" Vingt-deux

je suis resté vingt-deux ans sans te voir

et quand je t'ai retrouvée

c'est comme si j'étais rentré dans un autre alphabet"....



Lumière et mer, partage, voyages sont au coeur de cet élan d'amour impétueux , ce souffle ouvert sur le monde. L'amour comme une" géographie physique de la tendresse". D'ailleurs, plusieurs textes commencent par " Traverser avec toi le paysage"...



S'émouvoir avec la femme aimée est aussi essentiel. Outre les poèmes évoquant des êtres proches disparus, 22, c'est aussi l'âge, comme nous le rappelle Hélène Dorion dans sa belle préface, auquel Marianne Cohn, jeune résistante juive, est décédée. Elle était née aussi en 1922... Les mots qui lui sont consacrés sont fort émouvants. En voici un extrait:



" Marianne grande soeur petite soeur

morte à l'aube jour de shabbat

dans la forêt des hommes à l'âme pétrifiée



l'entends-tu cette parole qui monte de l'humus

pour vivifier ton âme et consoler la nôtre "



La beauté des paysages, l'ėmerveillement devant eux, s'accordent parfaitement dans ce recueil à l'intensité d'un bel amour généreux et fondateur. A découvrir!
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Voix vives de Méditerranée en Méditerranée

Une vingt-cinquième édition , faisant écho à un festival poétique des plus réjouissants, réunissant des auteur(e)s du monde entier. Jugez plutôt: 28 pays, 14 langues, 84 poètes !



La directrice du festival, Maïthé Vallès-Bled, écrit dans la préface , de facon si juste:" La poésie offre cet essentiel dont notre société contemporaine se préoccupe si peu. Un essentiel qui n'a d'autre nom que l'humain, dans toutes ses réalités, dans tous ces questionnements, dans sa quête permanente de dévoiler les choses qui nous entourent , celles qui nous traversent, celles qui nous habitent". Comme ce recueil correspond bien à cette idée d'humanité au coeur de tout, de fraternité, à travers les voix multiples qui se répondent!



Les textes tentent aussi de contrer ou "d'adoucir le grand fracas du monde". Ainsi, par exemple, cet extrait poignant de la française Claudine Bohi:



" Quand je serai plus grande

je partirai me battre



disait la petite fille

qui tremblait sous les bombes



quand je serai grande

je tuerai la mort"



Au-delà des conflits mondiaux, des combats intérieurs, de l'angoisse existentielle, le poète cherche la lumière, l'éclat de ce qui nous est offert, simplement. le libanais Salah Stétié l'exprime parfaitement:



" Tant de beauté tombée

Dans le temps inutile

Il faut la ramasser,

Mon coeur il faut l'aimer

La laver la parfaire

Comme une lampe utile

Dans la maison vidée".



Un recueil chaleureux, diversifié, où les mots et l'humain s'unissent, se consolent, transcendent le réel.





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Guerre à la guerre

Merci à Babelio, aux Éditions « Bruno Doucey » et aux auteurs de ces magnifiques textes qui à travers le temps nous prouvent que l’homme est un loup pour l’homme et un sacré enculé…



Du coup ça m'a inspiré...



"Poésie sel de mes émotions,

Noyés mes yeux de tous les mots qui s’y reflètent,

Balayant de gauche à droite la magie qui s’écoule de leurs courbes,

L’écriture trempée de mille sens, dans le silence de l’homme,

Qui panse une main couché sur le papier ses blessures

Aphorique de vérités qui pleure sa folie… "



"L’homme est un animal,

Qui sait pleurer,

Mais pas assez… "



"La peur fuse à vos oreilles,

Pan t’es mort,

La mère pleure..."



"Petit trou creusé,

Allongé dans les tranchées,

Ils t’ont enterré…"



"Haiku, mon cul,

Poésie ma bite,

Prose mycose,

A trainer sa bite dans un cul, tu peux te chopper des sales trucs… "



"Ils ont inventé la religion pour guérir la paresse de l’esprit,

Ils ont inventé le fanatisme pour justifier leur mépris,

Ils ont inventé la guerre pour festoyer leur bêtise... "



"A terre patriote, fuyez pauvre fous,

Le sang coule dans les ruines de plombs tombés au combat,

Courez, lâches, infâmes, crevés au fond de l’horreur des hommes..."



"Patriotes de mes couilles,

Assis sur le divin,

Je pleure mes enfants..."



"Bataille dans le sang,

Oreiller à plumes,

Les uns crèvent,

Les autres roupillent…"



"Dans les champs de blés se vente ma sérénité,

Dans les champs de bataille se répandent mes entrailles,

Vivants qui pleurent après les morts dans leur recueil,

Pendant que les morts gisent dans leurs cercueils,

La foi est gravée dans le bois de l’oublié…"



"Ils ont hurlé

Les femmes et les enfants d’abord,

Ils ont salué

Le bourreau de l’immonde,

Ils ont tiré

Dans la chair de l’innocence… "





Fallait que je termine mes conneries sur un truc plus positif :



"Ô dieu de tous les hommes, je n’ai ni couleur de peau, ni croyance

Avec une tête de cul certains diront, les gens pensent avec les yeux



Ô dieu de tous les hommes, je suis anonyme dans l’immensité de ton divan

J’implore ton pardon, j’ai perdu ton existence à l’adolescence,



Ô dieu de tous les hommes, tu avais oublié de me glisser mon égoïsme sous le sapin

Enculé de fils de pute m’ont pêché à l’esprit, Marie couche-toi là comme disait ma mère



Ô dieu de tous les hommes, j’ai trouvé ma croix dans la branlette,

Ma damnation sous les draps, plaisir divin à grogner comme le malin,



Ô dieu de tous les hommes, tu as écouté mes prières de branleur

Mes larmes pleurées, crachées sur les images de la déchéance,



Ô dieu de tous les hommes, j’étais obsédé par cette grâce de courbes

Mimés de mes mains, je salivais d’envie, jouissant moulé comme un con,



Ô dieu de tous les hommes, elle est apparue comme le sein sur mes lèvres

Belle à mes yeux, taillée dans la luxure, à damner les saints,



Ô dieu de tous les hommes, je l’imaginais bouffeuse de curiosité,

Elle est l’incarnation du cul et de la beauté,



Ô dieu de tous les hommes, merci pour toutes tes conneries..."



A plus les copains…
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Pierre Seghers : poésie, la vie entière

Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition Seghers au Musée du Montparnasse du 7 juillet au 7 octobre 2011 ; ce livre est à la fois un hommage, un souvenir et une rétrospective de la personnalité multiple de Pierre Seghers.

Toute une génération a vibrée avec lui en plébiscitant la célèbre petite collection carrée dans les livres de laquelle pour la première fois en France le lecteur pouvait disposer partout avec lui des paroles des chansons de Brel, Brassens ou Ferré...

C'est avec Louis Jou, architecte du livre et de la vie, rencontré en 1929 aux Baux-de-Provence que Seghers "s'ouvre à la poésie, à la littérature, au monde de l'imprimerie. Il attrape pour la vie, le virus de l'édition."

Son premier ouvrage, Bonne Espérance conquiert la critique, le 1er août 1939, André Fontanas écrit dans le Mercure de France "voici (...) qui est la marque probable qu'une oeuvre belle et d'essence plus profonde sera, un jour, réalisée par ce poète nouveau"

Preuves à l'appui, le critique cite

"Le bonheur d'aimer

est dans la bouteille

"Je dors et je veille"

Ah ! qu'il est amer

Le bonheur d'aimer.

Vient la guerre et le temps de l'engagement, se jouant de l'acronyme, il baptise sa revue, PC (les poètes Casqués) que l'on peut lire aussi Parti Communiste ou Poste de Commandement. A l'instar de Gabriel Celaya , il pense que "la poésie est une arme chargée de futur."

La censure de Vichy ne s'y trompera pas qui lui écrit "Toutefois, ces clins d'oeil complices au lecteur averti tendant à se multiplier, je me vois dans l'obligation d'en limiter les abus."

Dans une dédicace, Paul Eluard écrit : "A Pierre Seghers qui outrepassa avec désinvolture tout ce qui nous était permis,"

Le futur le portera en 1953, à publier Liberté j'écris ton nom de Paul Eluard illustrée par Fernand Léger.

L'ouvrage est riche en citations, dédicaces, photos et documents (lettres, cartes postales, couvertures des différentes collections dont la célèbre collection carrée).

Cocteau, Rimbaud, Lorca, Rilke, mais aussi Walt Whitman et Francis Jammes ainsi que Milosz, une double page (60 et 61) illustre le parti pris d'universalité de Seghers.

Innovateur génial, Pierre Seghers se lance dans l'édition de disques avec ce microsillon regroupant des poèmes d'Eluard dits par Gérard Philippe en 1958.

La collection autour du Monde s'ouvre aux poètes de la planète, Anna Akhmatova, Yannis Ritsos, Vinicius de Moraes pour n'en citer que trois.

Un titre de chapitre, "40 ans d'édition, 400 monographie" résume à lui seul la carrière flamboyante de Seghers.

Poésie, Musique, Cinéma, Politique se cotoient avec Les cousins (le roman tiré du film de Chabrol avec JC Brialy), Alain Robbe-Grillet par André Gardies et JF Kennedy par Maurice Werther.

Le lecteur des productions Seghers se voit proposer un regard complet sur son environnement, social politique et culturel, loin de l'information insipide des media de l'époque.

La dernière partie évoque l'auteur Pierre Seghers.

"Je suis celui

d'un seul moment qui durera toute la vie"

"un blé venu des sarcophages

né pour ensemencer et faire d'autres grains

du secret qui n'est rien, un homme, une misère"

Ecrit-il dans le poème Dis-moi, ma vie.








Lien : https://camalonga.wordpress...
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